Madame Elisabeth

Mais je pense que malgré ses disputes, la présence même de sa belle soeur faisait du bien à Marie-Antoinette, car ça la soulageait des charges quotidiennes, et bien sûr elle avait ainsi quelqu'un qui partageait son malheur

Elle écrit à son frère le 31 août:
" Si l'Empereur soutenait les émigrants on cesserait de croire à la bonne foi du Roi qu'on ne supposera jamais disposé à faire la guerre à son beau-frère; si l'Empereur soutenait les émigrants, cet équilibre de forces engagerait à une guerre horrible et atroce, où la dévastation et le carnage seraient sans bornes ... Si l'Empereur soutenait les émigrés, si seulement ils pouvaient l'espérer, ils se livreraient aux plus folles et aux plus coupables espérances, car ils sont moins attachés au Roi qu'à leur propre cause."

C'est Elisabeth qui a écrit cela?

Non, Chou ! C'est Marie-Antoinette qui écrit à Léopold, bien sûr. J'aurais dû le préciser.

Ah ok je comprends mieux, car le contenu de l'écrit représente bien les idées de Marie-Antoinette et non celles d'Elisabeth

Cette dernière citation de la Reine est d'une justesse incroyable par rapport aux émigrés...Même les Girault de Coursac ne pourraient pas renier ces propos !

Elisabeth était impulsive et coléreuse de nature (même si elle a réussi à se dominer par la suite) et quant aux "vieilles gens" qui se promènent en voiture...Allusion charmante à sa belle-soeur... , ça sonne tellement moderne et contemporain ...On dirait une ado rebelle face aux générations qui la précèdent -même de peu - !

L'ambassadeur d'Espagne Las Casas écrivait le 31 juillet au comte d'Antraigue:
" Mme de Polignac dit qu'il est impossible que la Reine intrigue pour ménager des accomodements (...) . On a ici des rapports. Les princes en ont aussi par Madame Elisabeth."
Donc effectivement, non contente de contrer Louis XVI et Marie-Antoinette, Madame Elisabeth fait passer, en douce, les informations qu'elle peut, à ses frères émigrés.

Nous nous souvenons que, dans un autre sujet est évoqué le double jeu d'Antraigues, espion à la solde des royalistes.
Vaudreuil écrit à Artois :
" Je viens de recevoir une lettre du comte d'Antraigues ... Il faut que vous sachiez d'abord qu'il a un de ses amis, très bien pensant, qu'il a engagé à rentrer au club Jacobite, qui y fait l'enragé, et qui lui rend compte de tout ce qui s'y passe: On parle beaucoup de toute une ligue formidable entre presque tous les souverains d'Europe. Ces propos causent d'étonnantes terreurs ... M. d'Orléans se leva, tira une note qu'il dit être écrite en anglais, et en lut des lambeaux, où l'on annonçait une coalition entre l'Espagne, l'Empereur, la Suisse, la Prusse, la Savoie et toute l'Allemagne pour rétablir l'aristocratie en France..."

Madame Elisabeth est un vrai petit soldat, courageux, va-t-en-guerre et fonce-dans-le-tas. Elle soutient de tout son coeur son frère dissident Artois.
" Il y avait du guerrier dans cette jeune-femme qui devait mourir en héros, dans cette douce fille de Dieu, égarée sur les marches d'un trône.", écrivent les frères Goncourt. Et rien n'est plus vrai, puisque c'est elle-même qui écrit à sa grande amie "Bombe" (Angélique de Bombelles, née Mackau):
" Je regarde la guerre civile comme nécessaire. Premièrement parce que je crois qu'elle existe (déjà), parce que toutes les fois qu'un royaume est divisé en deux partis, toutes les fois que le parti le plus faible n'obtient la vie sauve qu'en se laissant dépouiller, il est impossible de ne pas appeler cela une guerre civile. De plus, l'anarchie ne pourra jamais finir sans cela: plus on retardera, plus il y aura de sang répandu ."

