Madame Elisabeth

Chou d'amour a écrit:

Ce n'est pas étonnant

C'est Robespierre qui a déploré je crois l'exécution de Madame Elisabeth non?

Autant Marie-Antoinette était détestée par le peuple donc son exécution n'a pas dérangé une majorité, mais Elisabeth c'est différent...par exemple y a-t-il eu de grandes acclamations juste après le passage de la lame, comme ça a été le cas pour Louis XVI et la Reine? :s:

A la suite de l'exécution de Madame Elisabeth, il faut savoir qu'elle avait été placée en dernier sur la liste pour être décapitée... et ainsi cruel délice révolutionnaire assister à la mort brutale des personnes de tout âge, de tout sexe et de toute condition l'accompagnant. Les révolutionnaires acharnés souhaitaient je crois la voir craquer... Louis XVI et Marie Antoinette étaient morts avec dignité et avaient gâché le "spectacle" des ardents détracteurs de la famille Royale. Avec Madame Elisabeth ils comptaient sur son âge et le choc émotionnel de la "boucherie" de l'échafaud...

Dès la sortie des charrettes de la Conciergerie, la foule criait et vociférait à son habitude... mais lorsqu'elle vit la frêle jeune fille en blanc , calme, un fichu sur la tête (dernière coquetterie pour cacher l'horrible coupe des condamnés) poussant ses "camarades de charrette à rester digne, dans la foi, calme et serein.... et bien cette même foule fit silence...

En fait beaucoup de personnes ne pensait pas que Madame Elisabeth était une menace en soi et sa condamnation a je pense marqué à sa manière une rupture révolutionnaire.

N'y avait-il pas la famille de Montmorin, dans cette même charrette ? sauf M. de Montmorin lui-même évidemment, puisqu'il avait été massacré déjà (à la manière du duc de Brissac). Je crois me souvenir que Calixte de Montmorin chantait pour accompagner ses compagons d'infortune qui gravissaient l'échafaud. La voix lui a manqué lorsque ce fut le tour de Mme de Montmorin.

D'ailleurs son procès est un bel exemple de mascarade révolutionnaire à son apogée ... très certainement le procès de trop.

Ce fut la section du Panthéon français qui demanda officiellement son procès et sa mort... "il est temps que la terre de la liberté cesse de nourrir ses plus mortels ennemis"... en faiut la terre de la liberté préférait s'arroser du sang de victimes innocentes...

Robespierre et le comité du salut public n'ont pas eu un rôle simple... 'une part satisfaire les exigences de la nation... et d'autre part trouver les moyens de discréditer la "sainte du temple" comme dit Monique de Huertas. Rien ne peut être prouvé et articulé contre elle, d'autant que personne n'y croirait... Madame Elisabeth n'est pas Marie Antoinette aux yeux des français.
On parle de dépenses, de "mauvaise vie", de ses diamants qu'elle fit passer à l'étranger, des mauvais traitements sur Louis XVII, de son art elle aussi de dissimulation... bref on cherche avant tout à la supprimer.

On l'extirpe du Temple, on la conduit à la Conciergerie où à son arrivée personne ne lui dit ce qui est advenu de la Reine... elle pensait être mis en cellule avec elle mais devant la gêne et le silence elle pensera que Marie Antoinette en tant que reine déchue est mise au secret...
Par contre on lui fait un premier interrogatoire proche de celui de la Reine... elle réfute tout et surtout le vol des diamants de la couronne intervenu alors qu'elle était en détention ... et c'est Chauveau Lagarde qui est nommé pour conseil pour Madame Elisabeth....

Petite parenthèse mais quand viendra le jour où un cinéaste audacieux offrira cette vie sur des écrans... tous les ingrédients y sont..

Elle occupera le cachot de feu son traître de cousin ce qui fera dire à Richard le gardien tout puissant que "voilà où ont reposé le vice et la vertu"...

Chauveau Lagarde ne put s'entretenir avec elle... on lui avait menti sur les dates... et fut surpris de retrouver le jour même Madame Elisabeth dans la salle du tribunal positionnée de façon à ce que l'on ne voit qu'elle... d'ailleurs sur 25 prévenus, l'attention du procès ne porte que sur elle. Une fille de France c'est rare dans ce temple de justice déraisonnée où les accusés ne peuvent même plus se défendre....

Ils iront même jusqu'à dire que Marie Antoinette avait déposé certains faits et qu'en les niant elle ment... doublement surprenant car depuis quand les révolutionnaires prennent ils pour parole d'évangile ce que dit Marie Antoinette, et surtout Elisabeth est intelligente ce que ne soupçonnaient pas les révolutionnaires... ainsi elle ne tombe pas dans le piège et répond un splendide "tous ces faits qui me sont imputés sont autant d'indignités dont je suis bien loin de m'être souillée".

Chauveau Lagarde , au regard de cette mascarade de procès aura une superbe plaidoirie... "Au lieu d'une défense je n'ai plus à présenter pour la citoyenne Elisabeth que son apologie"... ce à quoi Dumas rétorque "Vous corrompez la morale publique" ... on le voit juger et condamner madame Elisabeth était très dangereux car il n'y avait rien à articuler contre elle.

