J'ai des doutes au sujet de ce billet...
Evelyne Lever ne le recense pas dans son édition des écrits de la reine. L'écriture me paraît bien suspecte. Il y a des points d'exclamation, ponctuation que Marie Antoinette n'utilise pas ailleurs. Et la première ligne me semble un calque, mal réussi, de la date de la lettre à Elisabeth. De plus, Marie Antoinette ne signait pas ses billets à ses proches, elle se contentait d'un trait horizontal.
Quelques petites comparaisons entre la dernière lettre écrite par Marie Antoinette dans sa cellule, que nous savons authentique, et ce petit mot, sur lequel nous nous interrogeons.
D'abord la date:
En dessous, nous avons l'authentique, où nous reconnaissons l'écriture déliée de la reine. Au dessus, ce fameux mot dans le livre de prières, avec sa graphie malaisée et pâteuse.
Remarquons que les deux écrits portent exactement la même heure, ce qui rend de facto l'un des deux irréel, la reine ne pouvant pas les avoir rédigés tous les deux en même temps.
Prenons ensuite l'expression "mes pauvres enfants":
En dessous, dans la lettre adressée par Marie Antoinette à Madame Elisabeth, l'écriture est naturelle et coule de source, tandis qu'en haut, dans le livre de prières, nous retrouvons cette lenteur et cet aspect pâteux qui trahit, à mon avis, la maladresse du copiste.
Idem pour le soupir "mon dieu" présent dans les deux textes.
Aucun des deux ne porte de majuscule, c'est normal dans le cas de la lettre à Madame Elisabeth, cela fait des années que Marie Antoinette n'en met plus à aucun nom. Pour le livre de prières, cette particularité prouve, selon moi, que le copiste a eu, à un moment ou à un autre, l'original sous les yeux.
En effet, il faut avoir vu de ses yeux vu que la reine n'accorde pas de capitale à Dieu pour oser faire de même... surtout dans le contexte religieux d'un missel.
En revanche, l'auteur ne connaissait pas assez bien les habitudes de Marie Antoinette pour savoir qu'elle n'est pas plus coutumière d'exclamations que de majuscules. Il ne me semble pas avoir jamais vu un seul point d'exclamation sous la plume de Marie Antoinette. Même quand elle soupire à Madame de Polignac "oh oui aimé moi toujours"...
... c'est une simple virgule qui ponctue le cri du coeur.
Remarquons au passage le curieux double point sur le "i" de "dieu".
Nous arrivons à l'adieu.
Ceux de Marie Antoinette, en bas, sans ponctuation, pas même de virgule pour les séparer. Ceux du copiste (car je suis de plus en plus persuadée de la fausseté de cette relique) en haut, lourds, pâteux, disgracieux et bien servilement encadrés de leur ponctuation... dont ce point d'exclamation que nous serions bien en peine de trouver chez la reine.
Et encore cet irritant double point sur le "i" !
Bouquet final.
Le copiste termine bien logiquement son travail par un "Marie Antoinette" aussi maladroit que l'ensemble de son oeuvre. Ne cherchez pas la comparaison avec la lettre à Madame Elisabeth, elle serait impossible à faire... vu que, depuis de longues années, Marie Antoinette ne signe plus ses lettres à ses proches, se contentant d'un trait horizontal en guise de marque personnelle.
Ici, l'auteur du petit mot dans le livre de prières a cependant voulu marquer le coup par un magistral "Marie Antoinette" plus grand que le corps du texte...
... qui signe ainsi irrémédiablement le caractère apocryphe de cette relique, à mon avis.
C'est dommage, un vrai crève-coeur pour beaucoup d'entre nous, mais il me paraît vraiment évident que ce petit mot est un faux. La question essentielle qui reste à se poser, selon moi, c'est... combien de fausses reliques de la reine martyre hantent encore les musées et les endroits visités?