vers 1786, Versailles, Réserve architecture, inv. RA01979
11. Atelier des frères Rousseau, Lambris de hauteur avec porte sous tenture appartenant à l’ensemble des boiseries des Muses, vers 1786, Versailles, Réserve architecture, inv. RA01979
à-vis, en symétrie desquelles prenaient place des fausses portes. Ainsi les murs est et ouest se composaient-ils, de part et d’autre du trumeau de glace axial, disparu, de deux grands panneaux des Muses avec leurs profils en vis-à-vis, puis des deux portes, une vraie et une fausse, surmontées de dessus-de-porte sans doute sculptés puisqu’il n’y a pas de mention de tableaux.
Le mur nord devait être revêtu d’au moins quatre des panneaux des Muses, par groupe de deux séparés par une parclose, avec leurs profils en vis-à-vis par rapport à l’axe, et la porte dérobée pratiquée dans le panneau d’Euterpe devait être le premier du côté droit; dans l’axe prenait place soit un trumeau de glace, soit un cinquième panneau flanqué de parcloses, qui aurait pu être dans ce cas dédié à Apollon, maître du cortège des Muses, qui aurait ici représenté allégoriquement Monsieur, protecteur des arts et des sciences.
Enfin le mur sud où la répartition des fenêtres demeure irrégulière, pouvant accueillir la parclose isolée à droite, le grand panneau de Terpsichore au centre, et l’étroit panneau de Thalie, flanqué de deux parcloses, à gauche (annexe 1)
Selon que l’on retient ou non l’hypothèse d’un troisième trumeau de glace, il manquerait donc seulement un ou deux grands panneaux, une fausse porte et une vraie, ainsi que les trumeaux et les dessus-de-porte, pour recomposer intégralement le décor de cette pièce, qui est la seule des appartements susceptible d’avoir abrité cet ensemble.
Indice supplémentaire enfin, la fausse porte conserve une plinthe peinte à fond rouge, et nous savons que cette pièce avait reçu en 1787 un nouveau chambranle en marbre de griotte.
12. Atelier des frères Rousseau, Grand panneau des boiseries « au chiffre LXS » provenant de la chambre de Monsieur, vers 1786, Versailles, Réserve architecture, inv. RA01969
13. Panneau recomposé provenant de l’ensemble des boiseries « au chiffre LXS » de la chambre de Monsieur, New York, Cooper Hewitt Collection, inv. 1910-31-1
Annexe 1. Seconde antichambre de Monsieur, hypothèse de provenance des « boiseries des Muses » et emplacement des panneaux, Frédéric Didier-2bdm Architecture & Patrimoine
Les boiseries au chiffre LXS, décor de la chambre de Monsieur
Seuls deux panneaux représentent aujourd’hui cet ensemble dans les réserves de Versailles
(fig. 12)
Un troisième panneau est conservé dans les collections du Cooper Hewitt Museum à New York (fig. 13) et des fragments sculptés se trouvent au musée des Arts décoratifs de Paris (inv. 6952 A-B et inv. 6953 A-B)
Nous proposons de rattacher à cet ensemble deux panneaux trapézoïdaux ainsi que les deux portes en place dans la salle AMI-E0-077 du pavillon de Provence
(fig. 9)
Le panneau du Cooper Hewitt est identique au plus étroit des deux éléments conservés en réserve, mais il a été transformé: rescié en hauteur, décapé, le panneau newyorkais a été recomposé en réunissant les motifs hauts et bas de l’original, puis remontés dans un nouveau cadre à feuilles d’acanthes (fig. 13)
Les quatre fragments répertoriés aux Arts décoratifs sont en fait les éléments provenant de 12. Atelier des frères Rousseau,
Grand panneau des boiseries «au chiffre LXS » provenant de la chambre de Monsieur,
vers 1786, Versailles, Réserve architecture, inv. RA01969
13. Panneau recomposé provenant de l’ensemble des boiseries «au chiffre LXS » de la chambre de Monsieur,
New York, Cooper Hewitt Collection, inv. 1910-31-1
Annexe 1. Seconde antichambre de Monsieur, hypothèse de provenance des «boiseries des Muses » et emplacement des panneaux,
Frédéric Didier-2bdm Architecture & amp; Patrimoine
Frédéric Didier 12 13 Annexe 1
la partie médiane supprimée, et ils ne formaient donc à l’origine qu’un seul et unique élément.
Les cadres moulurés sont similaires à ceux des Muses, et la finition de la boiserie est une simple détrempe, où l’on peut, semble-t-il, distinguer deux tons, les sculptures se détachant en blanc sur un fond plus gris.
Le motif inférieur est composé d’un cartouche octogonal accosté de deux Amours ailés, porteurs de torches et de branches de laurier, juchés sur un arc, d’où partent des guirlandes de fleurs et des rinceaux feuillagés.
Le cartouche a manifestement été bûché, car il portait à l’origine les trois fleurs de lys de France, dont le fantôme est bien visible sur le cliché du panneau décapé du Cooper Hewitt Museum
(fig. 13)
Le motif sommital offre un casque empanaché d’où partent des cornes d’abondance donnant naissance aux mêmes rinceaux feuillagés d’où pendent des guirlandes de fleurs.
Au casque est accrochée une chute composée de deux branches de laurier, d’une flèche et de deux torches enflammées liées par des couronnes de fleurs, symboles de l’amour.
La partie médiane est ornée latéralement de Victoires engainées, de corbeilles de fleurs et de fruits, de flèches croisées, serpents enlacés, bâtons enguirlandés de lierre et de deux cartouches, l’un rectangulaire portant le chiffre «LXS », l’autre octogonal fleurdelisé qui a été bûché.
Le décor des portes diffère sensiblement, mais on y retrouve le même casque empanaché, des cornes d’abondance, des rinceaux et des guirlandes fleuries analogues.
Le caractère masculin est renforcé ici par la massue en motif sommital, ainsi que les faisceaux, carquois, haches et trompettes des montants, tandis que les petits panneaux en frise mêlent lauriers et roses.
