La Maison de Rohan (- Guéméné)

Aucun sujet n'avait été consacré à la famille de Rohan, pourtant bien présente dans l'entourage de la Reine au début de sa vie à Versailles.

Cette illustre famille bretonne remonte sa généalogie connue au Xème siècle, époque où ils sont déjà fort puissants, laissant supposer une famille déjà bien implantée, mais non documentée. Les ducs de Bretagne les ont toujours reconnus comme leurs parents, ce qui montre leur importance dès les temps les plus anciens. En effet, on les sait apparentés aux vicomtes de Renne, dont une branche fut d'abord la vicomté de Porhoët déjà l'un des principales terres de Bretagne. Le fils du premier vicomte Josselin, donnera son nom au château. Puis un cadet recevra la terre de Rohan en 1127.

Les vicomtes de Rohan furent fidèles aux capétiens, et à la dynastie des Dreux. Ils favorisèrent le mariage d'Anne de Bretagne avec Charles VIII, lorsqu'un cadet, le maréchal de Gié, servait brillament Louis XI, Charles VIII et Louis XII.

A la fin du XVème siècle, le tout nouvellement ainé de la famille, Louis, seigneur de Guéméné, est le chef d'une maison des plus prestigieuse, lui même arrière-arrière petit fils d'une princesse de Navarre de la maison d'Evreux, mais sans le sous, le patrimoine familial étant passé à un cousin, auteur de la branche des ducs de Rohan (protestants).
Il épouse alors Renée du Faou, bretonne, mais héritière d'un très important domaine en tourangeau, dont les terres de Montbazon et de Sainte-Maure.

Son arrière-arrière-petit fils, Hercule, sans faire preuve d'une grande intelligence, sera toujours fidèle à la Couronne, en une époque où la mode en était passée. Aussi sera il toujours aux cotés d'Henri III, recevra l'un des coups de Ravaillac dans le carrosse d'Henri IV, combattra pour Louis XIII contre Marie de Médicis. A la suite de son frère il fut duc de Montbazon et pair de France.

Il eut deux fils, l'ainé, Louis, ancêtre des Rohan-Guéméné (dont le fâcheux cardinal Louis-Edouard), conjugua une extrême laideur à un bel esprit.
François, le cadet, épousa Anne Chabot de Rohan, maitresse de Louis XIV ou du moins rivale  de Mme de Montespan. Des faveurs du Roi elle put acquérir la principauté de Soubise formant ainsi la maison de Rohan-Soubise, duc de Frontenay alias Rohan-Rohan.

Le dernier de cette branche, Charles, célèbre maréchal de Soubise, n'eut que deux fille de ses différents mariages. L'ainée épousa le prince de Condé, la cadette, Victoire, épousa son cousin, Henri, alors prince de Guéméné. Elle était, déjà du vivant de son père, la propriétaire du splendide hôtel de Soubise, qui sera saisi après son émigration, devenant les actuelles archives nationales.

La princesse de Guéméné reçut de sa tante, la comtesse de Marsan, née Marie-Louise de Rohan-Soubise, la charge de Gouvernante des Enfants de France.
Voyez le sujet qui lui est consacré ;
https://maria-antonia.forumactif.com/t109-victoire-armande-princesse-de-guemenee


C'est son mari qui sera l'auteur de la retentissante banqueroute qui obligera son épouse à renoncer à sa charge.

Mais ce qu'on sait moins, est que la princesse est, avec sa sœur naturellement, la plus proche parente de Marie Antoinette en France !

En effet, Anne de Lorraine, la tante de François, duc de Lorraine et père de la Reine, épousa un cousin français, le comte de Lillebonne. Leur fille unique épouse Louis de Melun prince d'Epinoy, dont la fille sera la mère du maréchal de Soubise !

La princesse de Maubuisson (tel est son « titre » de jeune-fille) était aussi une proche parente de Mme de Lambale ; la mère de Victoire Armande, la princesse de Soubise, était la tante de Mme de Lamballe, née princesse de Savoie-Carignan.

Merci.

Je compte consacrer une petite étude à la célèbre faillite des Guéméné.

Ah oui, les tribulations des Guéméné, ça promet !

C'est très intéressant, parce que, s'il faut en croire les GDC, Madame de Guéméné était vraiment l'amie de Marie Antoinette. En savoir plus sur elle est donc toujours bon à prendre !

