les sentiments du peuple français pour ses souverains

Tu as raison de recentrer le débat, Pénélope. Gardons ce fil-ci consacré aux sentiments du peuple pour leur souverains, et essayons de ne plus partir dans tous les sens ! C'est qu'on avait posté tous en même temps et que nos messages se sont croisés.

Merci pour les passages des mémoires de Weber que tu cites. Le frère de lait de Marie Antoinette s'y fait l'écho de sentiments qu'on trouve aussi dans les lettres de la reine : ils estiment que le peuple est aveuglé par des factieux.

C'est indéniable, à mon avis. Mais dans quelle proportion la foule parisienne, en 1792, était-elle encore prête à suivre son roi ? Suivant le camp dans lequel on se trouve, on grossira ou diminuera les chiffres... c'est comme les manifs !

Bref... Perso, je l'ignore, je l'avoue. Mais admettons que la majorité de la population française était encore acquise au roi en été 92. Comment expliquer, alors, qu'une poignée d'agitateurs aient pu renverser les Tuileries ?

Comment se fait-il que ce peuple aimant ne s'est pas révolté en masse pour réclamer la libération de son souverain ?

Citation :

Comment se fait-il que ce peuple aimant ne s'est pas révolté en masse pour réclamer la libération de son souverain ?

A ce que je sache, il n'y a pas eu non plus de révolte en masse pour renverser la plupart des dictatures du XXème siècle... Ce n'est pas pour ça, à mon avis, que les gens y étaient heureux...
Mais il y a pourtant un exemple de révolte de masse royaliste contre la Révolution : celui des Vendéens. Et aussi celui des Bretons, des Lyonnais, des Toulonnais, des Marseillais... Tous l'ont payé extrêmement cher. Vous avez aussi, à Paris, la journée du 13 vendémiaire an IV (le 5 octobre 1795), quand les canons de Bonaparte ont repoussé les royalistes qui assaillaient les Tuileries. Les apparatchiks thermidoriens ne s'encombraient pas de scrupules comme Louis XVI lorsqu'il s'agissait de faire feu sur la foule.

Quant aux agitateurs qui ont pris les Tuileries, il fallait voir la terreur qu'ils inspiraient, notamment le fameux régiment des Marseillais. Il y avait aussi les milices de Santerre et les fédérés cantonnés près de Paris, chose à laquelle Louis XVI s'était opposé (ce qui lui avait valu la journée du 20 juin). Je comprends, dans une certaine mesure, que le peuple n'ait pas eu envie de se frotter à de tels individus...

D'autres indices de l'amour du peuple pour son Roi : la pétition des 20 000 pour protester contre le 20 juin, les acclamations faites à Marie-Antoinette au Théâtre Italien quand, lors de l'intermède de la pièce "les Evénements imprévus", la servante Lisette s'écrie "Comme j'aime ma maîtresse! Nous devons aimer nos maîtres!"
Entre le procès du Roi et son assassinat, les acteurs reprennent sur scène la phrase de l'avocat de Sèze : "Je cherche parmi vous des juges, je ne vois que des accusateurs!"
Et le lendemain du 21 janvier, on s'arrache non pas les paroles de la Marseillaise, mais celles d'une chanson royaliste où Louis XVI, si ma mémoire est bonne, est comparé avec le Christ.

Personnellement je suis un peu moins optimiste...car j'ai l'impression que les quelques élans favorables du peuple pour la famille royale en 1792 sont si ponctuels et rares, qu'ils relèvent plus d'une petite nostalgie rapide, voire d'un réflexe monarchique, qui ne dure pas longtemps.
Car il a suffi de lire le manifeste de Brunswick pour que tout le monde oublie d'acclamer la famille royale, bien au contraire.
La foule était bien trop persuasive et crédule, les révolutionnaires et les agitateurs en faisaient ce qu'ils voulaient, quand ils voulaient.
Je pense aussi que si le peuple aimait encore vraiment son Roi et sa Reine en ce temps, ils n'auraient pas laissé faire ce qu'il s'est fait par la suite...

