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| Les femmes et la Révolution - 1770-1830 | |
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flower power
Nombre de messages : 517 Date d'inscription : 09/05/2015
| Sujet: Les femmes et la Révolution - 1770-1830 Sam 6 Avr - 22:26 | |
| Les femmes et la Révolution 1770-1830 Christine Le Bozec (Passés Composés, 320 pages, 2019)Christine Le Bozec a enseigné l’histoire de la Révolution française à l’Université de Rouen. Avec Les femmes et la Révolution (1770-1830), elle nous livre un superbe condensé sur un aspect méconnu de cette période, émaillé de quelques beaux portraits de femmes engagées… et demeurées dans l’ombre. Elle rappelle le rôle moteur qu’ont joué les Françaises dans les débuts de la Révolution et montre comment les espoirs nés des premières années ont été brisés net à l’automne 1793… Le règne de Louis XVI marque le triomphe des « salons littéraires » ou « salons de conversation ». On en compte à Paris plus de soixante. Là, des femmes brillantes et hospitalières reçoivent avec distinction des personnalités de tous bords et de toutes origines pour animer des conversations de haut vol sur tous les sujets qui intéressent ces dames et ces messieurs : philosophie, politique, sciences, arts, lettres etc. Mais ne nous illusionnons pas, prévient Christine Le Bozec. Ces salons très féminins sont en quelque sorte hors-sol. Ils ne reflètent pas la situation ordinaire des femmes ni l’opinion qu’en ont les hommes. Jean-Jacques Rousseau, qui fréquente ces salons et tient en estime ses hôtesses, ne se prive pas d’écrire dans L’Émile (1762) : « Toute l’éducation des femmes doit être relative aux hommes. Leur plaire, leur être utiles, se faire aimer et honorer d’eux, les élever jeunes, les soigner grands, les conseiller, les consoler, leur rendre la vie agréable et douce, voilà les devoirs d’une femme dans tous les temps, et ce qu’on doit leur apprendre dès leur enfance. […] Il est dans l’ordre de la nature que la femme obéisse à l’homme […] la dépendance étant un état naturel aux femmes, les filles sont faites pour obéir. » Rassurons-nous, d’autres philosophes, tels Diderot et le marquis de Condorcet, ont une conception plus ouverte du « beau sexe » mais ceux-là sont minoritaires… et auront moins d’influence sur les ténors de la Révolution que le bon Jean-Jacques. Les femmes et la Révolution (1770-1830) Des salons littéraires au retour de bâtonLe règne de Louis XVI marque le triomphe des « salons littéraires » ou « salons de conversation ». On en compte à Paris plus de soixante. Là, des femmes brillantes et hospitalières reçoivent avec distinction des personnalités de tous bords et de toutes origines pour animer des conversations de haut vol sur tous les sujets qui intéressent ces dames et ces messieurs : philosophie, politique, sciences, arts, lettres etc. Dans la société française du XVIIIe siècle, à dominante rurale, les femmes participaient en première ligne aux activités de production. À part quelques femmes de fermiers aisés, la plupart travaillaient dur aux champs, s’occupaient des bêtes, bêchaient le potage et se débrouillaient tant bien que mal avec leur mari pour payer taxes et impôts et échapper à l’indigence. Louis XVI ramené à Paris... par les femmes !Quand éclate la Révolution, les femmes sont très présentes, tant durant la « Journée des tuiles » de Grenoble, le 7 juin 1788, qu’à la prise de la Bastille, le 14 juillet 1789. Mais c’est surtout les 5 et 6 octobre 1789 que leur intervention est décisive, quand les Parisiennes vont chercher le roi à Versailles et le ramènent à Paris. Elles se mêlent aux clubs qui surgissent ici et là à Paris et dans les grandes villes. Elles fondent aussi en mars 1791 un club mixte dans lequel vont se révéler des femmes appelées à un grand rôle : la journaliste Louise de Kéralio, la chocolatière Pauline