témoignage de l'exécution 21 janvier Dr PINEL

Voici le témoignage d'un témoin occulaire, le docteur Pinel, présent au moment de l’exécution du 21 janvier 1793 ( bien malgré lui enrôlé dans sa section) et qui raconte à sa famille en province, non seulement ce qu’il a vu mais aussi le climat de terreur qui règne alors sur Paris, .

Il s’agit d’un courrier de famille que j’ai retrouvé dans un vieux bulletin de l’association Louis XVI et qu’un des membres de l’association avait confié à celle-ci pour publication en 1986 :




« Paris le 21 janvier 1793,




Je ne doute pas que la mort du Roi ne soit racontée diversement suivant l’esprit de parti et qu’on ne défigure ce grand évènement, soit dans les journaux, soit dans les bruits publiés de manière à défigurer la vérité : comme je suis ici à la source et qu’éloigné par principe de tout esprit de faction j’ai trop appris le genre de cas qu’il fallait faire de ce qu’on appelle « aura populis » [souffle populaire], je vais te rapporter fidèlement ce qui est arrivé.

C’est à mon grand regret que j’ai été obligé d’assister à l’exécution, en armes avec les autres citoyens de ma Section, et je t’écris le cœur pénétré de douleur et dans la stupeur d’une profonde consternation.

Louis qui a paru entièrement résigné à la mort par des principes de religion est sorti de sa prison du Temple vers les 9 heures du matin [en fait à 8 heures] , et il a été conduit au lieu du supplice dans la voiture du maire avec son confesseur et deux gendarmes les portières fermées : arrivé près de l’échafaut (sic) , il a regardé avec fermeté ce même échafaut et dans l’instant le bourreau a procédé à la cérémonie d’usage, c'est-à-dire qu’il lui a coupé les cheveux qu’il a mis dans sa poche, et aussitôt Louis est monté sur l’échafaut ; le roulement d’un grand nombre de tambours qui se faisaient entendre et qui semblaient apportés pour empêcher le peuple de demander grâce a d’abord été interrompu par un geste qu’il a fait lui-même comme voulant parler au peuple assemblé ; mais à un autre signal qu’a donné l’adjudant du général de la garde nationale, les tambours ont repris leur roulement en sorte que la voix de Louis a été étouffée et qu’on n’a pu entendre que quelques mots confus : comme : je pardonne à mes ennemis.

Mais en même temps il a fait quelques pas autour de la fatale planche où il a été attaché, comme par un mouvement volontaire ou plutôt par une horreur si naturelle à tout homme qui voit approcher sa fin dernière ou bien par l’espoir que le peuple demanderoit sa grâce, car quel est l’homme qui n’espère pas jusqu’aux derniers moments.

L’adjudant du général a donné ordre au bourreau de faire son devoir et dans l’instant Louis a été attaché à la fatale planche de ce qu’on appelle la guilotine (sic) et la tête lui a été tranchée sans qu’il ait eu presque temps de souffrir, avantage qu’on doit du moins à cette machine meurtrière qui porte le nom d’un médecin qui l’a inventée. Le bourreau a aussitôt retiré la tête du sac où elle s’engage naturellement et l’a montée au peuple.




Si on se livre à des considérations politiques, on voit bien d’un autre côté dans quel abîme de maux peut nous plonger un jugement aussi illégal et aussi précipité, tandis qu’il paraît que la majorité de la nation aurait seulement voté pour la réclusion. Si tu connaissais comme moi tous les ressorts perfides que les méchans (sic) font mouvoir pour entraîner dans le piège les députés des départements qui arrivent ici sans expérience, si tu pouvais comme moi te former une idée des astuces perfides, de l’audace imprudente et effrénée avec lesquels (sic) se montre le crime dans les tems (sic) de révolution et de trouble, en vérité tu serais à jamais dégoûté de vouloir te mêler d’aucune affaire politique.