Quoiqu'il en soit elle est condamnée avec ses 25 compagnons de procès. Elle impressionne par son calme, sa douceur... elle ne s'effondre pas et donne l'exemple donc déjà le peuple voit que cette eéecution ne sera pas routinière...

On lui refuse le secours d'un prêtre et elle apprend enfin par une accusée le destin de Marie Antoinette... cela fait beaucoup pour cette jeune femme mais chose étonnante cela renforce sa conviction et sa force de caractère .

Elle encourage ses compagnons à la mort, à cette dure fatalité, elle rassure, elle écoute, elle conseille ... en un mot elle est le pilier psychologique de cette fournée pour l'échafaud. elle sauve madame de Serilly en la forçant à déclarer sa grossesse...

C'est son médecin et ami Dassy qui en la voyant dans la charrette parlera d'ange qu'on mène à l'échafaud... pour tout dire personne ne savait qu'elle allait mourir et je le répète un silence s'imposait lorsque la charrette passait. Les gens qui crient, en reconnaissant la condamnée se taisent car ils sont consternés.

Moelle déclare que "le peuple l'admire et ne l'insulte point"...

Pour répondre à votre question Madame de Sabran, il y avait Calixte de Montmorin (22 ans), madame de Montmorin sa mère, Charles de Lémonie, Charlotte de Lémonie, La Marquise de l'Aigle, Madame de Lamoignon, Georges Folappe, Marcel Letelliet....
Madame Elisabeth récitera à haute voix le De Profundis , Calixte de Montmorin criant "Vive le Roi" à chaque cris de Vive la république... suivi en cela par de jeunes co condamnés domestiques. En tout cas chaque condamné s'inclinera devant la princesse qui donne le baiser de paix à chacune des dames gravissant l'échafaud...

Pour finir je ne reviendrais pas sur l'exécution elle même, la dignité de la princesse et surtout la fameuse odeur de roses signe de martyr et de sainteté...

J'insisterai sur le silence de la foule durant sa montée des marches et sa mort... même pas de tambours le temps semble s'être arrêté...Le capitaine Macé devant donner le signal exécution tombe paralysé et en transe... et le peuple quittera la place en silence...

Cette mort édifiante et mystérieuse pousse à ordonner aux journaux de ne donner aucun détails.

Robespierre accusera Collot d'Herbois d'avoir voulu la mort de Madame Elisabeth, même Billaud Varennes y sera pour quelque chose.

Autant le procès fut expéditif et les réactions ne se firent sentir qu'à l'intérieur du pays... la consternation!

Autant l'Europe ne l'apprit que près d'une semaine après... Provence et Artois sont accablés même s'ils se doutaient de l'issue dramatique pour la vie de leur exemplaire sœur. Pour Provence "c'est de tous leurs crimes le plus inexpiable". Clotilde elle aussi est accablée de douleurs et de chagrin... Les émigrés sont sous le choc de la nouvelle et l'Europe coalisée compte une victime de plus dans la famille des Bourbons. Mais pas une victime comme les autres car là il prouve la folie qui règne en France. Et Napoléon de conclure à son habitude:

"et celle là pourquoi l'avoir conduite à l'échafaud? Louis XVI ne le méritait pas, mais elle!"

Ah, la révolution française et son cortège de victimes innocentes...

Merci pour ce récit, Monsieur de Castelnau.

C'est l'abominable pacte de sang entre la Révolution et la Nation. Pourtant le peuple n'était pas un monstre assoiffé de sang ! Qui réclamait tant de crimes ?

Le peuple, on l'a chauffé dès avant la révolution, en l'abreuvant de slogans et de vin. Le peuple s'était déjà transformé en hydre qui pendait des innocents dans les rues et coupaient les têtes au couteau.

C'est triste à dire, mais une foule... suit... C'est une triste réalité historique qui se répète jusqu'à nos jours.

Les égorgeurs sont une poignée de forcenés. Je ne crois pas que la foule suive; je crois qu'elle sue la peur et se tient coite. Mais "qui ne dit mot consent".
Encore que, les mémoires de Manon Roland décrivent des gradins de spectateurs pour les massacres de Septembre exécutés par des tueurs stipendiés par le pouvoir en place.

Merci Monsieur de Castelnau pour toutes ces informations

C'est vrai que si le procès de Marie-Antoinette a été une mascarade du fait du manque total de preuves, celui d'Elisabeth a dû être encore plus honteux.
Marie-Antoinette avait déjà une mauvaise réputation, donc sans les preuves ils ont pu utiliser des ragots, mais pour Elisabeth il faut avouer que même les ragots ne fusaient pas :s:

Cela dit, les révolutionnaires n'en étaient plus à ça près, et effectivement la foule espérait peut-être que la frêle et pieuse Elisabeth craque sur l'échafaud, seulement c'est oublier que justement la religieuse qui était en elle avait la conscience tranquille tout comme sa belle-soeur

Sa mort ne servait à rien c'est clair, encore moins que celle de Marie-Antoinette, mais je crois que ça a justement fait débat au sein du Comité :s:

Citation :

Les égorgeurs sont une poignée de forcenés.  Je ne crois pas que la foule suive; je crois qu'elle sue la peur et se tient coite.  Mais "qui ne dit mot consent".
Encore que, les mémoires de Manon Roland décrivent des gradins de spectateurs pour les massacres de Septembre exécutés par des tueurs stipendiés par le pouvoir en place.

