Madame Elisabeth

Sur la route de l'exil, Vaudreuil écrit à Artois, le 17 septembre 1789  :


Vous avez de bien adorables soeurs et sûrement vous en sentez bien le prix . C'est un genre de sentiment bien doux que celui de la fraternité, quand on s'y livre avec abandon .  C'est une ressource assurée pour toutes les circonstances de la vie et les épanchements du coeur entre frère et soeur sont d'un charme inexprimable . Les intérêts sont presque toujours les mêmes . La gloire des uns fait la gloire des autres . Même sang les anime et une tendre union entre frère et soeur les honore tous . Voyez toutes les marques de tendresse que vous avez reçues de Madame Elisabeth depuis vos malheurs, on voit que la vertu approuve toutes les impulsions de son âme, quand elle s'abandonne à sa tendresse pour vous et que cette âme aimante est enchantée de trouver à la fois son devoir réuni au charme d'aimer son frère . Telle sera pour vous Mme la princesse de Piémont ( Vaudreuil est à Turin ).  Ses vertus et sa sensibilité vous en sont garants . Rappelez-vous, Monseigneur, ce que ma tendre amitié pour vous m'a inspiré cent fois de vous dire; que je vous répétais sans cesse que vous ne saviez pas jouir du bonheur d'avoir une soeur comme Madame Elisabeth . Le malheur a été pour vous une leçon plus sûre que le conseil d'un ami, et j'ai été témoin comme vous jouissez depuis votre départ de Versailles, des procédés touchants et de la tendresse de cette soeur adorable . Je voudrais bien qu'elle vous rejoignît et qu'elle fût dehors de cette terrible bagarre .  Méditez sur mon éloge de l'amitié fraternelle et votre coeur en saisira les précieux avantages et en goûtera les divines ressources .

Il était tendre cet homme là ! Ca n'est pourtant pas l'impression que j'en avais pourtant !

Il y avait souvent des accrochages entre lui et vous, chère Comtesse, il est vrai ... 

Ah non ! Pardon, je confonds avec Mercy !!! (Yen a qui disent "Eurêka" , moi c'est plutôt " à gaga " ! )

Citation :

Il y avait souvent des accrochages entre lui et vous, chère Comtesse, il est vrai ... 

Je veux bien que vous me disiez pourquoi ! Ca m'intéresserait de le savoir ! Merci !

Ils se disputèrent sûrement quant à déterminer le partage des faveurs royales par le truchement de Yolande. Dont ils devaient aussi disputer l'affection, voire l'influence...

Pour Mercy, c'est simple : l'ambassadeur était un beau s... . Normal donc que la comtesse Diane ne le supportait pas. 
D'autant qu'il la combattait de toutes ses forces dans l'esprit de Marie-Antoinette et avec efficacité auprès de Marie-Thérèse et Joseph II...

Plutôt qu'un beau salaud, c'était un fonctionnaire, zélé, borné, pleutre, avec tout ce que cela implique de servile ... du genre Faites ce que je dis, pas ce que je fais ( sur les bonnes moeurs ... ) .
Il servait l'Autriche, pas Marie-Antoinette .

À la Javert...
Après l'avoir manipulée pendant des années, quand Marie-Antoinette n'a plus servi à la politique autrichienne, il s'en est débarrassée sans le moindre remord. Je ne lui pardonnerai jamais.

N'oublions pas non plus que Mercy-Argenteau a piqué les 2 millions de livres de la liste civile, que Fersen lui avait remis avant la fuite. L'Autriche refusera, par la suite, de rembourser Fersen et la baronne de Korff des frais engagés afin d'exfiltrer la famille royale.

Bravo, belle mentalité !

Mercy pourrait faire de la politique en 2013 ! 

Bien à vous.

Je découvre ce portrait de Madame Elisabeth par Leclercq en Vestale :

Le connaissait-on déjà?

Bien à vous.

Oui, nous l'avons déjà vu ici.  Sûre puisque je l'ai dans mes dossiers. 

Moi, cela ne me dit rien...

