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| Le tribunal révolutionnaire | |
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Auteur | Message |
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Invité Invité
| Sujet: Re: Le tribunal révolutionnaire Dim 5 Déc - 18:17 | |
| Voici un livre qui doit sans doute être intéressant :
Histoire secrète du Tribunal révolutionnaire de Pierre Joseph a. Roussel BiblioLife, 2009 - 328 pages
C'est une réédition du livre de 1815 ! |
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| Sujet: Re: Le tribunal révolutionnaire Dim 5 Déc - 18:26 | |
| "On avait donné l'ordre aux aboyeurs de journaux d'aller, autour des différentes prisons , crier la liste des malheureux assassinés chaque jour , avec défense d'annoncer d'autres nouvelles ; on leur avait même dicté la manière de crier ces assassinats. Les prisonniers entendaient chaque soir : la liste des gagnans à la loterie de la guillotine ; des scélérats qui ont joué à la main chaude ; des personnes qui ont regardé par la petite fenêtre ; qui ont craché dans le sac ; qui ont fait la révérence à la liberté , etc, etc, etc...
Après ces annonces barbares, les colporteurs criantr à tue-tête le nom des victimes. Le prisonnier apprenait ainsi la mort du parent , de l'ami qu'il avait embrassé la veille. "
Source : Histoire secrète du tribunal révolutionnaire de Pierre Joseph Alexis Roussel ( on trouve ce livre en ligne sur google )
http://books.google.be/books?id=E7FCAAAAYAAJ... |
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| Sujet: Re: Le tribunal révolutionnaire Dim 5 Déc - 18:28 | |
| Ah zut alors, le lien donné ne le fait pas ! |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Le tribunal révolutionnaire Dim 5 Déc - 18:50 | |
| Très intéressant mais quelle horreur ! Berk, berk, berk ! |
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| Sujet: Re: Le tribunal révolutionnaire Lun 6 Déc - 10:30 | |
| "Toujours selon le même livre , voici une anecdote sur Danton. Au moment de l'exécution , et prêt à monter sur l'échafaud , un des compagnons d'infortune de Danton s'approcha de lui pour l'embrasser . Un des exécuteurs parut vouloir s'y opposer . "Est-ce qu'on t'a ordonné d'être plus cruel que la mort ? lui dit Danton. Va, tu n'empêcheras du moins que, dans un moment , nos têtes s'embrassent au fond du panier. " Il monta le dernier sur l'échafaud , salua le peuple et la statue de la liberté . Jetant ensuite un regard sur le fer destructeur , il leva les épaules et reçut la mort avec le même courage et cette attitude imposante qu'il avait à la Tribune." |
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| Sujet: Re: Le tribunal révolutionnaire Lun 6 Déc - 10:49 | |
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Le tribunal révolutionnaire Lun 6 Déc - 10:56 | |
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Le tribunal révolutionnaire Lun 6 Déc - 13:41 | |
| "Voici quelques déclamations des députés. Saint Just dit : « Les hommes qui régénèrent un grand peuple, ne doivent espérer de repos que dans la tombe. La révolution est comme la foudre, il faut frapper. « Collot d’Herbois ajoutait : « Plus le corps social transpire, plus il devient sain. Il n’y a que les morts qui ne reviennent pas, ajoutait Barrère. ; la planche de la guillotine n’est qu’un lit un peu plus mal fait qu’un autre . » Il traitait les propriétaires d’oppresseurs , et déclarait la guerre à l’humanité. Les Vadier, Coullon, , Vouland, Billaud-Varennes , disaient en sortant de leur comité : Nous avons taillé de l’ouvrage au tribunal ; nous ne le laisserons pas chômer. »
Ils voulaient régénérer la France en égorgeant les Français. A leurs vociférations infernales, ils ajoutèrent l’espionnage . Partout, dans les cafés ,dans les spectacles , dans les guinguettes, dans les maisons, aux tables d’hôtes et de restaurateurs , dans les rues et jusque dans les prisons , chaque groupe, chaque homme avait son espion. Les députés eux-mêmes se faisaient épier les uns par les autres. Les chanteurs des rues , en vociférant des couplets atroces , examinaient l’impression qu’ils faisaient sur leur auditoire , et, par un signe de convention, indiquaient comme suspect , au mouchard qui était derrière , celui qui avait fait la grimace à la chanson. Manuel dit à quelqu’un que la Commune donnait 6 f . par jour à chacun de ces chanteurs. Dans les derniers temps de la terreur , un de ces hommes insultait aux victimes qu’on conduisait au lieu du sacrifice , en chantant sur leur passage une chanson dont chaque couplet finissait par ce refrain :
Eh ! Bon, bon, bon , tous ils iront , Dedans le panier à Samsont."
Source : Histoire secrète du tribunal révolutionnaire
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| Sujet: Re: Le tribunal révolutionnaire Lun 6 Déc - 18:22 | |
| Qu'on le veuille ou non, le mot "régénérer" a un air de nazisme. C'est effroyable. |
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| Sujet: Re: Le tribunal révolutionnaire Lun 6 Déc - 18:23 | |
| Qu'on le veuille ou non, le mot "régénérer" a un air de nazisme. C'est effroyable. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Le tribunal révolutionnaire Lun 6 Déc - 20:31 | |
| Absolument ! |
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| Sujet: Re: Le tribunal révolutionnaire Mar 7 Déc - 9:23 | |
| "Procès et jugement d’Arnaud de Laporte
La condamnation de M. de Laporte n’a pu être fondée que sur ce vers si connu :
Si j’eusse été vaincu, je serais criminel .
En effet, qu’avait-on à lui reprocher ? Sa probité, dans l’exercice des fonctions de sa place , sa fidélité et son exactitude à exécuter les ordres de son maître . Ce sont aussi les reproches ou plutôt les accusations qu’on dirigea contre lui. Ainsi, ce qui fut regardé comme une vertu dans tous les temps , devint un crime dans les jours d’anarchie.
M. de Laporte était intendant de la marine à Toulon , lorsqu’en 1790 Louis XVI le nomma intendant de la liste civile. Tout entier à son travail, il ne se mêla de la révolution que dans les rapports qu’elle avait avec sa place . Le Roi lui confia , lors de son voyage de Varennes , la déclaration que ce prince avait faite et écrite de sa main , avec ordre de la remettre à l’assemblée législative , ce que l’intendant exécuta le 22 juin 1791.
