Gossec , musicien hennuyer

Il ne fallut pas longtemps pour amener dans la chambre Marie-Elisabeth qui attendait , transie de froid et d'inquiétude au bout de la rue. Rameau, enchanté de l'heureuse aventure pria les deux musiciens de s'asseoir devant le clavecin et d'employer le reste de la matinée à étudier les parties en vue de la répétition de l'après-midi.

Vers midi, Rameau vint chercher Gossec et sa compagne. Les musiciens étaient fort mal disposés par esprit de solidarité pour leurs deux collègues absents. Lorsqu'ils virent ce jeune homme qui allait les diriger , ils murmurèrent assez hautement et seule la présence du compositeur réprima des paroles et des gestes désobligeants de la part surtout des vieux musiciens qui se considéraient blessés dans leur amour propre.

J'ai trouvé des morceaux de musique sur la Guirlande de Rameau sur You tube

https://www.youtube.com/watch?v=F_Pzeins85s

https://www.youtube.com/watch?v=C5bAMvSW2x8

https://www.youtube.com/watch?v=M2bC5un3lso

La répétition commença pourtant . Mais la mauvaise volonté des violons fit manquer à tout l'orchestre plusieurs passages fort importants. "Messieurs , dit Gossec , le concert n'a lieu qu'à six heures ; il dépend de vous que la répétition soit excellente . Je vous préviens que je ferai répéter jusqu'à ce que nous arrivions à toute la perfection désirable".

Un vieux musicien répilqua aussitôt que le dernier trait que l'on venait d'exécuter était mal doigté et par conséquent injouable. Gossec lui prit le violon des mains et réussit le passage avec une netteté remarquable. L'orchestre comprit qu'il avait à faire à un artiste de talent et la suite de la répétition se déroula sans anicroche. Le soir, le concert obtint beaucoup de succès. Gossec reçut les compliments de M. de la Pouplinière qui l'engagea comme premier violon dans son orchestre.

Merci beaucoup ! J'ai une tendresse particulière pour Gossec qui me vient du temps où j'étais encore capable de le jouer à la flûte. Je lisais justement une biographie du Chevalier de Saint-Georges, qui fut son élève.

Ah, je suis heureuse de faire plaisir.
Je continue donc ma bio sur Gossec .

Le fermier général Alexandre Jean Joseph Le Riche de la Pouplinière pouvait passe pour le type du grand seigneur et bel esprit du XVIIIe siècle. Parisien de naissance, il se piquait d'avoir des lettres.
Parce qu'il avait épousé la fille de la comédienne Mimi Dancourt , il se croyait le protecteur obligé des écrivains et des artistes. Son immense fortune avait attiré dans son hôtel de la rue Neuve St Roch, une foule de courtisans qui l'adulaient et qui vivaient à ses dépens . La société qui se pressait dans ses salons formait un mélange des plus hétéroclites : Artistes, écrivains, acteurs, filles de joie , hauts magistrats, gentils abbés , financiers, gazetiers ...
Ce qui faisait dire à Grimm que la maison était une ménagerie et le maître le sultan !
Sur cette foule se détachaient nombre de personnalités brillantes : le comte de Kaunitz , le prince Louis-Eugène de Wurtemberg , le maréchal de Saxe , le maréchal de Richelieu, l'abbé de la Coste, Marmontel, Casanova ...

http://fr.wikipedia.org/wiki/Mimi_Dancourt

http://operabaroque.fr/EDITO_NOV_06.htm

http://jp.rameau.free.fr/deshayes-bio.htm

Dans ces salons, on causait science et littérature ; on écoutait une leçon de physique , un divertissement astronomique ; on lisait des articles de l'Encyclopédie ou des vers amphigouriques ; on jouait au jeu de trente et quarante ; on discutait sans entraves , avec animation.

Entre la comédie et l'orgie , on réorganisait les finances , on colportait des pamphlets , on nouait des ibtrigues amoureuses , on tramait des cabales. Mais ce qui faisait sans contredit le principal attrait de ces belles réunions , c'étaient les concerts excellents que l'on exécutait une fois par semaine.

La Pouplinière entretenait un orchestre complet , des choristes et des chanteurs , dont le coût s'élevait à 30 000 livres par an. La primeur de toutes les oeuvres de Rameau et de plusieurs compositeurs de talent tels Sammartini, Stamitz, Procksch et Schenker , était réservée à ces magnifiques auditions.
Mais La Pouplinière fut encore le protecteur des jeunes, des débutants, des étrangers et c'est ce qui lui donne une place singulièrement importante dans l'histoire de la musique au XVIIIe siècle.

