Lundi 21 janvier 1793 Ste Agnès, vierge et martyreMétéoNuageux, sec
En ce matin du 21 janvier, la température extérieure est faible
Il fait 3 °C
Un brouillard épais a enveloppé Paris
5 heures du matin..."J’ai bien dormi. J’en avais besoin"...A quelques heures de son exécution, le Roi n’a rien perdu de son calme
Après une courte nuit, Louis XVI est réveillé à 5 heures par Cléry, son valet, qui avait passé la nuit sur une chaise non loin de lui.
Dans sa geôle du Temple, Louis XVI se rase, retire de ses poches sa lorgnette, sa boîte à tabac et sa bourse puis se vêt d'un habit marron pâle doublé d'une toile écrue, muni de boutons dorés.
Il demande à son valet de lui couper les cheveux mais on refuse de leur confier une paire de ciseaux.
6 heures du matinhttps://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Edgeworth_de_Firmont
L'abbé Henri Essex Edgeworth de Firmont les rejoint.
Il aménage la commode en autel et célèbre la dernière messe du roi, servie par Cléry.
Louis XVI restera à genoux pendant toute la cérémonie et recevra le viatique (la communion du mourant).
Sur les conseils de l'abbé, Louis XVI évite une dernière scène d'adieux avec sa famille.
Entendant les hennissements des chevaux, le souverain observe avec flegme:
"C’est probablement la garde nationale qu’on commence à rassembler." Un carrosse vert s’arrête dans la petite cour de la prison.
À 7 heuresLouis XVI confie ses dernières volontés à l'abbé.
Il transmet à Cléry son cachet aux armes de France pour le Dauphin et son alliance pour la reine; à propos de l'anneau, il confie à son valet à l'intention de la reine:
« Dites-lui bien que je le quitte avec peine »Il conserve au doigt l'anneau du sacre.
Certains historiens évoquent une question que le roi, peu avant son départ pour l'échafaud, aurait posée à son valet à propos de l'expédition d'Entrecasteaux en ces termes:
« A-t-on des nouvelles de La Pérouse ? »Louis XVI s'entretient une ultime fois avec son confesseur.
Vers 8 heuresIl est interrompu par Antoine Joseph Santerre qui commande les gardes nationaux, mais lui rétorque
« Je suis en affaire, attendez-moi là, je suis à vous »Il reçoit une dernière bénédiction de l'abbé en lui confiant
« Tout est consommé », remet son testament à l'un des officiers municipaux présents et se remet aux mains de Santerre.
Dans la seconde cour de la maison du temple, la voiture verte du maire de Paris Nicolas Chambon attend, ce dernier ayant obtenu que le roi ne soit pas conduit dans la charrette des condamnés.
Louis XVI y prend place avec l'abbé et deux personnes de la milice s'installent face à eux.
Avant de monter, le roi se tourne vers l'un des concierges de la prison et lui déclare
« J'ai eu un peu de vivacité avec vous avant-hier soir, ne m'en veuillez pas ! »9 heures du matinLe maire de Paris, Nicolas Chambon, a eu une délicate attention: que le Roi - condamné à mort la veille par 387 voix contre 334 -, ne traverse pas Paris dans la vulgaire charrette des suppliciés.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Nicolas_Chambon
La berline s’ébranle à 9 heures au son des tambours, puis rejoint la rue du Temple noyée dans le brouillard.
A bord, Louis XVI récite des psaumes et la prière des agonisants en compagnie de son confesseur, l’abbé de Firmont.
Résigné à mourir, il s’en remet à Dieu.
La voiture quitte le Temple vers 9 heures au son de tambours et de trompettes.
Elle tourne à droite dans la rue du Temple, pour rejoindre les grands boulevards, tandis que le roi continue de réciter les psaumes et la prière des agonisants.
Paris a alors 80 000 hommes en armes (Fédérés, Gardes nationaux, fusiliers) occupant les carrefours, les places et postés le long des rues.
Des canons sont postés à chaque endroit stratégique.
Le convoi est précédé d'environ 200 gendarmes à cheval.
Les Parisiens sont venus en nombre assister à l'exécution, tant sur le trajet qu'à l'emplacement de la guillotine.
Les volets sont clos et les boutiques fermées.
La plupart des personnes sont silencieuses.
Certains demandent grâce, d'autres au contraire fredonnent Ah ! ça ira.