Marie-Antoinette venait chez elle d'autant plus volontiers que son salon accueillait toute la coterie Polignac .

Et on y jouait un jeu débridé ! Un vrai tripot au dire du grand frère !

Non, c'est le salon, de Mme de Lamballe que Joseph appelait un vrai tripot .
Ce qui n'empêche nullement que chez Mme de Guéméné de même, on jouait au pharaon toute la nuit .

Tiens j'aurai parié que c'était dans le salon de Mme de Guéméné dont Joseph parlait.

Citation :

Tiens j'aurai parié que c'était dans le salon de Mme de Guéméné dont Joseph parlait.

C'est toi qui a raison, j'en fais mon mea culpa.  
Lors de sa visite à Versailles en 1777,  Joseph dit à Mercy toute sa contrariété de voir Marie-Antoinette toujours fourrée chez Mme de Guéménée.
L'ambassadeur cogite le moyen d'y remédier et fait son rapport à Marie-Thérèse :

Mercy à Marie-Thérèse, le 15 juin 1777.

Le 28, l'empereur revint le matin, et en descendant de voiture, il daigna entrer dans mon appartement . S.M. m'apprit que la veille, pour céder au désir de la reine, il l'avait accompagnée dans la soirée  chez la princesse de Guéménée ( * ), qu'il avait été choqué du mauvais ton de l'assemblage des gens, et de l'air de licence qui régnait chez cette dame. S.M. y avait vu jouer au pharaon. Elle avait entendu elle-même des espèces de reproches faits en présence de la reine à Mme de Guéménée sur sa façon suspecte de jouer. L'empereur était indigné de cette indécence; il avait dit nettement à la reine que cette maison était un vrai tripot. La reine avait cherché à pallier cette vérité; elle était même retournée après minuit chez ladite princesse sous prétexte qu'elle le lui avait promis . L'empereur en était mortifié et en concluait une obstination décourageante . J'observai à S.M. que, comme il s'agissait de ramener la reine de fort loin, il n'était pas possible d'effectuer ce changement tout d'un coup, qu'il fallait avec patience tâcher de gagner du terrain peu à peu . S.M. daigna écouter avec bonté quelques moyens que je proposai et qui, quelques jours après, eurent beaucoup d'effet . S.M. alla voit exercer le régiment des gardes suisses. Elle revint le soir un peu indisposée de fatigue et se coucha avant huit heures .

( * )  :   Je préfère cette orthographe ancienne Guéménée .  

La belle ruse de Mercy ; épuiser la reine pour l’empêcher de pouvoir tenir la soirée   .

Ruse classique avec les enfants...  

Citation :

 ( * )  :   Je préfère cette orthographe ancienne Guéménée .  

Je l'écris comme ça, moi... Je me suis corrigée pour cadrer avec l'orthographe du sujet. Quelle est la bonne, on sait avec certitude ?  

Le lieu s'appelle de nos jours Guéméné. Mais l'orthographe ancienne est jolie.

pimprenelle a écrit:

... Je me suis corrigée pour cadrer avec l'orthographe du sujet.  

... et moi pareil !  

Je crois que le e final est tombé tardivement . Dommage, c'était plus joli .

Si tu cherches l'andouille sur Google, elle est dite de Guéméné.
Tant pis !

Oh... je suis très orthographe ancienne, moi... Ainsi, je préfère Schoenbrunn à Schönbrunn ou Schaerbeek à Schaarbeek. Je crois que je vais suivre ma pente naturelle et garder Guéménée.

Au début du XVIIIème on estime la fortune des Rohan Montbazon autours de 4 milions de livres. En comparaison, à cette même époque, celle des Condé est évaluée à 31 milions. Fortune ne signifie cependant pas revenu. D'autant qu'en cette fin du XVIIIème, deux générations coexistent ; les parents, le duc et la duchesse de Montbazon (elle née La Tour d'Auvergne) et Henri de Rohan, prince de Guéménée et son épouse Victoire de Rohan, princesse de Maubuisson, fille du prince de Soubise.