Dans le petit appartement qu'ils ont loué non loin de la rue de la Sourdière et qu'ils ont meublé avec recherche, le couple organise une vie tendre, calme et studieuse. De très rares visites d'amis , quelques livres, un violon et un clavecin, voilà leurs seules distractions. Gossec consacre toutes ses heures à la musique. Le matin, il donne des leçons que lui procurent ses protecteurs.
A midi, François et Marie-Elisabeth vont à l'hôtel du fermier général prendre leur place au pupitre . Le soir, quand les concerts n'exigent pas sa présence à la rue Neuve St Honoré , Gossec compose des duos et des symphonies.

Gossec ne fut pas promu en 1751 à la direction des concerts de La Pouplinière . Le plaisir et l'avantage de disposer d'un excellent orchestre ( 1 ) qui interprétait ses oeuvres, autant que la satisfaction d'obtenir des profits somptueux qui comblaient sa cupidité , retinrent Rameau longtemps encore chez le riche mécène. D'ailleurs, le fermier général appréciait trop les hautes qualités de l'artiste pour songer à lui donner comme successeur un jeune musicien qui ne connaissait pas encore la gloire.
La présence de Rameau fut toute à l'avantage de Gossec qui recueillit dans sa fréquentation des enseignements techniques fort précieux. Mais peu à peu , l'état de santé et le caractère acariâtre de Rameau , d'une part , et, de l'autre , l'originalité et la maîtrise croissantes de Gossec préparèrent le remplacement. en 1756 , La Pouplinière confia à Gossec la direction effective de ses concerts du château de Passy.

(1 )
C'était le plus harmonieux de l'époque. il se composait de 5 violons, 1 violoncelle, 1 contrebasse, 1 clavecin ( Mme Gossec ), 1 harpe, 1 flûte, 1 hautbois, 2 bassons, 2 clarinettes , 2 cors ( C. Cucuel, La Pouplinière et la musique de chambre au XVIIIe siècle, Paris, 1913 )

Gossec aimait beaucoup la musique sacrée, la première qu'il eût entendue et chantée. Il conçut l'idée d'écrire une Messe des Morts. Peu à peu , le projet mûrit , l'artiste travaille avec ferveur , l'oeuvre s'achève , se parfait et au mois de mars 1760, Gossec se décide à la faire exécuter chez les Jacobins.
Parmi les amateurs de musique venus dans l'antique église de la rue St Jacques comme à un spectacle de l'opéra , on remarquait le Prince de Conti qui s'intéressait à Gossec et qui lui avait offert la direction de ses concerts. par reconnaissance pour son premier protecteur , Gossec avait refusé une place aussi avantageuse.

https://www.youtube.com/watch?v=0gTxOd6j4-c

Un éloge prononcé par Philidor sur la Messe des Morts contribua à la renommée de Gossec.
Cette Messe des Morts eut une influence considérable : elle marqua une étape décisive dans l'évolution d'un genre nouveau , la symphonie. La réunion à l'orchestre des tambours, des trompettes, des clarinettes et des bassons, constituait une innovation.

Désormais , les instruments à vent renforceront les ensembles, concourront à l'expression ; les compositeurs s'attacheront aux constrastes, aux effets d'harmonie , aux combinaisons de timbres. La part prise par Gossec dans le développement de ce genre nouveau lui valut le titre de père de la symphonie. La première symphonie de Gossec date de 1753.

Gossec partage ce titre de père de la symphonie avec d'autres compositeurs comme Haydn , Samartini...
C'est en 1753 qu'il composa sa première symphonie : Sei sonate a due violini e basso. Elle est d'inspiration italienne mais elle révèle déjà le talent de son auteur. De 1755 à 1777, il écrivit un grand nombre d'oeuvres instrumentales , environ 80 .

Parmi les autres oeuvres nombreuses qui furent composées au cours des années suivantes , mentionnons des pièces pour clarinettes, La Grande chasse de Chantilly, des quatuors , une autre symphonie de la chasse...
Enfin , en 1809 , à l'âge de 75 ans , il écrivit sa grande symphonie à 17 parties.

L'une des symphonies de Gossec

https://www.youtube.com/watch?v=sBxcQq4FjwU

Un édit royal signé le 1er janvier 1762 releva M. de La Pouplinière de ses fonctions de fermier général. Le pauvre homme qui de ce fait , perdait 52 000 livres par an ne survécut guère à sa disgrâce. A la fin de l'année , il trépassa , fort regretté de tous les artistes et gens de lettres qu'il avait encouragés et soutenus.

Gossec était sur le pavé. Sans doute , l'orchestre de M. de la Pouplinière n'était-il pas le seul orchestre dans Paris.
D'autres grands seigneurs entretenaient des musiques particulières. Quelques années auparavant , le Prince de Conti avait offert la direction de son orchestre à Gossec qui, par délicatesse pour son protecteur avait refusé. Cet emploi avait été confié à Trial, premier violon à l'opéra comique, dont le talent et la maîtrise n'avaient pas tardé à s'imposer. Cependant, au lendemain des obsèques de M; de la Pouplinière , Gossec entra au service du prince de Conti mais en qualité de " simple ordinaire". enfin, c'était le pain quotidien assuré.