Après le 10 août , on arrêta M. de Laporte , et on le traduisit devant le Tribunal. On lui reprocha d’avoir envoyé de l’argent aux gardes du corps réunis à Coblentz , d’avoir payé des écrivains et des journalistes qui défendaient la royauté ; on lui montra la preuve de ces faits dans ses propres quittances , qu’on avait trouvées dans ses papiers. Il donna des explications , mais il n’inculpa personne . Il fut condamné , et termina sa vie le 28 août 1792 , à l’âge de 49 ans. Il monta sur le théâtre de son supplice avec tranquillité. Se tournant vers le peuple , il lui dit avec douceur : « Citoyens, soyez sûrs que je meurs innocent ; car je ne puis regarder comme un crime ma fidélité à mon Roi : puisse mon sang que vous désirez , vous donner plus de bonheur et rendre la paix à ma patrie ! «
Source : Histoire secrète du Tribunal révolutionnaire |
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| Sujet: Re: Le tribunal révolutionnaire Mar 7 Déc - 9:27 | |
| Arnaud de La Porte Source : Wikipédia |
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| Sujet: Re: Le tribunal révolutionnaire Mar 7 Déc - 9:28 | |
| Toujours selon wikipédia : " Arnaud de Laporte (ou de La Porte), né à Versailles le 14 octobre 1737, est un ministre du roi Louis XVI de France guillotiné à Paris le 23 août 1792.
Nommé ministre de la Marine dans l'éphémère ministère du 12 juillet 1789. Il émigra tout de suite après la prise de la Bastille. Nommé intendant de la liste civile avec le titre de secrétaire d'État et de ministre de la Maison du Roi par Louis XVI, le 3 janvier 1791, Arnaud de Laporte rentra en France. Il demeura le grand distributeur des fonds secrets jusqu'à la chute de la royauté. C'est lui, avec Rivarol et Bertrand de Molleville, qui coordonnait l'effort des royalistes pour calmer la fureur de la révolution. Plus de 1500 personnes (auteurs, chanteurs et lecteurs publics) sont employées à cet effet pour lesquelles ils dépensaient plus de 200 000 livres par mois. En ce temps, La Porte créa un club appelé le « National » au carrousel. Les appartements au Louvre occupés par La Porte furent le centre de stratégie où le Roi et ses fidèles discutaient et lançaient leurs efforts. Après la journée dite « des poignards » (28 février 1791) il réussit à gagner Mirabeau à la cause royale.
Il fut chargé d'apporter à l'Assemblée constituante, au lendemain de la fuite du roi à Varennes, la lettre de Louis XVI, dans laquelle il justifie sa conduite et défend aux ministres de contresigner les décrets de l'Assemblée constituante. Pour avoir été le distributeur des fonds secrets, Arnaud de Laporte est arrêté après la Journée du 10 août 1792. Il est accusé d'avoir fait disparaître en les brûlant deux charrettes pleines de papiers ; il se défendit en prétendant que les papiers en question étaient des libelles contre Marie-Antoinette (les infâmes mémoires de la comtesse Jeanne de La Mothe-Valois). Il fut jugé par le tribunal criminel le 17 août 1792 et guillotiné le 23 (le deuxième après Collenot d’Angremont, chef du bureau de l'Administration de la Garde Nationale, qui fut, le 21, la première victime politique, et avant le journaliste du Rozoi, exécuté le 25 ). D'après les témoins, il subit sa peine avec sang-froid. Arnaud de Laporte était le petit-fils du célèbre numismate français Joseph Pellerin, et l'arrière-petit-neveu du compositeur Michel-Richard Delalande." |
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| Sujet: Re: Le tribunal révolutionnaire Mar 7 Déc - 13:29 | |
| Procès et jugement de Jacques Cazotte
« Je sais que dans l’état des choses , je mérite la mort. La loi est sévère , mais je la trouve juste. « Ces paroles de Cazotte , après avoir entendu son arrêt, ont dû tranquilliser la conscience de ses juges. Cependant , si ces juges eussent voulu sauver ce vieillard vénérable , ils le pouvaient sans manquer à leur devoir. L’infortuné leur indiqua ce moyen , ce fut même la seule arme dont il se servit pour se défendre : non bis in indem ! leur dit-il , on ne peut être jugé deux fois pour le même fait ! J’ai été acquitté par jugement du peuple.
Le tribunal du 17 août donna le premier l’exemple de la violation de ce principe , respecté de tous les jurisconsultes . Cet exemple fut imité par le tribunal révolutionnaire , et d’une manière aussi effrontée que barbare. Le procureur général du département de la Dordogne avait été acquitté par décret de la Convention Nationale , pour crime de fédéralisme. Fouquier-Tinville fit, quelques mois après , arrêter cet infortuné et le fit condamner à mort pour le même crime dont il avait été lavé.
Voici ce qu’on lit , relativement à M. Cazotte, dans l’Agonie de Trente-huit-heures , par M. de Saint Méard : « Le 30, à 11h du soir, on fit coucher dans notre chambre un homme âgé d’environ 80 ans. Nous apprîmes, le lendemain, que c’était le sieur Cazotte , auteur du poëme d’Olivier du Diable amoureux , et de plusieurs autres ouvrages. La gaîté un peu folle de ce vieillard , sa façon de parler orientale fit diversion à notre ennui : il cherchait très sérieusement à nous persuader , par l’histoire de Caïn et d’Abel , que nous étions plus heureux que ceux qui jouissaient de la liberté. Il paraissait très fâché que nous eussions l’air de n’en rien croire ; il voulait absolument nous faire convenir que notre situation n’était qu’une émanation de l’apocalypse, etc . Je le piquai au vif , en lui disant que , dans notre position , on était beaucoup plus heureux de croire à la prédestination qu’à tout ce qu’il disait. « D’après ce que dit M. de Saint Méard , l’esprit de M. Cazotte était ou affaibli par l’âge Ou égaré. IL fallait le guérir et non le faire périr.
Cazotte, ancien commissaire de la Marine, était maire du village de Pierry , près d’Epernay. Dès l’aurore de la révolution, il s’en montra l’ennemi. Il dressa des plans pour l’entraver dans sa marche et pour la détruire. Il adressa ses plans à des amis du trône, établit une correspondance avec des francs royalistes , épancha son âme dans ses lettres , et y donnait ses idées pour rétablir la Monarchie dans toute sa splendeur. Cazotte avait eu, dans sa jeunesse , l’imagination vive et ardente ; avec l’âge , elle s’était affaiblie , mais sa tête s’était exaltée , et s’était meublée d’idées superstitieuses et très voisines du fanatisme. Il était persuadé et il annonça que Louis XVI serait entouré d’une légion d’anges qui combattraient pour sa défense. Il n’est pas étonnant , d’après cela , qu’on ait arrêté cet infortuné ; mais on dut trembler de le voir, dans les derniers jours d’août , jeté dans les prisons de l’abbaye.
