Le Boudoir de Marie-Antoinette

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 Rez de chaussée - Aile du midi - Les Appartements de Monsieur et de Madame

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yann sinclair

yann sinclair


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MessageSujet: Rez de chaussée - Aile du midi - Les Appartements de Monsieur et de Madame    Rez de chaussée - Aile du midi - Les Appartements de Monsieur et de Madame  Icon_minitimeJeu 17 Nov - 11:48

Aile du midi - Rez de chaussée

- Les Appartements de Monsieur et de Madame

à l’extrémité de l’aile du Midi en 1787



par Frédéric Didier

architecte en chef des Monuments historiques



A près avoir été logé, au lendemain de son mariage en 1771, au rez-de-chaussée du corps central, dans les anciens appartements de ses parents le Dauphin Louis-Ferdinand et la Dauphine Marie-Josèphe de Saxe, le comte de Provence frère du roi et héritier du trône
Rez de chaussée - Aile du midi - Les Appartements de Monsieur et de Madame  Versa_12
Le Comte de Provence, vers 1778
Joseph-Siffrein Duplessis
huile sur toile, Chantilly, musée Condé
Rez de chaussée - Aile du midi - Les Appartements de Monsieur et de Madame  Versa_13
Marie-Joséphine-Louise de Savoie, comtesse de Provence (1753-1810), 1782
Louise-Élisabeth Vigée Le Brun (1755-1842)
huile sur toile, coll. part

suivi par son épouse Marie-Joséphine de Savoie, dut céder la place, au début de l’année 1787, au Dauphin Louis-Joseph qui atteignait l’âge de cinq ans et «passait aux hommes »

C’est alors que Monsieur et Madame emménagèrent dans le pavillon de la Surintendance, à l’extrémité de l’aile du Midi, non loin du comte et de la comtesse d’Artois qui occupaient le premier étage de l’aile sur les jardins

Rez de chaussée - Aile du midi - Les Appartements de Monsieur et de Madame  Capt2820
Plan du rez-de-chaussée du palais de Versailles, 1815,
Alexandre Dufour
Service des archives du château de Versailles, Album B 22, f° 2


Le pavillon prit alors le nom de pavillon de Monsieur, tout comme l’escalier nouvellement redessiné qui en desservait les étages, et la cour adjacente, entre l’aile du Midi et l’ancien pavillon de la Surintendance de Colbert désormais appelé commun de Monsieur.

 L’installation du couple princier se fit sur trois niveaux, à partir du rez-de-chaussée, de plain-pied avec les cours, qui fut réservé aux cuisines, offices et pièces de service.

L’étage intermédiaire, situé à mi-niveau entre la galerie de pierre basse (niveau rez-de-chaussée) et la galerie de pierre du rez-de-jardin, fut accommodé pour la comtesse de Provence (fig. 4), tandis que l’étage supérieur accueillit son époux (fig. 5)
Rez de chaussée - Aile du midi - Les Appartements de Monsieur et de Madame  Capt2821
4. Restitution du plan de l’appartement de Madame, Frédéric Didier

-2bdm Architecture & amp; Patrimoine; 1. escalier de Provence; 2. salle des gardes; 3. première antichambre; 4. pièce des nobles ou grand cabinet; 5. chambre; 6. cabinet intérieur ou pièce d’angle; 7. garde-robe à chaise; 8. chambre des bains; 9. boudoir; 10. bibliothèque; 11. salle à manger triple exposition principale, au nord sur la cour de l’Apothicairerie, au sud sur la cour de Monsieur, à l’est sur la rue de la Surintendance.
Rez de chaussée - Aile du midi - Les Appartements de Monsieur et de Madame  Capt2822
5. Restitution du plan de l’appartement de Monsieur, Frédéric Didier

-2bdm Architecture & amp; Patrimoine; 1. escalier de Provence; 2. salle des suisses; 3. salle des gardes; 4. première antichambre; 5. seconde antichambre ou salon des Nobles; 6. chambre; 7. grand cabinet ou cabinet d’angle; 8. cabinet intérieur; 9. bibliothèque; 10. garde-robe à chaise; 11. salle à manger ou arrière-cabinet; 12. chambre du premier valet de chambre; 13. pièce des garçons de la chambre

Les deux appartements, quoique ne bénéficiant pas de l’exposition sur les jardins, étaient cependant vastes et de belle hauteur (environ 5 mètres chez Monsieur, pour 4,70 m chez Madame), et commodément accessibles depuis la galerie de pierre débouchant sur la cour des Princes.

Tous deux équivalents, ils s’étendaient depuis la limite de l’aile ouest, le long de l’escalier, jusqu’à la première pièce en retour sur l’aile côté rue incluse, et jouissaient donc d’une

 Ce n’étaient point des appartements à l’origine occupés par des princes du sang, mais des personnes distinguées de la Cour, encore que les derniers occupants eussent été des membres de la famille royale.

Monsieur succédait ainsi à ses neveux, les jeunes ducs d’Angoulême et de Berry, fils de son frère Artois, et Madame à la princesse de Lamballe, laquelle avait été délogée de son appartement à l’étage supérieur en 1780 par les deux jeunes princes, entraînant en ces lieux le départ de Madame Élisabeth, sœur du roi.

Il fallut y faire quelques travaux pour répondre aux besoins nouveaux de l’étiquette, obligeant à trouver chez le frère du roi une salle des gardes suivie de deux antichambres avant la chambre.

Les mémoires afférents aux travaux sont malheureusement perdus pour la période 1787-1789, mais la correspondance des Bâtiments du roi laisse entendre que le plus important chantier eut lieu chez Monsieur.


 L’appartement de Madame bénéficiait de décorations refaites peu auparavant pour la précédente occupante des lieux, la princesse de Lamballe*

Les plans de cette période, ainsi que les relevés généraux de l’aile établis en 1815 par l’architecte Alexandre Dufour, complétés par ceux de Frédéric Nepveu avant les travaux du musée entre 1837 et 1844, nous permettent de comprendre l’essentiel de la distribution, composée d’une enfilade principale donnant sur la cour de Monsieur, doublée par des pièces plus intimes côté cour de l’Apothicairerie et en retour sur la rue.

La grande hauteur disponible avait autorisé à ménager, dans les cabinets privés, des entresols pour le service, ainsi que deux bibliothèques superposées, bénéficiant chacune d’une coursive à mi-niveau, lesquelles devaient être d’un grand agrément.

Considérons maintenant, grâce aux archives, les principales caractéristiques de la distribution intérieure.


L’appartement de Monsieur


Les salles des suisses et des gardes, la première antichambre

L’entrée principale dans l’appartement se faisait depuis l’escalier de Provence à travers une porte ménagée au centre du mur sud du palier, tandis qu’une seconde entrée, pour le service, existait dans l’élévation en retour à l’est

La première pièce de l’appartement, vaste et éclairée au sud par trois fenêtres, avait été recloisonnée pour former d’abord un vestibule, éclairé en second jour à la fois sur la cage d’escalier par une fenêtre à l’angle nord-est, et par deux châssis vitrés dans la cloison sud, et chauffé par un poêle d’angle.

De ce réduit qui devait servir à loger les suisses, on entrait à l’ouest dans l’étroite salle des gardes, éclairée par une fenêtre au sud et chauffée par une cheminée adossée au mur ouest.

De là, une porte à gauche de la fenêtre, la première de l’enfilade sur les salles principales, donnait accès à la première antichambre qui bénéficiait de deux fenêtres et d’une cheminée adossée à l’élévation est.

Ces trois pièces étaient lambrissées de hauteur, avec des panneaux alternés à grand et petit cadre qui devaient n’être que simplement moulurés, vu leur statut largement public.

Une coupe aquarellée de Nepveu nous donne précisément le panneautage des élévations de la première antichambre et de la salle des suisses


La seconde antichambre ou pièce des nobles

La pièce suivante, lambrissée de hauteur également, était la seconde antichambre ou pièce des nobles, belle salle carrée éclairée par deux fenêtres au sud et chauffée par une cheminée sur l’élévation est.

Cette salle de représentation, servant au jeu, justifiait un décor ambitieux, et la boiserie devait en être sculptée.

D’après les premiers plans d’aménagement, confirmés par les relevés ultérieurs, la pièce possédait côté fenêtres deux doubles portes en vis-à-vis, tandis qu’en symétrie, par rapport à la cheminée et au trumeau qui devait lui faire face, devaient en être pratiquées 5.

Restitution du plan de l’appartement de Monsieur,

Rez de chaussée - Aile du midi - Les Appartements de Monsieur et de Madame  Capt2823
6. Frédéric Nepveu
Aile du Midi, détail sur la coupe du pavillon de Monsieur, 1833, SACV, PN 30

 deux autres, l’une feinte à l’ouest, l’autre ouvrant sur un placard à l’est.

Enfin une autre porte s’ouvrait dans le mur nord, que son désaxement interdisait d’ordonnancer et qui devait être dérobée, porte qui semble avoir été rebouchée ensuite, sinon dès les premiers travaux, puisqu’elle n’apparaît pas sur les relevés de 1815.

Le décalage des fenêtres dans la pièce interdit d’imaginer un miroir sur le trumeau intermédiaire sud, et seuls deux trumeaux étaient cantonnés d’une paire de bras de lumière, à trois branches, tandis qu’un lustre de cristal de roche pendait du plafond.

On avait commandé un nouveau chambranle en griotte pour la cheminée, ce qui donne à penser que le décor était également neuf.


La chambre

À la suite vers l’est, on pénétrait dans la chambre, légèrement plus profonde que la pièce précédente, mais d’une organisation tout à fait semblable avec ses deux fenêtres au sud, sa cheminée à l’est, ses deux trumeaux en vis-à-vis et ses deux portes en enfilade.

Toutefois seule sa moitié sud était lambrissée, la moitié nord, servant d’alcôve pour le lit, se trouvant tendue de quatre panneaux d’étoffe alternant entre hiver et été, au-dessus d’un lambris d’appui.

Deux portes sous tenture s’ouvraient de chaque côté du lit, axé sur le mur nord.

La présence de deux dessus-de-porte par Joseph-Piat Sauvage, bas-reliefs peints en trompe l’œil de marbre blanc sur fond lapis, et la fourniture d’une cheminée neuve en marbre bleu turquin semblent indiquer que le décor de cette pièce majeure de l’appartement avait été renouvelé pour le comte de Provence

Les deux trumeaux de glace étaient accompagnés de bras de lumière à trois branches en bronze doré, et un lustre de cristal de Bohême était accroché au centre du plafond.

C’est dans cette pièce enfin que se trouvaient la commode en acajou et bronzes dorés de Guillaume Benneman, initialement créée pour Marie-Antoinette puis modifiée en 1786 par le Garde-Meuble pour le comte de Provence, ainsi que le paravent de Jean-Baptiste Boulard, actuellement présenté dans la chambre de Louis XV et Louis XVI au château, dont les six feuilles sont toujours couvertes de leur étoffe d’origine: un gros de Tours broché à dessin de fleurs, trophées et nids d’oiseaux.


Le grand cabinet du Conseil ou cabinet d’angle

Éclairé par trois fenêtres au sud et à l’est, en face desquelles prenait place la cheminée, le grand cabinet était une pièce très riche.