Es-ce que c`est une fournaise qui y a côté d`elle ?
Fleurdelys

Qu'entendez-vous par fournaise ? Serait-ce d'un poêle que vous voulez parler ?

Je dirai plutôt un pot à feu ....

Un autel...

Citation :

Madame Elisabeth, Princesse Martyre, c'est pour moi une idée de la Restauration aussi qui n'est pas sans base historique, certes, mais cela la résume à ce qu'elle n'est pas seulement : elle était si sympathique, dynamique, sportive... Cette idée religieuse oublie ce vrai visage de la princesse.
Si Louis XVI est mort en martyr, alors pourquoi pas Marie-Antoinette?
Parler de martyre pour les uns conclue à admettre celui de la Reine.
Or la problématique est plus délicate ... surtout qu'une telle idée tendrait à rejoindre le point de vue de certaines idées politiques que j'abhorre !

Bien à vous.

Je suis tout à fait d'accord avec toi. Madame Elisabeth n'était certainement pas la sainte qu'on a voulu nous faire croire au XIXème siècle, avec son procès en canonisation toujours en attente. Avec les idées nauséabondes afférentes, que nous avons constatées sans vergogne le 16 octobre à Saint-Denis...
 
Pour Louis XVI, c'est plus difficile : ses dernières paroles font bien référence à son sang, à la France, etc. Et son testament n'est qu'un hymne à sa conception de la monarchie et surtout de la religion. Pas du tout chez Marie-Antoinette. Nous en ignorerions l'auteur, rien n'indique qu'il s'agit d'une reine de France qui meurt pour sa foi. Elle évoque bien ce dernier sujet, mais juste pour regretter qu'elle ne puisse connaître les derniers sacrements.
C'est vraiment frappant quand on compare les deux.

Je ne suis pas certain qu'Elisabeth était sympathique.  C'était une grosse réac. Elle était antisémite à mort et opposée par exemple à l'Edit de tolérance de Louis XVI, qui émancipe les Juifs. Elle l'écrit à Angélique de Bombelles, en des termes particulièrement durs si je me souviens bien. Madame Elisabeth la coïncée n'aimait pas Marie-Antoinette la reine de la mode et cette dernière le lui rendait bien (il est de toute façon impossible selon Lacan qu'une personne qui en déteste une autre soit aimée par cette dernière  ). Elles se sont pas mal pris le bec, ne l'oublions pas. Outre l'affaire de la dame de compagnie de Madame Elisabeth, que Marie-Antoinette a congédié en deux temps trois mouvements (elle était suspectée de préparer la fugue de Madame Elisabeth chez les carmélites), il y a eu bien sûr de grosses dissensions politiques. Madame Elisabeth n'en faisait qu'à sa tête avec les princes émigrés, qu'elle a beaucoup excités . Madame Elisabeth porte une part de responsabilité dans l'aveuglement et la folie des émigrés.
Certes, sur la fin, Marie-Antoinette et Madame Elisabeth se sont serrées les coudes (au Temple) mais ce n'est pas pour autant qu'elles s'aimaient. D'ailleurs, dans sa dernière lettre à Madame Elisabeth, Marie-Antoinette ne fait pas montre d'une affection débordante pour Madame Elisabeth, mais plutôt pour ses enfants et ses "amis".

vous savez que je n'existais que pour eux et vous, ma bonne et tendre sœur. Vous qui avez par votre amitié tout sacrifié pour être avec nous, dans quelle position je vous laisse !
J'espère qu'un jour, lorsqu'ils seront plus grands, ils pourront se réunir avec vous, et jouir en entier de vos tendres soins.
ils ne seront vraiment heureux que par leur union. Qu'ils prennent exemple de nous. Combien, dans nos malheurs, notre amitié nous a donné de consolations, et, dans le bonheur, on jouit doublement quand on peut le partager avec un ami ; et où en trouver de plus tendre, de plus cher que dans sa propre famille ?


Je ne sais pas ce qu'il te faut comme preuves d'affection.  D'autant qu'elle lui confie et ses enfants et ses dernières pensées !