Le 2 septembre , jour affreux pendant lequel on sacrifia tant d’innocens renfermés dans cette prison , le vénérable Cazotte dut à sa vertueuse fille , le bonheur d’échapper au sort qu’on lui réservait. Cette fille, âgée de 17 ans , belle comme l’innocence , avait suivi son père lorsqu’on le conduisit à Paris , et s’enferma volontairement dans sa prison pour le servir et le consoler. Lorsque après avoir paru devant ce qu’on se permit d’appeler le tribunal du peuple , le président donna le signal de mort de ce vieillard, sa fille l’enlaça dans ses bras , de manière qu’elle le couvrait entièrement de son corps et qu’elle seule se trouvait exposée aux coups. En vain les bourreaux firent-ils leurs efforts pour les séparer , ils ne purent y parvenir . « Grâce, grâce ! pour mon père s’écriait cette fille généreuse . Si vous ne voulez pas l’accorder , frappez-moi du même coup et que je meure avec lui. « Les assassins sont étonnés de sentir la pitié pénétrer dans leurs cœurs ; la hache échappe de leurs mains ; le peuple qui était venu pour voir couler le sang , est attendri ; il s’approche , enlève ce groupe intéressant , le porte en triomphe aux cris de vive la nation , et rend à la vie et à la liberté le père et sa fille.
Voilà le jugement que Cazotte prétendait qu’on ne devait pas réviser . On n’admit pas ce moyen , et le 25 septembre 1792 , le tribunal , après 27 h de débats , le condamna à perdre la tête. IL était âgé de 74 ans. Sa fille, sa vertueuse fille , ne l’abandonna pas dans sa nouvelle et dernière infortune. Elle sollicita pour son père , assista aux débats. La crainte et l’espérance étaient alternativement peintes sur son visage. Après la condamnation de son père, elle fut consignée , jusqu’après l’exécution , dans une des chambres de la Conciergerie . Qu’on juge des angoisses que dut éprouver pendant tout ce temps , ce modèle de la piété filiale !
Le malheureux vieillard était si persuadé de ce qui devait lui arriver , qu’il dit à son défenseur , à l’ouverture de l’audience : « Je m’attends à la mort , et je me suis confessé il y a 3 jours. Je ne regrette pas la vie, je ne regrette que ma fille. « L’exécuteur s’étant présenté pour lui couper les cheveux , il recommanda de les lui couper le plus près de la tête qu’il serait possible , et chargea son confesseur de les remettre à sa fille . Il mourut avec une présence d’esprit et un sang froid admirables.
"
Source : Histoire secrète du tribunal révolutionnaire |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Le tribunal révolutionnaire Mar 7 Déc - 13:32 | |
| Portrait par Jean-Baptiste Perronneau. Source : wikipédia |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Le tribunal révolutionnaire Mar 7 Déc - 13:39 | |
| Toujours d'après wikipédia :
" Biographie
Il fait ses études au collège des jésuites de Dijon, puis s’installe à Paris, où il publie ses premiers ouvrages, La Patte de chat en 1741 et Les Mille et une fadaises en 1742. Il est employé dans l'administration de la marine et envoyé en 1747 à la Martinique comme contrôleur des îles du Vent. Il se retire ensuite à Pierry, près d'Épernay, pour se consacrer à ses goûts littéraires. En 1763, il publie L'Aventure du pèlerin, un court apologue dénonçant l'hypocrisie de la cour, puis en 1772 Le Diable amoureux, qui lui vaut d’être considéré comme l’un des pionniers de la littérature fantastique française. En rédigeant Voltairiade en 1783, il critique la philosophie des Lumières. Il publie encore la Guerre de l'opéra,; Ollivier, poème en douze chants; le Lord impromptu. Etc;
À la fin de sa vie, il entre dans l'ordre des Martinistes et se fait remarquer par sa piété exaltée. Il prend parti contre la Révolution française, qu'il voit comme une gigantesque incarnation de Satan, et il est arrêté après le 10 août 1792. Il allait être égorgé lors des funestes journées de septembre, lorsque sa fille Elisabeth, qui s'était enfermée avec lui dans sa prison, le sauva en le couvrant de son corps. Il sortit alors de prison, mais, repris quelques jours après, il périt sur l'échafaud. Au début de la Révolution il était maire de sa commune Pierry dans la Marne.
Jacques Cazotte : un auteur illuministe ?
Des tentations illuministes
Jacques Cazotte n'aurait pas eu à proprement parler de relation avec les Illuminés avant d'écrire le Diable amoureux, ce même si une certaine pensée mystique proche de l'illuminisme semble l'avoir toujours accompagné. En effet, Cazotte composa le Diable amoureux en 1772 et ne devint membre de l'ordre des martinistes qu'en 1781. Quelques-unes de ses magnifiques œuvres ultérieures, dont par exemple la continuation des Mille et une nuits (1788) témoignent de cette expérience par leurs élans mystiques et ésotériques et leur thématique gothique. À ce propos, on peut remarquer que Cazotte appartenait à l'École de Lyon et qu'il a toujours eu un regard critique sur son siècle, et particulièrement sur l'esprit des Lumières et les philosophes. Voici un extrait de sa correspondance qui en témoigne : « N'appelez pas vos adversaires démagogues ; appelez-les philosophes, c'est la plus grande injure qu'on puisse dire à un homme et on en demandera quelque jour réparation et justice ».
Cazotte aurait eu des hallucinations prophétiques : celle rapportée dans les Mémoires de La Harpe en est un bel exemple. Cependant ne pouvons-nous pas nous demander si la narration de cet épisode ne serait pas simplement une mystification de La Harpe ?
De plus, Cazotte ne semble ni avoir eu d'intentions dogmatiques ni avoir participé aux travaux collectifs des Illuminés martinistes (qui, semble-t-il, visaient une action sociale collective) : il se serait plutôt fait, d'après leurs idées, une règle de conduite particulière et personnelle.
En outre, il convient de remarquer l'importance de l'influence des martinistes sur la Révolution française. Cazotte n'étant absolument pas en faveur d'un tel mouvement, il n'a pas soutenu la doctrine illuministe dans son ensemble et a même « rêvé » d'offrir un asile momentané au roi dans sa correspondance de 1791. Il percevait en effet la Révolution française comme la plus grande incarnation de Satan. C'est ainsi qu'on l'a soupçonné de coopération avec le complot royaliste des Chevaliers du Poignard et qu'il fut traduit devant le tribunal révolutionnaire. Sa sentence, la guillotine, fut prononcée par un illuminé martiniste...
Après avoir échappé à cette première condamnation, Cazotte eut de nouvelles visions prophétiques au sujet de sa prochaine arrestation. Le onze septembre un homme vient le chercher, cet homme et tous les faits qui s'ensuivent correspondraient exactement à sa vision ; le vingt-cinq septembre à dix-neuf heures il est exécuté sur la place du Carrousel.