Plus petite que les précédentes, elle était la dernière à bénéficier de toute la hauteur de l’étage.

Elle communiquait avec la chambre par une porte à deux vantaux (dont l’un était peut-être feint d’après le plan le plus ancien) et avec le cabinet intérieur par une porte plus étroite, dont l’emplacement sur le mur nord donne à penser qu’il devait s’agir d’une porte dérobée.

Il est probable qu’une fausse porte de symétrie existait en pendant de la porte de la chambre sur l’élévation ouest, ainsi peut-être qu’un trumeau de glace en vis-à-vis de la cheminée.

Compte tenu de la proximité des fenêtres garnies de rideaux, celui-ci n’était pas équipé de bras de lumière, et seule une paire à trois branches posée en face complétait l’éclairage du lustre en cristal de Bohême à huit bobèches.

Du fait du changement de distribution attesté par la succession des plans, le décor de cette pièce était neuf, ce que corroborent la fourniture d’un chambranle en griotte et la présence de deux dessus-de-porte dus à Sauvage, représentant l’étude et les arts, imitant des bas-reliefs en marbre blanc.

L’une des coupes de Nepveu avant les travaux opérés en 1844 pour l’installation des salles des Marines dans le pavillon porte la mention «boiserie sculptée » à propos de cette pièce.


Les cabinets sur la rue: cabinet intérieur et bibliothèque

La pièce à la suite en retour était également une création pour Monsieur – d’abord prévue pour abriter ses bains –, établie à cheval sur le pavillon d’angle et l’arrière-corps de l’aile sur rue, d’où une dissymétrie entre les ébrasements des deux fenêtres.

Le mur ouest en face présentait une niche centrale de faible profondeur et flanquée de deux pans coupés – dont celui du sud pour la cheminée –, nécessairement garnis de trumeaux de glace, eux-mêmes agrémentés chacun d’une paire de bras de lumière à deux branches.

La présence d’une troisième paire à trois branches semble indiquer l’existence d’un autre trumeau de glace, sans doute


sur la large portion du mur est entre les deux fenêtres, peut-être reflété par un miroir en symétrie dans la niche, laquelle n’était là que pour rattraper la présence de plusieurs conduits de cheminée qui épaississaient la partie sud du mur de rebord.

Un faux plancher – et non un entresol – rendait peut-être la pièce trop basse pour y accrocher un lustre, d’où la multiplication des bras de lumière, car il s’agissait d’un cabinet d’étude où le prince devait se tenir souvent.

 Les trois portes étaient à simple vantail, proportionnées au volume plus intime, qui devait cependant atteindre plus de 3 mètres sous plafond et avoir reçu un lambris sculpté raffiné pour accompagner la richesse du mobilier, car c’était ici que trônaient le merveilleux secrétaire à cylindre du prince, commandé à Riesener en 1774, ainsi que le fameux bureau de laque rouge de Louis XV, dû à Joubert
(fig. 7)

 Nous sommes là dans un espace de proportions intermédiaires entre les pièces de réception et espaces les plus intimes. La double hauteur de la bibliothèque à la suite permettait, à défaut de bras de lumière qu’interdisait la présence des armoires vitrées au pourtour de la pièce, d’accrocher un lustre en cristal de roche.

Éclairée par deux fenêtres sur rue, elle était distribuée par deux portes donnant sur le cabinet intérieur et sur l’escalier donnant accès à l’entresol qui permettait également de descendre à l’appartement de Madame.

La cheminée était contre le mur nord.

Les cabinets sur la cour de l’Apothicairerie: arrière-cabinet et pièces de service

Dans toute la zone, un entresol pour le service limitait fortement la hauteur sous plafond, qui ne devait pas excéder 2,50 m.

De l’escalier ou du cabinet intérieur, il fallait traverser un passage obscur, partiellement occupé par la garde-robe à chaise à l’anglaise qui formait commodité de la chambre, pour accéder à l’arrière cabinet, également à usage de petite salle à manger, éclairé par la dernière fenêtre de la façade sud de la cour.

Une cheminée contre le mur ouest devait être surmontée d’un trumeau de glace muni de deux bras de lumière à deux branches.

Le recloisonnement opéré par rapport à l’état précédent induit une recomposition du décor, qui peut avoir réutilisé des éléments préexistants.

Au-delà de cette pièce, encore réservée à l’usage personnel du prince, la distribution était morcelée entre un corridor de distribution longitudinal et plusieurs pièces de service, dont la première à la suite était la chambre du premier valet de chambre, reconnaissable à son alcôve contre le mur ouest, puis la pièce des garçons de la chambre, salles exclusivement dédiées au service qui s’étendaient également à l’entresol.

Il ne faut rechercher ici nulle ambition décorative, dans ces espaces strictement utilitaires, qui closent notre parcours à travers les lieux dévolus à Monsieur.

L’appartement de Madame

L’appartement de Madame se présente de façon quasi identique à celui de Monsieur, à quatre variantes principales près: une répartition légèrement plus morcelée des entresols se partageant en deux zones indépendantes, la présence de bains et enfin les proportions moindres du cabinet d’angle, alors que la salle à manger semble ne pas être entresolée

 (fig. 4)

La salle des gardes et la première antichambre

Amputée de la travée occidentale qui servait de passage pour le contrôleur général vers son hôtel du Grand Contrôle, la première séquence de l’appartement fut réduite à une petite salle des Gardes, qui était en fait un vestibule entre l’escalier et la première antichambre, éclairé en second jour sur cette dernière, et à l’aplomb de la pièce des Suisses de Monsieur.

Cette pièce fut rendue plus exiguë encore par la présence d’un retranchement à l’ouest, et d’un escalier encloisonné à l’est, conduisant

Les appartements de Monsieur et de Madame à l’extrémité de l’aile du Midi en 1787
Rez de chaussée - Aile du midi - Les Appartements de Monsieur et de Madame  Ewvnyn13
7. Gilles Joubert,
Bureau plat en laque rouge, 1759, New York, Metropolitan Museum of Art, inv. 1973.315.1



à un entresol qui la surmontait ainsi que le passage, et devait servir ainsi au personnel.

La coupe aquarellée de Nepveu déjà examinée pour l’appartement de Monsieur confirme ces dispositions et nous révèle un lambris de hauteur simplement mouluré, comme dans la salle suivante

Cette première antichambre, qui était un peu plus large que celle de Monsieur, s’éclairait également par deux fenêtres au sud et possédait de même deux portes de ce côté en vis-à-vis.

L’élévation nord était agrémentée de deux pans coupés, l’un côté ouest où s’ouvrait un châssis donnant jour au petit réduit précité, l’autre à l’est auquel était adossée la cheminée.

Si la partition en trois préexistait, dans l’aménagement pour la princesse de Lamballe, il semble que les pans coupés aient été une création pour Madame et que l’on ait donc remanié ces espaces, sans nécessairement créer des décors entièrement neufs, sachant que là comme chez Monsieur, le statut d’antichambre publique de ces pièces n’induisait pas de raffinement particulier et que les lambris simplement moulurés devaient demeurer la règle.

Notons enfin que l’antichambre était éclairée par un lustre de grenailles en cristal de roche à huit lumières

La pièce des nobles ou grand cabinet

Il en allait tout autrement dans le grand cabinet, servant de salon de jeu, qui formait avec la chambre la pièce principale de l’appartement de la princesse, et qui devait nécessairement offrir un décor de lambris de hauteur sculpté, peut-être hérité des récents aménagements de la princesse de Lamballe.

Éclairée au sud par deux fenêtres, la pièce s’articulait autour de trois trumeaux de glace qui occupaient les axes des murs ouest, nord et est, comme en témoigne la présence dans l’inventaire de 1792 de trois paires de bras de lumière à trois branches en bronze doré d’un modèle riche.

Il faut également restituer ici quatre portes à deux vantaux, deux côté sud pour le passage vers la première antichambre et la chambre en vis-à-vis, et deux feintes pour raison de symétrie au nord, dont celle à l’est ouvrait cependant sur un placard. Une petite porte dérobée était en outre pratiquée dans le mur nord.

La cheminée avait été changée pour un chambranle de marbre bleu turquin, indice qui pourrait accréditer le renouvellement du décor mural pour l’installation de Madame, tandis que l’on accrochait en dessus-de-porte quatre toiles de Jean-Baptiste Oudry, récupérées de l’appartement de Madame Sophie.

Ce mélange de réemploi et de neuf permet difficilement d’apprécier l’ambition des travaux réalisés.

Le mobilier, en hiver comme en été, était en tout cas fort riche et un grand lustre de cristal de roche à douze bobèches éclairait cette pièce essentielle de représentation et de compagnie.

La chambre

La chambre à coucher de Madame se présentait de la même façon que celle de Monsieur, son époux, avec une alcôve tendue d’étoffe sur un bas-lambris dans la moitié nord, et un lambris de hauteur dans la moitié sud, deux trumeaux de glace en vis-à-vis, dont celui de l’est surmontant la cheminée, pour laquelle avait été fourni un nouveau chambranle de griotte

La présence, dans l’inventaire de 1792, outre le lustre en cristal de roche à douze bobèches, de trois paires de riches bras de lumière à trois branches, suggère l’existence d’un autre trumeau de glace entre les fenêtres, malgré leur décalage, et il ne devait donc y avoir place que pour trois grands panneaux de lambris dans cette pièce, deux en vis-à-vis entre les portes et les trumeaux des murs est et ouest, et le dernier à l’angle sud-ouest, entre la fenêtre et la porte en retour.

Les dessus-de-porte étaient également des réemplois, l’un copie d’après Boucher et l’autre de composition similaire.

Là encore le mélange entre neuf et réemploi ne permet guère de se faire une idée précise de l’ampleur du renouvellement du décor mural de menuiserie, encore que l’usage précédent de salon pour la princesse de Lamballe eût certainement obligé à des travaux significatifs au moins dans la partie servant désormais d’alcôve.

 Dans la nouvelle chambre fut réutilisé le mobilier exécuté en 1771 par Nicolas-Quinibert Foliot, à l’occasion du mariage princier, pour la chambre de la comtesse de Provence au rez-de-chaussée du corps central du château, dont le canapé qui est aujourd’hui exposé dans la chambre de la Reine à Versailles

Rez de chaussée - Aile du midi - Les Appartements de Monsieur et de Madame  Capt2824
8. Canapé, 1771, Versailles,
 Nicolas-Quinibert Foliot
Musée du château de Versailles et de Trianon, inv. GMT9293

Le Cabinet intérieur

Bénéficiant encore de toute la hauteur sans entresol, cette agréable pièce d’angle, éclairée par une fenêtre au sud et une autre en retour sur la rue, avait conservé les mêmes proportions que dans l’aménagement de la princesse de Lamballe, avec une cheminée dans l’axe de l’élévation ouest, une double porte vers la chambre, et dans le mur nord une porte simple ouvrant sur les cabinets privés.

C’est sans doute pour cette raison qu’elle ne fut redécorée qu’au cours de l’année 1788 et semble n’avoir pas été achevée en 1789.

Le nouveau décor de boiseries sculptées dut entraîner le remplacement du chambranle de la cheminée, qui ne figurait pas sur la fourniture ordonnée deux ans plus tôt, au moment de l’installation de la comtesse de Provence.