Dans ses dernières volontés, Louis XVI avait souhaité se recueillir dans l'église Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle dont la première pierre fut posée en avril 1628 par son aïeule Anne d'Autriche (1601-1666), épouse longtemps délaissée de Louis XIII.
Dans le quartier Bonne Nouvelle, aux environs de la rue de Cléry, le baron de Batz, soutien de la famille royale qui a financé la fuite de Varennes, a convoqué 300 royalistes pour tenter de faire évader le roi.
Le roi devait être caché dans une maison appartenant au comte de Marsan, rue de Cléry.
Le baron de Batz s'élance:
« Avec moi, mes amis, pour sauver le roi ! »À la suite de la dénonciation de ses compagnons, seuls quelques-uns ont pu venir.
Trois sont tués, mais le baron de Batz réussit à s'échapper.
Le cortège emmené par Santerre poursuit son trajet par les boulevards et la rue de la Révolution (actuelle rue Royale)
10H 15 du matin
Il débouche vers 10 h 15 sur la place de la Révolution et s'arrête au pied de l'échafaud installé entre les Champs-Élysées et le piédestal de la statue de Louis XV qui vient d'être déboulonnée et situé à 2 mètres de haut.
Peint en rouge, l'échafaud est placé au milieu d'un espace vide encadré de canons et d'une troupe de fédérés, le peuple étant tenu au loin.
20 000 hommes ont été déployés pour l'entourer.
Voyant l'échafaud, le roi lance: « Nous voilà arrivés, si je ne me trompe »
L'exécution
https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles-Henri_Sanson
Accueilli par le bourreau Charles-Henri Samson à sa descente du carrosse, le monarque désigne son confesseur à l'un des bourreaux et lui dit: "Je vous recommande le prêtre que voici. Ayez soin qu'après sa mort il ne lui soit fait aucune insulte".
Calme, il ôte ensuite lui-même sa redingote brune et son foulard-cravate.
À la demande de Samson, il ouvre le col de sa chemise.
Voyant qu'on veut lui lier les mains, le roi refuse: « Me lier! Non, je n'y consentirai jamais. Faites ce qui vous est commandé, mais vous ne me lierez pas, renoncez à ce projet »
Évoquant l'exemple du Christ, l'abbé de Firmont réussit à le convaincre.
Louis XVI déclare alors à ses bourreaux: « Faites ce que vous voulez, je boirai le calice jusqu'à la lie »
On lui lie alors les mains dans le dos par son propre mouchoir; un assistant de Samson découpe grossièrement son col puis le rabat et lui coupe les cheveux.
Accompagné par des roulements de tambour, le roi, assisté de l'abbé Edgeworth, monte sur l'escalier et rejoint les cinq bourreaux (Samson et ses quatre assistants) sur la plate-forme.
Contre toute attente, Louis XVI s'avance sur le bord gauche de l'estrade.
Il fait signe aux tambours de s'arrêter et déclare d'une voix forte: « Je meurs innocent de tous les crimes qu'on m'impute. Je pardonne aux auteurs de ma mort. Je prie Dieu que le sang que vous allez répandre ne retombe jamais sur la France »
Il veut poursuivre mais Santerre donne l'ordre de faire battre à nouveau les tambours pour couvrir sa voix.
Certains auteurs mentionnent que l'ordre a été donné par d'autres protagonistes: parmi les noms cités, ceux de de Dugazon, Beaufranchet d'Ayat ou du tambour Pierrard.
La légende historique attribue généralement cet acte à Santerre, mais celui-ci n'aurait fait que transmettre l'ordre du général Berruyer, commandant en second de Paris L'abbé de Firmont lui crie alors:
« Fils de Saint Louis, montez au Ciel ! »
Lundi 21 janvier 1793
Ste Agnès, vierge et martyre
A 10 heures un quart du matin sur la place de la révolution, ci devant appelé Louis XV.
Le tyran est tombé sous le glaive des Loix.
Ce grand acte de justice a consterné l'Aristocrate, anéanti la superstition Royale, et crée la république.
Il imprime un grand caractère à la convention nationale et la rend digne de la confiance des français ce fut en vain qu'une faction audacieuse et des orateurs insidieux épuisèrent toutes les ressources de la calomnie, du charlatanisme et de la chicane; le courage des républicains triompha: la majorité de la convention demeura inébranlable dans ses principes, et le génie de l'intrigue céda au régime de la Liberté et à l'Ascendant de la vertu.
