de Neubourg
Nombre de messages : 386 Date d'inscription : 08/08/2018
| Sujet: Histoire de la voyance et du paranormal. Du XVIIIe siècle à nos jours Ven 4 Oct - 6:51 | |
| Présentation de l'ouvrageVoyance, astrologie, numérologie, parapsychologie, spiritisme, le paranormal englobe de nos jours toutes ces croyances et d'autres encore : la théosophie, le new age, le "psy". Le plus souvent confondus, amalgamés, ces termes font régulièrement la une de nos journaux et de nos revues. Ils traversent nos vies, se glissent dans les scénarios de film, de série, de documentaire ou de reportage, et toujours se pose la question : "Y croyez-vous ?" Ce livre pourtant ne la posera pas. Son but est autre : il vise à analyser et à replacer dans un temps long ces domaines du paranormal. Voir, prédire, traverser les miroirs du temps, voyager dans des univers parallèles, ces phénomènes réels ou irréels, vrais ou rêvés, s'ils sont universels, n'en ont pas moins une histoire complexe et tortueuse, chacun possédant une signification particulière qui évolue au fil du temps. C'est cet envers de la raison, cette emprise progressive du paranormal sur nos sociétés que l'ouvrage donne à comprendre, en montrant comment les frontières entre science et religion, savoir et croyance, normal et anormal s'en trouvent radicalement bouleversées. Un mot de l'auteurNicole Edelman est maître de conférences en histoire contemporaine à l'université Paris X-Nanterre. Elle a publié Voyantes, guérisseuses et visionnaires en France (Albin Michel, 1995) et Les Métamorphoses de l'hystérique : du début du XIXe siècle à la Grande Guerre (La Découverte, 2003). Pour aller plus loin- Des fantômes au pays des savants: « Histoire de la voyance et du paranormal », de Nicole Edelman
La chronique de Roger-Pol Droit.
C'est un moment déconcertant de l'histoire des investigations scientifiques. Des chercheurs reconnus, souvent des sommités — médecins, physiciens, philosophes, neurologues —, ont scruté, des années durant, d'invraisemblables phénomènes produits par des "médiums" et divers "sujets" aux pouvoirs supposés exceptionnels. Les exploits recensés fournissent matière à une liste fantastique : déplacements de petits objets par la pensée, apparitions de formes ou de sonorités jugées inexplicables, visions à distance, transmissions d'informations par télépathie... sans compter le fin du fin : la production d'"ectoplasmes", sortes de poupées-fantômes en trois dimensions s'échappant du corps de quelques médiums. On en possède, dit-on, photographies et moulages.
"Plus un fait est bizarre, plus il est instructif", proclamait Hippolyte Taine pour marquer la spécificité de la psychologie. Sous la plume de ce rationaliste, fort méfiant envers toute forme d'occultisme, la phrase signifiait que les connaissances progressent en intégrant des données inhabituelles. Dans les instituts de "recherche psychique" de la fin du XIXe siècle, la même formule finit par suggérer que tout fait extravagant est à prendre au sérieux. C'est ce que font, d'expérience en expérience, cette ribambelle de messieurs à lorgnons et cols amidonnés. Tous se proclament très attentifs à déjouer les supercheries. Ils multiplient les précautions, surveillent les protocoles. Leurs travaux, au cours de deux ou trois décennies, ont rempli plusieurs rayons de bibliothèque. S'illustrèrent, dans ce genre oublié, Charles Richet, Prix Nobel, ou Conan Doyle, médecin de formation, père de Sherlock Holmes et pilier de diverses institutions métapsychiques.
Et puis plus rien. Ou presque. Ce moment s'est clos. Les raisons de cette défection demeurent plus ou moins obscures. Mais une chose est certaine : la forme des attitudes envers le surnaturel est profondément historique. C'est la principale leçon à tirer de l'enquête de Nicole Edelman sur la voyance et le paranormal en Europe au cours des trois derniers siècles. Ce travail peut se lire comme le roman — souvent drôle, toujours mouvementé —, des rapports entre science et occultisme dans les temps modernes. S'il est évident que voyants et devins se rencontrent partout et toujours, il existe de fortes variations historiques dans les types d'attitude qu'ils suscitent, les discours qu'ils engendrent, les pratiques qui les entourent.
Dans ces domaines, ce ne sont ni les ruptures ni les transformations qui manquent. Discréditée et même condamnée par la connaissance scientifique du XVIIe siècle, l'astrologie fait retour avec le romantisme. Mesmer, au siècle des Lumières, avait inventé le "magnétisme animal" et anticipé l'hypnose. Le XIXe s'en empare : "La science des fluides impondérables (...) faisait d'immenses progrès, malgré les continuelles railleries de la science parisienne", note Balzac dans Ursule Mirouët. En 1852 apparaît la profession de "somnambule extra-lucide", qui laissera place par la suite à celle de voyante.
Dans ce parcours conduit à vive allure, qui mène presque trop vite jusqu'à Madame Soleil et à nos boulimies d'horoscope, on croise bon nombre de personnages aux couleurs d'outre-tombe. Ainsi Hippolyte Léon Rivail, plus connu sous le nom de barde celtique qu'il aurait porté dans une vie antérieure, Allan Kardec. Il publie en 1857 Le Livre des esprits, "écrit sous la dictée et publié par ordre des esprits supérieurs". L'ouvrage servira de pierre d'angle à la nouvelle religion du "spiritisme", voulant allier le progrès et le salut de l'humanité. Une mention spéciale pour la silhouette de Henriette Couédon : investie d'une mission prophétique par l'ange Gabriel, dans les années 1890, elle se fit remarquer parmi les monarchistes de choc de la fin du siècle.
Plusieurs registres sont donc à distinguer, du bouffon au grotesque, de la charlatanerie à la recherche objective. Sur ce dernier plan, l'épisode le plus intrigant demeure celui qui rassembla fantômes et savants, ce moment où l'on visa une connaissance rigoureuse de faits psychiques inclassables, actuellement inexplicables. En effet, une série de questions se pose toujours, indépendante de ce travail. Une fois éliminées toutes les supercheries, y a-t-il un reste, un noyau de faits attestés et incompréhensibles ? Si c'est le cas, qui doit s'en préoccuper ? Et de quelle façon ? Face à ces interrogations naïves, on rencontre plus fréquemment des esquives que des réponses. https://www.lemonde.fr/
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