Cependant, comme dans le reste de son appartement, et au contraire de son époux, Madame ne bénéficia pas de commande de nouvelles peintures et dut se contenter dans son nouveau cabinet intérieur de deux scènes de chasse peintes par Rysbrack.

Leur présence, ainsi que celle de deux portières en deux parties, induit soit l’existence d’une fausse porte de symétrie à droite de la cheminée tandis que le percement du mur nord en retour devait être traité en porte dérobée dans le lambris, soit que cette dernière réponde, avec un second vantail feint, à la double porte vers la chambre.

La mention de deux paires de bras de lumière à deux branches induit également la création de deux trumeaux de glace, l’un au-dessus de la cheminée, et l’autre dans l’axe de l’élévation nord, qui pouvaient ainsi refléter la lumière des fenêtres et renforcer l’attrait de cette pièce très lumineuse, dont l’éclairage était complété par un lustre de cristal de Bohême à six bobèches.

Le lambris ne pouvait donc comprendre que six grands panneaux.

Les cabinets sur la rue: garde-robe, bains, boudoir et bibliothèque

Au nord de la pièce précédente, la porte s’ouvrait sur un corridor à une fenêtre, éclairant en second jour la garde-robe à chaise qui communiquait directement avec la chambre par une porte sous tenture à gauche de la cheminée.

Le corridor menait à la chambre des bains, prenant jour par la fenêtre suivante sur la rue, et communiquait au nord avec une pièce minuscule à usage de boudoir, également éclairée par une fenêtre sur rue.

Toutes ces pièces, entresolées, étaient nécessairement assez basses de plafond, ne pouvant dépasser 2,20 à 2,50 m.

Les bains étaient disposés dans une pièce assez irrégulière, avec une cheminée à l’angle sud-ouest, disposition qui remontait aux aménagements de la princesse de Lamballe.

Les murs sud et nord étaient occupés par deux niches, l’une formant l’alcôve du lit de repos, l’autre abritant la baignoire.

Ces niches étaient dissymétriques et le reste des surfaces murales nord et sud était occupé par des portes, dont deux au moins étaient vitrées.

Comme on le voit, il n’y avait guère de place pour déployer un décor sculpté, si ce n’est sur le mur ouest, et il est probable que le lambris de cette pièce devait être simplement mouluré et que des glaces l’agrémentaient sur la cheminée et dans la niche du lit.

Le boudoir à la suite était par contre certainement plus raffiné, si l’on en juge par le soin apporté à rendre cet espace restreint propre au repos et à la conversation, par la présence de sofas dans les deux niches en vis-à-vis, dont l’un entièrement garni – comme dans la Méridienne de la reine – et l’autre à bois apparent, sans doute dans la niche nord moins profonde.

Une troisième banquette était même ménagée dans l’ébrasement de l’unique fenêtre.

Comme chez la reine, il faut imaginer des glaces tapissant les niches et des drapés en encadrement de ces trois baies renforçant le caractère confortable de ce réduit.


Le décor lambrissé devait comprendre trois portes sur les murs nord, sud et ouest, cette dernière étant encadrée de deux panneaux équivalents, le reste des surfaces murales n’accueillant que des parcloses.

En tout état de cause le décor était nécessairement neuf, car l’espace avait été entièrement recomposé pour Madame.

On peut l’imaginer, toutes proportions gardées, dans l’esprit du cabinet de retraite de son ancien appartement, aménagé en 1780 sur la cour du Dauphin, sous la Méridienne de la reine, lequel subsiste toujours.

À la suite au nord, Madame jouissait d’une bibliothèque à galerie d’entresol en tout point similaire à celle de Monsieur, flanquée d’un escalier à l’ouest, menant à l’entresol et communiquant chez son époux.

Les cabinets sur la cour de l’Apothicairerie: salle à manger, salle des buffets et pièces de service

De l’escalier particulier à l’angle sud-ouest de la cour, un corridor en L, analogue à celui de l’étage supérieur mais plus dégagé, conduisait jusqu’à l’escalier principal à l’ouest de l’appartement, isolant les trois pièces sur cour au nord de l’enfilade sud de l’appartement.

La pièce la plus intéressante, seule à compléter les cabinets particuliers de la comtesse de Provence, était éclairée par la dernière fenêtre orientale sur cour.

À usage de salle à manger, elle était plus ambitieuse que celle rencontrée chez Monsieur, car non entresolée et accompagnée d’une pièce des buffets.

Cette prééminence s’explique par le fait que s’y perpétuait l’habitude, prise lorsque Monsieur et Madame cohabitaient avec le roi et la reine dans le corps central, de repas intimes avec le couple royal, usage attesté par le remplacement, en 1788, par une nouvelle cheminée, du poêle initialement disposé dans la pièce, lequel avait incommodé la reine.

On peut dès lors supposer qu’un décor de lambris sculptés d’une certaine recherche habillait les murs, même si la pièce pouvait avoir conservé celui de la princesse de Lamballe, pour qui elle servait déjà de salle à manger.

La configuration de la salle était assez régulière, à l’exception de deux placards de part et d’autre de la cheminée adossée au mur ouest, qui devaient être destinés à rattraper la saillie excessive du conduit de celle-ci, du fait de la présence des conduits montant des espaces de service situés en dessous.

À la fenêtre, axée sur le mur nord, répondait une porte d’axe sur le mur sud, seule munie d’une portière, tandis que deux portes en vis-à-vis servaient à la circulation de service côté fenêtre dans les refends est et ouest.

 L’absence de portière pour ces baies donne à penser qu’elles pouvaient être dérobées dans le lambris, pour une parfaite symétrie.

La composition de ces deux élévations devait s’articuler autour de deux trumeaux de glace.

La pièce était éclairée par une lanterne ronde en bronze à six bobèches, comme cela se rencontrait souvent dans les salles à manger où les courants d’air dus au service étaient fréquents, ainsi que, selon l’inventaire de 1792, de trois paires de bras de lumière, ce qui ne laisse pas d’étonner, car on voit mal où pourrait avoir été ménagé un troisième trumeau.

Dans la nouvelle salle à manger furent réutilisées deux des six encoignures livrées par Jean-Henri Riesener en 1780 pour la première salle à manger de la comtesse dans son appartement au rez-de-chaussée du corps central du château.

Le reste des pièces à la suite était dévolu au service, avec le logement de la première femme de chambre et des autres femmes, en entresol, ainsi que ce qui semble être des garde-robes et la pièce de la chaudière des bains.

Tous ces espaces, strictement utilitaires, ne pouvaient avoir suscité de décor fixe significatif.

En résumé, la disposition du dernier appartement de Monsieur et de Madame dans l’aile du Midi offrait de nombreuses pièces de réception et d’agrément dont le décor avait dû être renouvelé ou modifié en 1787-1788 dans le goût dominant, confié aux arabesques des frères Rousseau sous la direction de Richard Mique ou de Jean-François Heurtier.

Le pavillon de Provence de 1789 à nos jours

Au départ de la Cour pour les Tuileries, Monsieur et Madame quittèrent leurs beaux appartements sans doute encore inachevés.

Les lieux, après la vente du mobilier, restèrent intouchés pendant les deux décennies suivantes.

En 1813, des travaux de confortation de la structure du pavillon s’avérèrent Frédéric Didier


indispensables, et l’architecte Alexandre Dufour dut procéder à d’importantes déposes de parquets et de lambris. En tout état de cause, les appartements n’avaient pas changé dans leur distribution comme leur décor lorsque l’architecte de Louis-Philippe, Frédéric Nepveu, procéda à leur relevé détaillé en plan et surtout en coupe, en prévision des travaux projetés pour l’extension du musée.

En 1844, l’installation des salles des Marines allait engendrer un profond bouleversement de ces espaces: chez Madame, il est difficile de connaître l’ampleur des réaménagements, car les plans font défaut, mais la première antichambre, le passage et la petite salle des gardes adjacents furent supprimés pour créer un grand vestibule à double hauteur entre l’escalier de Provence et la cour de Monsieur.

Les travaux furent également conséquents au niveau inférieur, où les anciennes cuisines furent détruites et des refends modifiés, ce qui laisse à penser que l’appartement de Madame dut subir d’importants décloisonnements et la suppression de ses entresols, qui étaient antinomiques avec les besoins du musée.

Chez Monsieur, les plans montrent des transformations radicales, pour créer cinq pièces principales toute hauteur à l’emplacement des multiples cabinets.

Seules la pièce des Nobles et la chambre conservèrent leur volume, mais certainement pas leur décor qui fut déposé en même temps que les cheminées, remplacées par des bouches d’air chaud alimentées par des calorifères.

À l’angle sur rue, le grand cabinet et une partie du cabinet intérieur furent réunis pour former une salle en galerie, tandis que l’enfilade sur cour faisait place à une unique pièce, éclairée par quatre fenêtres, pour laquelle on n’avait pas hésité à supprimer un mur de refend. Ainsi les salles étaient déjà largement dépouillées de leur décor d’Ancien Régime quand les assemblées parlementaires s’y installèrent.

Les travaux menés en 1875-1876, avec une grande célérité, sous la direction de l’architecte Edmond de Joly, consistèrent donc essentiellement dans des ouvrages de second œuvre: redécoration des salons à l’étage de l’ancien appartement de Monsieur et redistribution du niveau de l’ancien appartement de Madame pour le rendre habitable.

La principale transformation fut la création de deux escaliers de service montant de fond côté rue, qui achevèrent d’effacer les rares vestiges que Nepveu avait pu épargner, tandis que la restructuration et l’élargissement de l’aile sur rue achevaient de détruire les bibliothèques de Monsieur et de Madame, que Dussieux avait, semblet-il, vues en place
 
C’est sans doute lors de cette ultime campagne que les épaves du décor créé pour le comte de Provence trouvèrent refuge à l’étage inférieur, pour recomposer un salon réduit à l’emplacement du grand cabinet de Madame, alors que le reste des lambris était depuis longtemps déjà déposé en magasin, conservant un lien ténu, mais précieux pour la mémoire des lieux.

Malheureusement, l’énorme afflux de boiseries et de cheminées généré par les aménagements du musée d’Histoire de France ne fut guère propice à la conservation méthodique des décors, qui furent largement dispersés, remontés ailleurs où l’on perdit leur identité, voire vendus ou réutilisés comme simples matériaux de construction.

Ce ne sont aujourd’hui que de rares épaves que nous conservons, à côté de l’immense trésor qui a disparu.

 Aussi chaque témoin est-il particulièrement estimable, et grande est notre émotion lorsque des recherches, parfois suivies de restaurations in situ, permettent de retrouver tel ou tel décor et le cas échéant de le remettre en situation.

Quelques vestiges de l’appartement conservés sur place

La salle AMI-E0-077 correspond, quoique réduite en profondeur par un cloisonnement moderne ménageant une circulation, à l’ancienne seconde antichambre de la comtesse de Provence, sa pièce des nobles qui servait également de grand cabinet.

Elle est pratiquement la seule de l’appartement à présenter de nos jours un décor significatif dans le goût Louis XVI, composé de grands panneaux à cadre mouluré au-dessus d’une cimaise et un lambris d’appui, de deux trumeaux de glace à arcade sculptée en vis-à-vis,

Les appartements de Monsieur et de Madame à l’extrémité de l’aile du Midi en 1787


dont l’un surmontant la cheminée, d’une corniche d’architecture et d’une rosace au centre du plafond.