Je partage votre impression Chou. La France n'était pas dans une situation économique favorable, tant s'en faut et, la guerre aidant, la disette ne trouvait guère de remède.

Je crois que, dans de telles conditions, les masses sont plus malléables qu'à l'ordinaire et suivent ceux en qui elles espèrent. Que ce soit à tort ou à raison, ce n'est pas à moi d'en débattre

De plus, on promettait à la foule la liberté, l'égalité, les emplois pour tous et la prospérité économique...forcément si en plus on leur disait qu'ils auraient tous ça si la famille royale est écartée du trône...le peuple avait là un choix à faire assez facile...:s:

Et sauf quelques execptions, très peu de parisiens se sont déplacés aux Tuileries pour voir comment était traitée la famille royale...il y avait aussi une légère indifférence sur son sort...

Citation :

De plus, on promettait à la foule la liberté, l'égalité, les emplois pour tous et la prospérité économique...forcément si en plus on leur disait qu'ils auraient tous ça si la famille royale est écartée du trône...le peuple avait là un choix à faire assez facile...

Tellement facile qu'il y a eu 80% d'abstention au vote qui devait aboutir à la création de la République le 21 septembre 1792...et la menace des milices autour des bureaux de vote pour que les 20% de votants ne se trompent pas de bulletin...

Le peuple français a toujours été majoritairement royaliste, jusqu'à ce que la IIIème République se charge de lui faire un petit nettoyage de cerveau. Le totalitarisme actif n'ayant pas fonctionné, il a fallu passer au totalitarisme passif.

Citation :

Le peuple français a toujours été majoritairement royaliste, jusqu'à ce que la IIIème République se charge de lui faire un petit nettoyage de cerveau.

Pardonnez moi mais je ne suis pas d'accord avec cette affirmation. Napoléon fut très aimé et l'une des plus belles preuves en fut son retour en 1815. De son débarquement à Golfe Juan à son arrivée à Paris, pas un coup de feu ne fut tiré.

Oui en effet...les restaurations sous Louis XVIII et Charles X, pendant lesquels il y eu un élan monarchiques, ont plus été ponctuelles, et dûes à la volonté de changer les choses, surtout en ce qui concerne les guerres interminables. Mais ces monarchies là étaient fragiles, et la manière dont Charles X a dû fuir montre effectivement que la royauté pure était bien malade...

Napoléon a quand même failli se faire lyncher sur la route de l'île d'Elbe. Et quand les 100 jours se sont terminés, les Français en ont été bien soulagés. Les guerres napoléoniennes, avec leur conscription, avaient tout de même saigné le pays à blanc. La gloire napoléonienne, les gens n'en pouvaient plus. Trop de parents avaient perdu leur fils à la guerre, trop d'ouvriers souffraient de la militarisation du monde du travail...

Je connais moins Napoléon que vous, mais j'ai surtout l'impression que son succès à son retour en 1815 lui venait de l'armée et des vétérans, qui avaient été délaissés par la Restauration. Et il y avait aussi les excès des ultraconservateurs qui voulaient se venger et retrouver leurs privilèges. Cela, Louis XVIII le condamnait, et Louis XVI, en son temps, avait suffisamment lutté contre les privilèges pour nous prouver que de tels abus n'étaient pas imputables à la nature monarchique du régime et que les Français, s'ils tenaient aux acquis dont 1789 avait volé l'initiative à Louis XVI, n'en tenaient pas moins autant au régime monarchique. Les Français savaient que le Roi était leur allié.
Saviez-vous que même le sacre de Charles X, en 1825, et que l'historiographie représente sous les traits les plus grotesques, avait eu grand succès auprès du peuple?
Mais en 1815, la fidélité de l'armée va à Napoléon, et ça, le peuple n'y peut pas grand-chose. C'est un peu comme sous l'empire romain, quand les prétoriens faisaient et défaisaient les empereurs. Que se serait-il passé si Ney ne s'était pas jeté dans les bras de Napoléon? Mais cela, c'était impossible, cela avait été une grande maladresse d'envoyer son ancien compagnon d'armes contre Napoléon, comme ç'avait été une grande maladresse de licencier 300.000 soldats.
C'est le mécontentement de l'armée qui est la clef pour comprendre le retour triomphal de Napoléon. Le peuple, lui, ne demandait certainement pas à écoper de nouvelles guerres.
Et puis, s'il n'y a pas eu de coup de feu, c'est aussi grâce à Louis XVIII, qui refuse d'engager la riposte. Au moment de quitter Paris, il prononce cette phrase : "Non, je ne vais pas déchirer mon royaume".