Extraits de la 3e Lettres de Maximilien Robespierre à ses commetans.
A Paris chez Villeneuve Graveur rue Zacharie St Severin Maison du passage N° 72
Annexes
Tableau présentant
les choix des principales tendances politiques
et de quelques grandes figures de conventionnels
1re question (culpabilité)
2e question
(appel au peuple)
3e question
(quelle sentence)
Question du sursis (amendement Mailhe)
Girondins
Culpabilité
En majorité pour l’appel au peuple. Assimilé à un gage de clémence et une mesure de sûreté générale
Pas d’homogénéité des votes
Pas d’homogénéité des votes
Vergniaud (1753-1793), représentant de la Gironde
Culpabilité
Appel au peuple
(devoir de la Convention)
La mort sans condition
(au nom de la loi)
D’abord pour le sursis
(patrie et liberté en danger), mais finalement contre
Brissot (1754-1793), représentant de l’Eure-et-Loir
Culpabilité
Appel au peuple
(légitimer la Convention, faire accepter la Révolution en Europe)
La mort avec sursis,
jusqu’à l’acceptation de la Constitution par le peuple (amendement Louvet)
Pour le sursis
(l’exécution immédiate apporterait la guerre)
Montagnards / Plaine
Culpabilité
Contre l’appel au peuple
La mort
Pas de sursis
Robespierre(1758-1794), représentant de Paris, Montagnard
Culpabilité
Contre l’appel au peuple (devoir de la Convention, injure au peuple)
La mort (mesure de salut public), mais pour l’abolition de la peine de mort
Pas de sursis
(tranquillité publique, salut du peuple ; gloire nationale, pas un gage de sécurité extérieure ; « l’exécution est le but de toute délibération », invoque le Code pénal qui veut que tout jugement criminel soit exécuté dans les vingt-quatre heures)
D’Orléans, dit Philippe Égalité
(1747-1793), représentant de Paris, Montagnard
Culpabilité
Contre l’appel au peuple
(devoir de la Convention)
La mort
(devoir du représentant, le roi a attenté à la souveraineté du peuple)
Pas de sursis.
Tableaux présentant les principaux arguments par question
Première question:
« Louis Capet est-il coupable de conspiration contre la liberté publique
et d’attentats contre la sûreté générale de l’État ? »
Oui (693[1], 683[2], 673[3])
Non / indécision / diverses déclarations (26[1], 37[2], 45[3])
Argument judiciaire
Louis est coupable de conspiration, de trahison, du « crime de lèse-nation ».
Argument symbolique
« Mettre en question si Louis est coupable, c’est mettre en question si nous sommes coupables nous-mêmes » (Delahaye, Seine-Inférieure, Modéré): la représentativité des Conventionnels et la légitimité de la Révolution sont en jeu.
Argument juridique
Le représentant se prononce comme homme politique, non comme juge (Pelé, Loiret; Conte, Basse‑Pyrénées, Plaine)
Les Conventionnels sont législateurs ou représentants du peuple, ils ne sont pas juges et jurés (Wandelaincourt, représentant de la Marne, modéré; Dubois‑Dubais, Calvados)
Il faut consulter le peuple réuni en assemblées primaires.
Argument juridique
Il faut distinguer le roi de la personne privée, le fonctionnaire public du citoyen (Rameau, Côte‑d’Or).
Argument éthique
Une mesure d’humanité (« douceur de mes mœurs », Wandelaincourt)
Argument pratique
Les preuves de la culpabilité ont été établies lors du procès : armoire de fer, lettre de Laporte…
Manque de connaissance du dossier.
Deuxième question:
« Le jugement de la Convention nationale contre Louis Capet sera-t-il soumis
à la ratification du peuple : oui ou non ? »
Oui (283[4], 283[5], 286[6])
Non (424[1], 424[2], 423[3])
Argument politique
Une mesure pour éviter la guerre civile.
Une mesure de sûreté générale pour éviter la guerre civile, « sauver la patrie »
Argument juridique
La Convention n’est que mandataire: ne pas faire appel au peuple, c’est faire injure au peuple, mépriser la volonté populaire et trahir la souveraineté nationale. Il faut légitimer la République, notamment auprès des puissances européennes (Bailly, Seine‑et‑Marne; Chiappe, Corse).