Léon, la comédienne Claire Lacombe, proche de Marat etc. Le 6 mars 1792, Pauline Léon lit devant l’Assemblée législative une pétition signée par 319 femmes. Ce jour est considéré comme l’acte de naissance des « Tricoteuses », ces militantes qui ne vont avoir de cesse de sermonner les députés du haut des tribunes. Quoique très minoritaires, ces Parisiennes obtiennent en définitive de l’Assemblée qu’elle vote avant de se séparer, le 20 septembre 1792, le mariage républicain, l’égalité des époux et le droit au divorce par consentement mutuel ! En dépit de ces avancées, les femmes n’acquièrent pas le droit de vote. Elles demeurent des « citoyennes sans citoyenneté ». C’est au cours du printemps et de l’été 1793 que « le mouvement féminin atteint son plein régime caractérisé », note l’historienne, à la faveur des batailles pour le port de la cocarde tricolore et surtout l’instauration d’un prix maximum sur les denrées de première nécessité ! Mais le retournement sera d’autant plus brutal à l’automne de la même année. Le 30 octobre 1793, la Convention interdit les clubs et les sociétés populaires de femmes. Dans le même temps, plusieurs femmes sont envoyées à la guillotine, à commencer par la reine Marie-Antoinette, Olympe de Gouges, Madame Roland, Charlotte Corday… L’assassinat de Marat par cette dernière achève de convaincre les députés du bien-fondé de leurs préjugés contre les femmes. Comme on l’a compris, Christine Le Bozec met remarquablement en lumière les espoirs trahis de la Révolution. Elle montre ensuite le chemin vers la grande régression du XIXe siècle, avec en point de mire le code Napoléon qui criminalise l’adultère féminin et la suppression du divorce par la loi Bonald le 8 mai 1816. Les femmes et la Révolution (1770-1830) fera date par son érudition mais aussi par la rigueur de sa démonstration et la limpidité de l’écriture. André Larané https://www.herodote.net/ _________________ a mortifying family tradition
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| | | Therese Belivet
Nombre de messages : 213 Date d'inscription : 09/01/2019
| Sujet: Re: Les femmes et la Révolution - 1770-1830 Jeu 23 Mai - 20:29 | |
| Autre analyse : - Les femmes et la Révolution, 1770-1830 est un essai historique de Christine Le Bozec sur la participation des femmes à la vie publique pendant la Révolution française, ainsi que pendant les années immédiatement antérieures et postérieures à cet évènement. Docteure en histoire et ancienne professeure d’université, Le Bozec offre ici un ouvrage de vulgarisation concis et accessible, y compris pour les lecteurs peu familiers de la période. Ceux-ci y trouveront une bonne introduction au sujet, avec des références bibliographiques utiles en fin d’ouvrage pour aller plus loin.
Les lecteurs ayant déjà lu ou effectué des recherches sur le rôle des femmes dans les révolutions des XVIIIe et XIXe siècles risquent toutefois d’être déçus. Les sources citées dans le texte sont intéressantes mais ne contiennent aucune « pépite ». On aurait aimé par exemple l’insertion de quelques visuels pour illustrer le propos, tels que des représentations de femmes dans les caricatures et les tracts révolutionnaires (le choix ne manque pas) ou dans les œuvres d’artistes de la période.
Sur le fond, l’ouvrage n’apporte pas grand-chose de nouveau. Le choix d’accorder une place importante aux salonnières est certes intéressant, mais cela créé un certain déséquilibre car les passages consacrés aux femmes du peuple (ouvrières, commerçantes, paysannes) sont assez peu développés, bien que celles-ci aient également joué un rôle important (et parfois plus important que celui des femmes de la noblesse et de la bourgeoisie) dans les mouvements insurrectionnels. Le travail exceptionnel de Dominique Godineau sur la contribution des femmes du peuple à la révolution est certes mentionné, mais trop peu exploité.