La cheminée de style rocaille est désaccordée avec le reste.

La partition moderne de la salle interdit d’y voir un décor original, mais il est possible que certains éléments soient des réemplois, en particulier les trumeaux.

Cette hypothèse est certaine pour les vantaux des trois doubles portes présentes dans la salle, deux symétriques dans la cloison moderne au nord, et une d’un modèle différent dans le mur est.

Les deux premières, similaires, présentent un décor martial mettant en exergue un casque et une massue, allusion transparente à Mars et Hercule
(fig. 9)

Leur style est bien celui des frères Rousseau dans les années 1780, dans le goût arabesque léger.

Leur présence dans le pavillon, sur une partition créée lors des travaux de 1876, les rattache à l’évidence à un ensemble composé pour le comte de Provence à l’étage supérieur, démembré lors de la redécoration opérée pour les chambres par l’architecte Edmond de Joly.

Le motif de casque empanaché accosté de rinceaux se retrouve sur quelques panneaux retrouvés, au chiffre «LXS » qui ne laisse aucun doute sur leur provenance, et nos portes, quoique le reste de leurs ornements diffère sensiblement, pourraient avoir été précisément celles de la même pièce.

La troisième porte, qui correspond à un percement présent au XVIIIe siècle entre le grand cabinet et la chambre de la comtesse de Provence, appartient à un ensemble différent, lui aussi conservé en réserve, celui des «Muses » qui présente, aux côtés de neuf grands panneaux à médaillons ornés du profil de chacune des Muses, une fausse double porte de symétrie à la composition analogue.

La comparaison de notre porte en place avec cette dernière montre que les vantaux en ont été réduits pour s’adapter à la hauteur moindre du percement existant.

La réduction des panneaux supérieurs a entraîné la suppression du motif central (bouclier losangé surmonté d’un vase)

La présence de cet élément au sein du pavillon nous semble être un indice sur l’appartenance du remarquable ensemble des Muses à la décoration des appartements de Monsieur et de Madame.

Plus précisément, la hauteur exceptionnelle des panneaux (près de 5 mètres) comme celle des portes, qui ont dû être réduites pour s’adapter au niveau de l’appartement de la comtesse, désigne la pièce située immédiatement au-dessus, à savoir le salon des Nobles du comte de Provence, la hauteur moyenne de ce niveau étant environ de 30 centimètres supérieure à celle du niveau inférieur occupé par Madame.

 Il faut donc penser que les remaniements opérés en 1813, puis sous Louis-Philippe, n’avaient dû laisser en place que les portes d’usage, dont notre exemplaire qui fut transféré, après adaptation, au niveau inférieur, lors des travaux de 1876 ayant conduit à la redécoration complète de l’ancien appartement de Monsieur, pour les salons de la présidence.


9. Atelier des frères Rousseau, Porte à décor martial provenant sans doute de la chambre à coucher de l’appartement du comte de Provence, vers 1786; porte remontée dans la salle AMI-E0-0077 du pavillon de Provence à l’extrémité de l’aile du Midi en 1876

10. Atelier des frères Rousseau, Boiseries dite « des Muses » provenant de la seconde antichambre de Monsieur, vers 1786, Versailles, Réserve architecture, inv. RA01970 à RA011780

Les ensembles de boiseries déposés en réserve

Grâce au transfert temporaire des boiseries dans la réserve du Grand Commun, nous avons pu procéder à l’examen approfondi des éléments stylistiquement datables de la fin du XVIIIe siècle

Après un examen attentif de chaque élément en nous aidant des archives et de certains témoins encore présents dans le château, dont les portes que nous avons étudiées un peu plus haut dans le pavillon de Provence à l’extrémité de l’aile du Midi, nous avons pu les classer en six ensembles principaux, dont la provenance des anciens appartements du comte et de la comtesse de Provence peut être établie, ainsi que divers fragments

Atelier des frères Rousseau, Porte à décor martial provenant sans doute de la chambre à coucher de l’appartement du comte de Provence,

vers 1786; porte remontée dans la salle AMI-E0-0077 du pavillon de Provence à l’extrémité de l’aile du Midi en 1876

10. Atelier des frères Rousseau, Boiseries dite «des Muses » provenant de la seconde antichambre de Monsieur, vers 1786, Versailles, Réserve architecture, inv. RA01970 à RA011780 9 10


épars sensiblement contemporains, mais que nous avons écartés de cette origine.

Pour des raisons de commodité, nous avons choisi de les désigner selon un trait distinctif de leur décor. Nous examinerons ainsi successivement: – deux ensembles de très grande hauteur (entre 4,70 et 4,90 m), les boiseries «des Muses » et «au chiffre LXS »; – deux ensembles de grande hauteur (entre 4,10 et 4,20 m), les boiseries «aux coeurs enflammés » et aux «couronnes de fleurs »; – deux ensembles de petite hauteur (entre 2,10 et 2,20 m), les boiseries «aux lions ailés » et «aux griffons »



La boiserie des Muses, décor de la seconde antichambre de Monsieur

Cet ensemble, sans doute le plus important et le plus exceptionnel conservé en réserve, se compose d’une parclose isolée, de neufs grands panneaux et d’une fausse porte à deux vantaux, soit onze éléments
(fig. 10), auxquels il faut rattacher la double porte modifiée et remontée dans le mur est de la salle AMI-E0-077, ancienne pièce des nobles de Madame, que nous avons étudiée plus haut avec cet appartement (fig. 9)

L’appartenance de ces différents éléments à un unique ensemble se fonde d’une part sur la présence d’un fragment de parclose attaché à un panneau, dans la largeur d’une ancienne porte sous tenture, qui permet d’y rattacher une parclose isolée, à motif de couronnes de lauriers et de chutes de fleurs (fig. 11); d’autre part, le même motif d’encadrement végétal des panneaux se retrouve sur les portes, dont celle conservée in situ dans le pavillon de Provence.

Le motif central des portes reprend également les mêmes éléments en alentour que les motifs plus développés des panneaux.

Ceux-ci, qui retiennent immédiatement l’attention, offrent un médaillon en bas relief orné chacun d’un profil d’une Muse, posé sur une console à enroulement à la base de laquelle est inscrite le nom de la Muse considérée, tandis que ses attributs explicitent l’art ou la science qu’elle personnifie.

Sept des neuf panneaux sont de largeur régulière sauf celui de Terpsichore qui est légèrement plus large et celui de Thalie qui est nettement plus étroit.

Ces deux panneaux s’adaptaient donc à un cadre irrégulier au contraire du reste.

On relève également, dans le panneau d’Euterpe, une porte sous tenture d’origine, moulurée à l’arrière, pratiquée à cheval sur l’angle inférieur droit du panneau et la parclose voisine, qui a permis de conserver les dispositions du bas-lambris simplement mouluré, lequel a disparu partout ailleurs
(fig. 11)

Enfin cinq profils en médaillon sont tournés vers la gauche: Melpomène, Calliope, Polymnie, Terpsichore et Euterpe, et quatre vers la droite: Clio, Thalie, Uranie et Érato.

Les panneaux, décapés et revêtus d’une simple couche d’apprêt, ont été restaurés, sans doute pour leur présentation dans l’exposition Versailles et les châteaux de France dans la galerie des Batailles, exposition des années 1950 dont nous conservons un cliché.

Les cadres et chants ont été largement renouvelés, et la porte dérobée a été solidarisée à son panneau, en recomposant largement la mouluration du soubassement et en restituant, mais sans sculpture, la continuité de la parclose.

Quelques panneaux conservent toutefois des cadres anciens, dont certains portent la moulure des parcloses qui leur étaient liées, mais il n’est pas sûr que les panneaux n’aient pas été intervertis lors des restaurations, car les boiseries ont été visiblement démontées et remontées.

Par contre, il semble que l’une des parcloses, non exposée, ait conservé l’intégrité de son cadre, qui montre qu’il s’agissait d’un élément isolé.

Trois profils sont manquants depuis longtemps, car les panneaux figurent ainsi dans les clichés de la conservation du musée: il s’agit de Melpomène, Thalie et Polymnie, qui n’avaient pas été exposés.

Nous proposons de reconnaître dans cet ensemble remarquable le décor de la seconde antichambre de Monsieur, sa pièce des nobles, vaste cabinet carré, éclairé par deux fenêtres.

Sa hauteur sous plafond n’est actuellement que de 4,96 m, alors que la boiserie atteint au total 4,93 m, mais nous savons par les relevés du XIXe siècle qu’elle atteignait autrefois 5,10 m, ce qui permet de disposer la corniche.

La taille et la distribution des panneaux s’accordent bien avec la régularité de l’ordonnance, le fait que la pièce était intégralement lambrissée contrairement à la chambre et la présence de portes d’enfilade en vis-11 11.

 Atelier des frères Rousseau, Lambris de hauteur avec porte sous tenture appartenant à l’ensemble des boiseries des Muses,

https://www.persee.fr/doc/versa_1285-8412_2018_num_21_1_1206

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MessageSujet: Re: Rez de chaussée - Aile du midi - Les Appartements de Monsieur et de Madame    Rez de chaussée - Aile du midi - Les Appartements de Monsieur et de Madame  Icon_minitimeJeu 17 Nov - 11:48

vers 1786, Versailles, Réserve architecture, inv. RA01979

11. Atelier des frères Rousseau, Lambris de hauteur avec porte sous tenture appartenant à l’ensemble des boiseries des Muses, vers 1786, Versailles, Réserve architecture, inv. RA01979

à-vis, en symétrie desquelles prenaient place des fausses portes. Ainsi les murs est et ouest se composaient-ils, de part et d’autre du trumeau de glace axial, disparu, de deux grands panneaux des Muses avec leurs profils en vis-à-vis, puis des deux portes, une vraie et une fausse, surmontées de dessus-de-porte sans doute sculptés puisqu’il n’y a pas de mention de tableaux.

Le mur nord devait être revêtu d’au moins quatre des panneaux des Muses, par groupe de deux séparés par une parclose, avec leurs profils en vis-à-vis par rapport à l’axe, et la porte dérobée pratiquée dans le panneau d’Euterpe devait être le premier du côté droit; dans l’axe prenait place soit un trumeau de glace, soit un cinquième panneau flanqué de parcloses, qui aurait pu être dans ce cas dédié à Apollon, maître du cortège des Muses, qui aurait ici représenté allégoriquement Monsieur, protecteur des arts et des sciences.

Enfin le mur sud où la répartition des fenêtres demeure irrégulière, pouvant accueillir la parclose isolée à droite, le grand panneau de Terpsichore au centre, et l’étroit panneau de Thalie, flanqué de deux parcloses, à gauche (annexe 1)

Selon que l’on retient ou non l’hypothèse d’un troisième trumeau de glace, il manquerait donc seulement un ou deux grands panneaux, une fausse porte et une vraie, ainsi que les trumeaux et les dessus-de-porte, pour recomposer intégralement le décor de cette pièce, qui est la seule des appartements susceptible d’avoir abrité cet ensemble.