La Convention doit assumer le mandat accordé par le peuple, être fidèle à la souveraineté nationale.
C’est un acte de courage, de responsabilité.
Argument juridique
Le peuple est apte à juger, l’expérience des assemblées primaires est concluante (Baudin, Ardennes).
Le peuple n’est pas apte à juger. Il peut être soumis à des influences géographiques: les départements frontières sont menacés par une invasion ennemie.
Il y a des risques de corruption au sein de la Convention.
Le peuple risque d’être corrompu (Desmoulins, Paris, Montagnard).
Argument pratique
La réunion d’assemblées populaires est impraticable (Marat, Paris, Montagnard).
Troisième question:
« Quelle peine Louis, ci-devant roi des Français, a-t-il encourue ? »
Mort sans condition
(366[7], 387[8], 361[9])
Mort conditionnelle
(341[1], 72[2], 70[3])
Autre : détention, fers, bannissement
(321[1], 288[2], 290[3])
Argument juridique:
la nature du crime
Le roi est un tyran, coupable de haute trahison, parjure.
Référence au Code pénal et à la Déclaration des droits de l'homme.
La Convention n’est pas juge mais législatrice.
Il faut faire appel au peuple.
Argument politique:
la patrie en danger
Une mesure de sûreté générale, pour le salut du peuple, dans l’intérêt national.
Louis XVI peut être un otage utile dans le contexte de guerre avec les puissances européennes
(Cambacérès, Hérault).
La mort de Louis n’est pas utile à l’intérêt national (Cappin, Gers)
Elle est même nuisible à l’ordre public (Mollevaut, Meurthe)
Argument
éthique
Il s’agit de consolider la République, la Révolution et ses valeurs (liberté…)
Un crime contre l’humanité, un « attentat contre les droits naturels »
Argument historique
Il s’agit de donner une leçon aux rois, un exemple aux peuples.
Il faut éviter de susciter un nouveau Cromwell.
Question du sursis (amendement Mailhe):
« y aura-t-il sursis à l’exécution du jugement jusqu’au 15 février prochain ? »
Oui (310,
selon Mavidal et Laurent)
Non (380,
selon Mavidal et Laurent)
Argument juridique
La Convention doit assumer son devoir, ne pas montrer de faiblesse. Ce serait un « crime de lèse-nation » (Thuriot, Marne). Référence au Code pénal
Argument politique
Une mesure de sûreté générale pour éviter les troubles intérieurs et la guerre extérieure.
La mort immédiate discréditerait la France et la Révolution aux yeux des puissances européennes (Casenave, Basses-Pyrénées).
Barère (Hautes-Pyrénées, gauche) distingue et condamne trois types de sursis :
1) jusqu’à l’adoption d’une nouvelle Constitution, pour éviter de ranimer les complots et les factions internes
2) jusqu’à la paix, pour éviter une guerre avec l’Europe
3) jusqu’à une invasion du territoire, pour ne pas faire dépendre de la conjoncture militaire la mort d’un homme (mesure d’humanité)
Argument politique
Il s’agit de contrer l’influence du parti du duc d’Orléans, qui serait impatient de succéder à Louis XVI.
Eviter le retour du « tyran » sur le trône, consolider l’abolition de la monarchie.
Argument
éthique
Interprété comme un acte de vengeance, non de justice (Thomas Paine, Pas-de-Calais).