Les principales thèses développées par Les femmes et la Révolution, quoique bien étayées, ne sont pas toujours formulées de manière convaincante. Ainsi, l’auteure s’attelle avant tout à démonter ce qu’elle décrit comme « le mythe de la salonnière d’Ancien Régime, femme libre et libérée » (p. 199). Un « mythe » franchement contestable car, si les salonnières bénéficient en effet d’une réputation de femmes lettrées et influentes, à la fois auprès de leurs contemporains, et auprès des historiens d’aujourd’hui, peu d’ouvrages les présentent comme des femmes libres et beaucoup d’auteurs insistent au contraire sur l’importance des conventions sociales et sur la façon dont la liberté de ton dans les salons contraste avec la nature codifiée des relations sociales hors de ces lieux de rencontres et de débats.
De même, l’affirmation selon laquelle les femmes auraient perdu leurs droits « culturels » mais conservés leurs droits « civils » après 1799 est en partie contestable. Si Le Bozec a raison de souligner l’exclusion des femmes des institutions culturelles officielles, le nombre de femmes artistes au début du XIXe siècle est loin d’être inférieur à celui de la période précédente. En matière de droits civils, le retour en arrière sur le droit au divorce illustre par ailleurs une forte régression des droits des femmes suite à l’adoption du Code civil par Napoléon.
C’est finalement la partie centrale de l’ouvrage qui offre l’analyse la plus intéressante, en décrivant les différentes modalités d’action des femmes pendant les différentes phases de la Révolution française. La dernière partie sur les années 1799-1830, très rapide, n’offre que très peu d’éléments sur l’impact pour les femmes de la période de transition entre la chute de l’Empire napoléonien et la Restauration.
Les femmes et la Révolution est donc une lecture principalement destinée aux curieux qui s’interrogent sur le rôle des femmes de 1789 à 1799. Pour ceux qui voudraient en savoir plus sur les conditions de vie des femmes du peuple et sur les représentations de la femme en lien avec l’iconographie révolutionnaire, on recommandera plutôt les excellents ouvrages et articles de Dominique Godineau (Citoyennes tricoteuses) et Michelle Perrot (Les femmes ou les silences de l’histoire). http://www.lesuricate.org/les-femmes-et-la-revolution-de-christine-le-bozec/
_________________ Those words were somehow future, and this was present.
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| | | globule Administrateur
Nombre de messages : 2236 Date d'inscription : 04/10/2017
| Sujet: Re: Les femmes et la Révolution - 1770-1830 Mar 2 Juil - 8:38 | |
| Encore un autre point de vue. - Aristocrates, bourgeoises ou femmes du peuple, ce sont les figures des Femmes et la Révolution, récemment édité par la nouvelle maison Passés Composés, que convoque Christine Le Bozec. Grâce, ou à cause, de certaines femmes remarquables et remarquées, Mesdames de Staël, Campan ou encore Olympe de Gouges, pour ne citer qu’elles, il est souvent admis que le XVIIIe siècle fut un siècle de quasi liberté féminine.
Il ne faudrait pourtant pas se tromper, et ne pas arborer quelques dames pour cacher la forêt – où se camoufle quantité de femmes opprimées, souvent privées d’éducation et contrainte au mariage et, de suite, à une vie non choisie faite de gestion du foyer et de travaux en tous genres pour subsister. Les problématiques d’une Germaine de Staël, prônant, au début de la Révolution française, l’établissement d’une monarchie constitutionnelle, ne peuvent coïncider avec celles de la femme du peuple qui ne sait si elle trouvera assez de pain pour le prochain repas. Tâche autrement plus ardue que de refaire le monde dans un salon entourée de quelques bons amis. C’est toute cette diversité que l’on rencontre dans le livre, Les femmes et la Révolution – 1770-1830, de la docteure en histoire et spécialiste de la Révolution française, Christine Le Bozec. Pour comprendre qui étaient les femmes de la fin XVIIIe début XIXe siècle, il faut analyser, étudier, les paysannes, les citadines, les bourgeoises, les mondaines…. Qui étaient celles qui