Indice supplémentaire enfin, la fausse porte conserve une plinthe peinte à fond rouge, et nous savons que cette pièce avait reçu en 1787 un nouveau chambranle en marbre de griotte.

12. Atelier des frères Rousseau, Grand panneau des boiseries « au chiffre LXS » provenant de la chambre de Monsieur, vers 1786, Versailles, Réserve architecture, inv. RA01969

13. Panneau recomposé provenant de l’ensemble des boiseries « au chiffre LXS » de la chambre de Monsieur, New York, Cooper Hewitt Collection, inv. 1910-31-1

Annexe 1. Seconde antichambre de Monsieur, hypothèse de provenance des « boiseries des Muses » et emplacement des panneaux, Frédéric Didier-2bdm Architecture & Patrimoine

Les boiseries au chiffre LXS, décor de la chambre de Monsieur

Seuls deux panneaux représentent aujourd’hui cet ensemble dans les réserves de Versailles
(fig. 12)

Un troisième panneau est conservé dans les collections du Cooper Hewitt Museum à New York (fig. 13) et des fragments sculptés se trouvent au musée des Arts décoratifs de Paris (inv. 6952 A-B et inv. 6953 A-B)

Nous proposons de rattacher à cet ensemble deux panneaux trapézoïdaux ainsi que les deux portes en place dans la salle AMI-E0-077 du pavillon de Provence
(fig. 9)

Le panneau du Cooper Hewitt est identique au plus étroit des deux éléments conservés en réserve, mais il a été transformé: rescié en hauteur, décapé, le panneau newyorkais a été recomposé en réunissant les motifs hauts et bas de l’original, puis remontés dans un nouveau cadre à feuilles d’acanthes (fig. 13)

Les quatre fragments répertoriés aux Arts décoratifs sont en fait les éléments provenant de 12. Atelier des frères Rousseau,

Grand panneau des boiseries «au chiffre LXS » provenant de la chambre de Monsieur,

vers 1786, Versailles, Réserve architecture, inv. RA01969

13. Panneau recomposé provenant de l’ensemble des boiseries «au chiffre LXS » de la chambre de Monsieur,

New York, Cooper Hewitt Collection, inv. 1910-31-1

Annexe 1. Seconde antichambre de Monsieur, hypothèse de provenance des «boiseries des Muses » et emplacement des panneaux,

Frédéric Didier-2bdm Architecture & amp; Patrimoine

Frédéric Didier 12 13 Annexe 1

la partie médiane supprimée, et ils ne formaient donc à l’origine qu’un seul et unique élément.

Les cadres moulurés sont similaires à ceux des Muses, et la finition de la boiserie est une simple détrempe, où l’on peut, semble-t-il, distinguer deux tons, les sculptures se détachant en blanc sur un fond plus gris.

Le motif inférieur est composé d’un cartouche octogonal accosté de deux Amours ailés, porteurs de torches et de branches de laurier, juchés sur un arc, d’où partent des guirlandes de fleurs et des rinceaux feuillagés.

Le cartouche a manifestement été bûché, car il portait à l’origine les trois fleurs de lys de France, dont le fantôme est bien visible sur le cliché du panneau décapé du Cooper Hewitt Museum

(fig. 13)

Le motif sommital offre un casque empanaché d’où partent des cornes d’abondance donnant naissance aux mêmes rinceaux feuillagés d’où pendent des guirlandes de fleurs.

Au casque est accrochée une chute composée de deux branches de laurier, d’une flèche et de deux torches enflammées liées par des couronnes de fleurs, symboles de l’amour.

La partie médiane est ornée latéralement de Victoires engainées, de corbeilles de fleurs et de fruits, de flèches croisées, serpents enlacés, bâtons enguirlandés de lierre et de deux cartouches, l’un rectangulaire portant le chiffre «LXS », l’autre octogonal fleurdelisé qui a été bûché.

 Le décor des portes diffère sensiblement, mais on y retrouve le même casque empanaché, des cornes d’abondance, des rinceaux et des guirlandes fleuries analogues.

Le caractère masculin est renforcé ici par la massue en motif sommital, ainsi que les faisceaux, carquois, haches et trompettes des montants, tandis que les petits panneaux en frise mêlent lauriers et roses.

Enfin le rapprochement avec les deux panneaux trapézoïdaux, qui sont en fait des plafonds d’ébrasement de fenêtres, peut être fait à travers les feuilles de lierre qu’ils portent et que l’on retrouve ponctuellement sur les pilastres.

Les chiffres ne laissent aucun doute sur le destinataire de ce décor, qui ne peut être que Monsieur, comte de Provence, baptisé Louis-Stanislas-Xavier.

Compte tenu de la hauteur importante des panneaux qui composaient avec le lambris bas un ensemble de près de 4,80 m, ainsi que de leur faible nombre, celui-ci figurait dans la chambre de Monsieur, pièce qui ne pouvait recevoir que quatre panneaux de lambris, dans la moitié sud, la moitié nord étant tendue de tissu pour former alcôve du lit.

Le panneau situé entre fenêtres était plus large d’une soixantaine de centimètres que les trois autres, qui occupaient l’élévation sud à l’extrémité droite, et les deux élévations est et ouest entre les trumeaux de glace axiaux et les doubles portes de l’enfilade.

Chacun de ces panneaux devait être accosté de parcloses, soit un total de huit, qui ont toutes disparu, tandis qu’il ne manque qu’un panneau principal, qui était analogue aux deux étroits conservés.

Les trumeaux ont disparu également, ainsi que les dessus-de-porte, qui étaient des trompe-l’œil de sculpture peints par Sauvage.

Le bas-lambris devait être simplement mouluré.

La restitution de la salle est donc largement assurée, du moins graphiquement, et permet de composer une demi-pièce de grand raffinement (annexe 2)

Il est même permis d’envisager la restitution des couleurs; à partir du chambranle de marbre bleu turquin de la cheminée et des dessus-de-porte de Sauvage en faux marbre blanc sur fond lapis, il est permis de penser à un traitement des lambris

Chambre de Monsieur, hypothèse de provenance des «boiseries au chiffre LXS » et emplacement des panneaux,

Frédéric Didier-2bdm Architecture & Patrimoine

Les appartements de Monsieur et de Madame à l’extrémité de l’aile du Midi en 1787

Annexe 2. Chambre de Monsieur, hypothèse de provenance des « boiseries au chiffre LXS » et emplacement des panneaux, Frédéric Didier-2bdm Architecture & amp; Patrimoine

avec des ornements blancs se détachant sur un fond gris-bleu, ce que les teintes actuelles des deux panneaux semblent confirmer.

14. Atelier des frères Rousseau, Grand panneau des boiseries dites « aux cœurs enflammés » provenant du grand cabinet de Monsieur, vers 1786, Versailles, Réserve architecture, inv. RA01986

15. Atelier des frères Rousseau, Détail de la partie haute d’un des grands panneaux des boiseries dites « aux cœurs enflammés » provenant du grand cabinet de Monsieur, vers 1786, ibid., inv. RA01987

Les boiseries aux cœurs enflammés, décor du grand cabinet de Monsieur

L’ensemble suivant conservé en réserve est l’un des plus significatifs, puisqu’il se compose de pas moins de quinze éléments, auxquels il faut associer un seizième, en l’occurrence un plafond d’ébrasement de fenêtre trapézoïdal, photographié dans la documentation de la conservation du musée et qui n’a pas été retrouvé26.

Les éléments principaux sont cinq panneaux de lambris de hauteur
(fig. 14)

privés de leur bas-lambris, présentant une superposition d’un panneau principal à grand cadre accosté en haut comme en bas de deux petits panneaux formant frise.

Trois de ces éléments sont identiques, flanqués à gauche d’une parclose analogue aux frises horizontales.

Un quatrième panneau, de largeur identique, n’est pas assemblé avec une parclose, tandis qu’un cinquième, sans parclose également, est plus étroit d’une cinquantaine de centimètres.

Un fragment d’un sixième, de même largeur que les plus grands, est découpé pour une porte dérobée pratiquée dans l’angle à droite, porte dont la conservation permet de connaître la configuration du bas-lambris, simplement mouluré de même que le revers de ladite porte.

Deux parcloses isolées dont l’une désassemblée complètent l’ensemble.

Les grands panneaux sont sculptés en alentour avec, en partie inférieure, un motif axial composé d’une vasque au piètement entrelacé de deux serpents, sur laquelle sont assis deux petits faunes ailés soutenant des guirlandes de fleurs en grappes.

À la base partent des rinceaux feuillagés donnant naissance à deux cornes d’abondance.

En partie supérieure, les mêmes rinceaux à cornes d’abondance convergent vers un cartouche ovale portant un cœur enflammé, brochant sur deux carquois croisés, auquel est suspendue une corbeille de fleurs où se bécotent deux oiseaux
(fig. 15)

Sur les côtés du panneau, en partie médiane, pendent des cordons enguirlandés, auxquels sont attachés des trophées d’instruments de musique et d’attributs champêtres.

Frises et parcloses sont décorées de branches de rosiers entrelacées, formant une suite de cercles dont le centre est occupé par un disque tourné, rapporté.

C’est ce motif récurrent qui permet de rattacher à ce lambris plusieurs éléments de portes très spécifiques, présentant le même motif en frise, mais condensé en largeur
 (fig. 16)

Il s’agit d’un vantail gauche de porte feinte ne conservant que le panneau inférieur mouluré, une cimaise en creux et le panneau de frise, d’un vantail droit de porte feinte, celui-ci intact avec son panneau supérieur, et enfin d’un vantail droit d’une double porte dont le panneau supérieur sculpté est manquant, mais qui conserve cependant toute son élévation, le revers assemblé et mouluré étant intact.

Ce vantail présente une disposition singulière conçue dès l’origine: il est coupé avant le montant gauche, et il apparaît donc que le vantail gauche disparu était plus large, car y était rattaché ce montant.

Il était également moins haut, car le quart supérieur était par contre rattaché au vantail droit.

De fait, le véritable passage consistait dans une petite porte pratiquée dans la grande, qui n’était là que pour l’ordonnance de la pièce.

Malgré son revers assemblé, le vantail conservé était donc fixe.

Le seul vantail intact permet d’identifier deux panneaux hauts manquants, qui ont été remontés dans une boiserie recomposée, rachetée en 1951 à Mme Larcade par l’intermédiaire de la maison Jansen.

Il s’agit aujourd’hui de deux portes simples dont seuls les panneaux supérieurs sont authentiques, les cadres et chambranles étant modernes, et sans doute aussi les petits panneaux de frise à rinceaux végétaux qui semblent

14. Atelier des frères Rousseau,

Grand panneau des boiseries dites «aux cœurs enflammés » provenant du grand cabinet de Monsieur,

vers 1786, Versailles, Réserve architecture, inv. RA01986

15. Atelier des frères Rousseau, Détail de la partie haute d’un des grands panneaux des boiseries dites «aux cœurs enflammés » provenant du grand cabinet de Monsieur,

vers 1786, ibid.

inv. RA01987

16. Atelier des frères Rousseau, Vantail de porte des boiseries dites «aux cœurs enflammés » provenant du grand cabinet de Monsieur, vers 1786,

ibid., inv. RA01998

17. Atelier des frères Rousseau, Décor du vantail de porte des boiseries dites «aux cœurs enflammés » provenant du grand cabinet de Monsieur,

vers 1786, ibid.

inv. RA01984

Annexe 3

Grand cabinet ou cabinet d’angle de Monsieur, hypothèse de provenance des «boiseries aux cœurs enflammés » et emplacement des panneaux,

être des pastiches.

