Que diriez-vous d'entrer dans un temple du XVIIIe siècle ?
- Cette surprenante maison de Riom fut construite en 1777 pour être un temple franc-maçon
:copyright: J B Ledys
- Quelques années avant la Révolution, en 1777, les premiers francs-maçons de Riom se firent construire un temple. Ce bâtiment, boulevard de la République, est aujourd’hui une maison d’habitation.
Jean-Paul Lecocq est propriétaire à Riom d’une maison sans doute unique en Auvergne Son imposante demeure, boulevard de la République, a été construite en 1777 avec une vocation très précise : c’était un temple franc-maçon. (*)
Deux ans avant qu’il n’achète cette demeure en 1974, le bâtiment avait été inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques. Ce classement avait heureusement mis un terme à un projet d’implantation d’une supérette sur ce terrain.
Rien ne rappelle aujourd’hui la fonction première de ce bâtiment. Seules les deux colonnes encadrant l’entrée pourraient paraître un peu pompeuses pour ce qui s’apparente à une belle maison bourgeoise. Mais l’amateur éclairé d’architecture et d’histoire parvient à lire davantage de choses en ces murs et ces pièces.
Des colonnes lourdes de signification« On retrouve ces colonnes dans presque tous les temples francs-maçons. C’est une allusion au temple de l’humanité, qui fait référence au temple de Salomon de la bible hébraïque. Elles symbolisent le passage entre un monde profane et un monde sacré », explique Pascal Piéra, de Riom Limagne et volcans.
De taille imposante, la maison est composée en sa partie centrale d’un rez-de-chaussée seulement surmonté de mansardes. De hautes portes-fenêtres de part et d’autre du bâtiment ouvrent sur un parc, à l’est et à l’ouest. De chaque côté, deux ailes modestes flanquent le corps principal. « De ce que fut l’intérieur de ce temple, il ne reste plus rien aujourd’hui. Seuls demeurent les volumes », continue le guide.
Confort et luxe de décorationUn article paru en de 1913 donne tout de même quelques détails : « Rien n’avait été ménagé pour assurer le confortable du logis et lui donner même un certain luxe de décoration : l’eau de la ville y est amenée dès le début des travaux et le jardin est surtout remarquable par l’abondance des plantations […]. Deux grandes salles occupaient le bâtiment central : le temple et la salle à manger, qui servait aussi de salle de bal. La cuisine, le cabinet du secrétaire et autres dépendances étaient aménagées dans les annexes latérales (*). »
Les premiers francs-maçons riomois, qui ont créé leur loge en 1751, se réunissaient initialement dans un logement de la rue de l’Etuve (aujourd’hui rue Daurat). Mais ces locaux furent rapidement trop exigus, le nombre de membres de la société ayant augmenté de manière notable. D’où cette nécessité de construire un temple de taille suffisante pour leurs entrevues.
Qui étaient les hommes de cette société qui s’appelait alors Loge Saint Amable (ou Loge des amis de la Vertu) ? « Ils appartenaient à toutes les classes aisées : gentilshommes, officiers, avocats, magistrats et officiers de justice, notaires, médecins, bourgeois et marchands… » (*) Il leur fallait certainement disposer d’une confortable fortune tant la loge menait grand train, ne rechignant pas à des dépenses somptuaires pour ses agapes.
La Révolution de 1789 met un terme défiinitifMalheureusement, ce curieux bâtiment ne servit pas longtemps à l’usage pour lequel il avait été érigé. La loge fut vraisemblablement placée en dormance, faute d’effectifs suffisants, en 1788. L’année suivante, la Révolution française vint y mettre tout à fait le terme. A cette époque probablement, toutes les décorations et tous les symboles maçonniques qui pouvaient être présents ont été dispersés ou effacés.
Le bien fut vendu à plusieurs reprises jusqu’à aujourd’hui. « En 1975, il n’y avait pas de chauffage, pas de tout à l’égout. Progressivement, on a fait des travaux. Il y avait beaucoup de faux plafonds. On les a fait tomber. On a eu de la chance de trouver des plafonds à la française qui étaient intacts », sourit Jean-Paul Lecoq. Les francs-maçons ne s’y réunissent plus. Ils ont laissé la place, occasionnellement, aux Amis du vieux Riom, dont le maître des lieux est l’un des membres.
(*) A. Achard, « Une loge maçonnique à Riom à la fin du XVIIIe », in La Revue d’Auvergne, Clermont 1913.
Jean-Baptiste Ledys
https://www.lamontagne.fr/
C'était ma petite pierre du jour apportée à l'édifice.