Enfin le rapprochement avec les deux panneaux trapézoïdaux, qui sont en fait des plafonds d’ébrasement de fenêtres, peut être fait à travers les feuilles de lierre qu’ils portent et que l’on retrouve ponctuellement sur les pilastres.
Les chiffres ne laissent aucun doute sur le destinataire de ce décor, qui ne peut être que Monsieur, comte de Provence, baptisé Louis-Stanislas-Xavier.
Compte tenu de la hauteur importante des panneaux qui composaient avec le lambris bas un ensemble de près de 4,80 m, ainsi que de leur faible nombre, celui-ci figurait dans la chambre de Monsieur, pièce qui ne pouvait recevoir que quatre panneaux de lambris, dans la moitié sud, la moitié nord étant tendue de tissu pour former alcôve du lit.
Le panneau situé entre fenêtres était plus large d’une soixantaine de centimètres que les trois autres, qui occupaient l’élévation sud à l’extrémité droite, et les deux élévations est et ouest entre les trumeaux de glace axiaux et les doubles portes de l’enfilade.
Chacun de ces panneaux devait être accosté de parcloses, soit un total de huit, qui ont toutes disparu, tandis qu’il ne manque qu’un panneau principal, qui était analogue aux deux étroits conservés.
Les trumeaux ont disparu également, ainsi que les dessus-de-porte, qui étaient des trompe-l’œil de sculpture peints par Sauvage.
Le bas-lambris devait être simplement mouluré.
La restitution de la salle est donc largement assurée, du moins graphiquement, et permet de composer une demi-pièce de grand raffinement (annexe 2)
Il est même permis d’envisager la restitution des couleurs; à partir du chambranle de marbre bleu turquin de la cheminée et des dessus-de-porte de Sauvage en faux marbre blanc sur fond lapis, il est permis de penser à un traitement des lambris
Chambre de Monsieur, hypothèse de provenance des «boiseries au chiffre LXS » et emplacement des panneaux,
Frédéric Didier-2bdm Architecture & Patrimoine
Les appartements de Monsieur et de Madame à l’extrémité de l’aile du Midi en 1787
Annexe 2. Chambre de Monsieur, hypothèse de provenance des « boiseries au chiffre LXS » et emplacement des panneaux, Frédéric Didier-2bdm Architecture & amp; Patrimoine
avec des ornements blancs se détachant sur un fond gris-bleu, ce que les teintes actuelles des deux panneaux semblent confirmer.
14. Atelier des frères Rousseau, Grand panneau des boiseries dites « aux cœurs enflammés » provenant du grand cabinet de Monsieur, vers 1786, Versailles, Réserve architecture, inv. RA01986
15. Atelier des frères Rousseau, Détail de la partie haute d’un des grands panneaux des boiseries dites « aux cœurs enflammés » provenant du grand cabinet de Monsieur, vers 1786, ibid., inv. RA01987
Les boiseries aux cœurs enflammés, décor du grand cabinet de Monsieur
L’ensemble suivant conservé en réserve est l’un des plus significatifs, puisqu’il se compose de pas moins de quinze éléments, auxquels il faut associer un seizième, en l’occurrence un plafond d’ébrasement de fenêtre trapézoïdal, photographié dans la documentation de la conservation du musée et qui n’a pas été retrouvé26.
Les éléments principaux sont cinq panneaux de lambris de hauteur
(fig. 14)
privés de leur bas-lambris, présentant une superposition d’un panneau principal à grand cadre accosté en haut comme en bas de deux petits panneaux formant frise.
Trois de ces éléments sont identiques, flanqués à gauche d’une parclose analogue aux frises horizontales.
Un quatrième panneau, de largeur identique, n’est pas assemblé avec une parclose, tandis qu’un cinquième, sans parclose également, est plus étroit d’une cinquantaine de centimètres.
Un fragment d’un sixième, de même largeur que les plus grands, est découpé pour une porte dérobée pratiquée dans l’angle à droite, porte dont la conservation permet de connaître la configuration du bas-lambris, simplement mouluré de même que le revers de ladite porte.
Deux parcloses isolées dont l’une désassemblée complètent l’ensemble.
Les grands panneaux sont sculptés en alentour avec, en partie inférieure, un motif axial composé d’une vasque au piètement entrelacé de deux serpents, sur laquelle sont assis deux petits faunes ailés soutenant des guirlandes de fleurs en grappes.
À la base partent des rinceaux feuillagés donnant naissance à deux cornes d’abondance.
En partie supérieure, les mêmes rinceaux à cornes d’abondance convergent vers un cartouche ovale portant un cœur enflammé, brochant sur deux carquois croisés, auquel est suspendue une corbeille de fleurs où se bécotent deux oiseaux
(fig. 15)
Sur les côtés du panneau, en partie médiane, pendent des cordons enguirlandés, auxquels sont attachés des trophées d’instruments de musique et d’attributs champêtres.
Frises et parcloses sont décorées de branches de rosiers entrelacées, formant une suite de cercles dont le centre est occupé par un disque tourné, rapporté.
C’est ce motif récurrent qui permet de rattacher à ce lambris plusieurs éléments de portes très spécifiques, présentant le même motif en frise, mais condensé en largeur
(fig. 16)
Il s’agit d’un vantail gauche de porte feinte ne conservant que le panneau inférieur mouluré, une cimaise en creux et le panneau de frise, d’un vantail droit de porte feinte, celui-ci intact avec son panneau supérieur, et enfin d’un vantail droit d’une double porte dont le panneau supérieur sculpté est manquant, mais qui conserve cependant toute son élévation, le revers assemblé et mouluré étant intact.
Ce vantail présente une disposition singulière conçue dès l’origine: il est coupé avant le montant gauche, et il apparaît donc que le vantail gauche disparu était plus large, car y était rattaché ce montant.
Il était également moins haut, car le quart supérieur était par contre rattaché au vantail droit.
