Chansons du temps de la révolution

Ajoutons nos chansons à nos canons !!! , clame la Chronique de Paris , en octobre 1792.
Cette volonté devient une composante du programme révolutionnaire et la Convention envoie aux armées, par milliers,  certains airs avec des paroles cousues-main pour regonfler le moral des troupes .  Ce sera la vocation première du Chant de l'Armée du Rhin ( la Marseillaise ) .
La création d'un Magasin de musique destiné à imprimer et répandre dans le peuple la bonne pensée révolutionnaire est décidée par le Comité d'Instruction publique de la Convention . En effet, le citoyen moyen est parfaitement illétré .  Il est hermétique aux publications, journaux, nouvelles à la main, pamphlets, libelles ...
En revanche, sous forme de litanies versifiées simplement sur un vieux fonds de chansons populaires bien connues, le chant révolutionnaire est tout de suite utilisé par les différentes factions d'abord, puis très vite, par le pouvoir politique central comme instrument de pédagogie révolutionnaire .... ou contre révolutionnaire .

Fluctuant au gré de la conjoncture et des soubresauts de la politique, les chansons évoluent !
Ainsi La Marseillaise, qui était révolutionnaire bon teint en 92, prend ensuite une connotation terroriste . Elle n'est plus perçue que comme le chant des égorgeurs de Septembre .
Au moment de Thermidor, allez zou ! elle est remplacée par Le Réveil du peuple beaucoup moins agressif, couplets à la gloire de la Révolution " recentrée " .
Des chansons subissent de petites transformations plus politiquement correctes . Il en va ainsi du fameux Ah ! ça ira ! dont la première version portait aux nues le général de la Fayette . Blondinet est purement et simplement zappé dans la remouture .
Quant à Louis XVI, on le voit se transformer progressivement, de 1789 à 1794, de père du peuple en tyran sanguinaire !

Intéressant, tu bouquines un livre d'études sur les chants?

Oui oui ! J'en ai un sous la main : Chants de la Révolution française de François Moureau et Elisabeth Walh .

J'y apprends que la Marseillaise est décrétée chant national le 26 messidor de l'an III ; comprenez le 14 juillet 1795 .
Intéressant, is n'it ?

Citation :

J'apprends avec stupéfaction    que, par un décret de la Convention, on dut, à partir du 29 mars 1793, afficher sur la porte de la maison que l'on habitait, son nom, son âge, sa profession !
Des commissaires de police étaient chargés de veiller à l'application de ce moyen facile d'identifier chaque citoyen et de séparer les vrais républicains des traîtres à la Nation .

La marquise de La Tour du Pin l'évoque dans ses Mémoires.
C'est à l'occasion de la Loi dite du Maximum : toutes les denrées étaient taxées à un taux très bas avec interdiction, sous peine de mort, d'enfreindre cette ordonnance.
Évidemment, du coup, on ne trouvait alors plus rien sur les marchés.
Dans chaque section, les boulangers désignés pour confectionner le pain reçurent l'ordre de n'en distribuer qu'à ceux munis d'une carte délivrée à la section. Idem pour les bouchers.
Et voici ce qu'elle raconte (elle se trouve à Bordeaux) :

Pour éviter toute fraude dans la distribution des cartes, on ordonna que dans chaque maison on placarderait sur la porte d'entrée, une affiche, délivrée également à la section, sur laquelle seraient inscrits les noms de toutes les personnes habitant les maisons.
Cette feuille de papier, entourée d'une bordure tricolore, portait en tête : Liberté, Égalité, Fraternité ou la mort !
Chacun s'efforçait d'y porter les inscriptions prescrites aussi peu lisiblement que possible.
La nôtre était tracée d'une écriture excessivement fine, et on l'avait collée très haut, de façon à en rendre la lecture difficile.
Beaucoup étaient écrites avec une encre si pâle que la première pluie les rendait illisibles.

Les cartes de pain étaient individuelles, mais on autorisait la même personne à porter aux boutiques les cartes de toutes une maison.
Les hommes recevaient une livre de pain, les enfants au dessous de dix ans une demi-livre seulement.
Les nourrices avaient droit à deux livres, et ce privilège, dont je profitais, augmentait la portion de mon pauvre Zamore.
On aura peine à croire à un tel degré d'absurdité et de cruauté, et surtout qu'une grande ville toute entière se soit docilement soumise à un pareil régime.