Comte d'Artois a écrit:

Elle avait sans doute des qualités, mais elle n'est pas ma tasse de thé et disons qu'elle ne fait pas partie de mon Panthéon et je me méfie toujours des personnes confites en dévotion, elles sont rarement meilleures que les autres !! C'est mon avis bien sur, mais sa mort était , je me répéte, absurde et vraiment inutile, comme celles de beaucoup d'autres itou à cette époque troublée. Bien à vous

"Confite en dévotion", certes, (et ce n'est pas mon truc non plus), agneau du Seigneur tant que vous voudrez, mais pas agneau bêlant sous le couteau de Calchas ... non ! Mme Elisabeth était une sacrée bonne femme, et qui vous adorait, Comte !

Citation :

 Mme Elisabeth était une sacrée bonne femme

Je la comparerais bien à Emmanuelle Devos, qui a un sacré tempérament dissimulé par une apparente tempérance  


Bien à vous.

Tiens, oui !

cecile a écrit:

Cette dernière citation de la Reine est d'une justesse incroyable par rapport aux émigrés...Même les Girault de Coursac ne pourraient pas renier ces propos !

Elisabeth était impulsive et coléreuse de nature (même si elle a réussi à se dominer par la suite) et quant aux "vieilles gens" qui se promènent en voiture...Allusion charmante à sa belle-soeur... , ça sonne tellement moderne et contemporain ...On dirait une ado rebelle face aux générations qui la précèdent -même de peu - !

C'est vrai que je n'avais pas envisagé les choses sous cet angle... le côté ado... bon, admettons que ce soit une excuse...

Mais quelle excuse Elisabeth a-t-elle pour se montrer aussi imprudente, lorsqu'elle monte un code avec son gardien au temple, lorsqu'elle continue à communiquer avec l'extérieur et met la vie de tout le monde en danger ?

Merci pour les citations que vous nous postez... Je ne m'en lasse pas, c'est toujours un bonheur de les lire...  

Le gros problème des citations ... c'est de les retrouver, dans la bibliographie tentaculaire que nous avons tous !

Très intéressant en effet merci

Elisabeth était à fond derrière son frère, s'en est touchant je trouve, même si personnellement je serais plus d'accord avec les idées de Marie-Antoinette (nan c'est pas hasard )...

C'est clair qu'elle faisait prendre de gros risques à tout le monde avec ses communications vers l'extérieur, mais bon...Marie-Antoinette en prenait tout autant de son côté, surtout quand elle divulguait les plans des armées républicaines à l'Autriche. De ce point de vue, ces deux belle-soeurs se ressemblaient

Elle n'avais qu'à me suivre en exil , surtout que c'est moi qu'elle aimait le plus. Je n'ai pas compris sa décision de rester, pour son malheur!!!

Chou d'amour a écrit:

C'est clair qu'elle faisait prendre de gros risques à tout le monde avec ses communications vers l'extérieur, mais bon...Marie-Antoinette en prenait tout autant de son côté, surtout quand elle divulguait les plans des armées républicaines à l'Autriche. De ce point de vue, ces deux belle-soeurs se ressemblaient

Je ne suis pas tout à fait d'accord avec ça. Marie Antoinette communiquait avec Mercy et Fersen, deux personnes au-dessus de tout soupçon de traîtrise. Elisabeth n'avait pas ces exclusives, elle écrivait et parlait assez inconsidéremént.

En transmettant les plans à Mercy, Marie Antoinette a-t-elle joué cavalier seul ? Ou agissait-elle en émissaire occulte du roi, comme semble le penser Félix ? La question est toujours en suspens...

De toute façon, à ce moment-là, la guerre était déclarée. La situation est donc tout à fait différente que lorsqu'Elisabeth prenait ouvertement le parti des émigrés, alors que les souverains essayaient des tractations avec l'assemblée. Elisabeth jouait donc contre eux.

Cela dit, elle n'avait peut-être pas tout à fait tort... et l'option Artois était peut-être préférable aux horreurs qui attendaient la famille royale et la France entière...

C'est tout à fait cela, Chou ! Elles sont des battantes !

Marie-Antoinette écrit à Léopold (juste avant l'équipée de Varennes):
" Les sentiments du Comte d'Artois nous sont chers, mais nous croyons que toute démonstration manifeste ou entreprise quelconque, tant que nous serons dans Paris, nous exposerait d'une manière effrayante. ( ... ) Nous n'aurions point de secrets pour M. le Comte d'Artois s'il n'était entouré de M. de Calonne et M. le prince de Condé, dans lesquels nous n'aurons jamais de confiance. D'après cela, vous sentez, mon cher frère, combien il est intéressant de ne pas communiquer au comte d'Artois ce que nous vous mandons."