De fait, le véritable passage consistait dans une petite porte pratiquée dans la grande, qui n’était là que pour l’ordonnance de la pièce.
Malgré son revers assemblé, le vantail conservé était donc fixe.
Le seul vantail intact permet d’identifier deux panneaux hauts manquants, qui ont été remontés dans une boiserie recomposée, rachetée en 1951 à Mme Larcade par l’intermédiaire de la maison Jansen.
Il s’agit aujourd’hui de deux portes simples dont seuls les panneaux supérieurs sont authentiques, les cadres et chambranles étant modernes, et sans doute aussi les petits panneaux de frise à rinceaux végétaux qui semblent
14. Atelier des frères Rousseau,
Grand panneau des boiseries dites «aux cœurs enflammés » provenant du grand cabinet de Monsieur,
vers 1786, Versailles, Réserve architecture, inv. RA01986
15. Atelier des frères Rousseau, Détail de la partie haute d’un des grands panneaux des boiseries dites «aux cœurs enflammés » provenant du grand cabinet de Monsieur,
vers 1786, ibid.
inv. RA01987
16. Atelier des frères Rousseau, Vantail de porte des boiseries dites «aux cœurs enflammés » provenant du grand cabinet de Monsieur, vers 1786,
ibid., inv. RA01998
17. Atelier des frères Rousseau, Décor du vantail de porte des boiseries dites «aux cœurs enflammés » provenant du grand cabinet de Monsieur,
vers 1786, ibid.
inv. RA01984
Annexe 3
Grand cabinet ou cabinet d’angle de Monsieur, hypothèse de provenance des «boiseries aux cœurs enflammés » et emplacement des panneaux,
être des pastiches.
Les panneaux authentiques ont été légèrement élargis.
Le décor de ces panneaux diffère des lambris, avec en partie inférieure un lévrier portant un plateau sur lequel sont disposées des clés croisées (ce qui a sans doute accrédité l’hypothèse d’une provenance de l’appartement du grand maître notée sur la fiche du musée)
(fig. 17)
Aux angles, deux putti juchés sur des rinceaux soutiennent des candélabres.
Le motif supérieur montre des oiseaux dans des couronnes de fleurs, des rinceaux et des chutes de fleurs en grappes, tandis qu’au centre des montants se lisent des arcs croisés cantonnés de couronnes.
Nous sommes donc en présence d’une boiserie d’environ 4,10 m de hauteur, qui comprenait au moins trois portes, dont l’une dérobée et les deux autres simulant deux vantaux, malgré un dispositif peu courant de porte simple unique pour le passage.
Enfin, indice très important, l’un des panneaux porte au revers une inscription «cabinet d’angle » à la mine de plomb, dont la graphie paraît du XVIIIe siècle.
À côté une autre inscription, où l’on distingue seulement ce qui pourrait être un grand «M », a été interprétée autrefois comme la suite de la première, précisant «à Madame »
Un examen approfondi, avec Yves Carlier, conservateur chargé de la documentation au musée, nous amène à écarter cette lecture, qui ne peut correspondre aux traces en place, et seule la mention «cabinet d’angle » est à prendre en considération.
Celle-ci, jointe à la vérification d’après les plans anciens et les cotes relevées au XIXe siècle, permet d’identifier avec certitude cet ensemble avec le décor du grand cabinet de Monsieur, pièce en suite de sa chambre qui occupait l’angle du pavillon et s’ouvrait par une fenêtre sur la cour au sud et deux fenêtres sur la rue à l’est.
Cette pièce possédait deux portes, l’une vers la chambre à l’ouest, l’autre vers le cabinet intérieur au nord. Comme cette dernière était décalée sans être dans l’axe du mur, du fait du retrait de l’alignement de la façade courante par rapport au pavillon, elle pouvait difficilement se composer dans le lambris et était donc pratiquée de façon dérobée.
Parallèlement, la mention de deux dessus-de-porte de Sauvage induit l’existence de deux grandes portes, une vraie et une feinte, ordonnançant le mur ouest de part et d’autre de la cheminée et dont nous avons les vestiges.
Le cas de la porte vers la chambre, qui serait constituée d’un passage simple, et non double, est attesté par les premiers plans d’aménagement de l’appartement en 1787, publiés par Florence Papri, où l’on voit clairement que le percement entre la chambre et le cabinet était en partie feint, et de dimensions réduites
Les quatre grands panneaux conservés, outre celui de la porte, s’intègrent dans les dimensions disponibles entre les murs ouest (de part et d’autre de la cheminée), nord (de part et d’autre de la 16 Annexe 3 17
Les appartements de Monsieur et de Madame à l’extrémité de l’aile du Midi en 1787
16. Atelier des frères Rousseau, Vantail de porte des boiseries dites « aux cœurs enflammés » provenant du grand cabinet de Monsieur, vers 1786, ibid., inv. RA01998
17. Atelier des frères Rousseau, Décor du vantail de porte des boiseries dites « aux cœurs enflammés » provenant du grand cabinet de Monsieur, vers 1786, ibid., inv. RA01984
Annexe 3. Grand cabinet ou cabinet d’angle de Monsieur, hypothèse de provenance des « boiseries aux cœurs enflammés » et emplacement des panneaux, Frédéric Didier-2bdm Architecture & amp; amp; Patrimoine
porte dérobée) et est (entre les fenêtres), tandis que le panneau le plus étroit était soit celui à gauche de la fenêtre sud, soit celui à gauche de la fenêtre nord de l’élévation est.
Outre les dessus-deporte et la cheminée et son trumeau, il ne manquerait donc que quatre panneaux sur dix, dont un étroit, ce qui permet de garantir un remontage assuré pour cette pièce.