Extraits de discours
Vergniaud, 16-17 janvier 1793:
« J’ai voté pour que le décret ou jugement qui serait rendu par la Convention nationale, fût soumis à la sanction du peuple. Dans mon opinion, les principes et les considérations politiques de l’intérêt le plus majeur, en faisaient un devoir à la Convention. La Convention nationale en a décidé autrement. J’obéis: ma conscience est acquittée. Il s’agit maintenant de statuer sur la peine à infliger à Louis. J’ai déclaré hier que je le reconnaissais coupable de conspiration contre la liberté et la sûreté nationale. Il ne m’est pas permis aujourd’hui d’hésiter sur la peine. La loi parle: c’est la mort ; mais en prononçant ce mot terrible, inquiet sur le sort de ma patrie, sur les dangers qui menacent même la liberté, sur tout le sang qui peut être versé, j’exprime le même vœu que Mailhe et je demande qu’il soit soumis à une délibération de l’Assemblée »
Brissot, 16-17 janvier 1793:
« Je vois dans la réclusion le germe des troubles, un prétexte aux factieux, un prétexte aux calomnies qu’on ne manquerait pas d’élever contre la Convention, et d’accuser de pusillanimité, de corruption, qu’on dépouillerait de la confiance qui lui est nécessaire pour sauver la chose publique. Je vois dans la sentence de mort le signal d’une guerre terrible, guerre qui coûtera prodigieusement de sang et de trésors à la patrie […] et c’est pourquoi j’avais soutenu l’appel au peuple, parce que dans ce système les tyrans auraient été forcés de respecter le jugement d’un grand peuple »
Maximilien Robespierre, 16-17 janvier 1793:
« Je n’ai jamais su décomposer mon existence politique, pour trouver en moi deux qualités disparates, celle de juge et celle d’homme d’État; la première, pour déclarer l’accusé coupable; la seconde, pour me dispenser d’appliquer la peine. Tout ce que je sais, c’est que nous sommes des représentants du peuple, envoyés pour cimenter la liberté publique par la condamnation du tyran, et cela me suffit. Je ne sais pas outrager la raison et la justice, en regardant la vie d’un despote comme d’un plus grand prix que celle des simples citoyens, et en me mettant l’esprit à la torture pour soustraire le plus grand des coupables à la peine que la loi prononce contre des délits beaucoup moins graves, et qu’elle a déjà infligée à ses complices. Je suis inflexible pour les oppresseurs, parce que je suis compatissant pour les opprimés; je ne connais point l’humanité qui égorge les peuples, et qui pardonne aux despotes. Le sentiment qui m’a porté à demander, mais en vain, à l’Assemblée constituante l’abolition de la peine de mort, est le même qui me force aujourd’hui à demander qu’elle soit appliquée au tyran de ma patrie, et à la royauté elle-même dans sa personne »
Maximilien Robespierre, 18 janvier 1793:
« Puisque l’humanité nous a fait entendre sa voix, car l’humanité ne peut faire ordonner le sacrifice de tout un peuple à un seul homme, comment pourrait‑il exister dans cette Assemblée un seul membre qui voulût chercher les moyens de suspendre l’exécution d’un décret que le salut public nous a fait rendre ? […] Quant à l’adresse au peuple, qui vous est proposée, vous devez, je crois, l’écarter: elle n’aurait d’autre effet que de présenter la mesure que vous avez prise comme tellement audacieuse, tellement étonnante qu’elle a besoin d’excuse et d’explication, tandis que c’est précisément le contraire. Car le peuple lui‑même a devancé par son vœu l’arrêt que vous avez prononcé; c’est lui qui vous a imposé le devoir de juger. L’adresse qu’on vous propose est impolitique, car douter de vos droits c’est les anéantir; elle est injurieuse pour le peuple, car elle calomnie ses vertus, son énergie républicaine. […] Je crois, au contraire, que tout est ici persuadé de la nécessité de la prompte exécution du décret, qu’il n’y aura que cette prompte exécution qui puisse n’être pas funeste à la tranquillité publique. Je crois qu’il n’en est aucun qui se refuse à la gloire d’anéantir la tyrannie, et de concourir à une mesure qui fera le salut du peuple français; je crois qu’il n’en est aucun qui veuille se laisser honteusement traîner à la suite de la majorité, au lieu de concourir de son vœu à éterniser la gloire du nom français »
Philippe Égalité, 16-17 janvier 1793:
« Uniquement occupé de mon devoir, convaincu que tous ceux qui ont attenté ou attenteront par la suite à la souveraineté du peuple méritent la mort, je vote pour la mort »
[1] Décompte lu par le Président
[2] Décompte consigné dans le procès-verbal
[3] Décompte indiqué par Mavidal et Laurent
[4] Décompte lu par le Président
[5] Décompte consigné dans le procès-verbal
[6] Décompte indiqué par Mavidal et Laurent
[7] Décompte lu par le Président
[8] Décompte consigné dans le procès-verbal
[9] Décompte indiqué par Mavidal et Laurent
__________________________________________________________
Les députés de la Convention nationale (21/09/1792 - 26/10/1795)
Histoire de l'Assemblée nationale : le temps de l'invention (1789 - 1799)
10h22La planche bascule, la lunette de bois se referme sur sa tête et le bourreau Charles-Henri Sanson actionne le couperet.
