M. le duc d'Orléans continue à travailler presque tout le jour; on lui a conseillé de faire un peu d'exercice, et il joua à la paume le matin.
M. de Pontchartrain donne la démission de sa charge de secrétaire d'État à M. de Maurepas, son fils ainé, qui n'a pas encore quinze ans, et qui par conséquent ne l'exercera pas si tôt, quelque avantageux que cela soit à sa famille. M. de Pontchartrain a eu peine à s'y résoudre, parce que le voilà dépouillé de tout.
On donnera un brevet de retenue à M. de Maurepas, mais je ne sais pas encore de combien. M. de la Vrillière signera ce que signoit M. de Pontchartrain*.
Il parolt par toutes les nouvelles qu'on reçoit d'Angleterre que les affaires s'y brouillent fort et que le comte de Marr fait d'assez grands progrès en Écosse où son armée est grossie considérablement.
On ne sait point encore où le duc d'Ormond a débarqué, mais on ne doute pas qu'il n'y soit arrivé.
* Pontchartrain, infatigable aux affronts, se tenoit cramponné aux restes stériles, oisifs et muets de son ancienne place, et ne songeoit qu'à s'y maintenir comme que ce fût, à l'ombre de la considération de son père et de la protection d'Effiat et des Bezons. Il n'avoit de fonction que celle de moucher les bougies au conseil de régence, et cela s'étoit également tourné en coutume de sa part, et en dérision sans contrainte de la part de tout ce qui y assistoit. Chacun admiroit un si triste personnage et son insensibilité ; chacun le souhaitoit chassé, et en attendant chacun à sa manière ne se faisoit faute de le chasser. M. le duc d'Orléans admiroit sa patience comme les autres; mais il ne songeoit point à le renvoyer, lorsque le duc de Saint-Simon, qui avoit juré sa perte sans cesser d'être le plus intime ami du chancelier, son père, auquel il ne s'en étoit pas caché longtemps avant la mort du roi, et qui l'avoit mis en l'état où il se trouvoit alors, ne l'y put même souffrir davantage. Il détermina M. le duc d'Orléans à donner la charge de secrétaire d'État au fils, presque enfant, et à la faire exercer, en attendant l'âge, par la Vrillière, Phélypeaux comme lui, et secrétaire d'État par lui-même; ainsi doublement hors de portée de tentative de songer avec le temps à se l'approprier. Cela fut donc exécuté par une lettre du régent au chancelier de Pontchartram, qui lui faisoit valoir cette grande marque de considération personnelle, qui maintenoit si singulièrement sa famille , et lui défendoit en même temps de lui écrire, encore moins de paroître devant lui auparavant que son fils eût donné sa démission, et que son petit-fils fût pourvu à sa place.
L'applaudissement fut général.
Le chancelier, quoiqu'il connût et sentît bien son fils, en fut peiné pour lui, mais ravi du salut inespéré de son petit-fils à cet âge, et par lui de sa famille.
Il dit à Saint-Simon qu'il le reconnoissoit à ce coup arrangé de la sorte, l'embrassa, et n'en ont pas été un moment moins intimement amis. Saint-Simon le lui avoua sur-le-champ et à bien d'autres, tellement que ce détail.
Le pourquoi seroit une histoire trop longue, ce que Pontchartrain méritoit et est devenu depuis [sic]
Le public en fut et est bon témoin encore, et sans contradicteur.