Combien de frères et soeurs, très différents sur leur manière de vivre, leur vision politique, religieuse, morale, arrivent par amour fraternel à se retrouver, à s'entendre malgré tout ?

Marie-Antoinette dès son arrivée en France veut s'occuper de sa jeune petite soeur qui lui rappelle forcément sa nièce décédée quelques mois avant son mariage. Et elle adore les enfants ! On lui fait comprendre que non, qu'il vaut mieux qu'elle se lie avec madame Clotilde... A l'avènement, elle va pouvoir plus s'en préoccuper, parce que 1/elle est enfin considérée comme adulte ; 2/Madame Clotilde part ; 3/Madame de Marsan laisse sa place à madame de Guéménée qui est une de ses meilleures amies !
Si justement elle n'aimait pas sa petite soeur, pourquoi se serait-elle inquiétée de la voir entrer aux carmélites ?  Au contraire : bon débarras ! 
Pourquoi a-t-elle imposé des membres de sa coterie auprès d'elle ? Certes pour faire plaisir à ses amis, mais aussi pour la sortir de cette ambiance coincée !
En 1778, quand la princesse a enfin sa maison, en raison de la maternité de la reine, elle mène une vie très proche de sa belle-soeur :elles se rejoignent pour des promenades, à pied ou à cheval, pour des parties de pêche...
Mais surtout, Elisabeth a sa chambre au Petit Trianon !
Marie-Antoinette a voulu lui faire plaisir en lui apportant elle-même la nouvelle qu'elle devenait propriétaire de Montreuil !

Marie-Antoinette aura certes une dent contre ceux qui poussent sa soeur dans la dévotion mais au contraire, elle  remercie vivement ceux qu'elle considère comme de véritables amis, les Bombelles/Mackau (et d'autres aussi). Cette dernière aura par la suite la charge exclusive de sa propre fille, ce qui montre bien l'état de confiance que lui porte la reine.
Les petites disputes, les conflits, les mésententes, sont tout simplement ce qui se passent entre deux soeurs, très différentes de mentalité. Surtout entre une qui se pense l'aînée (et la reine !) et l'autre qui réclame son indépendance (et qui se croit sûrement plus intelligente...).
Hormis le comte d'Artois, avec qui d'autre de sa belle-famille, Marie-Antoinette va partager une grande partie de son quotidien ?
Qui fait-elle appeler au décès de madame Sophie ? Même pas madame de Polignac, mais bien sa petite soeur. Je recite : Combien, dans nos malheurs, notre amitié nous a donné de consolations, et, dans le bonheur, on jouit doublement quand on peut le partager avec un ami ; et où en trouver de plus tendre, de plus cher que dans sa propre famille ?

Certes, la Révolution va les séparer encore plus, exacerber leurs points de vue, mais j'imagine que dans de très nombreuses autres familles, les mêmes incompréhensions, disputes se retrouvent. Comme lors de beaucoup autres crises historiques. Il n'empêche, les liens du sang comptent toujours...
Malgré tout, malgré le mépris que madame Elisabeth laisse poindre dans ses lettres aux émigrés contre le roi et la reine, elle reste jusqu'au bout auprès d'eux.
Et franchement, peut-on oublier son geste courageux du 20 juin 1791 où elle laisse croire être la reine pour que celle-ci puisse être moins en danger ? 

Marie-Antoinette aurait-elle pu écrire cette admirable lettre à quelqu'un qu'elle n'aimait pas ? Marie-Antoinette aurait joué l'hypocrite dans les heures qui précèdent sa mort ?

Reinette a écrit:

Je ne sais pas ce qu'il te faut comme preuves d'affection.  

Mouais, ok... elle parle surtout de ses enfants dans cette lettre, et de ses amis.
Il est bien évident qu'elle ne va pas ignorer Madame Elisabeth et s'abstenir de lui adresser ne serait-ce qu'un seul mot gentil.
Et puis, à l'heure fatidique, les vieilles querelles peuvent paraître futiles.
Mais je maintiens qu'avant l'emprisonnement au Temple, les relations sont houleuses. Déjà avant la Révolution, il y a eu quelques disputes mémorables (dont celle sur la dame de compagnie virée par la reine). Marie-Antoinette se plaint ensuite (dans une lettre à Fersen je crois) de ce que sa "soeur" (Madame Elisabeth) est gouvernée par ses frères depuis l'étranger. Comme tu le sais, Madame Campan rapporte également dans ses mémoires les hurlements qui parfois émaillaient les soirées de la famille royale aux Tuileries.