Présence de quelques thèmes fondamentaux de l'illuminisme dans l'œuvre littéraire de Cazotte
Hostilité à l'encontre de la philosophie des Lumières
L'esprit et la lettre
L'illuminisme a pour thème fondamental la distinction entre l'esprit et la lettre, entre la lumière et la matérialité. Dépourvue de la lumière de l'esprit, la lettre est vide de sens et par conséquent de vie. L'esprit s'oppose à la lettre qui appartient à la multiplicité. Ainsi la Bible renferme toute la science secrète : interpréter les textes en tenant compte uniquement de la lettre morte, c'est refuser le sens que contiennent les paroles sacrées présentées le plus souvent sous des formes allégoriques et symboliques. À cette opposition entre la lettre et l'esprit correspond l'abîme séparant la vérité de l'erreur, car la première est une, la seconde appartient à la multiplicité. Le diable en tant que diviseur est le séparateur qui engendre le nombre : si le monde est haïssable, c'est en raison de son caractère de multiplicité. Dans l'unité qui régnait à l'origine la chute introduisit la division donc la pluralité; c'est pourquoi le cœur de l'homme aspire à l'unité. La distinction entre l'esprit et la lettre caractérise la position de l'illuminisme face aux religions qui, dans la mesure où elles se diversifient, appartiennent à la dimension extérieure, par conséquent au monde, et se nourrissent non de l'esprit mais de la lettre. Il est donc nécessaire de revenir à une religion intérieure, puisque l'esprit ne peut être reçu que du dedans à la différence de la lettre qui n'agit qu'extérieurement. L'univers intérieur et son immensité relèvent de la grâce créatrice. L'homme en tant qu'image de Dieu est orienté vers son destin de déification. C'est parce qu'il est esprit qu'il porte Dieu en lui, et que Dieu peut naître en lui à l'instant même où il naît en Dieu. S'il adhère à la lettre, c'est-à-dire à la dimension extérieure et à la chair, tout devient pour lui confusion. L'homme porte en lui son ciel et son enfer, qui ne constituent pas des lieux situés dans l'espace mais appartiennent à l'être même. Le ciel symbolise la liberté, la lumière, l'amour, l'unité; l'enfer est nuit et multiplicité. Cette dichotomie est présente à travers plusieurs thèmes :
Ombre et lumière :
Le Diable amoureux montre une relation complexe entre l'ombre et la lumière. À plusieurs reprises le diable/Biondetta attire Alvare par ses fausses lumières physiques (« sur ce visage brillant ») ou spirituelles en essayant de lui enseigner la fausse vérité. Alvare quant à lui semble à plusieurs reprises contaminé par ces fausses lumières : « le brillant de mon équipage éblouit un peu la garde devant laquelle nous passâmes en revue ». Cependant, la lumière le rappelle aussi à la raison, notamment quand il se retrouve dans l'église et devant un monument éclatant dont la vue « illumine » Alvare, ou encore après l'évanouissement du diable quand la lumière du jour semble le ramener à la vie; ce thème rappelle la deuxième Révélation de Cazotte quand « un rayon de la lumière la plus pure vint se reposer sur [son] front ». L'ombre, quant à elle, est une circonstance propice aux découvertes « infernales » : l'endroit de l'évocation du diable est « un lieu si obscur qu'aucune lumière ne pouvait pénétrer » et « cherchant la tranquillité de l'esprit dans l'agitation continuelle du corps », Alvare est mené vers l'obscurité de sa garde-robe pour pouvoir épier Biondetta qui se révèle « éblouissante ».
Unité et multiplicité :
Ce thème se caractérise tout d'abord par l'unité de la vérité et la multiplicité de l'erreur. Alvare est souvent en balance entre sa spiritualité et ses passions, et c'est la première qui triomphe. Le monde matériel donne à plusieurs reprises l'impression de la multiplicité : « le tourbillon des amusements de la ville », « la foule et la variété des objets me choquent au lieu de me distraire ». Les Révélations de l'auteur poursuivent cette illustration : il nous montre en effet le roi, représentant de Dieu sur terre, face à une multitude d'imprécateurs, une « famille de Cromwell », alors que son culte et celui de Dieu « ne peuvent se séparer », ce qui montre l'indivisibilité de la vérité. C'est ensuite l'incarnation du diable lui-même qui fait naître la multiplicité. Le diable, quand il apparaît à Portici, apporte abondance et profusion de confort matériel, multiplie ses apparences (chameau, chienne, page, harpiste...) et ses activités (« le page se multiplie »). Par la suite, Biondetta va apparaître comme un être omniprésent : « je ne saurais la chasser du vague de l'air s'il lui plaît de s'y tenir invisible pour m'obséder », et elle apporte « mille » passions à Alvare. Ce démon multiplicateur est aussi représenté dans les Révélations où il apparaît comme une hydre à « tant de têtes », et comme une « effrayante effigie [qui] se trouve sous mille emblèmes divers ».
Esprit et matière :
Alvare est, au début de l'histoire, fondamentalement ancré dans le monde matériel : il s'adonne aux femmes, aux jeux, à l'alcool ainsi qu'à la « philosophie » mais son esprit ignorant aspire forcément à la connaissance. Un esprit ignorant vaut mieux, selon Soberano, qu'un esprit illuminé par les fausses lumières de la « doctrine ». Alvare, qui a « deviné cette sphère élevée », va se constituer l' « écolier » de Soberano : il va pouvoir se lier avec les « esprits » qui instruisent les hommes. Mais après l'évocation du diable c'est bel et bien vers la matière qu'Alvare va se tourner : grâce au diable il va pouvoir satisfaire ses appétits physiques (nourriture -comme dans le cadre du banquet de la Prophétie-, femmes, argent); Bernadillo le met d'ailleurs en garde : « à votre âge on désire trop pour se laisser le temps de réfléchir et on précipite ses jouissances ». Quant à Biondetta, elle insiste à plusieurs reprises sur les désagréments causés par l'incarnation et Alvare semble être, par sa vocation toujours à la recherche de l'esprit en ne se satisfaisant pas de la matière : « vous parlez d'amour, vous en présentez l'image, vous en empoisonnez l'idée ». De plus, ce dernier sollicite Biondetta pour accéder réellement aux connaissances supérieures. Dans les Révélations, la matière porte encore en elle l'entité diabolique. « La bête (...) s'élève de l'élément, théâtre de tempêtes » : la nuisance, la multiplicité, la confusion sont issues directement de la matière. Or un être né de la matière ne peut être que vide d'esprit et donc de sens, les hommes adorent cette divinité de la lettre alors qu'il faut privilégier la dimension intérieure, l'esprit. Ainsi que dans la Prophétie où Cazotte parle d'une religion extérieure qui sera vouée à la raison, à laquelle on construira des temples, la religion intérieure est la seule et l'unique véritable.
Les correspondances et la théorie des contraires
Pour Swedenborg et plus tard pour Blake, des correspondances existent entre le monde matériel et le monde spirituel. Cette loi des correspondances se retrouve chez Böhme qui l'a puisée dans l'alchimie, et pour qui « Tout le monde extérieur, visible, avec toutes ses créatures, est une similitude en figure du monde spirituel intérieur » (De signatura rerum). Elle a été reprise par la majorité des adeptes de l'illuminisme. Böhme a encore parlé de la théorie des contraires selon laquelle toute chose comporte un double aspect, positif et négatif : « In Ja und Nein bestehen alle Dinge » (Toutes choses consistent en oui et non). C'est le non qui permet la révélation du oui. Ces contraires s'expriment dans la lumière et les ténèbres, la vie et la mort, la haine et l'amour, l'enfer et le ciel, etc.