Rappelons enfin que le nombre des panneaux conservé est incompatible avec les dispositions du cabinet d’angle de Madame, qui était plus exigu, et que la mention «cabinet d’angle » ne peut donc s’appliquer qu’à celui de Monsieur
(annexe 3)
18. Atelier des frères Rousseau, Grand panneau des boiseries dites « aux couronnes de fleurs » provenant du cabinet d’angle de Madame, vers 1786, Versailles, Réserve architecture, inv. RA01981
Les boiseries aux couronnes de fleurs, décor du cabinet d’angle de Madame
Le quatrième ensemble ne consistait naguère, dans les réserves, que dans un grand panneau réassemblé avec une parclose et deux vantaux d’une porte double longtemps déposés au musée des Arts décoratifs comme bon nombre des plus belles boiseries sculptées de Versailles.
À l’occasion des travaux menés en 2009-2010 dans les ailes des Ministres pour l’aménagement de l’accueil du public, plusieurs panneaux du même ensemble, remontés en placard dans une pièce sur la rue de l’aile des Ministres nord par les soins du Sénat, ont été déposés et ont rejoint les premiers: il s’agit de deux grands panneaux sculptés remontés dans un cadre moderne et doublés, de deux éléments de frises remontés ensemble et de deux parcloses raccourcies, élargie pour l’une, assemblées avec un petit panneau carré à décor rapporté moderne
(fig. 18)
Soit un ensemble formé de huit éléments, auquel il faut associer deux petits panneaux de frise décapés, légués en 1905 par Émile Peyre au musée des Arts décoratifs
(inv. PE 1503 A-B)
Nous possédons donc les principaux témoins d’un décor qui comprenait au moins trois grands panneaux dont un de grande largeur, deux de largeur inférieure, trois parcloses de largeurs légèrement différentes et une double porte.
Les quatre petits panneaux de frise actuellement démembrés constituaient en fait les frises hautes et basses des grands panneaux récemment démontés.
Si l’on restitue un bas-lambris courant, la boiserie atteignait une hauteur d’environ 4,05 m.
Le décor des frises et des parcloses est constitué de branches de lauriers entrelacées autour de tiges de rosiers fleuries.
Celui des grands panneaux offre en partie basse des couronnes de fleurs croisées, posées sur un piédouche, d’où partent deux cornes d’abondance prolongées par des rinceaux d’acanthes, qui donnent naissance à des vases fleuris constituant le départ des montants latéraux du panneau, superposant chutes végétales et arcs croisés.
Le motif sommital reprend rinceaux et cornes d’abondance convergeant vers un arc et des flèches croisées, d’où pendent deux couronnes de fleurs.
Tout ce décor célèbre l’hymen de façon convenue et transparente, et puise dans un répertoire similaire aux ensembles précités, mais avec une note que l’on pourrait considérer comme plus féminine.
Mesures et décor s’appliquent parfaitement au cabinet d’angle de Madame, pièce qui s’éclairait par une fenêtre sur cour au sud et une en retour sur la rue à l’est, et possédait deux portes, munies de dessus-de-porte de Rysbrack28, qui devaient être composées à double vantail.
Compte tenu de l’exiguïté de la pièce, plus petite d’un tiers que le cabinet d’angle de son époux, il pouvait difficilement y avoir des portes feintes, qui eussent occupé tout l’espace.
Il faut imaginer plutôt que la porte
Atelier des frères Rousseau, Grand panneau des boiseries dites «aux couronnes de fleurs » provenant du cabinet d’angle de Madame, vers 1786, Versailles, Réserve architecture, inv. RA01981 18
ouest vers la chambre était réellement à deux vantaux, et c’est celle qui nous est parvenue, tandis que la porte nord vers les bains était nécessairement à un seul vantail pratiqué dans la double porte apparente, disposition que nous avons rencontrée chez Monsieur.
Nous savons également qu’il y avait deux trumeaux de glace, ordonnançant les élévations ouest et nord, ce qui ne laisse place que pour six panneaux de largeur variable adaptés aux trumeaux disponibles, dont nous possédons la moitié (annexes 4 et 5)
Rappelons que ce décor était le dernier créé pour cet appartement, inachevé quant à sa peinture en 1789.
Là encore, à l’exception des trumeaux et dessus-deporte disparus, nous pouvons nous faire une idée assez complète de l’aspect de ce cabinet à la veille de la Révolution.
Mentionnons enfin qu’une belle rosace de plafond au bois sculpté existe en réserve, qui rappelle le travail du Cabinet doré de la reine, dont la rosace est également en bois.
Cet ouvrage pourrait faire partie de cet ultime décor créé avec diligence pour Madame.
Les boiseries aux lions ailés, décor de l’arrière-cabinet de Monsieur (?)
Le cinquième ensemble identifié a connu une histoire mouvementée, puisque, pour six des sept éléments qui le composent, il a été aliéné avant d’être racheté en 1951, non sans avoir subi des transformations.
Lors de son achat à Mme Larcade, celui-ci formait une pièce complète qui avait été recomposée en associant deux portes créées à partir des panneaux des vantaux d’un autre ensemble, celui du cabinet d’angle de Monsieur et d’un trumeau de cheminée en anse de panier, de provenance indéterminée mais certainement étrangère à Versailles.
Il faut ici ne considérer que les seuls panneaux sculptés, soit six grands et quatorze parcloses, car tous les cadres comme le bas-lambris dans lequel ils sont enchâssés aujourd’hui sont 19.
Atelier des frères Rousseau, Grand panneau des boiseries dites «aux lions ailés », provenant sans doute de l’arrière-cabinet de Monsieur, vers 1786, Versailles, Réserve architecture, inv. RA01962; le panneau est enchâssé dans un bas-lambris et des cadres modernes
Annexe 4.
Cabinet intérieur ou pièce d’angle de Madame, hypothèse de provenance des «boiseries aux couronnes enflammées » et emplacement des panneaux, hypothèse A, Frédéric Didier-2bdm Architecture & amp; Patrimoine
Annexe 5.
