François
Huber,
naturaliste suisse (1750-1831), fut l'un des premiers observateurs scientifiques des
abeilles. Aveugle, le savant fut accompagné par François
Burnens (1760–1837), qui fut pour lui «à la fois un ami, un lecteur, un secrétaire et un prosecteur plein de zèle et de sagacité».
- «En publiant mes observations sur les abeilles, je ne dissimulerai point que ce n'est pas de mes propres yeux que je les ai faites. Par une suite d'accidents malheureux, je suis devenu aveugle dans ma première jeunesse ; mais j'aimais les sciences, et je n'en perdis pas le goût en perdant l'organe de la vue. Je me fis lire les meilleurs ouvrages sur la physique et sur l'histoire naturelle : j'avais pour lecteur un domestique qui s'intéressait singulièrement à tout ce qu'il me lisait : je jugeai assez vite par ses réflexions sur nos lectures, et par les conséquences qu'il savait en tirer, qu'il les comprenait aussi bien que moi, et qu'il était né avec les talents d'un observateur.»
Un livre a été écrit sur leurs recherches dans le monde
merveilleux des abeilles.
Un livre unique, qui s’adresse a de nombreux publics: aux amoureux des abeilles bien entendu, mais aussi aux personnes confrontées au difficultés du handicap, comme aux spécialistes d’histoire des sciences ou d’histoire genevoise. Le roman est accompagné de deux textes introductifs (de F. Saucy et T. Deonna) qui mettent en contexte le livre du point de vue de l’histoire des sciences, de l’apiculture et des étonnantes compétences des personnes en situation de handicap, d’une iconographie qui présente des documents inédits et d’un glossaire des principaux termes du jargon apicole. A mettre entre toutes les mains.
Lequel sera l'objet d'un
évènement jeudi prochain.
Vernissage : jeudi 11 octobre 2018, à 18h, au Musée d’Histoire des Sciences, Perle du Lac, à Genève, en présence de Sara George, qui dédicacera son ouvrage et du comédien fribourgeois, Jean Winiger, qui lira des extraits et mettra en scène quelques uns des épisodes de la vie des deux François dans son style inimitable, engagé, intelligent et empreint d’une sensibilité unique.
Votre curiosité est piquée ?
rho piquée - abeilles !!! Vous désirez en savoir plus ?
Les abeilles n’ont pas attendu l’élection d’un pape pour célébrer le prénom François. En effet, à la fin du 18ème siècle déjà, deux François, Huber, le fameux savant genevois aveugle, disciple de Charles Bonnet, et Burnens, son non moins remarquable assistant, jeune paysan vaudois d’Oulens-sous-Echallens, écrivaient l’une des plus belles pages de l’histoire naturelle de l’abeille dite “domestique”. Ensemble, ils vont décrire, entre autres, le vol nuptial de la Reine-Abeille, le massacre des mâles en fin d’été, l’origine de la cire, la fonction du pollen comme nourriture des larves, la construction des cellules et l’architecture du rayon. Comme en passant, ils commencent par inventer un outil de recherche, la ruche à cadres mobiles, ancêtre de la ruche moderne qui révolutionnera l’apiculture au 19ème siècle.
Si leurs travaux ont été publiés dans un livre en deux tomes parus en 1792 et 1814 qui font toujours figure de référence (Le Genevois qui mit à jour le secret des abeilles), leur étonnante relation, leur manière de travailler ensemble, de communiquer et de développer leurs recherches sont pour l’essentiel inconnues. C’est à cette problématique fascinante que l’écrivaine britannique Sara George s’est intéressée dans un livre intitulé “The beekeeper’s pupil” (L’apiculteur et son élève) publié en anglais en 2002. Ne disposant que de très peu de faits historiques avérés, Sara George a pris le parti de l’imagination. Elle relate sous la forme d’un roman, tiré de carnets imaginés de François Burnens, cette étonnante collaboration de près de vingt ans entre un patricien genevois et son valet, avec en arrière-plan les horreurs de la révolution française. Alors que les gardes Suisses sont massacrés aux Tuileries en août 1792, marquant ainsi la fin d’une époque, les deux François décrivent quant à eux le massacre des mâles dans la ruche, à l’aube de la fin de la belle saison, ou encore le destin grandiose et dérisoire de la Reine-Abeille, alors que Marie-Antoinette périt sur l’échafaud. Les sentiments- amitiés, amours – et le romanesque ne sont pas absents du roman. Ainsi l’étonnante passion de Marie-Aimée Lullin, qui à 17 ans tombe amoureuse d’un aveugle, résiste à toutes les pressions, rompt avec son père, syndic et homme le plus riche et le plus puissant de Genève, renonce à son héritage et attend sa majorité, 25 ans et un jour, pour épouser Huber dans l’intimité. On y côtoie aussi quelques figures illustres de la Genève du 18ème, dont Mme de Stael ou encore Voltaire, proches de la famille Huber. Le couple Huber-Lullin inspirera quelques belles pages de la littérature à la premières (dans Delphine) et les sarcasmes du second sur l’étroitesse d’esprit des bourgeois locaux.
C’est grâce à l’enthousiasme et à l’engagement de Thierry Deonna, Professeur émérite à l’Unité de Neurologie et de Neuro-réhabilitation Pédiatrique du Département Médico-Chirurgical de Pédiatrie du CHUV à Lausanne, que nous devons la publication en français du livre de Sara George. T. Deonna a su trouver un financement pour la traduction et un traducteur hors-pair, Patrick Hersant qui nous offre un texte éblouissant. Il a surtout su convaincre les éditions Slatkine à l’heure où le livre papier est si menacé.
https://www.letemps.ch/