Reinette a écrit:

D'autant qu'elle lui confie et ses enfants et ses dernières pensées !

Les enfants sont restés emprisonnés avec Madame Elisabeth (Louis-Charles est séparé de sa tante, certes, mais il se trouve dans l'enclos du Temple). Ce n'est pas tant Marie-Antoinette qui confie ses enfants à Madame Elisabeth.
C'est plutôt que les enfants n'ont plus personne pour veiller sur eux, à part Madame Elisabeth.
Madame Elisabeth est la seule personne de confiance qui reste à Marie-Antoinette sur le territoire français, la seule avec laquelle un vague semblant de relations ait été admis par la Convention (Madame Elisabeth a été autorisée à faire parvenir des vêtements à la reine emprisonnée à la Conciergerie). Il est donc naturel que Marie-Antoinette lui adresse ses dernières pensées (pensées qu'elle adresse en réalité surtout à ses enfants et ses amis).

Reinette a écrit:

Si justement elle n'aimait pas sa petite soeur, pourquoi se serait-elle inquiétée de la voir entrer aux carmélites ?  Au contraire : bon débarras ! 

Non la raison n'est pas là. Marie-Antoinette craignait semble-t-il les carmélites, foyer du parti dévôt hostile au parti autrichien, par le truchement de Madame Louise et de ses soeurs.

Reinette a écrit:

Pourquoi a-t-elle imposé des membres de sa coterie auprès d'elle ? Certes pour faire plaisir à ses amis, mais aussi pour la sortir de cette ambiance coincée !

Pour placer ses amis, pardi !  

Reinette a écrit:

Et franchement, peut-on oublier son geste courageux du 20 juin 1791 où elle laisse croire être la reine pour que celle-ci puisse être moins en danger ? !

Bien vu, tu as raison. Marie-Antoinette a certainement dû apprécier ce geste de Madame Elisabeth. Mais cela n'efface pas le fait que ce sont deux personnes très différentes. Et que ça n'a pas toujours été facile entre elles.

Reinette a écrit:

Marie-Antoinette aurait-elle pu écrire cette admirable lettre à quelqu'un qu'elle n'aimait pas ? Marie-Antoinette aurait joué l'hypocrite dans les heures qui précèdent sa mort ?

Je n'ai pas dit ça.   
A l'heure fatidique, Marie-Antoinette a oublié les vieilles querelles, que ce soit avec Madame Elisabeth ou avec d'autres.
Rappelle-toi qu'après la mort de Louis XVI, Marie-Antoinette écrit également un mot au comte de Provence, pour l'assurer de son amitié indéfectible, depuis la prison du Temple. Cela fait-il pour autant du comte de Provence, une des personnes les plus chères au coeur de la reine?... Elle a pardonné et oublié, un point c'est tout.

Tu n'aimes pas Madame Elisabeth, c'est ton droit.
Ce n'est pas une raison pour ignorer celle qu'elle était en intimité avec ses amies, et que j'appelle sympathique.
Celle que tu redoutes c'est la princesse politique conseillée par ses frères.

Bien à vous.

Le fait de n'être pas d'accord avec quelqu'un, ne veut pas dire qu'on ne s'apprécie pas...
Entre mon frère et moi, c'est le jour et la nuit, on a eu des disputes assez violentes sur certains sujets, mais on s'apprécie profondément, on ne changera d'avis ni l'un ni l'autre sur nos sujets de querelles, mais on continuera à s'aimer, parce que des liens forts entre nous existent dans d'autres domaines...

Je pense que ces disputes viennent de deux caractères forts, mais qui se respectent, et que comme dans toute relations, il y a des hauts et des bas.