tenaient salon, et qui ont contribué à faire circuler cette légende urbaine que les femmes d’alors étaient libres, éduquées, entreprenantes… ? En quoi ces salons, et les idéaux qui y étaient abordés et débattus, étaient-ils représentatifs de ceux de la société ? Car il faut bien comprendre que c’est la bourgeoisie qui les fréquentait qui est à l’origine des premiers feux de la Révolution de 1789, cette « bourgeoisie à talent […] voyait ses possibilités d’ascension sociale bloquées par sa roture et se trouvait privée de l’espoir d’accéder à des fonctions de commandement ecclésiastique, politique ou militaire. » Une certaine frustration, donc, pour cette partie de la population qui souhaitait, de fait, être noble à la place des nobles. Ces désirs d’accession à des charges plus élevées étaient l’apanage des hommes, il était évidemment hors de question pour la gent féminine espérer atteindre de telles fonctions, et si beaucoup de ces messieurs ambitieux se rendaient chez les salonnières, c’était plus pour se montrer dans la bonne société que pour cautionner les « divagations » idéologiques des femmes. « [S]i bien que ces hommes laissaient leurs préjugés à la porte, taisant pour le plus grand nombre ce qu’ils pensaient des femmes. » Dans les faits, quels sont les droits des femmes ? En lisant ce livre il apparaît qu’elles étaient très peu « [c]onsidérées au mieux comme complémentaires des hommes », elles vivaient littéralement dans leurs ombres. Leur condition change néanmoins, un peu, pendant la Révolution française. Mais en synthétisant les chapitres où défilent le peu d’acquis et les nombreuses injustices, il apparaît très clairement que si on desserra alors un peu la longe, c’était plus pour permettre de grossir le rang des révolutionnaires. On ne leur accorda pas plus d’intelligence pour autant, mais assez volontiers, en revanche, une bonne dose de courage. Ne soyons pas dupes, la stabilité revenue, on renvoya ces dames à leurs cuisines et les vieilles excuses revirent le jour : sans éducation comment voulez-vous qu’une femme puisse prendre le commandement de quoi que ce soit ? Qui plus est, « à la merci de leurs flux et de leurs nerfs, n’étant gouvernées que par des émotions et des sentiments, les femmes seraient incapables d’exercer leur raison. » Et ça n’est certainement pas l’arrivée au pouvoir de Bonaparte, misogyne patenté, qui va arranger les choses. Le 21 mars 1804, le Code civil remet « la femme à sa place, inférieure et subordonnée. » À noter que Napoléon était, au moins, droit dans ses bottes puisqu’il disait encore à Sainte-Hélène, « la femme appartient au mari comme la pomme au propriétaire du pommier. » Quelqu’un n’aurait-il pas pu, alors, lui conseiller de se gratter un peu la tête ? Il y aurait peut-être trouvé deux cornes prouvant qu’on ne tient pas si facilement femme en laisse ! - Petits rappels anecdotiques (ah ?) mais éclairants :
• 1907 : la femme mariée et salariée a le droit de disposer de son salaire mais pas des autres biens du foyer • 1928 : droit au congé maternité • 1938 : on reconnaît une « capacité juridique » à la femme • 1946 : la Constitution adopte le principe d’égalité entre hommes et femmes • 1965 : la femme peut ouvrir un compte en banque et ne plus demander l’autorisation de son mari pour travailler • 1974 : loi Veil pour l’avortement • 1975 : possibilité de divorcer par consentement mutuel • 1999 : loi en faveur de la parité homme-femme en politique • 2013 : abrogation de la loi qui interdisait aux femmes de porter le pantalon. Même si cette loi n’était plus respectée, elle figurait toujours dans nos textes juridiques. À noter que ça n’est qu’en 1980 (moins de quarante ans donc) que les femmes députées furent autorisées à porter le pantalon à l’Assemblée. Ce livre, fort instructif, laisse un petit goût amer, il me semble que trop souvent j’ai noté en marge « n’a pas tellement changé aujourd’hui ». https://www.actualitte.com/article/livres/revolutionnaires-en-jupon-en-parler-au-passe/95590 Hallucinant ! _________________ - Je ne vous jette pas la pierre, Pierre -
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