Les panneaux authentiques ont été légèrement élargis.

Le décor de ces panneaux diffère des lambris, avec en partie inférieure un lévrier portant un plateau sur lequel sont disposées des clés croisées (ce qui a sans doute accrédité l’hypothèse d’une provenance de l’appartement du grand maître notée sur la fiche du musée)
(fig. 17)

Aux angles, deux putti juchés sur des rinceaux soutiennent des candélabres.

Le motif supérieur montre des oiseaux dans des couronnes de fleurs, des rinceaux et des chutes de fleurs en grappes, tandis qu’au centre des montants se lisent des arcs croisés cantonnés de couronnes.

Nous sommes donc en présence d’une boiserie d’environ 4,10 m de hauteur, qui comprenait au moins trois portes, dont l’une dérobée et les deux autres simulant deux vantaux, malgré un dispositif peu courant de porte simple unique pour le passage.

Enfin, indice très important, l’un des panneaux porte au revers une inscription «cabinet d’angle » à la mine de plomb, dont la graphie paraît du XVIIIe siècle.

À côté une autre inscription, où l’on distingue seulement ce qui pourrait être un grand «M », a été interprétée autrefois comme la suite de la première, précisant «à Madame »

Un examen approfondi, avec Yves Carlier, conservateur chargé de la documentation au musée, nous amène à écarter cette lecture, qui ne peut correspondre aux traces en place, et seule la mention «cabinet d’angle » est à prendre en considération.

Celle-ci, jointe à la vérification d’après les plans anciens et les cotes relevées au XIXe siècle, permet d’identifier avec certitude cet ensemble avec le décor du grand cabinet de Monsieur, pièce en suite de sa chambre qui occupait l’angle du pavillon et s’ouvrait par une fenêtre sur la cour au sud et deux fenêtres sur la rue à l’est.

 Cette pièce possédait deux portes, l’une vers la chambre à l’ouest, l’autre vers le cabinet intérieur au nord. Comme cette dernière était décalée sans être dans l’axe du mur, du fait du retrait de l’alignement de la façade courante par rapport au pavillon, elle pouvait difficilement se composer dans le lambris et était donc pratiquée de façon dérobée.

Parallèlement, la mention de deux dessus-de-porte de Sauvage induit l’existence de deux grandes portes, une vraie et une feinte, ordonnançant le mur ouest de part et d’autre de la cheminée et dont nous avons les vestiges.

Le cas de la porte vers la chambre, qui serait constituée d’un passage simple, et non double, est attesté par les premiers plans d’aménagement de l’appartement en 1787, publiés par Florence Papri, où l’on voit clairement que le percement entre la chambre et le cabinet était en partie feint, et de dimensions réduites

 Les quatre grands panneaux conservés, outre celui de la porte, s’intègrent dans les dimensions disponibles entre les murs ouest (de part et d’autre de la cheminée), nord (de part et d’autre de la 16 Annexe 3 17

Les appartements de Monsieur et de Madame à l’extrémité de l’aile du Midi en 1787

16. Atelier des frères Rousseau, Vantail de porte des boiseries dites « aux cœurs enflammés » provenant du grand cabinet de Monsieur, vers 1786, ibid., inv. RA01998

17. Atelier des frères Rousseau, Décor du vantail de porte des boiseries dites « aux cœurs enflammés » provenant du grand cabinet de Monsieur, vers 1786, ibid., inv. RA01984

Annexe 3. Grand cabinet ou cabinet d’angle de Monsieur, hypothèse de provenance des « boiseries aux cœurs enflammés » et emplacement des panneaux, Frédéric Didier-2bdm Architecture & amp; amp; Patrimoine


porte dérobée) et est (entre les fenêtres), tandis que le panneau le plus étroit était soit celui à gauche de la fenêtre sud, soit celui à gauche de la fenêtre nord de l’élévation est.

Outre les dessus-deporte et la cheminée et son trumeau, il ne manquerait donc que quatre panneaux sur dix, dont un étroit, ce qui permet de garantir un remontage assuré pour cette pièce.

Rappelons enfin que le nombre des panneaux conservé est incompatible avec les dispositions du cabinet d’angle de Madame, qui était plus exigu, et que la mention «cabinet d’angle » ne peut donc s’appliquer qu’à celui de Monsieur

(annexe 3)

18. Atelier des frères Rousseau, Grand panneau des boiseries dites « aux couronnes de fleurs » provenant du cabinet d’angle de Madame, vers 1786, Versailles, Réserve architecture, inv. RA01981

Les boiseries aux couronnes de fleurs, décor du cabinet d’angle de Madame

Le quatrième ensemble ne consistait naguère, dans les réserves, que dans un grand panneau réassemblé avec une parclose et deux vantaux d’une porte double longtemps déposés au musée des Arts décoratifs comme bon nombre des plus belles boiseries sculptées de Versailles.

À l’occasion des travaux menés en 2009-2010 dans les ailes des Ministres pour l’aménagement de l’accueil du public, plusieurs panneaux du même ensemble, remontés en placard dans une pièce sur la rue de l’aile des Ministres nord par les soins du Sénat, ont été déposés et ont rejoint les premiers: il s’agit de deux grands panneaux sculptés remontés dans un cadre moderne et doublés, de deux éléments de frises remontés ensemble et de deux parcloses raccourcies, élargie pour l’une, assemblées avec un petit panneau carré à décor rapporté moderne
 (fig. 18)

Soit un ensemble formé de huit éléments, auquel il faut associer deux petits panneaux de frise décapés, légués en 1905 par Émile Peyre au musée des Arts décoratifs
(inv. PE 1503 A-B)

Nous possédons donc les principaux témoins d’un décor qui comprenait au moins trois grands panneaux dont un de grande largeur, deux de largeur inférieure, trois parcloses de largeurs légèrement différentes et une double porte.

Les quatre petits panneaux de frise actuellement démembrés constituaient en fait les frises hautes et basses des grands panneaux récemment démontés.

Si l’on restitue un bas-lambris courant, la boiserie atteignait une hauteur d’environ 4,05 m.

Le décor des frises et des parcloses est constitué de branches de lauriers entrelacées autour de tiges de rosiers fleuries.

Celui des grands panneaux offre en partie basse des couronnes de fleurs croisées, posées sur un piédouche, d’où partent deux cornes d’abondance prolongées par des rinceaux d’acanthes, qui donnent naissance à des vases fleuris constituant le départ des montants latéraux du panneau, superposant chutes végétales et arcs croisés.

Le motif sommital reprend rinceaux et cornes d’abondance convergeant vers un arc et des flèches croisées, d’où pendent deux couronnes de fleurs.

Tout ce décor célèbre l’hymen de façon convenue et transparente, et puise dans un répertoire similaire aux ensembles précités, mais avec une note que l’on pourrait considérer comme plus féminine.

Mesures et décor s’appliquent parfaitement au cabinet d’angle de Madame, pièce qui s’éclairait par une fenêtre sur cour au sud et une en retour sur la rue à l’est, et possédait deux portes, munies de dessus-de-porte de Rysbrack28, qui devaient être composées à double vantail.

Compte tenu de l’exiguïté de la pièce, plus petite d’un tiers que le cabinet d’angle de son époux, il pouvait difficilement y avoir des portes feintes, qui eussent occupé tout l’espace.

Il faut imaginer plutôt que la porte

Atelier des frères Rousseau, Grand panneau des boiseries dites «aux couronnes de fleurs » provenant du cabinet d’angle de Madame, vers 1786, Versailles, Réserve architecture, inv. RA01981 18

ouest vers la chambre était réellement à deux vantaux, et c’est celle qui nous est parvenue, tandis que la porte nord vers les bains était nécessairement à un seul vantail pratiqué dans la double porte apparente, disposition que nous avons rencontrée chez Monsieur.

Nous savons également qu’il y avait deux trumeaux de glace, ordonnançant les élévations ouest et nord, ce qui ne laisse place que pour six panneaux de largeur variable adaptés aux trumeaux disponibles, dont nous possédons la moitié (annexes 4 et 5)

Rappelons que ce décor était le dernier créé pour cet appartement, inachevé quant à sa peinture en 1789.

Là encore, à l’exception des trumeaux et dessus-deporte disparus, nous pouvons nous faire une idée assez complète de l’aspect de ce cabinet à la veille de la Révolution.

Mentionnons enfin qu’une belle rosace de plafond au bois sculpté existe en réserve, qui rappelle le travail du Cabinet doré de la reine, dont la rosace est également en bois.

Cet ouvrage pourrait faire partie de cet ultime décor créé avec diligence pour Madame.

Les boiseries aux lions ailés, décor de l’arrière-cabinet de Monsieur (?)

Le cinquième ensemble identifié a connu une histoire mouvementée, puisque, pour six des sept éléments qui le composent, il a été aliéné avant d’être racheté en 1951, non sans avoir subi des transformations.

Lors de son achat à Mme Larcade, celui-ci formait une pièce complète qui avait été recomposée en associant deux portes créées à partir des panneaux des vantaux d’un autre ensemble, celui du cabinet d’angle de Monsieur et d’un trumeau de cheminée en anse de panier, de provenance indéterminée mais certainement étrangère à Versailles.

Il faut ici ne considérer que les seuls panneaux sculptés, soit six grands et quatorze parcloses, car tous les cadres comme le bas-lambris dans lequel ils sont enchâssés aujourd’hui sont 19.

Atelier des frères Rousseau, Grand panneau des boiseries dites «aux lions ailés », provenant sans doute de l’arrière-cabinet de Monsieur, vers 1786, Versailles, Réserve architecture, inv. RA01962; le panneau est enchâssé dans un bas-lambris et des cadres modernes

Annexe 4.

Cabinet intérieur ou pièce d’angle de Madame, hypothèse de provenance des «boiseries aux couronnes enflammées » et emplacement des panneaux, hypothèse A, Frédéric Didier-2bdm Architecture & amp; Patrimoine

Annexe 5.

Cabinet intérieur ou pièce d’angle de Madame, hypothèse de provenance des «boiseries aux couronnes enflammées » et emplacement des panneaux, hypothèse B, Frédéric Didier-2bdm Architecture & amp; Patrimoine
 

19. Atelier des frères Rousseau, Grand panneau des boiseries dites « aux lions ailés » , provenant sans doute de l’arrière-cabinet de Monsieur, vers 1786, Versailles, Réserve architecture, inv. RA01962 ; le panneau est enchâssé dans un bas-lambris et des cadres modernes

Annexe 4. Cabinet intérieur ou pièce d’angle de Madame, hypothèse de provenance des « boiseries aux couronnes enflammées » et emplacement des panneaux, hypothèse A, Frédéric Didier-2bdm Architecture & Patrimoine

Annexe 5. Cabinet intérieur ou pièce d’angle de Madame, hypothèse de provenance des « boiseries aux couronnes enflammées » et emplacement des panneaux, hypothèse B, Frédéric Didier-2bdm Architecture & Patrimoine


modernes et en faussent complètement les proportions
(fig. 19)

Fort heureusement, il existe un septième panneau en réserve, jamais vendu, qui a conservé son montage d’origine: le cadre est une moulure sculptée de perles et de feuilles de refend, tandis que le bas-lambris simplement mouluré est très écrasé sous une cimaise également moulurée
(fig. 20)

La hauteur totale du lambris ne dépasse donc pas 2,17 m, au lieu des 2,77 m dus au remontage, et il s’agit donc clairement d’un décor raffiné conçu pour une pièce entresolée.