Gros, un assesseur du bourreau, saisit la tête sanguinolente et la présente au peuple.
Certains auteurs prétendent au contraire que la tête fut prise par Henri Samson, le fils du bourreau.
(Lors de sa carrière, il eut jusqu'à six assistants pour accomplir sa tâche.
Au total, Charles-Henri exécuta 2918 condamnés entre le 14 juillet 1789 et le 21 octobre 1796
(y compris Louis XVI). Bien qu'il ne fût jamais un sympathisant de la monarchie, il hésita avant d'exécuter le roi, étant même persuadé jusqu'au dernier instant que des partisans de la royauté tenteraient de libérer le souverain déchu. Il dit même au roi-citoyen « Savez-vous que derrière vous se trouvent près de 800 ans d'histoire dont je vais mettre un terme ? », ce à quoi le roi répondit « Taisez-vous et faites votre travail »)Quelques parisiens crient
« Vive la Nation ! Vive la République ! Vive la liberté ! »Quelques salves d'artillerie sont tirées et certains dansent la farandole.
Jacques Roux commissaire de la Commune de Paris, rédige le procès-verbal de l'exécution; il précise que des citoyens recueillent sur l'échafaud ensanglanté le sang du roi avec leurs mouchoirs, leurs piques ou leurs sabres.
Certains veulent acheter au bourreau des mèches de cheveux du roi, les bourreaux plongent leurs doigts dans le sang et se barbouillent mutuellement le visage.
Le biographe Éric Le Nabour note même que l'on peut voir
« un ci-devant grimper sur l'estrade, se frotter les bras avec le sang de Louis XVI, puis en asperger le public par trois fois en un sinistre et ultime rituel »
Cet homme, un révolutionnaire brestois, lance alors à la foule:
« Républicains, le sang d'un roi porte bonheur! »Le canon tonne et prévient la famille du roi restée à la Tour du Temple que l'exécution a eu lieu.
ref
Lundi 21 janvier 1793 Ste Agnès, vierge et martyreL'exécution de Louis XVI, en application du jugement de mise à mort du roi par décapitation prononcé par les députés de la Convention nationale à la suite de son procès, a eu lieu le 21 janvier 1793 à 10 h 22, à Paris, sur la place de la Révolution
(ancienne place Louis XV, devenue en 1795 la place de la Concorde). C'est un événement majeur de la Révolution française, et plus généralement de l'histoire de France.
Déroulement de la journée du 21 janvierDernières heures de Louis XVI à la tour du TempleLa Tour du temple.5 HAprès une courte nuit, Louis XVI est réveillé à 5 heures par Cléry, son valet, qui avait passé la nuit sur une chaise non loin de lui.
Le condamné lui dit alors
« J'ai bien dormi, j'en avais besoin »Le roi se rase, retire de ses poches sa lorgnette, sa boîte à tabac et sa bourse puis se vêt d'un habit marron pâle doublé d'une toile écrue, muni de boutons dorés.
Il demande à son valet de lui couper les cheveux mais on refuse de leur confier une paire de ciseaux.
Vers 6 heuresL'abbé Henri Essex Edgeworth de Firmont les rejoint.
Il aménage la commode en autel et célèbre la dernière messe du roi, servie par Cléry.
Louis XVI restera à genoux pendant toute la cérémonie et recevra le viatique
(la communion du mourant).Sur les conseils de l'abbé, Louis XVI évite une dernière scène d'adieux avec sa famille.
Entendant les hennissements des chevaux et les canons que l'on roule sur la chaussée, Louis XVI observe:
« C'est probablement la Garde nationale qu'on commence à rassembler » Le dispositif de sécurité est important, d'autant plus que dans la nuit du 20 au 21 janvier a eu lieu l'assassinat de Louis-Michel Lepeletier de Saint-Fargeau, député de la Convention ayant voté la mort du roi.
À 7 heuresLouis XVI confie ses dernières volontés à l'abbé.
Il transmet à Cléry son cachet aux armes de France pour le Dauphin et son alliance pour la reine; à propos de l'anneau, il confie à son valet à l'intention de la reine:
« Dites-lui bien que je le quitte avec peine » Il conserve au doigt l'anneau du sacre.
