yann sinclair
Nombre de messages : 26262 Age : 66 Localisation : Versailles Date d'inscription : 10/01/2016
| Sujet: 21 janvier 1793: Témoignage de Léon Du Fresne Dim 20 Jan - 19:52 | |
| Témoignage de Léon Du Fresne, républicain modéré (dans son Journal) :
"Ce matin du 21 janvier 1793, Paris s'est réveillé au milieu d'un formidable déploiement de forces. Tous les sectionnaires et les fédérés forment, du Temple à la place de la Révolution (actuelle place de la Concorde, ndlr) une double haie. Sur la place même, vingt mille hommes montent la garde, l'arme au pied. La ville semble retenir son souffle. Le Conseil général du département a ordonné la fermeture des barrières, on ne peut plus entrer dans Paris ni en sortir sans une autorisation spéciale. Tous les bataillons doivent gagner leurs positions pour sept heures, mais, depuis cinq heures, on entend le roulement des canons, le trot de la cavalerie, le pas lourd des fantassins en marche."
On aurait dit que, saisis par la grandeur de l'événement, ces hommes et ces femmes qui attendent depuis des heures, sont soudain frappés de stupéfaction. Le silence qui accompagne le roi à sa descente de voiture, revêt l'aspect d'un hommage solennel. Quiconque aurait crié "Vive le roi" en un pareil moment aurait été appréhendé sur-le-champ. Mais ce silence sonne bien plus fort à mes oreilles que tous les vivats. Averti par quelque instinct secret, ce peuple qui, depuis des mois a voué son souverain aux gémonies, comprend qu'il assiste à un tournant de l'Histoire de France et que le sacrifice de Louis prélude à une suite d'événements qui menacera l'existence du pays.
Un des aides de Sanson, le bourreau, et un garde municipal ouvrent la portière, tandis que d'un pas assuré, Louis descend de la voiture... Se tournant vers les gardes et désignant son confesseur, le roi leur lance: "Messieurs, je vous recommande Monsieur que voilà; ayez soin qu'après ma mort, il ne lui soit fait aucune insulte."
Je me souviens que les aides de Sanson entourent le roi, voulant s'emparer de ses vêtements. Sans violence mais fermement, Louis les repousse et quitte lui-même son habit, sans que le froid le fasse tressaillir le moins du monde. Puis il ouvre largement le col de sa chemise et, pour dégager son cou, la rabat sur ses épaules. Il se produit alors un incident dont la vue m'arrache, malgré les efforts que je fais pour me contenir, un cri de réprobation. Un des aides du bourreau s'empare des mains du roi. Celui-ci les retire d'un mouvement violent : "Auriez-vous l'intention de me lier les mains ?" interroge-t-il d'une voix que la colère renforce et, comme son interlocuteur acquiesce, il s'écrie: "Jamais ! Jamais je n'y consentirai. Faites ce que l'on vous a commandé de faire, mais vous ne m'attacherez point !" »
C'est alors que l'abbé Firmont se penche vers l'oreille du roi - j'appris par la suite ce qu'ils s'étaient dits: "Sire, je vois dans ce nouvel outrage un dernier trait de ressemblance entre Votre Majesté et le Dieu qui va être sa récompense." _________________ 👑 👑 👑 ⚜ ⚜ |
|