Non, la date fatidique pour le royalisme en France, c'est 1881.

Tout à fait d'accord avec vous Petit Normand.

Il suffit de se rappeller qu'en 1795, lors des premières élections au SU, les royalistes sont arrivés largement en tête... à la grande fureur de la République, qui a purement et simplement "supprimé" le vote !

Et que la République n'a pu s'établir réellement en France qu'après la mort du comte de Chambord, dernier héritier présomptif du trône des Bourbons. Au début de la IIIe République, ce sont toujours les royalistes qui sont majoritaires.

Et encore plus fort, le droit de vote ne sera donné aux femmes françaises qu'en 1945, soit près de 3 générations plus tard, car elles étaient réputées plus attachées aux valeurs traditionnelles, c'est-à-dire chrétiennes et monarchiques.

Il lui en a fallu du mal, à la République, et il lui en a fallu des mensonges et des combines en tout genre, pour s'imposer en France.

Note de modération : Très chère Pénélope, je vais doubler ton message ici

Pouvons-nous demander à tous les participants qui ont envie de répondre à ce message en se concentrant sur la monarchie et la république actuellement de s'exprimer sur ce dernier fil ?

Nous laisserons celui-ci aux sentiments de la population française au temps de Louis XVI et Marie Antoinette.

J'espère que je ne vous parais pas trop prise de tête... mais ce sujet déchaîne des passions et, alors, le débat part dans tous les sens.

Si je peux me permettre et en laissant toute liberté à la modération de supprimer ou de déplacer ce message, est-ce qu'un des érudits qui fréquentent ce forum aurait déjà entendu parler de la pièce de théâtre
" Adèle de Sacy " qui était jouée au Théâtre du Lycée, fin août - début septembre 1793, et où il existerait des allusions à la situation de la Reine et de Louis XVII ?

http://groups.msn.com/forumLouisXVII/evasiontemple.msnw?action=get_message&mview=1&ID_Message=19808

Pour ma part non...mais je suis grandement surpris qu'une pièce de théatre traitant d'un tel sujet ait été autorisée et maintenue en Septembre 1793 par les révolutionnaires....

Pourtant, oui, Chou, apparemment :
http://www.cesar.org.uk/cesar2/titles/titles.php?fct=list&search=sacy

http://books.google.com/books?id=LApeiMdR4KUC&pg=PA200&lpg=PA200&dq=ad%C3%A8le+de+sacy&source=web&ots=ws2YtDpm2a&sig=BB8X4eVOCEJiXHmSO1ay9eKuQVg#PPA200,M1

Pourtant, l'allusion paraît discutable :
http://books.google.com/books?id=IbOOI2-2du0C&pg=PA325&lpg=PA325&dq=ad%C3%A8le+de+sacy&source=web&ots=U1So9x3nm4&sig=RBBsG39sFtkQwCSDC5qiFCZHVpI

http://books.google.com/books?id=N4sNAAAAIAAJ&pg=PA22&lpg=PA22&dq=ad%C3%A8le+de+sacy&source=web&ots=ket3q8-x7I&sig=G_WynrG_RTQ2JkB89le2tR2hugE

Très chère Pimprenelle,

Merci ! Votre thé avec une pointe de fleur d'orange n'a rien d'apocryphe ou de théâtral !

Ne soyez pas surprise si à la première occasion, et contrairement aux usages de la Cour je redemande une nouvelle tasse ! ...

Vous m'avez donné soif !...

Merci Pim!

Comme quoi...les révolutionnaires avaient leur part de contradiction...même si ils en avaient une bonne