Nous avons dans le Diable amoureux plusieurs exemples de correspondance entre le monde matériel et le monde spirituel. Ainsi, pendant la scène de la collation et du chant de Fiorentina, le monde matériel est une illusion et au fond de lui Alvare le sait : « j'oubliais presque que j'étais le créateur du charme qui me ravissait ». Plus loin, on peut remarquer une correspondance entre le lit qui craque, le sommier qui s'effondre et le doute, le chaos qui envahit l'esprit d'Alvare qui est en partie séduit par Biondetta. De même, la teinte d'abattement et de mélancolie sur la physionomie de Biondetta correspond à l'état d'esprit d'Alvare qui est las des jeux, des amours et qui vient d'être excédé par « un torrent d'injures et de menaces » d'Olympia. Dans son rêve, Alvare voit sa mère et lui raconte son aventure, celle-ci voit le danger ; la main de Biondetta pousse Alvare dans le précipice, une autre main le retire et il se retrouve dans les bras de sa mère : cette scène peut être mise en parallèle avec la « réalité » de l'histoire. En effet, Alvare va dans un premier temps tomber dans le gouffre de Biondetta avant de se ressaisir et de retrouver la voie de Dieu par l'intermédiaire de sa mère. En outre, ce songe se concrétise en quelque sorte quand le jeune chien danois d'Alvare le sépare de Biondetta quand il allait l'embrasser. Mais aussi, quand Alvare dans l'église croit reconnaître sa mère menée au tombeau par deux « génies », cela correspond avec le fait qu'Alvare a en quelque sorte cédé à la tentation du diable puisqu'il compte épouser Biondetta. Ce rêve va provoquer un sursaut de conscience chez le protagoniste. De même, l'esprit bouleversé d'Alvare tiraillé entre la passion et sa volonté religieuse de présenter Biondetta à sa mère avant de l'épouser se traduirait par le grand nombre de difficultés rencontrées sur le chemin (ciel contraire, muletiers désagréables, chemin éprouvant,...) tandis que quand Alvare comprend que l'attitude de Biondetta dans la grange n'est qu'une comédie manipulatrice, le ciel s'éclaircit : « le ciel se nettoyait, et bientôt la clarté de la lune nous annonça que nous n'avions plus rien à craindre du désordre des éléments ». De nombreux passages du Diable amoureux font allusion à la théorie des contraires. On peut aussi relever, dans Mon songe de la nuit du samedi au dimanche de devant la Saint-Jean 1791, le fait que Cazotte, observant le ciel, résume la situation des événements par cette belle antithèse : « il était d'un bel azur pâle et très étoilé; pendant que je le comparais dans ma mémoire à d'autres cieux que j'avais vus dans le capharnaüm, il a été troublé par une horrible tempête ». Enfin, dans l'Histoire de Maugraby, la multitude des oiseaux qui piaillent contraste avec le silence du hara solitaire (ceci pourrait rappeler l'attitude de Soberano au début du Diable amoureux). L'attitude de Maugraby est aussi emprunte d'oppositions : l'attention qu'il porte envers l'enfant Habed-il-Rouman et le supplice qu'il inflige au hara, aux hommes dans le cachot. Le thème de l'antithèse entre le rayon de soleil de la justice et les ténèbres dont sont enveloppés les crimes apparaît encore une fois.
La création et l'évolution
La création ne se produit pas ex nihilo mais procède par émanation. L'évolution du monde est ascensionnelle, elle part de la pierre, privée de vie, pour aboutir à Dieu; Dieu est chez lui dans l'homme et l'homme est chez lui en Dieu. Ils participent l'un et l'autre et l'un par l'autre à la nouvelle création du monde. Si l'homme est malade, commet une faute, ou refuse sa vocation, le monde est paralysé. Quand l'homme est guéri ou orienté de façon juste le dynamisme de la vie réapparaît. Si l'homme s'ignore, il ignore le cosmos : il y a donc nécessité d'une parfaite connaissance de soi pour faire recouvrir au cosmos sa beauté perdue.
Au début du Diable amoureux, Alvare avoue lui-même ne rien connaître de son propre esprit. Cependant, il a « deviné cette sphère élevée » : l'homme est par sa vocation destiné aux sphères supérieures. Plus tard, en ayant invoqué le diable, il va en venir à douter sur l'identité du réel créateur de l'univers présent. Le diable lui, a apparemment le pouvoir de faire apparaître la matière ex nihilo (le salon de marbre, les girandoles,...) : tout cela n'est qu'illusion... Dans ses Révélations, Cazotte illustre parfaitement les théories illuministes de la cosmologie : « Il semble qu'alors la douce espérance vient remplir pour lui l'espace immense qui sépare ce globe sublunaire du séjour où repose sur sa base inébranlable le trône de l'Eternel. Ce n'est plus seulement à ses yeux que luisent les feux parsemés sur ce voile d'azur, qui embrasse l'horizon d'un pôle à l'autre : ces feux célestes passent dans son âme; le don de la pensée devient celui du génie. Il entre en conversation avec l'Éternel lui-même : la nature semble se taire pour ne point troubler cet entretien sublime ».
Un univers peuplé de symboles et d'éléments spirituels
Omniprésence de la Trinité :
Dans le Diable amoureux, Alvare appelle à trois reprises Béelzébut, les girandoles de cristaux ont chacune trois bougies, Fiorentina chante une ariette qui termine le troisième acte de l'opéra, la lune « dardait tous ses rayons dans [la chambre d'Alvare] à travers trois croisées » et « les trois planchent qui soutenaient [son] sommier tombent avec fracas », trois glaces reflètent Biondetta, c'est à trois heures du matin qu'Alvare se retire après avoir perdu au jeu, Alvare est né un trois mai à trois heures du matin. De même les Révélations de Cazotte sont au nombre de trois et il mentionne « le trio sublime des martyrs égorgés » (Langoiran, Pannetier, Dupuy). Enfin, dans l'Histoire de Maugraby, l'enfant prend trois plumes sur la tête du hara, on note la présence de trois députés chargés d'annoncer au prince la nécessité de rechercher partout Birminvanska et le hara annonce qu'il n'a plus que trois facultés de libres (la vue, l'odorat, l'ouïe).