Si les parcloses n’offrent que des motifs en agrafe haute et basse, sculptés de branches de roses entrelacées autour d’une tige, les panneaux sont très riches, composés d’un motif central reliant des motifs en amortissement inférieur et supérieur.

À la base, deux lions ailés monopodes, dos à dos, portent des corbeilles fleuries et donnent naissance à des rinceaux remontant pour porter un vase.

 Au centre, une lyre brochant sur deux trompettes croisées est supportée par un écusson en pelte, surmontant des branchages fleuris.

Cet écusson portait un emblème bûché à la Révolution, qui est illisible et ne peut être interprété (l’hypothèse «MJS » pour Marie-Joséphine de Savoie figurant dans la documentation du musée ne peut être validée)

Enfin, au sommet, un caducée soutient des rinceaux retenant des guirlandes de perles et des chutes de rubans avec des couronnes florales croisées.

La boiserie est largement décapée et ne porte qu’un apprêt verdâtre, mais le retrait des feuillures fait apparaître une teinte de fond verte, qui pourrait être ancienne, sur laquelle les ornements pouvaient se détacher en teinte pâle, à la manière des biscuits de Wedgwood.

Mêlant attributs masculins et féminins, et offrant un nombre de panneaux et de parcloses assez significatif, cette boiserie de faible hauteur peut être attribuée au décor de l’arrière-cabinet servant de salle à manger, pièce entresolée de l’appartement de Monsieur, à l’arrière de sa chambre, qui était éclairée par une fenêtre sur la cour de l’Apothicairerie, la dernière vers l’est.

Assez vaste, munie d’une cheminée et de son trumeau de glace, elle possédait trois portes qui devaient s’intégrer au lambris, vu la faible hauteur disponible.

La régularité de sa distribution correspond bien à la régularité des panneaux, dont il faut imaginer un nombre plus conséquent pour répondre à la quantité de parcloses conservées.

Parmi les pièces entresolées, c’est la seule où puisse se déployer un tel décor, les bains de Madame étant majoritairement occupés par des alcôves et des placards.

20. Atelier des frères Rousseau, Panneau de hauteur des boiseries dites « aux lions ailés », provenant sans doute de l’arrière-cabinet de Monsieur, vers 1786, Versailles, Réserve architecture, inv. RA01967

21. Atelier des frères Rousseau, Panneau de hauteur des boiseries dites « aux griffons », provenant sans doute du boudoir de Madame ou de l’arrière-cabinet de Monsieur, vers 1786, Versailles, Réserve architecture, inv. RA01960

Les boiseries aux griffons, décor du boudoir de Madame ou de l’arrière-cabinet de Monsieur (?)

Facilement confondu avec l’ensemble précédent, un unique panneau s’en démarque, qui a lui aussi conservé son montage ancien.

Il s’agit d’un vantail de porte qui présente un décor très proche, mais avec des variantes: les lions sont remplacés par des griffons, le caducée et les cornes d’abondance servent de motif central à la place du pelte et de la lyre.

Si le soubassement très réduit est identique aux précédents, de même que la moulure du grand cadre, le panneau supérieur est plus réduit en hauteur d’une quinzaine de centimètres
(fig. 21)

À cet unique panneau retrouvé, le dossier de la conservation du musée permet de rattacher deux vantaux de portes conservés au musée des Arts décoratifs, qui ont gardé leur chambranle sculpté d’oves et de perles, et s’ouvrent en visà-vis (inv. no Versailles 17 A-B)

Un quatrième panneau est conservé aux 20.

Atelier des frères Rousseau, Panneau de hauteur des boiseries dites «aux lions ailés », provenant sans doute de l’arrière-cabinet de Monsieur, vers 1786, Versailles, Réserve architecture, inv. RA01967

21. Atelier des frères Rousseau, Panneau de hauteur des boiseries dites «aux griffons », provenant sans doute du boudoir de Madame ou de l’arrière-cabinet de Monsieur, vers 1786, Versailles, Réserve architecture, inv. RA01960 21 20


Arts décoratifs également, panneau qui semble avoir été réduit en hauteur et avoir perdu une partie de ses ornements dont le motif central; curieusement on y retrouve au centre de la partie basse le vase rencontré dans l’ensemble aux lions ailés au lieu de la coupe des griffons (inv. no 6949)

Nous aurions donc dans cette série trois portes et un panneau de lambris modifié, pour une hauteur très réduite, analogue, si l’on prend en compte les chambranles, à l’ensemble précédent.

Une très petite pièce de l’appartement de Madame peut avoir accueilli ce décor, il s’agit du boudoir éclairé sur la rue, entre les bains et la bibliothèque, qui possédait trois portes et ne pouvait guère comporter que deux panneaux, sur le mur opposé aux fenêtres, les deux autres en retour étant occupés par des niches revêtues de glaces.

Une autre hypothèse pourrait consister à assimiler ces portes au décor aux lions ailés identifié dans l’arrière-cabinet de Monsieur, dont les portes manquent, ce qui serait également plausible vu la parenté étroite du décor, mais qui pose la question de l’emploi du dernier panneau disparu.

Dans ce cas il faut envisager qu’il ait pu servir de porte pour le placard figuré sur les plans à gauche de la cheminée, mais seul son examen permettrait de confirmer cette hypothèse, aussi gardons-nous ouverte l’alternative.

À propos d’autres fragments conservés en réserve

Les portes aux sceptres

En réserve est conservé un fragment mutilé correspondant à la partie inférieure d’un vantail de fausse porte de symétrie appartenant à une pièce lambrissée d’époque Louis XVI.

Si le panneau inférieur est simplement mouluré à grand cadre, le petit panneau supérieur à petit cadre présente un décor de rinceaux feuillagés dont celui du centre, sous une guirlande de fleurs, offre un disque plat à bordure de feuilles de refends entourée d’une couronne de laurier.

Ce décor très soigné permet de rapprocher ce fragment de deux vantaux de porte en dépôt au musée des Arts décoratifs
(fig. 22)

Enfin, dans la documentation du musée, une note signale un panneau conservé à la bibliothèque municipale de Versailles, correspondant à la seule partie supérieure sculptée des portes intactes, qui pourrait donc être l’élément prélevé sur notre vantail mutilé.

Quoi qu’il en soit nous sommes en présence de deux portes doubles, une vraie et une feinte, faisant partie d’un décor disparu des années 1780 attribuable aux frères Rousseau.

La présence des sceptres croisés et des couronnes tendrait à rattacher celui-ci directement à la reine elle-même, ou au Dauphin, le roi n’ayant pas fait de commande pour lui-même à notre connaissance, et c’est donc vers les appartements du rez-de-chaussée du corps central qu’il faut, nous semble-t-il, rechercher une éventuelle provenance.

La levrette est ici sans doute un symbole de fidélité.

22. Atelier des frères Rousseau, Porte dite « aux sceptres », années 1780, Paris, musée des Arts décoratifs, inv. Versailles 18 A-B

23. Atelier des frères Rousseau, Paire de volets dite « aux guirlandes de perles », début des années 1780, Versailles, Réserve architecture, inv. RA01956

Les volets aux guirlandes de perles

Il s’agit d’une paire de volets intérieurs anciens et attribuables à l’atelier des frères Rousseau dans les années 1780 (vers 1783 ?) publiés par Marguerite Jallut en 1964 comme provenant de la salle à manger de Madame Royale en 1783, réutilisés pour la reine en 1788
(fig. 23)

Cette attribution repose sur un rapprochement avec des volets en place en 1964 (retirés dans les années 1980 lors de la restitution de la galerie basse) dans les 22.

Atelier des frères Rousseau, Porte dite «aux sceptres » , années 1780, Paris, musée des Arts décoratifs, inv. Versailles 18 A-B

23. Atelier des frères Rousseau, Paire de volets dite «aux guirlandes de perles » , début des années 1780, Versailles, Réserve architecture, inv. RA01956


deux fenêtres méridionales de la galerie, à proximité de la seconde antichambre du Dauphin.

Cette localisation, jointe à la présence récurrente sur l’un et l’autre élément de corbeilles de fruits, lui fait émettre l’hypothèse d’une commande pour la salle à manger de Madame Royale, éphémère occupante des lieux entre 1782 et 1783, à la suite du décès de sa grand-tante Madame Sophie en mars 1782
(fig. 24)

Stylistiquement, ces panneaux s’accordent bien avec une datation du début des années 1780, mais le rapprochement est sujet à caution à plus d’un titre: d’abord parce que les ornements des panneaux qui nous intéressent diffèrent très largement du volet, ensuite parce qu’il s’agit également de volets et qu’ils ne peuvent donc avoir été créés pour la même pièce.

Jean-Claude Le Guillou a brillamment contribué à préciser, avec une rigueur admirable, la chronologie de ces appartements du rez-de-chaussée du corps central, d’abord à travers l’article qu’il publia dans la Gazette des beaux-arts en 1981 sur l’appartement de Madame Sophie, puis, plus récemment, par son étude magistrale sur le «côté de la Reine », parue dans Versalia en 2008.

Dans la décennie précédant la Révolution, une large moitié sud du rez-de-chaussée du corps central fut l’objet de remaniements incessants, au gré des fluctuations de ses occupants, entre Madame Sophie, le comte et la comtesse de Provence, la reine Marie-Antoinette ou les enfants de France et leur suite.

La configuration actuelle de ces espaces ne reflète plus guère ces transformations, qui avaient passablement défiguré, par un cloisonnement quasi anarchique, les superbes enfilades initiales du palais que les restaurations du XXe siècle se sont évertuées à rétablir, arrêtant le temps, dans les appartements du Dauphin et de la Dauphine, bien avant 1789, dans un état idéal qui correspond, pour l’architecture, aux parents de Louis XVI, le dauphin Louis-Ferdinand, fils de Louis XV, décédé en 1765, et son épouse Marie-Josèphe de Saxe.

Les travaux dans ces parties ne contribuèrent guère à la création de grands décors, mais plutôt à leur démembrement au profit de petites pièces, la plupart du temps entresolées et, pour bon nombre d’entre elles, à but utilitaire.

Si l’on regarde de plus près les interventions, peu d’entre elles sont susceptibles d’avoir généré des témoignages de grande ambition artistique comme les vestiges retrouvés en réserve.

Chronologiquement, il y eut en 1779/ 1780 la commande d’un nouvel ensemble de lambris neufs pour le cabinet particulier de Madame Sophie, pièce occupant les deux dernières travées sud de la galerie basse, justement à l’aplomb des deux fenêtres décrites par Marguerite Jallut comme possédant encore leurs volets intérieurs, qui pourraient donc logiquement être les restes de cette commande détruite dès 1787 pour faire place à des pièces de service entresolées, mais ressuscitée in extremis en 1789 lorsqu’elle fut remontée au même endroit pour servir de salle à manger à Mme de Tourzel, gouvernante du nouveau Dauphin.