Tu sais que dans les premiers tems de la révolution, j’ai eu aussi cette ambition ; mais ma vie ainsi que celle de mes confrères a été tellement en danger lors même que je ne demandais que la justice et le bien du peuple, j’ai connu une si profonde horreur pour les clubs et les assemblées populaires que je me suis depuis cette époque éloigné de tous les postes publics qui ne se rapportent point à ma profession de médecin. Quelqu’un m’a dit que j’ai failli être nommé à l’assemblée nationale, ah ! que tu dois te féliciter que d’être loin de cet effrayant tourbillon qui menace d’engloutir tout ce qui s’y présente.

En qualité de médecin et de philosophe habitué à méditer sur les gouvernements anciens et modernes, et sur la nature de l’homme, je ne prévois qu’anarchie, que factions, que guerres désastreuses, même pour les vainqueurs et certainement je connais bien maintenant ce pays-cy, et toute la valeur de tant de pygmées qui font un si grand bruit.

Adieu, je t’estime heureux d’être dans la campagne et de n’avoir pas l’âme abreuvée de tant d’amertume par le spectacle des factions et des lourdes intrigues et par des pressentiments des plus noirs et les plus mélancoliques. Adieu.

Dis mon amitié à mon père, mon frère, ma belsœur (sic), ma femme qui se porte bien se joint à moi.




Un député a été assassiné hier pour avoir voté hier pour la mort du Roi.




(texte donné dans sa version originale).

https://www.dailymotion.com/video/x18rp7_cortege-21-janvier-nantes2_politics

Un grand merci pour la lettre de ce docteur; émouvante aussi et tristement réaliste.
Et je suis allée sur Dailymachin que vous mettez en lien; les hommages et les commémorations et l'extrait d'un film formidable sur le roi et la reine;
Sans doute tous vous connaissez mais moi j'ai découvert et j'ai trouvé ces extraits de vie drôlement bien fait.
Le tout début du film montre le vrai visage de la reine presque comme en réel ! impressionnant.
Bref, tout ça m'a drôlement plu.
Merci encore.

Très beau texte ! Merci, Cécile !

Voilà qui tord le cou au bruit qui court, disant que le bourreau aurait dû s'y reprendre à plusieurs fois. Ouf !

Je suis très touchée par le passage qui rapporte qu'il a fait quelques pas sur l'échafaud avant d'être attaché. Une lueur d'espoir ? Comme ce regard que Marie Antoinette aurait passé au-dessus de la foule ?

pimprenelle a écrit:

Très beau texte ! Merci, Cécile !

Voilà qui tord le cou au bruit qui court, disant que le bourreau aurait dû s'y reprendre à plusieurs fois. Ouf !

J'ai pensé exactement la même chose que toi, Pim !!!
Quelle est la source de cette autre rumeur ? Je l'ai lue aussi, mais je ne me souviens plus sous la plume de qui .

Je ne sais plus trop non plus... Il me semble me souvenir d'une version assez désobligeante qui disait que le cou de Loulou était trop épais.

Oui, quelque chose comme ça ...

pimprenelle a écrit:

Il me semble me souvenir d'une version assez désobligeante qui disait que le cou de Loulou était trop épais.

J'ai lu ça aussi : et Louis aurait hurlé lors du moment fatal...

Bien à vous.

Oui , Majesté ! Nous en avons parlé très récemment ! Peut-être ce cri a t-il été couvert par le roulement des tambours ?

Merci Cécile pour ce témoignage précieux.
Majesté, Pimprenelle , ne cherchez plus. J'avais posté sur le fil le sang des Bourbons de Marie-Hélène Baylac ce qu'elle racontait, à savoir que le bourreau avait dû s'y reprendre à deux fois et que Louis avait poussé un cri affreux au moment du coup fatal.

Louis a parlé, ses dernières paroles sont consignées, il a dit qu'il était innocent des crimes dont on l'accusait et qu'il espérait que son sange ne retomberait pas sur la France. Sa voix a été couverte par des roulements de tambours, qui enflaient à dessein.