Le recours à la magie et aux sciences occultes :
Le recours à la magie et aux sciences occultes est important dans le Diable amoureux : en effet cette œuvre se base sur l'invocation des esprits (pratique occulte frôlant même l'hérésie) tout en faisant allusion à d'autres sciences occultes comme, par exemple, l'utilisation de textes, de mots pouvant engendrer de véritables dépendances (voir les serments que prononce Alvare à Biondetta), l'astrologie (avec les Égyptiennes) qui s'énonce sous une forme relativement hermétique. De plus, on note une allusion à quelques termes de la Kabbale (quand Biondetta annonce qu'elle est une sylphide). Enfin le personnage de Don Quebracuernos n'est pas sans rappeler (étant donné son étymologie : brise cornes) celui d'un prêtre exorciste, spécialiste en démonologie (il démêle parfaitement les actions du diable).
Postérité
Un jugement contemporain
Jugement du Courrier du Midi sur Cazotte, 2 septembre 1792 (Cazotte sera guillotiné le 25 septembre).
M. Cazotte, celui à qui les Colonies de Saint-Domingue et de la Martinique doivent leurs malheurs, est aujourd’hui soumis aux jurés d’accusation ; il écrivait à la Martinique : « Foudroyez les patriotes ; brûlez la ville de Saint-Pierre, s’il le faut, pour réduire les rebelles ». Ce Cazotte, dont on a trouvé plusieurs lettres dans les papiers de M. Laporte, est l’auteur d’Olivier, joli poème, du Diable amoureux, de Richardet, et de plusieurs contes et pièces fugitives, dans lesquels on remarque toujours de l’esprit, et quelquefois de la raison. Depuis quelque temps sa tête était dérangée par le système des illuminés, qu’il avait embrassé dans les transports d’une imagination exaltée. Il est facile dans ses lettres de reconnaître un martiniste ; il cite souvent l’apocalypse, et il n’emploie que les expressions symboliques qui forment la langue des amateurs de la science occulte ; il n’est pas étonnant que de pareils hommes ne rêvent que folie, ils habitent un monde idéal, il leur est facile de le changer au gré de leurs espérances et de leurs systèmes. [1]
La Prophétie de Cazotte
Jean-François de La Harpe, (1739-1803), La prophétie de Cazotte
Œuvres
Le Diable amoureux; L'Honneur perdu et recouvré; Rachel ou la belle juive; Aventure du pélerin
Source partielle
Marie-Nicolas Bouillet et Alexis Chassang (dir.), « Jacques Cazotte » dans Dictionnaire universel d’histoire et de géographie, 1878 [détail des éditions] (Wikisource)
Notes et références
↑ Courrier du Midi, Avignon, 21 rue de la Balance, N° CLXXXXVIII, dimanche 2. septembre 1792, l’an 4e de la liberté, page 849, col. b." |
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| Sujet: Re: Le tribunal révolutionnaire Mar 7 Déc - 13:46 | |
| Incroyable ! Il aurait écrit à Robespierre pour annoncer sa chute et sa mort et celui-ci lui aurait répondu qu'il fera face à son destin.
http://notabene.forumactif.com/.../jacques-cazotte-t5838.htm |
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| Sujet: Re: Le tribunal révolutionnaire Mar 7 Déc - 15:01 | |
| "Procès et jugement de Jacques-Joseph Antoine Léger Backmann
Quel était le crime de Backmann ? Il avait fait son devoir. Major Général des Suisses , il était à leur tête le 10 août. Il reçut l’ordre de repousser la force par la force ; il obéit : il le devait. Les Marseillais, les Bretons , soutenus par la canaille de Paris , forcent l’entrée des cours du palais des Tuileries ; cette masse se range en bataille en face des Suisses . Quelques hommes, armés de piques s’approchent ; harponnent ( qu’on nous passe l’expression ), 4 ou 5 de ces bons Helvétiens , et les égorgent aux yeux de leurs camarades. Au même instant des coups de feu sont dirigés contre le château , et renversent plusieurs braves qui étaient là pour le défendre. Certes Backmann était alors bien autorisé à exécuter les ordres qu’il avait reçus. Il commanda le feu ; ses soldats obéirent , et firent mordre la poussière aux téméraires qui s’étaient trop avancés .
Tel fut le crime pour lequel on traduisit ce major devant le tribunal du 17 août. Comme l’accusation d’avoir repoussé la force par la force eût paru ridicule , puisque la nature nous l’ordonne , on supposa que cet officier avait fait le premier tirer sur le peuple. C’est ce qui ne fut pas clairement démontré.
Chaque parti a fait, dans le temps , tous ses efforts pour charger son adversaire d’avoir fait le premier feu. Les assiégeans ont dit que les Suisses les avaient attirés , sous le prétexte de fraterniser ; qu’ils leur avaient jeté des cartouches , et que, pendant qu’ils les ramassaient , ces Suisses avaient fait feu . Cette accusation est absurde . Il est plus naturel de penser que la horde qui se présentait avec des armes et des canons , et à laquelle ses chefs avaient annoncé qu’il ne s’agissait pas d’une simple promenade civique, a provoqué, par des attaques partielles , le feu roulant des Suisses. Aujourd’hui le fait est éclairci , et l’on est convaincu que les Suisses ont riposté et non attaqué.
Pendant qu’on instruisait le procès du major général des Suisses, et dans la dernière séance , il entra tout à coup dans la salle d’audience un grand nombre de gens armés , qui demandèrent au président de leur livrer l’accusé , en disant que c’était le jour des vengeances du peuple. On était au 3 septembre , et on massacrait à la Conciergerie. C’était un détachement des égorgeurs de cette prison qu’on avait envoyés pour réclamer Backmann. Cette démarche avait été conseillée par les ordonnateurs de ces affreuses journées, qui craignaient que les juges n’eussent pas le courage de condamner un innocent. Au moyen de cette démarche , ils obligeaient le tribunal à sacrifier cette victime à la demande du peuple. Ce mot peuple était tout à la fois le mot d’ordre et le levier avec lequel on mettait tout en mouvement.
L’apparition de ces hommes couverts de sang , ces paroles : C’est le jour des vengeances du peuple , jetèrent la consternation dans l’âme des soldats suisses qu’on avait fait sortir de la Conciergerie , où ils étaient détenus , pour déposer dans le procès de leur major. Ils s’imaginèrent que c’était eux que l’on venait chercher pour les immoler ; ils se tapirent dans tous les coins , derrière les juges et les jurés , afin de ne point être aperçus des hommes armés.
Backmann seul conserva , dans ce moment critique , le plus grand sang-froid ; aucune altération ne parut sur son visage . Il devait cependant être fatigué ; depuis 36h que durait l’audience , il n’avait pris aucun repos. IL descendit avec calme du fauteuil , où il était assis , s’avança avec noblesse devant la barre, comme pour dire au peuple , et aux assassins qui le réclamaient : voilà votre victime , sacrifiez-la.