Certains historiens évoquent une question que le roi, peu avant son départ pour l'échafaud, aurait posée à son valet à propos de l'expédition d'Entrecasteaux en ces termes:
« A-t-on des nouvelles de La Pérouse ? »Louis XVI s'entretient une ultime fois avec son confesseur.
Vers 8 heuresIl est interrompu par Antoine Joseph Santerre qui commande les gardes nationaux, mais lui rétorque
« Je suis en affaire, attendez-moi là, je suis à vous. »Il reçoit une dernière bénédiction de l'abbé en lui confiant
« Tout est consommé », remet son testament à l'un des officiers municipaux présents et se remet aux mains de Santerre.
Le trajet de la prison du Temple à la place de la RévolutionLouis XVI sur l'échafaud, couvert d’un gilet de molleton blanc, d’une culotte grise et de bas de soie blancs (gravure anglaise de 1798)En ce matin du 21 janvier, la température extérieure est faible: il fait 3 °C.
Un brouillard épais a enveloppé Paris.
Dans la seconde cour de la maison du temple, la voiture verte du maire de Paris Nicolas Chambon attend, ce dernier ayant obtenu que le roi ne soit pas conduit dans la charrette des condamnés.
Louis XVI y prend place avec l'abbé et deux personnes de la milice s'installent face à eux.
Avant de monter, le roi se tourne vers l'un des concierges de la prison et lui déclare
« J'ai eu un peu de vivacité avec vous avant-hier soir, ne m'en veuillez pas ! »9HLa voiture quitte le Temple vers 9 heures au son de tambours et de trompettes.
Elle tourne à droite dans la rue du Temple, pour rejoindre les grands boulevards, tandis que le roi continue de réciter les psaumes et la prière des agonisants.
Paris a alors 80 000 hommes en armes (Fédérés, Gardes nationaux, fusiliers) occupant les carrefours, les places et postés le long des rues.
Des canons sont postés à chaque endroit stratégique.
Le convoi est précédé d'environ 200 gendarmes à cheval.
Les Parisiens sont venus en nombre assister à l'exécution, tant sur le trajet qu'à l'emplacement de la guillotine.
Les volets sont clos et les boutiques fermées.
La plupart des personnes sont silencieuses.
Certains demandent grâce, d'autres au contraire fredonnent
Ah ! ça ira.
Dans ses dernières volontés, Louis XVI avait souhaité se recueillir dans l'église Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle dont la première pierre fut posée en avril 1628 par son aïeule Anne d'Autriche (1601-1666), épouse longtemps délaissée de Louis XIII.
Dans le quartier Bonne Nouvelle, aux environs de la rue de Cléry, le baron de Batz, soutien de la famille royale qui a financé la fuite de Varennes, a convoqué 300 royalistes pour tenter de faire évader le roi.
Le roi devait être caché dans une maison appartenant au comte de Marsan, rue de Cléry.
Le baron de Batz s'élance:
« Avec moi, mes amis, pour sauver le roi ! »À la suite de la dénonciation de ses compagnons, seuls quelques-uns ont pu venir.
Trois sont tués, mais le baron de Batz réussit à s'échapper.
Le cortège emmené par Santerre poursuit son trajet par les boulevards et la rue de la Révolution
(actuelle rue Royale)10H 15Il débouche vers 10 h 15 sur la place de la Révolution et s'arrête au pied de l'échafaud installé entre les Champs-Élysées et le piédestal de la statue de Louis XV qui vient d'être déboulonnée et situé à 2 mètres de haut.
Peint en rouge, l'échafaud est placé au milieu d'un espace vide encadré de canons et d'une troupe de fédérés, le peuple étant tenu au loin.
20 000 hommes ont été déployés pour l'entourer.
Voyant l'échafaud, le roi lance:
« Nous voilà arrivés, si je ne me trompe »L'exécutionhttps://fr.wikipedia.org/wiki/Charles-Henri_Sanson
Accueilli par le bourreau Charles-Henri Samson à sa descente du carrosse, le monarque désigne son confesseur à l'un des bourreaux et lui dit:
"Je vous recommande le prêtre que voici. Ayez soin qu'après sa mort il ne lui soit fait aucune insulte".
Calme, il ôte ensuite lui-même sa redingote brune et son foulard-cravate.
À la demande de Samson, il ouvre le col de sa chemise.