Cabinet intérieur ou pièce d’angle de Madame, hypothèse de provenance des «boiseries aux couronnes enflammées » et emplacement des panneaux, hypothèse B, Frédéric Didier-2bdm Architecture & amp; Patrimoine
19. Atelier des frères Rousseau, Grand panneau des boiseries dites « aux lions ailés » , provenant sans doute de l’arrière-cabinet de Monsieur, vers 1786, Versailles, Réserve architecture, inv. RA01962 ; le panneau est enchâssé dans un bas-lambris et des cadres modernes
Annexe 4. Cabinet intérieur ou pièce d’angle de Madame, hypothèse de provenance des « boiseries aux couronnes enflammées » et emplacement des panneaux, hypothèse A, Frédéric Didier-2bdm Architecture & Patrimoine
Annexe 5. Cabinet intérieur ou pièce d’angle de Madame, hypothèse de provenance des « boiseries aux couronnes enflammées » et emplacement des panneaux, hypothèse B, Frédéric Didier-2bdm Architecture & Patrimoine
modernes et en faussent complètement les proportions
(fig. 19)
Fort heureusement, il existe un septième panneau en réserve, jamais vendu, qui a conservé son montage d’origine: le cadre est une moulure sculptée de perles et de feuilles de refend, tandis que le bas-lambris simplement mouluré est très écrasé sous une cimaise également moulurée
(fig. 20)
La hauteur totale du lambris ne dépasse donc pas 2,17 m, au lieu des 2,77 m dus au remontage, et il s’agit donc clairement d’un décor raffiné conçu pour une pièce entresolée.
Si les parcloses n’offrent que des motifs en agrafe haute et basse, sculptés de branches de roses entrelacées autour d’une tige, les panneaux sont très riches, composés d’un motif central reliant des motifs en amortissement inférieur et supérieur.
À la base, deux lions ailés monopodes, dos à dos, portent des corbeilles fleuries et donnent naissance à des rinceaux remontant pour porter un vase.
Au centre, une lyre brochant sur deux trompettes croisées est supportée par un écusson en pelte, surmontant des branchages fleuris.
Cet écusson portait un emblème bûché à la Révolution, qui est illisible et ne peut être interprété (l’hypothèse «MJS » pour Marie-Joséphine de Savoie figurant dans la documentation du musée ne peut être validée)
Enfin, au sommet, un caducée soutient des rinceaux retenant des guirlandes de perles et des chutes de rubans avec des couronnes florales croisées.
La boiserie est largement décapée et ne porte qu’un apprêt verdâtre, mais le retrait des feuillures fait apparaître une teinte de fond verte, qui pourrait être ancienne, sur laquelle les ornements pouvaient se détacher en teinte pâle, à la manière des biscuits de Wedgwood.
Mêlant attributs masculins et féminins, et offrant un nombre de panneaux et de parcloses assez significatif, cette boiserie de faible hauteur peut être attribuée au décor de l’arrière-cabinet servant de salle à manger, pièce entresolée de l’appartement de Monsieur, à l’arrière de sa chambre, qui était éclairée par une fenêtre sur la cour de l’Apothicairerie, la dernière vers l’est.
Assez vaste, munie d’une cheminée et de son trumeau de glace, elle possédait trois portes qui devaient s’intégrer au lambris, vu la faible hauteur disponible.
La régularité de sa distribution correspond bien à la régularité des panneaux, dont il faut imaginer un nombre plus conséquent pour répondre à la quantité de parcloses conservées.
Parmi les pièces entresolées, c’est la seule où puisse se déployer un tel décor, les bains de Madame étant majoritairement occupés par des alcôves et des placards.
20. Atelier des frères Rousseau, Panneau de hauteur des boiseries dites « aux lions ailés », provenant sans doute de l’arrière-cabinet de Monsieur, vers 1786, Versailles, Réserve architecture, inv. RA01967
21. Atelier des frères Rousseau, Panneau de hauteur des boiseries dites « aux griffons », provenant sans doute du boudoir de Madame ou de l’arrière-cabinet de Monsieur, vers 1786, Versailles, Réserve architecture, inv. RA01960
Les boiseries aux griffons, décor du boudoir de Madame ou de l’arrière-cabinet de Monsieur (?)
Facilement confondu avec l’ensemble précédent, un unique panneau s’en démarque, qui a lui aussi conservé son montage ancien.
Il s’agit d’un vantail de porte qui présente un décor très proche, mais avec des variantes: les lions sont remplacés par des griffons, le caducée et les cornes d’abondance servent de motif central à la place du pelte et de la lyre.
Si le soubassement très réduit est identique aux précédents, de même que la moulure du grand cadre, le panneau supérieur est plus réduit en hauteur d’une quinzaine de centimètres
(fig. 21)
À cet unique panneau retrouvé, le dossier de la conservation du musée permet de rattacher deux vantaux de portes conservés au musée des Arts décoratifs, qui ont gardé leur chambranle sculpté d’oves et de perles, et s’ouvrent en visà-vis (inv. no Versailles 17 A-B)
Un quatrième panneau est conservé aux 20.
Atelier des frères Rousseau, Panneau de hauteur des boiseries dites «aux lions ailés », provenant sans doute de l’arrière-cabinet de Monsieur, vers 1786, Versailles, Réserve architecture, inv. RA01967
21. Atelier des frères Rousseau, Panneau de hauteur des boiseries dites «aux griffons », provenant sans doute du boudoir de Madame ou de l’arrière-cabinet de Monsieur, vers 1786, Versailles, Réserve architecture, inv. RA01960 21 20
Arts décoratifs également, panneau qui semble avoir été réduit en hauteur et avoir perdu une partie de ses ornements dont le motif central; curieusement on y retrouve au centre de la partie basse le vase rencontré dans l’ensemble aux lions ailés au lieu de la coupe des griffons (inv. no 6949)
Nous aurions donc dans cette série trois portes et un panneau de lambris modifié, pour une hauteur très réduite, analogue, si l’on prend en compte les chambranles, à l’ensemble précédent.