Le président du tribunal ( M. Mathieu ) harangua le peuple , l’exhorta à respecter la loi , et l’accusé qui était sous son glaive. Le public et les bourreaux armés écoutèrent en silence le président , et ces derniers sortirent ensuite sans insister. Backmann remonta sur le fauteuil, les Suisses sortirent de leurs cachettes, et le procès continua ; mais on s’aperçut bientôt que cet incident avait l’effet qu’on avait désiré , celui d’accélérer la procédure , et de forcer par la terreur , le jury à condamner l’innocence. Backmann , jeune ( il avait 36 ans ), brave, périt le 3 septembre , à 8h du matin , pour avoir été l’esclave de ses devoirs. Sa condamnation fut basée sur ces mots vagues : « convaincu de conspiration dans la journée du 10 août 1782, au château des Tuileries. «
Source : Histoire secrète du tribunal révolutionnaire |
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| Sujet: Re: Le tribunal révolutionnaire Mer 8 Déc - 23:29 | |
| Affaire du vol des diamants du garde-meuble
"Le massacre qui eut lieu au commencement du mois de septembre , dans les différentes prisons de Paris , rejeta dans la société beaucoup de malfaiteurs qui subissaient la peine à laquelle ils avaient été condamnés, et des vagabonds prêts à être jugés. Tous ces hommes, vrais rebus de la nature , ne connaissent ni le repentir , ni les remords , et méditent tranquillement , dans le fonds des cachots , les nouveaux crimes qu’ils commettront lorsqu’ils seront rendus à la liberté. Nous citerons pour preuve l’anecdote du vol fait au Garde-Meuble , et qui fut commis par une partie des malfaiteurs sortis des prisons dans ces journées de deuil.
Cet établissement , qui appartenait particulièrement au Roi , occupait toute la colonnade de la place Louis XV , depuis la rue Royale jusqu’à celle Saint Florentin. Il contenait , avant la révolution , des objets extrêmement curieux , et que les étrangers ne manquaient pas d’aller admirer. Ces objets étaient rangés simétriquement dans trois salles , où, enfermés dans des armoires, le public pouvait aller les examiner tous les mardis. On y voyait entr’ autres , l’armure de nos anciens rois et paladins , notamment celle de Henri II , de Henri IV, de Louis XIII , de Louis XIV ; celle de Philippe de Valois ; de Casimir , roi de Pologne ; celle que François Ier portait à la bataille de Pavie , et qui était reconnue pour être la plus curieuse de l’Europe , tant par sa légèreté que par la beauté et le fini de son travail . On y voyait l’espadon que le pape Paul V portait dans la guerre contre les Vénitiens ; cette arme avait cinq pieds de longueur : deux épées du Grand Henri ; un bouclier rond, en argent , et qui avait été trouvé , dans le Rhône, à Lyon.
Des tapisseries , des chefs d’œuvre d’arts, des présens des différents souverains , ornaient les différentes salles : on y voyait jusqu’à deux canons , damasquinés en argent et montés sur leurs afûts , présent fait , en 1684, à Louis XIV , par le Roi de Siam. Louis XIV ayant dit, en parlant des forces du roi de Siam , qu’il ne le craignait pas , parce qu’il n’avait pas de canons , le prince asiatique , à qui ses ambassadeurs rapportèrent ce propos , envoya deux canons au roi de France , pour faire voir qu’il en avait. " Source : Histoire secrète du tribunal révolutionnaire
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| Sujet: Re: Le tribunal révolutionnaire Mer 8 Déc - 23:47 | |
| "Le 14 juillet 1789 , et à d’autres époques , le peuple se porta en tumulte au Garde –Meuble , sous le prétexte qu’il refermait des armes , viola ce dépôt , et y vola nombre d’objets précieux.
C’était aussi au Garde –Meuble où étaient déposés les diamans de la Couronne. Ils étaient renfermés dans différentes boîtes ou coffres , et placés dans des armoires dont le chef de cet établissement avait les clefs. Depuis que Thiery , qui était ce chef , avait été arrêté , la garde de ce dépôt précieux avait été confiée , par le ministre de l’intérieur Roland , à une de ses créatures , qui mit beaucoup de négligence à surveiller. Les voleurs, qui ont l’œil à tout , s’imaginèrent qu’il ne serait pas extrêmement difficile de faire un coup qui suffirait pour les enrichir. Ils calculèrent tout et réussirent. " |
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| Sujet: Re: Le tribunal révolutionnaire Jeu 9 Déc - 0:07 | |
| "Les nommés Cambon et Douligny étaient les principaux chefs . Ils s’adjoignirent une douzaine de voleurs , dont ils connaissaient les talens , et ils leur firent part de leur projet. Il fut arrêté , entre ces hommes , que le plus adroit de la bande irait reconnaître le local , et examiner les moyens de réussir. En conséquence , deux jours avant l’expédition , le grinche ( terme d’argot qui signifie voleur ), qui avait été désigné , se rendit , à une heure du matin , au pied de la colonnade , grimpa à l’aide de la corde du réverbère , et s’assura qu’on pouvait s’introduire facilement dans les appartements , en faisant sauter un carreau de vitre . Après avoir bien examiné le terrain , le voleur descendit comme il « était monté , rejoignit ses compagnons , et leur rendit compte de ce qu’il avait vu. On convint de faire l’expédition dans la nuit du 16 au 17 septembre 1792. , c'est-à-dire 2 jours après. Voici comment les voleurs s’y prirent.
Il fut convenu entre les 12 coquins , qu’on s’ adjoindrait 25 à 30 filoux du second ordre , auxquels on promettrait une part du butin ; mais afin de ne point être trahis , on convint de ne les instruire que lorsqu’on serait sur le terrain. On leur ordonna de s’habiller en gardes nationaux , et de se pourvoir de fusils ou de sabres. Le rendez-vous était sur la place , à l’entrée des Champs Elysées ; l’heure était celle de minuit ; chacun fut exact ." |
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| Sujet: Re: Le tribunal révolutionnaire Jeu 9 Déc - 0:58 | |
| "Cambon et Douligny arrivèrent sur la place , formèrent , de ceux qui étaient revêtus de l’uniforme national , une patrouille , chargée de rôder le long des colonnades , pour faire croire aux passans que la police se faisait exactement. Ils placèrent ensuite , à toutes les issues qui aboutissaient à la place , des surveillans , qui devaient , par un mot de convention , donner l’alarme au moindre danger. Comme les deux chefs traversaient la place , après avoir fait toutes leurs dispositions , ils trouvèrent , près du piédestal sur lequel avait été la statue de Louis XV , un jeune homme de 12 à 14 ans , qui leur donna de l’inquiétude. Ils l’abordèrent , l’interrogèrent , et le firent consentir à rester en sentinelle à cet endroit , et à pousser des cris pour attirer vers lui les personnes qui lui paraîtraient suspectes. On lui promit une récompense, sans le mettre au fait de l’expédition.