Je suis assez pessimiste, en ce qui concerne les mouvements de foule. L'agressivité qui s'est manifestée lors de journées d'octobre, du 20 juin, du retour de Varennes... en sont de bien tristes preuves. L'odeur du sang excite les pires passions, je le crains...

Oui, il ne suffisait de pas grand chose pour exciter toute une foule....un Desmoulin racontant n'importe quoi, le renvoi d'un ministre...la foule avait besoin d'être menée, mais une fois lancée elle restait très dangereuse :s:

Bien je je trouve la mort de Madame Elisabeth inutile et injuste, cet "ange de pureté" ne m'attire pas, pas plus que Madame Royale ,Duchesse d'Angoulême; alors celle là !!! : :et la cerise sur le gâteau: le Comte de Provence

Ah quant à moi j'avoue fortement apprécier Elisabeth du temps de la révolution, celle qui a été solidaire jusqu'au bout de la famille royale, celle qui donnait des leçons de mathématiques à sa nièce, et celle qui a su lui inculquer les valeurs qui la sauverons par la suite dans sa captivité
Elle n'a pas non plus hésité à s'engueuler avec Marie-Antoinette à propos de politique, preuve qu'elle avait du caractère et qu'elle assumait ses idées, j'aime ça

Ben, elle devait pas être facile à vivre... Elle avait réussi à faire de la vie de Marie Antoinette un enfer !

Comment ça un enfer?

Elle avait sans doute des qualités, mais elle n'est pas ma tasse de thé et disons qu'elle ne fait pas partie de mon Panthéon et je me méfie toujours des personnes confites en dévotion, elles sont rarement meilleures que les autres !! C'est mon avis bien sur, mais sa mort était , je me répéte, absurde et vraiment inutile, comme celles de beaucoup d'autres itou à cette époque troublée. Bien à vous

Citation :

Comment ça un enfer?

C'est ce que Marie Antoinette écrit à Fersen, elle dit que son intérieur est un enfer, aux Tuileries, à cause d'Elisabeth. C'est au moment où Elisabeth ne jurait que par Artois et les radicaux.

Ah ok je vois

Ben oui, Marie-Antoinette était d'un naturel très prononcé et très fort aussi, j'imagine bien les clashs entre elles
Mais ça n'a pas dû trop dériver pour autant, car elles se sont néanmoins soutenues, et Elisabeth est restée jusqu'au bout. De plus, n'oublions pas que le si beau testament de Marie-Antoinette lui était destiné

C'était au moment où Marie-Antoinette conjurait Léopold de ne pas écouter Artois, ni Jules de Polignac (son porte-parole), ni les émigrés de tout poil ... mais seulement Bombelles et Breteuil ...

Oui, elle appréciait Elisabeth, c'est certain. Elle avait beaucoup de sympathie pour elle lorsqu'elle était enfant, déjà. Par la suite, il a dû y avoir des moments plus sombres... De la part d'Elisabeth aussi, d'ailleurs. Elle n'est pas toujours très tendre avec sa belle soeur, parfoi même perfide, quand elle précise qu'elle se déplace en voiture, "comme les vieilles gens"... pas très sympa...

Citation :

C'était au moment où Marie-Antoinette conjurait Léopold de ne pas écouter Artois, ni Jules de Polignac (son porte-parole), ni les émigrés de tout poil ... mais seulement Bombelles et Breteuil ...

Elisabeth s'est montrée très maladroite, à ce moment délicat...

Chou d'amour a écrit:

Ah ok je vois

Ben oui, Marie-Antoinette était d'un naturel très prononcé et très fort aussi, j'imagine bien les clashs entre elles
Mais ça n'a pas dû trop dériver pour autant, car elles se sont néanmoins soutenues, et Elisabeth est restée jusqu'au bout. De plus, n'oublions pas que le si beau testament de Marie-Antoinette lui était destiné

Bien sûr, Marie-Antoinette adresse cette dernière lettre-testament à la dernière personne qui puisse encore veiller sur ses pauvres enfants dans leur captivité, leur donner de la tendresse .

Une personne dont la tendresse pour ses enfants a fait ses preuves, déjà.

pimprenelle a écrit:

Elisabeth s'est montrée très maladroite, à ce moment délicat...

" C'est un enfer que notre intérieur, il n'y a pas moyen d'y rien dire, avec les meilleures intentions du monde. Ma soeur est tellement indiscrète, entourée d'intrigants et surtout dominée par ses frères au-dehors, qu'il n'y a pas moyen de se parler, ou il faudrait quereller tout le jour."

Merci !   Je n'avais pas mon petit Lever sous la main ! Je suis bien contente de relire cette citation !