Voyant qu'on veut lui lier les mains, le roi refuse:
« Me lier! Non, je n'y consentirai jamais. Faites ce qui vous est commandé, mais vous ne me lierez pas, renoncez à ce projet » Évoquant l'exemple du Christ, l'abbé de Firmont réussit à le convaincre.
Louis XVI déclare alors à ses bourreaux:
« Faites ce que vous voulez, je boirai le calice jusqu'à la lie » On lui lie alors les mains dans le dos par son propre mouchoir; un assistant de Samson découpe grossièrement son col puis le rabat et lui coupe les cheveux.
Accompagné par des roulements de tambour, le roi, assisté de l'abbé Edgeworth, monte sur l'escalier et rejoint les cinq bourreaux (Samson et ses quatre assistants) sur la plate-forme.
Contre toute attente, Louis XVI s'avance sur le bord gauche de l'estrade.
Il fait signe aux tambours de s'arrêter et déclare d'une voix forte:
« Je meurs innocent de tous les crimes qu'on m'impute. Je pardonne aux auteurs de ma mort. Je prie Dieu que le sang que vous allez répandre ne retombe jamais sur la France » Il veut poursuivre mais Santerre donne l'ordre de faire battre à nouveau les tambours pour couvrir sa voix.
Certains auteurs mentionnent que l'ordre a été donné par d'autres protagonistes: parmi les noms cités, ceux de de Dugazon, Beaufranchet d'Ayat ou du tambour Pierrard.
La légende historique attribue généralement cet acte à Santerre, mais celui-ci n'aurait fait que transmettre l'ordre du général Berruyer, commandant en second de Paris L'abbé de Firmont lui crie alors:
« Fils de Saint Louis, montez au Ciel ! »À 10h22,
la planche bascule, la lunette de bois se referme sur sa tête et le bourreau Charles-Henri Sanson actionne le couperet. Gros, un assesseur du bourreau, saisit la tête sanguinolente et la présente au peuple.
Certains auteurs prétendent au contraire que la tête fut prise par Henri Samson, le fils du bourreau.
(Lors de sa carrière, il eut jusqu'à six assistants pour accomplir sa tâche.
Au total, Charles-Henri exécuta 2918 condamnés entre le 14 juillet 1789 et le 21 octobre 1796 (y compris Louis XVI). Bien qu'il ne fût jamais un sympathisant de la monarchie, il hésita avant d'exécuter le roi, étant même persuadé jusqu'au dernier instant que des partisans de la royauté tenteraient de libérer le souverain déchu. Il dit même au roi-citoyen
« Savez-vous que derrière vous se trouvent près de 800 ans d'histoire dont je vais mettre un terme ? », ce à quoi le roi répondit
« Taisez-vous et faites votre travail »)
Quelques parisiens crient
« Vive la Nation ! Vive la République ! Vive la liberté ! » Quelques salves d'artillerie sont tirées et certains dansent la farandole.
Jacques Roux commissaire de la Commune de Paris, rédige le procès-verbal de l'exécution; il précise que des citoyens recueillent sur l'échafaud ensanglanté le sang du roi avec leurs mouchoirs, leurs piques ou leurs sabres.
Certains veulent acheter au bourreau des mèches de cheveux du roi, les bourreaux plongent leurs doigts dans le sang et se barbouillent mutuellement le visage.
Le biographe Éric Le Nabour note même que l'on peut voir
« un ci-devant grimper sur l'estrade, se frotter les bras avec le sang de Louis XVI, puis en asperger le public par trois fois en un sinistre et ultime rituel » Cet homme, un révolutionnaire brestois, lance alors à la foule:
« Républicains, le sang d'un roi porte bonheur! » Le canon tonne et prévient la famille du roi restée à la Tour du Temple que l'exécution a eu lieu.
Vers 10h25 Un homme se trouvant près de l'échafaud, Christophe Potter, parvient à duper le groupe de sans-culottes présents autour de la guillotine: il réussit à obtenir contre un louis d'or, les cheveux du roi et un mouchoir maculé de sang.
Potter disparait en se fondant dans la foule et dès que possible, il va faire passer ces compromettantes reliques en Angleterre, chez son frère George Potter, prospère marchand londonien.
Ce dernier fera confectionner une bague contenant quelques cheveux de Louis XVI et l'offrira au roi, George III.