Après toutes ces précautions , Cambon grimpe le long de la colonnade , en s’aidant de la corde du réverbère . Douligny le suit , ainsi que plusieurs autres. Avec un diamant , on coupe un carreau , que l’on enlève , et qui donne la facilité d’ouvrir la croisée , par laquelle les voleurs s’introduisent dans les appartemens du Garde-Meuble . Une lanterne sourde sert à les guider vers les armoires , que l’on ouvre avec des fausses clefs et les rossignols. On s’empare des boîtes , des coffres qui contiennent les bijoux et les diamans : on se les passe de main en main ; ceux qui sont au pied de la colonnade reçoivent de ceux qui sont en haut. Tout à coup le signal d’alerte se fait entendre . Les voleurs qui sont sur la place ,s’enfuient ; ceux qui sont en haut se laissent glisser le long de la corde du réverbère. Douligny échappe la corde, tombe lourdement sur le pavé et y reste étendu. Une véritable patrouille , qui avait aperçu la lumière que la lanterne sourde répandait dans les appartements , avait conçu des soupçons . En s’approchant , elle entend tomber quelque chose , elle accourt , trouve Douligny , le relève et s’assure de lui : le commandant de la patrouille , après avoir laissé la moitié de son monde en dehors , frappe à la porte du Garde-Meuble , se fait ouvrir, et monte aux appartemens avec ce qui lui reste de soldats . Cambon est saisi au moment où il était prêt à s’esquiver ; on le réunit à son compagnon , et l’on envoie chercher le commissaire.
L’officier public arrive , interroge les voleurs , qui, se trouvant pris en flagrant délit et les poches pleines d’effets , avouent avec franchise , mais ne dénoncent aucun de leurs compagnons. On visite les appartemens spoliés, on constate l’état des lieux , et l’on dresse un procès-verbal qui est envoyé à l’accusateur public et aux ministres de la justice et de l’intérieur. Le public , instruit de ce vol important , accusa Roland , ministre de l’intérieur , d’une négligence criminelle. Roland , sans s’expliquer ouvertement , fit planer le soupçon sur Danton, ministre de la justice. On dit que Danton s’était emparé furtivement d’une quantité considérable de diamans du Garde-Meuble , et que , pour couvrir son larcin, il fit commettre le vol de ceux qu’il avait laissés. "
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| Sujet: Re: Le tribunal révolutionnaire Jeu 9 Déc - 2:00 | |
| "Auparavant de parler de la procédure qu’on instruisit sur ce vol , disons ce que devint la bande nombreuse qui fut employée à cette expédition . La fausse patrouille , à laquelle la véritable cria le qui vive ? n’ayant pas le mot d’ordre , crut de la prudence d’y répondre par la fuite. Elle se dispersa dans les Champs Elysées , et dans les rues qui y aboutissent. Du nombre des voleurs qui avaient reçu des boîtes de diamans , deux se retirèrent dans l’allée des Veuves , firent une excavation au fond d’un fossé , y enfouirent leurs larçins, le recouvrirent de terres et de feuilles , et se retirèrent tranquillement chez eux . Plusieurs autres allèrent déposer leur part chez leurs receleurs. Le plus grand nombre se réunit sous le pont Louis XVI , et après avoir posé un des leurs en sentinelle au-dessus du pont , ils s’assirent en rond. Le plus important de la bande fit déposer au centre les coffres volés ; il en ouvrit un , y prit un diamant qu’il donna à son voisin de droite , en prit un autre pour le suivant , ainsi de suite. Il avait soin d’en mettre d’abord dans sa poche un pour lui , et, après avoir fait le tour du cercle , d’en déposer un pour le camarade qui était en sentinelle. Lorsqu’un coffre était vidé, il en prenait un autre . Il était en train de faire la distribution du dernier , lorsque la sentinelle donna le signal du sauve qui peut. Le distributeur jeta dans la Seine le reste des diamans à distribuer , et chacun s’échappa comme il put. Plusieurs répandirent , en fuyant, des brillans qui furent trouvés et ramassés le lendemain par des particuliers.
La procédure fit découvrir , outre beaucoup d’objets volés , les receleurs de la bande et les juifs qui achetaient les effets de ces messieurs. Cambon et Douligny furent condamnés à mort. Ils dirent que si on voulait leur faire grâce de la vie , ils découvriraient où l’on trouverait les diamans et nommeraient ceux qui les avaient. Le tribunal fit part de cette proposition au ministre de la justice qui en référa aux comités de l’Assemblée. Un sursis fut accordé aux condamnés , avec espoir de voir commuer la peine de mort en une prison. Ces deux criminels dénoncèrent leurs complices ; on les arrêta presque tous , et l’on retrouva une quantité considérable de diamans . Chez un seul, on en découvrit pour 1,200 000 fr. Plusieurs des voleurs furent condamnés à mort et exécutés.
Ce procès donna lieu à un trait de probité et de délicatesse rare. Un commissaire monte chez la maîtresse d’un des voleurs . Elle avait sur sa cheminée un gobelet rempli d’eau –forte , dans lequel elle avait mis un bijou volé pour en séparer l’alliage. Elle n’a pas le temps de cacher le gobelet ; elle le jette par la fenêtre dans la rue. Quelques minutes après passe une pauvre mendiante ; elle aperçoit sur le pavé des morceaux qui brillent ; elle les amasse , les porte chez un orfèvre , qui lui dit que ce sont des diamans . L’indigente va au comité de la section , fait part de sa trouvaille , la dépose pour être rendue au propriétaire , demande un reçu et va mendier son pain.
Le jour où l’on vint dissoudre le tribunal du 17 août , il était encore occupé de juger un voleur du Garde-Meuble. On ne permit pas d’achever l’instruction . Le président fit venir Cambon , Paul Miette et Douligny. Il leur annonça que le tribunal cessant ses fonctions , il était à craindre que le sursis qu’ils avaient obtenu pour eux ne fût plus d’aucune force. Il leur conseilla de se pourvoir en cassation , ou de s’adresser à la Convention Nationale. Ces criminels profitèrent de l’avis , et se pourvurent en cassation. Ce tribunal accueillit leur requête , cassa le jugement qui les condamnaient à mort. Le tribunal , qui révisa ce procès , les condamna à cinq années de détention ; mais , dans un des mouvements de la révolution, ces malheureux trouvèrent le moyen d’échapper des prisons. Paul Miette s’est établi à Belleville , près Paris , où il vendait du vin : ce voleur a poussé l’effronterie au point de mettre son nom sur son enseigne.
On n’a jamais su la quantité des diamans qu’on ne put retrouver , ni ceux qu’étaient devenus les plus beaux . Quelques accusés annoncèrent à la vérité , dans les débats , qu’ils indiqueraient où l’on trouverait le diamant connu sous le nom le régent ; mais la procédure , imprimée dans le temps , ne donne pas d’autre éclaircissement à cet égard. "
Curieuse histoire , non ? |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Le tribunal révolutionnaire Jeu 9 Déc - 11:31 | |
| Mais que dit le prince, chère amie, quand vous passez vos nuits à poster ??? |
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| Sujet: Re: Le tribunal révolutionnaire | |
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