Bianfu
Nombre de messages : 269 Date d'inscription : 01/05/2020
| Sujet: Le Bal du Siècle Ven 27 Aoû - 10:51 | |
| Aujourd'hui, assez de mauvaises nouvelles ! Rêvons un peu, replongeons-nous dans un évènement qui enchanta le siècle dernier.....
- L'extraordinaire histoire du Bal du Siècle, la folle fête vénitienne de Charles de Beistegui
Un bal masqué ? Mais pas n'importe lequel ! Connaissez-vous l’histoire de ce qui est peut-être la plus belle fête du XXe siècle? C’était il y a bientôt 70 ans, dans l’un des plus beau palais de Venise, le Palazzo Labia. Le 3 septembre 1951, pas moins d'un millier d'invités convergent, pour la plupart en gondole, vers ce légendaire bâtiment érigé aux XVIe siècle par une richissime famille de marchands d’origine catalane. Qui avait, paraît-il, pour coutume de jeter par les fenêtre des couverts en or et argent, en s’exclamant : « Que je l’ai ou que je ne l’ai pas, je reste un Labia ».
L’organisateur de cette soirée entrée dans l’histoire s’appelle Charles de Bestegui. Décorateur et collectionneur d’art, cet esthète hors pair, petit fils de propriétaires de mines d’argent en Amérique du Sud, a des moyens financiers conséquents pour mener la vie qu’il veut : fastueuse, brillante, et absolument hors-norme. Également propriétaire du Château de Groussay, ce Parisien de naissance aime tout ce qui rappelle le « grand siècle » de la décoration française, celui de Marie-Antoinette mais aussi les délirantes réalisations du Second Empire. Dorures, tentures, consoles, objets d’art, rien n’est jamais assez pour constituer des univers absolument hors-norme, que Charles de Bestegui aime associer dans des mélanges où se croisent influences italiennes, anglaises, russes… Fasciné par « le monde d’hier », ce nostalgique richissime, qui aimait à dire que « l’homme qui pense moderne est démodé », se fait un petit plaisir en achetant en 1948 le Palais Labia, alors occupé par une entreprise spécialisée dans la créations de textiles de luxe.
« L'entrée des Fantômes », dans la nuit du 3 au 4 septembre 1951, au Palais Labia à Venise, dépeinte par l'acquarelliste Alexandre Serebriakoff.
Pendant les années qui suivent, Bestegui se lance dans un chantier de rénovation aux proportions insensées. Mobilier exceptionnel, miroirs, brocards, velours, chandeliers en verre de Murano, objets apportés du palais madrilène de son père viennent sublimer les fresques signées par les plus grands peintres, dont celles de Giambattista Tiepolo représentant entre autre Antoine et Cléopâtre dans l’immense salle de bal.
Pour fêter la fin des travaux, Bestegui organise une fête. Cette pendaison de crémaillère est à sa démesure : cette soirée du 3 septembre 1951 restera dans les mémoires sous le nom de… Bal du Siècle. Si le Festival de Venise, tout proche, assure la présence d’une foule d’actrices et d’acteurs, on croise aussi en plus de Barbara Hutton, Daisy Fellows, considérée la femme la plus élégante du monde, Salvador Dalí et Gala, Lady Churchill, l’Aga Khan, Jacqueline de Ribes, le marquis de Talleyrand, Orson Welles, le couturier Jacques Fath et bien sûr tout ce que l’Italie compte de princesses, comtesses et familles de sang bleu (la princesse Margaret ayant, paraît-il, décliné l’invitation). Vers 23 heures, tout ce beau monde arrive, à bord de 400 gondoles. Il faudra plus d’une heure et demie pour que les invités débarquent et soient accueillis par 75 valets arborant la livrée de la famille Bestegui, ou celles de familles nobles.
L'arrivée des invités, dont Daisy Fellowes (à gauche), au Palais Labia. D.R.
Charles, alias Carlos, a revêtu le costume du procurateur de Venise, et porte une immense perruque et des souliers surélevés qui lui permettent de dominer la foule. À l’extérieur, le peuple de Venise salue cette reconstitution digne de Mémoires de Casanova : paraît-il que l’ambiance était cordiales et que les élégantes participantes échangeaient des saluts par les fenêtres avec les matrones de la lagune. Vers une heure du matin, les « entrées » se succèdent, orchestrées par Boris Kochno, le compagnon du décorateur Christian Bérard, proche de Christian Dior qui assiste également aux festivités. « Ce fut la plus belle soirée que je vis et verrai jamais. La splendeur des costumes égalait presque les atours triomphants des personnages de Tiepolo peints à fresque sur les murs. Toute la profondeur de la nuit italienne plaçait ce spectacle nocturne hors du temps », se souviendra-t-il plus tard, en évoquant cette soirée où se croisent non seulement les couturiers, mais aussi des tenues coutures signées, en plus de Dior, Balenciaga, Pierre Cardin, Nina Ricci, Jacques Fath…
L'arrivée du couturier Jacques Fath et de son épouse, au bal donné par Charles de Beistegui au Palazzo Labia, le 3 septembre 1951. Lui est habillé en Roi Soleil ; elle, en Reine de la Nuit.
Mais pour l’instant, place à l’arrivée de Cléopâtre (Lady Diana Cooper), d’un mini-Mozart équipé d’un mini-violon, du chevalier d’Éon (la duchesse de Polignac), l’empereur et l’impératrice de Chine (Arturo Lopez, autre jet-setteur historique, et son épouse), des Quatre Saisons (les princesses Colonna, Del Drago, Ruspoli, et Consuelo Crespi), foulant au pied la reproduction, à l’identique, du tapis de la chambre de Louis XV à Versailles… Le marquis de Cuevas (autre bambocheur de génie) à signé la bande son, jouée en live par un orchestre en costume XVIIIe jusqu’au petit jour…
« La pyramide humaine », dans la nuit du 3 au 4 septembre 1951, au Palais Labia à Venise, dépeinte par l'acquarelliste Alexandre Serebriakoff.
Que reste-t-il de cette soirée mémorable? « Notre fastueux ami B. avait décidé de tenir tête au temps ; reconstituer un palais, c'est dire non au gouffre, c'est comme d’écrire Le Temps Perdu. Son œuvre terminée, B. s'en désintéressait », dira plus tard l’écrivain et diplomate Paul Morand – le palais sera revendu en 1964 à la radio-télévision italienne. Mais ce soir-là était présents deux photographes dont les images sont rentrées dans l’histoire, Robert Doisneau et Cecil Beaton, mais aussi Alexandre Serbiakoff. Ayant fui la Russie soviétique dans les années 1930, cet illustrateur deviendra l’aquarelliste privé de personnalités fortunées, dont le duc et la duchesse de Windsor et bien sûr Charles de Beisteigui. Qui publiera, en guise de souvenir, un petit ouvrage rassemblant 17 aquarelles intitulé Labia, une évocation d’un palais célèbre et un bal fastueux, aujourd’hui réédité par la maison d’édition Gourcuff Gradenigo. Une jolie manière de se plonger dans une nuit qu'aucun invité n'a jamais oubliée. https://www.vanityfair.fr/savoir-vivre/article/l-extraordinaire-histoire-du-bal-du-siecle-la-folle-fete-venitienne-de-charles-de-beistegui
J'espère que cette parenthèse fastueuse vous aura un peu distraits du bourbier des actualités.
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