Du côté de chez moi -
Après un long sommeil, Pompéi se révèle
De graffiti en mosaïque, poteries et autres découvertes, la cité engloutie par le Vésuve il y a 1940 ans et quelques jours, livre peu à peu ses secrets.
Une centaine d'archéologues mènent actuellement des recherches sur le site, en pleine effervescence au fil des découvertes.
(Parco Archeologico di Pompei)Pas un mois ne passe sans qu’une nouvelle découverte ne vienne lever un pan du voile qui recouvre la belle endormie qu'est Pompéi. Nouvelle datation de l’éruption du Vésuve, chevaux harnachés, peinture de gladiateurs, mosaïque d’Orion etc. Et la liste n’est pas exhaustive. Rien d’étonnant à cela explique Hélène Dessales, l’une des premières françaises à avoir fait ses armes d’archéologues sur le site antique. C’était les années 1990 et « il n’y avait pas eu de fouilles d’envergure depuis car il fallait consolider les talus ».
La spécialiste de la construction romaine, maître de conférences en archéologie à l’École Normale supérieure, se souvient de l’époque où « il y avait même des îlots de végétation sur certaines maisons. Pompéi était repliée sur elle-même, confidentielle ». Les temps ont bien changé et les archéologues viennent désormais du monde entier, de France, avec trois programmes en cours, mais aussi du Japon, d’Australie ou encore des États-Unis. Au total, ils seraient une centaine à s’affairer pour réveiller l’histoire de la cité antique.
A l’image de ce graffiti remettant en cause la date supposée de l’éruption, qui aurait eu lieu le 24 octobre 79, et non le 24 août comme on l’a longtemps cru. Une pièce de monnaie datée de septembre, une figue et la mention de vendanges avaient déjà suggéré cette thèse automnale.
Ce graffiti a remis en cause la date présumée d'éruption du Vésuve que l'on pensait survenue en août 79.
(Parco Archeologico di Pompei)Stéphane Verger, directeur d’études à l’école pratique des hautes études de Paris, spécialiste des sociétés protohistoriques, a pu admirer le célèbre graffiti. « J’étais avec Massimo Osanna, le surintendant du site et c’était incroyable. La datation au charbon était recouverte par un tissu », se remémore l’archéologue : « Il y avait aussi un brasero laissé par les ouvriers, ce qui veut bien dire qu’on n’était pas en été ».
Autre apport de cette campagne de fouilles d’envergure, « pour la première fois, on a commencé à descendre vers les endroits fouillés au XVIIIe siècle, précise Stéphane Verger. On en apprend beaucoup sur l’histoire de l’archéologie ».
Cette représentation de la reine Léda a été mise au jour il y a un an.
(Parco Archeologico di Pompei)- « En 79, quand a lieu l’éruption du Vésuve,
la villa Diomède était encore en travaux.»
Une histoire qui passionne Hélène Dessales depuis 2012. Professionnelle dans l’art de « disséquer les murs », la chercheuse a découvert « plusieurs reconstructions successives à l’époque romaine » de la villa de Diomède, l’un des premiers sites fouillés entre1771 et 1775. Lubie de ses riches propriétaires ou bien catastrophe naturelle ? Hélène Dessales penche pour la 2e hypothèse. En l’an 62 ou 63, un très violent tremblement de terre aurait porté un dur coup à Pompéi. Une chose est certaine, « en 79, quand a lieu l’éruption du Vésuve, la villa Diomède était encore en travaux et la ville était en chantier.»
L'entrée des thermes de la villa Diomède en 3D : A gauche la photo de 2013 et à droite, la projection des relevés réalisés par les archéologues de 1780.
(Villa Diomedes Project. Infographie 3D : Alban-Brice Pimpaud [archeo3D.net])Alors que 2/5e des 64 ha de site antique restent encore à sonder, Stéphane Verger, rêve déjà de nouvelles découvertes. « Tous les sols sont conservés et en faisant des petits sondages on pourra voir les origines de Pompéi.» La révélation du sanctuaire Fondo Iozzino et de ses vases étrusques « qui attestent de leur présence à Pompéi », lui a donné des ailes.
- «On a pu engager les restaurations urgentes.»
Le parc archéologique est entre des mains expertes, ce qui n’était pas gagné il y a une décennie. Les effondrements de maisons faisaient alors la Une des actualités. « Il y a eu un afflux de fonds et même si cela ne résout pas tout, on a pu engager les recherches et restaurations urgentes », respire désormais Hélène Dessales.
Cet homme d'environ 35 ans a défrayé la chronique en 2018. Alors qu'on pensait qu'il avait été écrasé en tentant de fuir, il s'avérait finalement que la victime est morte asphyxiée.
(Parco Archeologico di Pompei)Même si comme pour la plupart des sites archéologiques, les salariés de Pompéi ont disparu au profit de services externalisés. « S’il y a une tuile à changer, il n’y a personne », plaisante à moitié la fine connaisseuse, Hélène Dessales, « rassurée sur le court terme ». Mais ensuite ?
En 2018, Pompéi a dépassé la barre des 4 millions de visiteurs. Dans une ville où les seuls habitants sont des touristes et sans salariés fixes, l’avenir est fragile comme une ville au pied du Vésuve.
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