En second lieu, l’ installation de Madame Royale fin 1782 suscita le recloisonnement de l’ancienne pièce des nobles de Madame Sophie, qui occupait les deux travées septentrionales de l’ancienne galerie basse.

La moitié sud, éclairée par la seconde fenêtre, devint une salle à manger pour la jeune princesse, et il est possible que l’on ait de ce fait commandé un nouveau décor pour la pièce qui pourrait correspondre à nos volets.

Cette disposition ne dura guère, et dès 1786, toute la zone était entresolée à usage de garde-robe pour Madame Victoire.

Sans doute les boiseries furentelles rentrées en magasin en vue de réemploi.

 Enfin le dernier décor ordonné dans ce secteur le fut pour la reine elle-même, c’est celui de sa chambre à coucher sur la cour de Marbre, au nord du vestibule de Marbre.

Cette pièce, jusque-là 24. Atelier des frères Rousseau,

Détail du décor sculpté de la paire de volets dite «aux guirlandes de perles », début des années 1780, Versailles, Réserve architecture, inv. RA01956


entresolée et enterrée de 1 mètre sous le niveau de la cour de Marbre, fut en 1788 remise à niveau et trouva un volume plus noble par la suppression de l’entresol, qui permit de lui conférer une hauteur de près de 4 mètres.

Un nouveau décor de lambris fut alors commandé que Marguerite Jallut croyait pouvoir identifier avec un des ensembles déposé en réserve, dont nous avons vu qu’il appartient en fait à l’appartement du comte de Provence.

La restitution de cette pièce, menée dans le cadre de la loi de programme entre 1978 et 1984, présente donc un lambris moderne mouluré, simple évocation du décor beaucoup plus riche et raffiné créé par Richard Mique et les frères Rousseau pour la reine.

En tout état de cause la paire de grands volets aujourd’hui conservés en réserve ne peut provenir de cet emplacement où les fenêtres sont beaucoup plus petites, mais n’ont pu être conçus que pour le décor de l’une des pièces éclairées sur le jardin, où les fenêtres sont plus larges et surtout sans allège.

L’hypothèse de la salle à manger de Madame Royale semble la plus probable, au rez-de-chaussée du corps central, à moins d’une commande non retrouvée pour l’un des appartements des princes dans les enfilades des ailes du Nord ou du Midi, donnant sur les jardins.

Toute provenance de l’appartement Provence dans le pavillon de la Surintendance à l’extrémité de l’aile du Midi doit en tout cas être exclue, alors que leur répertoire faisant appel aux symboles féminins (colombes, perles, arcs et flèches, roses) semble les rattacher à l’appartement d’une princesse, voire de la reine.

On notera cependant que l’on retrouve un répertoire similaire (putti, perles, arcs, oiseaux dans des couronnes de fleurs) sur les panneaux des portes d’un autre ensemble déposé, que nous proposons d’identifier avec le cabinet d’angle du dernier appartement du comte de Provence
 (fig. 16)

Conclusion

Notre étude nous a permis d’établir avec un maximum de certitudes la provenance de six ensembles exceptionnels de boiseries sculptées, liés aux appartements du comte et de la comtesse de Provence à l’extrémité de l’aile du Midi.

Même s’il demeure des zones d’ombre et des hypothèses, dont le cas du dernier ensemble qui pourrait être rattaché à l’avant-dernier, pour ne former que cinq séries, et que d’autres identifications sont toujours possibles dans les réserves de Versailles ou d’autres musées, en particulier pour des éléments de corniches, chambranles ou trumeaux, qui n’ont pas été inventoriés pour l’instant à Versailles, ce travail est, nous l’espérons, de nature à renouveler notre vision de ces appartements, qui font, depuis 2005 seulement, de nouveau partie intégrante du musée.

À l’instar de ce qui a été pratiqué il y a trois décennies au rez-de-chaussée du corps central, il n’est pas interdit de penser que, dans un avenir proche, ces boiseries puissent être remises en lumière et retrouver, après restauration, un cadre sensiblement équivalent, sinon celui qui les a vus naître.

Le bilan est à ce titre très prometteur, puisque ressuscitent ainsi plusieurs pièces.

Il est aussi un peu frustrant de constater que ce sont majoritairement les décors de l’appartement de Monsieur que nous avons révélés, avec pas moins de quatre des six pièces les plus précieuses; seuls le cabinet intérieur et la bibliothèque nous échappent complètement, encore que des cadres de porte vitrées que nous avons vus en réserve puissent provenir de cette dernière.

Par contre, chez Madame, ce n’est guère que son cabinet d’angle qui a ressurgi, et peut-être son boudoir, alors que la pièce des nobles, la chambre, les bains, la bibliothèque et surtout la salle à manger manquent à l’appel.

 Paradoxalement en effet, il semble plus délicat de revenir sur les décors troisième République des salons de l’étage de Monsieur, à l’emplacement de trois des quatre pièces précitées (seul le cabinet d’angle n’offre guère d’intérêt aujourd’hui), alors que l’étage de Madame peut être intégralement recomposé sans effacer d’autres traces que celle d’une affligeante banalité bourgeoise de la fin du XIXe siècle.

Reste la possibilité, face à ce constat, de combler les lacunes de l’appartement de la comtesse de Provence avec les décors provenant de son mari, dans la mesure où ils sont compatibles avec les mesures des

Les appartements de Monsieur et de Madame à l’extrémité de l’aile du Midi en 1787


24. Louis Dussieu, Le Château de Versailles, histoire et description, Versailles, L. Bernard, 1885, t. II, p. 97-98. 25. Florence Papri, «Les appartements du comte et de la comtesse de Provence au château de Versailles, décors et ameublements » , mémoire d’étude de l’École du Louvre, 2009, p. 30. 26. Un fragment de grand panneau de cette boiserie vient d’être identifié par Anne Forray-Carlier et François Gilles dans les réserves du musée des Arts décoratifs de Paris (inv. 6957). Qu’ils soient ici chaleureusement remerciés pour avoir eu la gentillesse de partager leur découverte avec nous. 27. Papri, Annexes, p. 16. Ce plan est conservé aux Archives nationales sous la cote O1 17818, no 2. 28. Ibid., p. 36. 29. Marguerite Jallut, «Château de Versailles, cabinets intérieurs et petits appartements de Marie-Antoinette » , Gazette des beaux-arts, t. LXIII, 1964, p. 350, repr. p. 346, fig. 52. 30. Jean-Claude Le Guillou, «L’appartement de Madame Sophie au château de Versailles : formation et métamorphoses, 1774-1790 » ,

Gazette des beaux-arts, mai-juin 1981, p. 201-218. 31. Id., «Le “ côté de la Reine”, “ Rez de Chaussée et Entresolles”, 1765-1789 » , Versalia, 11, 2008, p. 113-172. 32. Jallut, p. 350. 33. Ibid., p. 333. dans les collections du Waddesdon Manor (inv. 2576), tandis que le bureau en laque rouge est conservé à New York, au Metropolitan Museum of Art (inv. 1973.315.1). 13. AN, O1 3465, État d’estimation des meubles…, 1787, p. 289. 14. AN, O1* 3355, Inventaire général des meubles de la famille royale, t. II, 1792, p. 69. 15. AN, O1 2087, dossier 4, État des marbres…,

6 décembre 1786, fo 2 ro. 16. AN, O1* 3355, Inventaire général des meubles de la famille royale, t. II, 1792, p. 69. 17. AN, O1 2087, dossier 4, État des marbres…,

6 décembre 1786, fo 2 vo. 18. AN, O1* 3355, Inventaire général, t. II, 1792, p. 80. 19. Voir Meyer, t. I, no 4, p. 36-37. Avec le mobilier de 1771 cohabitait la commode d’un goût moderne en acajou et bronze doré livrée par Adam Weisweiler en 1788 pour la nouvelle chambre de la comtesse (château de Versailles, inv. RF 4043). 20. AN, O1* 3355, Inventaire général, t. II, 1792, p. 87. 21. AN, O1 1802, pièce no 497. 22. AN, O1* 3355, Inventaire général, t. II, 1792, p. 91. 23. Quatre de ces encoignures sont dans les collections du château de Versailles (inv. V 3553, V 3554, V 4060 et V 4061). Voir à ce sujet Meyer,

t. I, p. 76-77. *

Nous remercions M. Christian Baulez qui a eu la gentillesse de nous donner accès à sa précieuse documentation. 1. SACV, Album B22, Alexandre Dufour, Recueil de tous les plans du château de Versailles, 1815.
2. SACV, Album B26 et liasse no 46.
3. AN, O1 17818, no 2.
4. AN, O1 3465, État d’estimation des meubles existants dans les Appartements de la Famille Royale au château de Versailles en 1787, p. 272.
5. AN, O1 2087, dossier 4, État des marbres nécessaires pour établir cinq cheminées dans les nouveaux appartements de Monsieur et de Madame, 06 décembre 1786, fo 1 vo.
6. AN, O1 3465, État d’estimation des meubles…,

1787, p. 278. 7. Voir Daniel Meyer, Le Mobilier de Versailles,

Dijon, Faton, t. I, no 23, p. 86-87, et no 68, p. 256-257. 8. AN, O1 3465, État d’estimation des meubles…,

1787, p. 278-279. 9. AN, O1 2087, dossier 4, État des marbres…,

06 décembre 1786, fo 1 ro. 10. SACV, Album B26 no 36, Frédéric Nepveu, Coupe du pavillon de Monsieur, État ancien, avant 1844. 11. AN, O1* 3355, Inventaire général des meubles de la famille royale, t. II, 1792, p. 38-39. 12.

Le secrétaire à cylindre se trouve aujourd’hui

l’aile du Midi a beaucoup perdu dans les transformations radicales du XIXe siècle, beaucoup plus que l’aile du Nord qui, avec la Chapelle et l’Opéra, a conservé deux pôles d’intérêt majeurs pour la compréhension du château.

Les appartements de Monsieur et Madame seraient seuls à même de jouer ce rôle de mémoire au sein de l’aile du Midi et pourraient servir à évoquer ceux des princes partout ailleurs disparus, en particulier ceux de leur frère et beau-frère le comte d’Artois.

N’oublions pas que l’appartement de Monsieur et de Madame était à Versailles, à la veille de la Révolution, le plus important ensemble «moderne » dans le goût arabesque, avec l’appartement intérieur de la reine Marie-Antoinette. pièces, tant en plan qu’en élévation, une fois les cloisons modernes supprimées.

On pourrait ainsi faire voisiner à ce niveau le cabinet intérieur de Madame avec le grand cabinet de Monsieur et son arrière-cabinet servant de salle à manger.

Stylistiquement en tout cas, la similitude est telle que l’on pourrait sans heurt passer d’une pièce à l’autre.

Par contre, la hauteur disponible, moindre chez Madame, interdit le remontage des deux pièces principales de l’appartement de Monsieur, pièce des nobles et chambre, qui comptent aussi parmi les plus beaux ensembles, aux chiffres «LXS » et aux Muses, et seule leur reconstitution in situ

est possible.
Il y a donc là matière à réflexion approfondie et à débat, sachant que



Frédéric Didier
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