Une très petite pièce de l’appartement de Madame peut avoir accueilli ce décor, il s’agit du boudoir éclairé sur la rue, entre les bains et la bibliothèque, qui possédait trois portes et ne pouvait guère comporter que deux panneaux, sur le mur opposé aux fenêtres, les deux autres en retour étant occupés par des niches revêtues de glaces.
Une autre hypothèse pourrait consister à assimiler ces portes au décor aux lions ailés identifié dans l’arrière-cabinet de Monsieur, dont les portes manquent, ce qui serait également plausible vu la parenté étroite du décor, mais qui pose la question de l’emploi du dernier panneau disparu.
Dans ce cas il faut envisager qu’il ait pu servir de porte pour le placard figuré sur les plans à gauche de la cheminée, mais seul son examen permettrait de confirmer cette hypothèse, aussi gardons-nous ouverte l’alternative.
À propos d’autres fragments conservés en réserve
Les portes aux sceptres
En réserve est conservé un fragment mutilé correspondant à la partie inférieure d’un vantail de fausse porte de symétrie appartenant à une pièce lambrissée d’époque Louis XVI.
Si le panneau inférieur est simplement mouluré à grand cadre, le petit panneau supérieur à petit cadre présente un décor de rinceaux feuillagés dont celui du centre, sous une guirlande de fleurs, offre un disque plat à bordure de feuilles de refends entourée d’une couronne de laurier.
Ce décor très soigné permet de rapprocher ce fragment de deux vantaux de porte en dépôt au musée des Arts décoratifs
(fig. 22)
Enfin, dans la documentation du musée, une note signale un panneau conservé à la bibliothèque municipale de Versailles, correspondant à la seule partie supérieure sculptée des portes intactes, qui pourrait donc être l’élément prélevé sur notre vantail mutilé.
Quoi qu’il en soit nous sommes en présence de deux portes doubles, une vraie et une feinte, faisant partie d’un décor disparu des années 1780 attribuable aux frères Rousseau.
La présence des sceptres croisés et des couronnes tendrait à rattacher celui-ci directement à la reine elle-même, ou au Dauphin, le roi n’ayant pas fait de commande pour lui-même à notre connaissance, et c’est donc vers les appartements du rez-de-chaussée du corps central qu’il faut, nous semble-t-il, rechercher une éventuelle provenance.
La levrette est ici sans doute un symbole de fidélité.
22. Atelier des frères Rousseau, Porte dite « aux sceptres », années 1780, Paris, musée des Arts décoratifs, inv. Versailles 18 A-B
23. Atelier des frères Rousseau, Paire de volets dite « aux guirlandes de perles », début des années 1780, Versailles, Réserve architecture, inv. RA01956
Les volets aux guirlandes de perles
Il s’agit d’une paire de volets intérieurs anciens et attribuables à l’atelier des frères Rousseau dans les années 1780 (vers 1783 ?) publiés par Marguerite Jallut en 1964 comme provenant de la salle à manger de Madame Royale en 1783, réutilisés pour la reine en 1788
(fig. 23)
Cette attribution repose sur un rapprochement avec des volets en place en 1964 (retirés dans les années 1980 lors de la restitution de la galerie basse) dans les 22.
Atelier des frères Rousseau, Porte dite «aux sceptres » , années 1780, Paris, musée des Arts décoratifs, inv. Versailles 18 A-B
23. Atelier des frères Rousseau, Paire de volets dite «aux guirlandes de perles » , début des années 1780, Versailles, Réserve architecture, inv. RA01956
deux fenêtres méridionales de la galerie, à proximité de la seconde antichambre du Dauphin.
Cette localisation, jointe à la présence récurrente sur l’un et l’autre élément de corbeilles de fruits, lui fait émettre l’hypothèse d’une commande pour la salle à manger de Madame Royale, éphémère occupante des lieux entre 1782 et 1783, à la suite du décès de sa grand-tante Madame Sophie en mars 1782
(fig. 24)
Stylistiquement, ces panneaux s’accordent bien avec une datation du début des années 1780, mais le rapprochement est sujet à caution à plus d’un titre: d’abord parce que les ornements des panneaux qui nous intéressent diffèrent très largement du volet, ensuite parce qu’il s’agit également de volets et qu’ils ne peuvent donc avoir été créés pour la même pièce.
Jean-Claude Le Guillou a brillamment contribué à préciser, avec une rigueur admirable, la chronologie de ces appartements du rez-de-chaussée du corps central, d’abord à travers l’article qu’il publia dans la Gazette des beaux-arts en 1981 sur l’appartement de Madame Sophie, puis, plus récemment, par son étude magistrale sur le «côté de la Reine », parue dans Versalia en 2008.
Dans la décennie précédant la Révolution, une large moitié sud du rez-de-chaussée du corps central fut l’objet de remaniements incessants, au gré des fluctuations de ses occupants, entre Madame Sophie, le comte et la comtesse de Provence, la reine Marie-Antoinette ou les enfants de France et leur suite.
La configuration actuelle de ces espaces ne reflète plus guère ces transformations, qui avaient passablement défiguré, par un cloisonnement quasi anarchique, les superbes enfilades initiales du palais que les restaurations du XXe siècle se sont évertuées à rétablir, arrêtant le temps, dans les appartements du Dauphin et de la Dauphine, bien avant 1789, dans un état idéal qui correspond, pour l’architecture, aux parents de Louis XVI, le dauphin Louis-Ferdinand, fils de Louis XV, décédé en 1765, et son épouse Marie-Josèphe de Saxe.
Les travaux dans ces parties ne contribuèrent guère à la création de grands décors, mais plutôt à leur démembrement au profit de petites pièces, la plupart du temps entresolées et, pour bon nombre d’entre elles, à but utilitaire.
Si l’on regarde de plus près les interventions, peu d’entre elles sont susceptibles d’avoir généré des témoignages de grande ambition artistique comme les vestiges retrouvés en réserve.