Le seul couple Guéménée dispose d'un revenu terrien d'au moins 365 000 livres, 154 500 livres de revenus des charges de Cour, et 14 500 de pensions et locations. En 1783 Ils totalisent 1 milion de livres de revenus net, et mène un train de vie évalué à 720 000 livres, en plus des 14 000 livres pour les gages et de 40 000 livres de frais de gestion, soit des dépenses annuelles de 775 000 livres. Mais il faut y ajouter les dus en rentes et pensions, qui s'élèvent à 211 000 livres, et les impayés aux fournisseurs, réduit au 1/6 de leur valeurs, soit 30 000 livres. C'est à dire que l'exercice d'une année crée déjà un déficit.
A quoi s'ajoutent les dettes divers crées sur plusieurs génération, dont hérita Henri, de 2,5 millions, dont les annuités grévent encore plus les le budget.

Au final, en 1782 les Guéménée disposent d'un million de livres, et on besoin de 1.97 millions. L'année suivante, ce sera de 2,9 millions. Sans compter ces dettes divers de 2,5 millions.

Faut il donc s'étonner de la faillite de 33 millions de livre ? Et Henri d'ironniser ; "Il n'y a qu'un Roi de France ou un Rohan pour faire pareille faillite !"

Les chiffres dont je dispose ne sont pas tout à fait cohérent (peut être un calcul sur différentes années) ce qui explique l'embrouillement de mon poste.

Tiré de La Maison de Rohan de Georges Martin.

Citation :

Et Henri d'ironniser ; "Il n'y a qu'un Roi de France ou un Rohan pour faire pareille faillite !"

Et le chevalier de Lisle, au prince de Ligne :

M. et Mme de Guéménée ont tout perdu, mon cher Prince, fortune, existence, asile, en un mot, tout, sans même qu'il leur reste ce que notre François Ier s'applaudissait d'avoir sauvé .

( François Ier à Pavie : Tout est perdu fors l'honneur . )

Sur quoi, Ligne prend sa plus belle plume et écrit au prince de Guéménée :

Mon cher ami, tu n'as rien de mieux à faire, dans ta triste position, que de venir à Beloeil. Il faut vivre avec ses semblables; d'ailleurs, comme à l'imitation de ta femme j'ai pris le goût des jardins anglais, je ne puis élever une plus belle ruine dans le mien que mon cher ami Guéménée .

Comme ces choses sont dites avec délectation

Comme quoi, Lao Tseu se trompe en disant :
Les mots de vérité manquent souvent d'élégance. Les paroles élégantes sont rarement vérités.

J'essaye de reprendre chaque sujet du boudoir pour enregistrer les divers documents mis à dispo mais je ne m'en sors pas !  

C'est toujours un plaisir immense de vous lire et d'en apprendre un peu plus chaque jour

Henri, prince de Guéméné, est un homme très bine en Cour. En 1775 il reçoit la charge de grand chambellan de la Maison du Roi, à la suite de son oncle le duc de Bouillon (de la Maison de La Tour d'Auvergne). Cette charge lui donne un accès privilégié auprès du Roi, puisqu'il lui tend la chemise lors de son lever, honneur qu'il ne cède qu'aux Fils de France. Il a la garde du sceau secret de Sa Majesté. Il occupe une grande importance dans le rituel du Sacre, mais le prince de Guéméné n'eut pas l'occasion de profiter de cet honneur (c'est après le sacre de Louis XVI que Godefroid de La Tour d'Auvergne démissionne de sa charge pour son neveu).
Il devra s'en défaire lors de sa banqueroute, et la charge reviendra au Bouillon.

Il passait les hivers dans l'appartement de fonction de son épouse aux Tuileries, où il aménagea un théâtre réputé.
Grand amateur de musique comme son beau-père, il menait des concerts de virtuoses fameux cher l’archevêque de Narbonne, Mgr de Dillon. C'est probablement là qu'il rencontra la comtesse de Dillon, Thérèse-Lucy de Rothe, dame du Palais de la Reine qui sera son grand amour. Il vécurent 12 ans ensemble, jusqu'à la mort de celle-ci qui le plongea dans un désarroi terrible. Il se retira à Montbazon, où tous, jusqu'à sa femme, cherchèrent à le consoler.

Lors de la Révolution, le comte d'Artois lui proposa le commandement d'une troupe, qu'il refusa. Ces deux fils s'illustrèrent par leur bravoure dans les armées autrichiennes pendant les guerres napoléoniennes.

Le duc de Lauzun, lui aussi ruiné en 1777 et sans enfants, lui abandonna ses biens en échange d'une rente viagère, qui ne fut bien sûr jamais payée !
Il lui avait aussi vendu quelques seigneuries (Keroual, le Châtel et Caraman). Ce qui ne fit rien pour arranger la situation du prince.