Elle écrit à Artois, le 20 mai:
" J'ai vu avec beaucoup de peine, mon cher frère, ce que vous me dites de mon prétendu manque de confiance. Non, mon cher frère, nous sommes loin d'avoir cessé de vous regarder comme le meilleur de nos parents. Vous dites que notre intérêt exigerait que vous fussiez plus instruit; mais à quoi bon nos confidences, si vous vous refusez à complaire aux désirs que nous vous avons si vivement exprimés, et qui sont si confidentiels ?
Je vous répète qu'il est tout à fait dans l'intérêt du salut de votre frère que vous vous sépariez de M. de Condé. Les armements des émigrants sont ce qui irrite le plus autour de nous, et tant qu'il en sera ainsi, les affaires ne pourront pas prendre une meilleure tournure; les plus honnêtes gens ont horreur de la guerre civile, et les méchants qui ont un si grand intérêt à tout envenimer poussent des cris affreux qui menacent d'une catatrophe.
Je vous en conjue, mon cher frère, réfléchissez à ce que je vous écris, à ce que vous a écrit le Roi. Ce que vous ferez de contraire nous causera un véritable désespoir ...
Adieu, je vous aime de tout mon coeur."

A la lecture de cette lettre déchirante, on comprend comment les affrontements entre Marie-Antoinette et Madame Elisabeth pouvaient faire de leur intérieur un enfer !!!

Comte d'Artois a écrit:

Elle n'avais qu'à me suivre en exil , surtout que c'est moi qu'elle aimait le plus. Je n'ai pas compris sa décision de rester, pour son malheur!!!

Vous ne le lui avez pas proposé. Vous êtes parti comme un pet sur une toile cirée, avec votre Vaudreuil, le prince de Hénin et quelques autres gentilshommes. Vous n'avez pas demandé votre reste. Il y avait urgence, souvenez-vous ! Cela sentait le roussi ! Et puis, vous ne pensiez pas partir pour des années ; vous imaginiez attendre quelques mois le retour au calme et rentrer au bercail sans encombre ...

Je reconnais qu'elle était courageuse, vous avez raison, une battante , on ne peut pas le lui enlevé, mais pouvez vous me dire pourquoi elle ne m'a pas suivi en exil; alors qu'elle était pour les immigrés.J'avoue ne pas trop comprendre sa décision.Merci d'éclairer ma lanterne si j'ose dire. Bien à vous

Vous êtes dur avec moi madame, elle ne me l'a pas demandé non plus.Je ne pensais qu'à Louise sans doute.

Comte d'Artois a écrit:

Je reconnais qu'elle était courageuse, vous avez raison, une battante , on ne peut pas le lui enlevé, mais pouvez vous me dire pourquoi elle ne m'a pas suivi en exil; alors qu'elle était pour les immigrés.J'avoue ne pas trop comprendre sa décision.Merci d'éclairer ma lanterne si j'ose dire. Bien à vous

Mais tout simplement parce qu'elle n'était pas "persona non grata" comme vous qui aviez tellement mauvaise presse et dont la tête était mise à prix.    Madame Elisabeth n'avait pas, à ce moment là, de raison de fuir la haine populaire que vos amis Polignac, ma petite Yolande surtout, et vous-même déchaîniez !
Mais je ne suis pas dure avec vous.  Je vous passe tout au contraire.   J'ai beaucoup de tendresse pour vous, même si je déplore votre manque de sens politique. Je vous sais, sous des dehors frivoles, quelqu'un de bien, de droit.   Vous êtes la générosité même ! ... et la séduction même,  avec votre mètre soixante-seize, votre jambe bien tournée, vos yeux francs :  Louise est tombée les pattes en croix  et comme on la comprend !

C'est vrai madame, vous avez raison je suis tout cela, frivole, futile, dépensier et j'en passe ,mais Elisabeth n'avait qu'à partir avec nos tantes qui voulaient la prendre avec elles, et là non plus, elle n'a pas voulu.

Elle n'aurait abandonné son frère, sa belle-soeur et les enfants, pour rien au monde !!!
Elle avait le sens du devoir chevillé au corps... et puis, tout simplement, elle les aimait.