Chronologiquement, il y eut en 1779/ 1780 la commande d’un nouvel ensemble de lambris neufs pour le cabinet particulier de Madame Sophie, pièce occupant les deux dernières travées sud de la galerie basse, justement à l’aplomb des deux fenêtres décrites par Marguerite Jallut comme possédant encore leurs volets intérieurs, qui pourraient donc logiquement être les restes de cette commande détruite dès 1787 pour faire place à des pièces de service entresolées, mais ressuscitée in extremis en 1789 lorsqu’elle fut remontée au même endroit pour servir de salle à manger à Mme de Tourzel, gouvernante du nouveau Dauphin.
En second lieu, l’ installation de Madame Royale fin 1782 suscita le recloisonnement de l’ancienne pièce des nobles de Madame Sophie, qui occupait les deux travées septentrionales de l’ancienne galerie basse.
La moitié sud, éclairée par la seconde fenêtre, devint une salle à manger pour la jeune princesse, et il est possible que l’on ait de ce fait commandé un nouveau décor pour la pièce qui pourrait correspondre à nos volets.
Cette disposition ne dura guère, et dès 1786, toute la zone était entresolée à usage de garde-robe pour Madame Victoire.
Sans doute les boiseries furentelles rentrées en magasin en vue de réemploi.
Enfin le dernier décor ordonné dans ce secteur le fut pour la reine elle-même, c’est celui de sa chambre à coucher sur la cour de Marbre, au nord du vestibule de Marbre.
Cette pièce, jusque-là 24. Atelier des frères Rousseau,
Détail du décor sculpté de la paire de volets dite «aux guirlandes de perles », début des années 1780, Versailles, Réserve architecture, inv. RA01956
entresolée et enterrée de 1 mètre sous le niveau de la cour de Marbre, fut en 1788 remise à niveau et trouva un volume plus noble par la suppression de l’entresol, qui permit de lui conférer une hauteur de près de 4 mètres.
Un nouveau décor de lambris fut alors commandé que Marguerite Jallut croyait pouvoir identifier avec un des ensembles déposé en réserve, dont nous avons vu qu’il appartient en fait à l’appartement du comte de Provence.
La restitution de cette pièce, menée dans le cadre de la loi de programme entre 1978 et 1984, présente donc un lambris moderne mouluré, simple évocation du décor beaucoup plus riche et raffiné créé par Richard Mique et les frères Rousseau pour la reine.
En tout état de cause la paire de grands volets aujourd’hui conservés en réserve ne peut provenir de cet emplacement où les fenêtres sont beaucoup plus petites, mais n’ont pu être conçus que pour le décor de l’une des pièces éclairées sur le jardin, où les fenêtres sont plus larges et surtout sans allège.
L’hypothèse de la salle à manger de Madame Royale semble la plus probable, au rez-de-chaussée du corps central, à moins d’une commande non retrouvée pour l’un des appartements des princes dans les enfilades des ailes du Nord ou du Midi, donnant sur les jardins.
Toute provenance de l’appartement Provence dans le pavillon de la Surintendance à l’extrémité de l’aile du Midi doit en tout cas être exclue, alors que leur répertoire faisant appel aux symboles féminins (colombes, perles, arcs et flèches, roses) semble les rattacher à l’appartement d’une princesse, voire de la reine.
On notera cependant que l’on retrouve un répertoire similaire (putti, perles, arcs, oiseaux dans des couronnes de fleurs) sur les panneaux des portes d’un autre ensemble déposé, que nous proposons d’identifier avec le cabinet d’angle du dernier appartement du comte de Provence
(fig. 16)
Conclusion
Notre étude nous a permis d’établir avec un maximum de certitudes la provenance de six ensembles exceptionnels de boiseries sculptées, liés aux appartements du comte et de la comtesse de Provence à l’extrémité de l’aile du Midi.
Même s’il demeure des zones d’ombre et des hypothèses, dont le cas du dernier ensemble qui pourrait être rattaché à l’avant-dernier, pour ne former que cinq séries, et que d’autres identifications sont toujours possibles dans les réserves de Versailles ou d’autres musées, en particulier pour des éléments de corniches, chambranles ou trumeaux, qui n’ont pas été inventoriés pour l’instant à Versailles, ce travail est, nous l’espérons, de nature à renouveler notre vision de ces appartements, qui font, depuis 2005 seulement, de nouveau partie intégrante du musée.
À l’instar de ce qui a été pratiqué il y a trois décennies au rez-de-chaussée du corps central, il n’est pas interdit de penser que, dans un avenir proche, ces boiseries puissent être remises en lumière et retrouver, après restauration, un cadre sensiblement équivalent, sinon celui qui les a vus naître.
Le bilan est à ce titre très prometteur, puisque ressuscitent ainsi plusieurs pièces.
Il est aussi un peu frustrant de constater que ce sont majoritairement les décors de l’appartement de Monsieur que nous avons révélés, avec pas moins de quatre des six pièces les plus précieuses; seuls le cabinet intérieur et la bibliothèque nous échappent complètement, encore que des cadres de porte vitrées que nous avons vus en réserve puissent provenir de cette dernière.
Par contre, chez Madame, ce n’est guère que son cabinet d’angle qui a ressurgi, et peut-être son boudoir, alors que la pièce des nobles, la chambre, les bains, la bibliothèque et surtout la salle à manger manquent à l’appel.
Paradoxalement en effet, il semble plus délicat de revenir sur les décors troisième République des salons de l’étage de Monsieur, à l’emplacement de trois des quatre pièces précitées (seul le cabinet d’angle n’offre guère d’intérêt aujourd’hui), alors que l’étage de Madame peut être intégralement recomposé sans effacer d’autres traces que celle d’une affligeante banalité bourgeoise de la fin du XIXe siècle.