Madame de Chimay a écrit:

Merci Cécile pour ce témoignage précieux.
Majesté, Pimprenelle , ne cherchez plus. J'avais posté sur le fil le sang des Bourbons de Marie-Hélène Baylac ce qu'elle racontait, à savoir que le bourreau avait dû s'y reprendre à deux fois et que Louis avait poussé un cri affreux au moment du coup fatal.

Ah ! C'est donc cela dont nous nous souvenions tous . Merci, Princesse !

Je pense que le Roi a hurlé au moment qu'on lui a mis la lunette, car elle lui a pincé la peau du cou.

J'ai la copie du rapport écrit par le président de l'AMA, alors je vous citerai quelques extraits. Cela ne s'est pas passé avec autant de calme qu'on le pense.

Il semble que le Roi s'est arraché des mains de ses bourreaux afin de parler au peuple, et s'est penché du balcon de l'échafaud. Je pense qu'il fut réellement en colère à cet instant-là. Ce fut un homme surprenant...a gentle giant!

Qu'il a dû regretter tous ces moments d'indécision à cet instant-là, devant cette bascule.

Très beau texte Cécile

sauf que le "coup du cou trop épais" n'est évoqué ni dans le Moniteur, organe officiel qui aurait été ravi de pimenter le commentaire du spectacle, ni dans les chroniques révolutionnaires, , ni dans les témoignages des jacobins présents : à commencer par Hébert, pourtant friand de ce genre de détail ni dans le témoignage du bourreau Samson, aux premières loges pourtant....
Ce cri semble sorti de l'imaginaire...
Le docteur Pinel, comme médecin, l'aurait sûrement noté...
Par contre, les gens qui se sont précipités pour tremper mouchoirs et bras dans la bassine du bourreau, là , c'est un fait avéré...Certains se sont mêmes rougis la face avce ce sang tout frais de " tyran"...Pays civilisé...

Je suis d'accord avec vous, Cécile. La sobriété des rapaces tels qu'Hébert atteste de la dignité du moment.

cecile a écrit:

Par contre, les gens qui se sont précipités pour tremper mouchoirs et bras dans la bassine du bourreau, là , c'est un fait avéré...

La bassine ? Est-ce que ce n'est pas dans un panier que les têtes tombaient ?
M'est avis que le sang giclait tout droit, partout . Il ne coulait pas dans une bassine .

le comte axel a écrit:

Très beau texte Cécile

et triste ...

Merci chère Cécile!

Louis XVI est à l'honneur et ça fait plaisir!

Euh ... en même temps, Chou, c'est un peu le calendrier qui veut cela !

Chou d'amour a écrit:

Merci chère Cécile!

Louis XVI est à l'honneur et ça fait plaisir!

Ils ont fait un sujet hier au JT de la RTBF. Hélas, les journalistes ont tourné ça réac. Le duc de Paris, pourtant, n'avait pas mordu à leur hameçon cousu de fil blanc, qui leur avait répondu qu'il venait se recueillir pour Louis XVI. J'ai beaucoup aimé sa réponse pleine de sobriété. Parce que, c'est ça, le 21 janvier. Le souvenir du martyr de ce pauvre Louis. Pas une fête royaliste.

C'est déjà bien que la RTBF en parle, car en France ça reste rare je crois....

Citation :

Euh ... en même temps, Chou, c'est un peu le calendrier qui veut cela !          

Oui mais justement, cette date pourrait être oubliée  

Chou d'amour a écrit:

C'est déjà bien que la RTBF en parle, car en France ça reste rare je crois....

C'est ce que je me disais quand le reportage a commencé. Mais je n'ai pas tardé à déchanter, vu le ton qu'il prenait. Le journaliste ne semble connaître qu'un type de pélerins du 21 janvier, le royaliste, et, pire encore, qu'un type de royaliste, celui de l'action française.

D'accord...le gros préjugé classique quoi

Déplorable, de la part de journalistes.

Surtout pour des journalistes appartenant à une monarchie non?