Voici un article qui fait un parallèle entre le contexte de la fin XVIIIe et la situation actuelle en Egypte.
Les généraux et les révolutions
Akram Al-Sissi05-03-2014
La Révolution américaine (1787) est considérée comme la première des temps modernes et le général Washington est le premier président des Etats-Unis, devenu le pays le plus puissant de la planète. Néanmoins, la Révolution française (1789) est la mère des révolutions. La Révolution française a connu de multiples vicissitudes et a été marquée notamment par la chute du royaume de Louis XVI et l’avènement de la 1re République (1792-1804) sous laquelle trois gouvernements ont dirigé le pays dont le dernier était le gouvernement des Consuls. C’est alors que le général Napoléon Bonaparte s’autoproclame premier consul puis empereur (1804-1814). Napoléon Ier s’engage dans une série d’aventures militaires notamment sa campagne d’Egypte (1798) et son offensive contre la Russie (1812). Ses batailles sont aujourd’hui encore enseignées dans les instituts militaires à travers le monde. Bien que les opinions soient divisées à son sujet, ses sympathisants le considèrent comme un homme d’Etat.
La 1re République renoue avec la monarchie (1814-1830). Louis XVIII et Charles X gouvernent jusqu’à l’avènement de la 2e Révolution pour la République (1830). Mais le Parlement a préféré la monarchie constitutionnelle. Louis Philippe accède au trône (1830-1848). Mais il échoue et la France s’effondre économiquement.
La 3e Révolution éclate et la 2e République voit le jour. Napoléon III est élu président de la République pour quatre ans, mais il supprime la Constitution et s’autoproclame empereur comme son oncle Napoléon Ier. L’Histoire se répète donc, la France reçoit de la part de l’Allemagne une honteuse défaite dans laquelle elle perd l’Alsace et la Lorraine (1871), Napoléon III est éliminé comme son oncle.
En 1870, l’empire se transforme une nouvelle fois en République, la 3e, dont le gouvernement est présidé par le général Trochu. Cette République reste en place jusqu’à l’occupation des nazis (1940).
La France est libérée des nazis sous la conduite du général De Gaulle qui devient premier ministre (1944) de la 4e République. Il s’oppose au système parlementaire et démissionne (1946). En 1958, il revient doté de pouvoirs exceptionnels en vue de préparer une nouvelle Constitution. La 5e République est née en 1958 et de Gaulle devient son premier président (1959-1968). Il réalise un immense envol sur tous les plans.
Nous observons beaucoup de ressemblances entre les mouvements révolutionnaires en France et en Egypte. En effet, la 1re Révolution française ressemble, en ce qui a trait à ses causes, à la révolution du 25 janvier 2011. Les deux révolutions ont des causes semblables dont la plus importante est le déclin économique — un Etat pauvre dans un pays riche — avec dans les deux cas un régime autoritaire au pouvoir.
Le Mouvement des Officiers libres (1952) met fin à la monarchie sous la conduite du général Naguib qui voulait instaurer une démocratie. Mais le général Nasser repousse le mouvement et met fin à l’idée de démocratie. Il réalise d’énormes changements sociaux et économiques qui transforment le mouvement en révolution, et met en oeuvre une renaissance industrielle et une justice sociale considérable. Néanmoins, ces acquis s’effondrent très rapidement, car ils n’étaient pas fondés sur des règles démocratiques. La défaite de 1967 est due à l’absence de démocratie.
La 2e République voit le jour sous la direction du général Sadate qui lance la révolution du redressement (1971). Il réalise la victoire d’octobre 1973, puis tente d’établir le régime démocratique, mais sous son mandat on assiste à une régression de la justice sociale. L’injustice sociale reste sous l’extension de la 2e République dirigée par le général Moubarak, un homme dépourvu de talent politique. La gouvernance de Moubarak était similaire à celle de Louis XVI et son épouse Marie-Antoinette. Elle se caractérisait par la corruption et l’opulence. Ainsi, le général et son épouse ont cherché à faire de leurs fils des héritiers du pouvoir.
La 2e République a duré 30 ans et s’est caractérisée par le despotisme du pouvoir. La nonchalance a gagné le pays et un groupe religieux rêvant du califat a réussi à s’infiltrer. Le régime a laissé ses partisans construire de grandes fortunes sans la moindre surveillance. Cette période a été marquée par un désengagement de l’Etat. Celui-ci a remplacé la créativité par l’imitation, a intensifié sa présence dans les médias et a créé des organisations de bienfaisance grâce auxquelles il manipulait les classes pauvres à des fins politiques.
Le 25 janvier 2011, une révolution populaire a éclaté. Le monde entier a témoigné de son caractère pacifique et de la noblesse de ses objectifs. La 2e République a chuté, et le groupe religieux a saisi le pouvoir. La 3e République a été fondée, mais les principes de l’Etat moderne n’ont pas été respectés. On a proposé que les élections soient tenues avant l’élaboration de la Constitution. Le groupe religieux s’est emparé du pouvoir qui n’était pas encore établi. Une relation entre le président et le peuple a été mise en oeuvre sans aucune charte préalable, relation dans laquelle le premier président élu — qui gouvernait avec une idéologie religieuse — imposait ce qui lui plaisait.
Il promulgue une déclaration constitutionnelle pour immuniser ses décisions et limoge le procureur général dans une violation flagrante de la loi. C’est ainsi que l’Egypte est passée d’une 2e République autoritaire à une 3e fasciste.
Le 30 juin 2013, le peuple égyptien s’est révolté à nouveau pour revendiquer les droits de la révolution du 25 janvier, détournée par le groupe religieux. Le peuple est revenu au principe selon lequel la Constitution doit être élaborée avant l’instauration des institutions de l’Etat et avant les élections.
Aujourd’hui, commence l’édification de la 4e République avec une Constitution qui sépare la religion de l’Etat, sans violer les principes de la religion. Elle laisse profiler à l’horizon un général en qui beaucoup de gens ont placé leur espoir pour un Etat puissant qui concrétise un avenir radieux.
La question qui se pose maintenant est la suivante : si un général dirige l’Egypte, est-ce qu’il se comportera comme les généraux Napoléon Ier et III, ou comme les généraux Washington et De Gaulle ? Le peuple veut de ce nouveau général qu’il fasse passer le pays de la 3e République à la 5e sans la 4e (selon le modèle français). Il veut un commandant de la qualité de Washington et de De Gaulle, loin des aventures des généraux Napoléon, Nasser et Sadate, malgré leurs grandes réalisations.
L’Egypte au XXIe siècle s’attend à un Etat moderne dans lequel la souveraineté appartient à la loi et aux institutions et non à un individu.
http://hebdo.ahram.org.eg/NewsContent/0/4/132/5234/-Les-g%C3%A9n%C3%A9raux-et-les-revolutions.aspx
... attente tout à fait légitime.
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rien que la mort peut me faire cesser de vous aimer