Reste la possibilité, face à ce constat, de combler les lacunes de l’appartement de la comtesse de Provence avec les décors provenant de son mari, dans la mesure où ils sont compatibles avec les mesures des
Les appartements de Monsieur et de Madame à l’extrémité de l’aile du Midi en 1787
24. Louis Dussieu, Le Château de Versailles, histoire et description, Versailles, L. Bernard, 1885, t. II, p. 97-98. 25. Florence Papri, «Les appartements du comte et de la comtesse de Provence au château de Versailles, décors et ameublements » , mémoire d’étude de l’École du Louvre, 2009, p. 30. 26. Un fragment de grand panneau de cette boiserie vient d’être identifié par Anne Forray-Carlier et François Gilles dans les réserves du musée des Arts décoratifs de Paris (inv. 6957). Qu’ils soient ici chaleureusement remerciés pour avoir eu la gentillesse de partager leur découverte avec nous. 27. Papri, Annexes, p. 16. Ce plan est conservé aux Archives nationales sous la cote O1 17818, no 2. 28. Ibid., p. 36. 29. Marguerite Jallut, «Château de Versailles, cabinets intérieurs et petits appartements de Marie-Antoinette » , Gazette des beaux-arts, t. LXIII, 1964, p. 350, repr. p. 346, fig. 52. 30. Jean-Claude Le Guillou, «L’appartement de Madame Sophie au château de Versailles : formation et métamorphoses, 1774-1790 » ,
Gazette des beaux-arts, mai-juin 1981, p. 201-218. 31. Id., «Le “ côté de la Reine”, “ Rez de Chaussée et Entresolles”, 1765-1789 » , Versalia, 11, 2008, p. 113-172. 32. Jallut, p. 350. 33. Ibid., p. 333. dans les collections du Waddesdon Manor (inv. 2576), tandis que le bureau en laque rouge est conservé à New York, au Metropolitan Museum of Art (inv. 1973.315.1). 13. AN, O1 3465, État d’estimation des meubles…, 1787, p. 289. 14. AN, O1* 3355, Inventaire général des meubles de la famille royale, t. II, 1792, p. 69. 15. AN, O1 2087, dossier 4, État des marbres…,
6 décembre 1786, fo 2 ro. 16. AN, O1* 3355, Inventaire général des meubles de la famille royale, t. II, 1792, p. 69. 17. AN, O1 2087, dossier 4, État des marbres…,
6 décembre 1786, fo 2 vo. 18. AN, O1* 3355, Inventaire général, t. II, 1792, p. 80. 19. Voir Meyer, t. I, no 4, p. 36-37. Avec le mobilier de 1771 cohabitait la commode d’un goût moderne en acajou et bronze doré livrée par Adam Weisweiler en 1788 pour la nouvelle chambre de la comtesse (château de Versailles, inv. RF 4043). 20. AN, O1* 3355, Inventaire général, t. II, 1792, p. 87. 21. AN, O1 1802, pièce no 497. 22. AN, O1* 3355, Inventaire général, t. II, 1792, p. 91. 23. Quatre de ces encoignures sont dans les collections du château de Versailles (inv. V 3553, V 3554, V 4060 et V 4061). Voir à ce sujet Meyer,
t. I, p. 76-77. *
Nous remercions M. Christian Baulez qui a eu la gentillesse de nous donner accès à sa précieuse documentation. 1. SACV, Album B22, Alexandre Dufour, Recueil de tous les plans du château de Versailles, 1815.
2. SACV, Album B26 et liasse no 46.
3. AN, O1 17818, no 2.
4. AN, O1 3465, État d’estimation des meubles existants dans les Appartements de la Famille Royale au château de Versailles en 1787, p. 272.
5. AN, O1 2087, dossier 4, État des marbres nécessaires pour établir cinq cheminées dans les nouveaux appartements de Monsieur et de Madame, 06 décembre 1786, fo 1 vo.
6. AN, O1 3465, État d’estimation des meubles…,
1787, p. 278. 7. Voir Daniel Meyer, Le Mobilier de Versailles,
Dijon, Faton, t. I, no 23, p. 86-87, et no 68, p. 256-257. 8. AN, O1 3465, État d’estimation des meubles…,
1787, p. 278-279. 9. AN, O1 2087, dossier 4, État des marbres…,
06 décembre 1786, fo 1 ro. 10. SACV, Album B26 no 36, Frédéric Nepveu, Coupe du pavillon de Monsieur, État ancien, avant 1844. 11. AN, O1* 3355, Inventaire général des meubles de la famille royale, t. II, 1792, p. 38-39. 12.
Le secrétaire à cylindre se trouve aujourd’hui
l’aile du Midi a beaucoup perdu dans les transformations radicales du XIXe siècle, beaucoup plus que l’aile du Nord qui, avec la Chapelle et l’Opéra, a conservé deux pôles d’intérêt majeurs pour la compréhension du château.
Les appartements de Monsieur et Madame seraient seuls à même de jouer ce rôle de mémoire au sein de l’aile du Midi et pourraient servir à évoquer ceux des princes partout ailleurs disparus, en particulier ceux de leur frère et beau-frère le comte d’Artois.
N’oublions pas que l’appartement de Monsieur et de Madame était à Versailles, à la veille de la Révolution, le plus important ensemble «moderne » dans le goût arabesque, avec l’appartement intérieur de la reine Marie-Antoinette. pièces, tant en plan qu’en élévation, une fois les cloisons modernes supprimées.
On pourrait ainsi faire voisiner à ce niveau le cabinet intérieur de Madame avec le grand cabinet de Monsieur et son arrière-cabinet servant de salle à manger.
Stylistiquement en tout cas, la similitude est telle que l’on pourrait sans heurt passer d’une pièce à l’autre.
Par contre, la hauteur disponible, moindre chez Madame, interdit le remontage des deux pièces principales de l’appartement de Monsieur, pièce des nobles et chambre, qui comptent aussi parmi les plus beaux ensembles, aux chiffres «LXS » et aux Muses, et seule leur reconstitution in situ
est possible.
Il y a donc là matière à réflexion approfondie et à débat, sachant que
Frédéric Didier
https://www.persee.fr/doc/versa_1285-8412_2018_num_21_1_1206