Le pain de section, composé de toutes espèces de farines, était noir et gluant, et l'on hésiterait maintenant à en donner à ses chiens.
Il se délivrait sortant du four, et chacun se mettait "à la queue", comme on disait, pour l'obtenir.
Comme la terreur dans laquelle on vivait permettait à peine d'échanger une parole lorsqu'on se rencontrait dans la rue, cette queue représentait pour ainsi dire un rassemblement licite où les trembleurs pouvaient s'entretenir avec leurs voisins ou apprendre des nouvelles, sans s'exposer à l'imprudence d'une question.  

Mais oui, je vois cela, merci !  
Cependant, permettez-moi un petit bémol, il ne s'agit pas tout à fait de la même chose :

Pour éviter toute fraude dans la distribution des cartes, on ordonna que dans chaque maison on placarderait sur la porte d'entrée, une affiche, délivrée également à la section, sur laquelle seraient inscrits les noms de toutes les personnes habitant les maisons.

On ne demande pas là de marquer son âge et sa profession .  Ce qui est nettement plus indiscret, inquisiteur et ciblé .  Il s'agit pour la police que personne n'échappe à sa surveillance .

Cette feuille de papier, entourée d'une bordure tricolore, portait en tête : Liberté, Égalité, Fraternité ou la mort !

Sympa, la République !

Chacun s'efforçait d'y porter les inscriptions prescrites aussi peu lisiblement que possible.

 ..... de la resquille ?

Les nourrices avaient droit à deux livres, et ce privilège, dont je profitais, augmentait la portion de mon pauvre Zamore.
Tiens, voici un autre Zamore !     Mme de la Tour du Pin avait-elle un petit esclave ? Ils ne s'appelaient quand même pas tous Zamore, je suppose !  
Eclairez-moi, incollable que vous êtes !  

Oui, je ne sais pas.
Elle omet peut-être de le préciser aussi ?
L'âge correspond à ce qu'elle dit sur l'obtention des rations.
Comme il s'agit là de la même période, je pense que nous parlons de la même chose ; mais je peux vérifier si vous le souhaitez ?

Il faut que je recherche ....... Mais Vendredi me rappelle vaguement quelque chose  ... ( pas Robinson Crusoé, évidemment )

Si ça se trouve, c'est le chevalier de Boufflers qui a benoîtement ramené du Sénégal son petit esclave à Mme de la Tour du Pin !
Je n'en serais pas plus étonnée que cela . Il agissait ainsi en toute bonne ( in )conscience !   Ce qui tendrait à prouver que, généralement, ces petits enfants étaient bien traités dans leur foyer d'adoption ...     J'ose l'espérer !

Voilà ! Mme de Sabran appelait donc son petit  " bibelot " exotique Vendredi ! ....  Car c'était cela ! pas de champs de coton ou de canne à sucre dans lesquels trimer à Paris : ces petits négrillons faisaient tout simplement joli dans le décor,  en apportant une touche d'exotisme très prisée dans l'aristocratie, fin XVIIIème .
Ne leur jetez pas la pierre, vous qui aimez tellement les chinoiseries .......  

Hum...depuis mon XXIème siècle, je vous jette quand même la pierre !
Mais comme je ne vous veux aucun mal, elle ne saurait vous atteindre, lancée de si loin.  

Vous avez tout de même le geste ...

Et puisque nous sommes dans le sujet des chansons du temps de la Révolution, sachez que les auteurs du petit livre que j'ai sous les yeux ont réussi à dégotter une ritournelle sur l'esclavage et le sort qui était fait à nos frères noirs .
Il s'agit de La liberté de nos colonies, paroles de Piis pour pas moins de neuf couplets, sur l'air de Daignez m'épargner le reste .

Je vous copie le huitième, tellement charmant !
 (  Qu'en termes galants, quoique  " en petit nègre "    , ces choses-là sont dites !!!  )
Voici :


Doux plaisir de maternité,
Devenir plus cher à négresse;
Et sans nuire à fécondité,
Prendre une teinte de sagesse.
Zizi, toi n'étais, sur ma foi,
Trop fidèle, ni trop modeste;
Mais toi, t'en feras double loi,
Si petite famille à toi
Dans case à moi, près de toi reste .........