Bien chers Amis du Boudoir de Marie-Antoinette,
Il s'agit plus exactement d'un refonte des services qui aura pour conséquence de priver l'Institut d'Histoire de la Révolution de moyens financiers et légaux. Les défenseurs de cet organisme s'insurgent donc contre ce qu'ils considérèrent comme la négation de la spécificité de la Révolution. Voici l'intégralité de l'article publié dans Médiapart.
La mesure n’a pas fait les gros titres. Au terme, semble-t-il, de longues – et discrètes – négociations, l’Institut d’histoire de la Révolution française (IHRF) a été fermé ou, plus exactement, absorbé par l’Institut d’histoire moderne et contemporaine. Il garde, certes, sa très riche bibliothèque et sa mission d’établissement d’une édition scientifique des archives parlementaires relatives à la Révolution mais il n’a plus ni autonomie financière ni existence légale.
Aucune rationalisation administrative ou budgétaire ne peut expliquer à elle seule la fermeture d’un institut consacré à l’étude de ce qui fut l’événement fondateur de la République et de la démocratie dans notre pays. Dans la continuité de la création, en 1885, d’une chaire d’histoire de la Révolution française, de la monumentale « Histoire socialiste de la Révolution française » publiée par Jaurès entre 1901 et 1904, de la création, en 1907, de la Société des études robespierristes, la fondation de l’IHRF, par Jean Zay, le 27 octobre 1937, en réponse à l’appel de l’historien Georges Lefebvre, confirmait la place spécifique de cet événement dans l’enseignement et la recherche.
La réaction ne l’a jamais accepté
Avec les historiens Georges Lefebvre, Albert Soboul, Jean-René Suratteau, auxquels sont venus s’ajouter des chercheurs étrangers comme les Britanniques Richard Cobb et George Rudé, commence l’âge d’or de l’Institut et de l’école classique d’histoire de la Révolution. Ce rayonnement, la réaction ouverte ou sournoise ne l’a jamais accepté. Jamais elle n’a renoncé à éteindre la mémoire de la Révolution, cette « flamme tourmentée » appelée selon Jaurès à « s’élargir en une ardente espérance socialiste ». A cette fin, elle a combiné la démarche révisionniste courtoise de François Furet, réactivant les mânes du monarchiste et catholique ultraconservateur Augustin Denis Cochin, aux attaques plus frustes de Pierre Chaunu qui ne manquait jamais de cracher lorsqu’il passait devant le lycée Carnot. L’un faisait de la Révolution la « matrice de tous les totalitarismes », l’autre appuyait de son crédit d’historien l’invention d’un « génocide franco-français ». La haine de Chaunu n’épargna pas l’Institut d’histoire de la Révolution française dont les chercheurs furent accusés d’être « gavés [de subventions] comme des oies du Périgord », cela à l’heure même où Albert Soboul payait de sa poche les frais d’hébergement d’un étudiant chinois !
Une méthode plus subtile
La méthode est aujourd’hui plus subtile. La perte de l’autonomie financière mettra un terme au « gavage » des historiens par trop républicains. L’absorption de l’IHRF dans l’Institut d’histoire moderne et contemporaine dissoudra la Révolution dans la longue durée, la réduira, s’inquiète Michel Vovelle, à une « parenthèse » voire à « une dérive ». La perte de tout statut légal l’effacera du paysage universitaire avant que ce ne soit de la mémoire collective. Car tel est bien l’objectif : faire oublier au peuple français son passé révolutionnaire afin de l’amener, pour parler comme François Furet, à « accepter le monde tel qu’il est ».
C’est la notion même de révolution qu’il s’agit de dénaturer
Mais il y a plus. Au-delà de la Révolution française elle-même, en ces temps de confusion intellectuelle, c’est la notion même de révolution qu’il s’agit de dénaturer à défaut de pouvoir l’effacer totalement de la langue française. François Fillon est censé incarner, après Ronald Reagan et les conservateurs allemands sous la République de Weimar, une « révolution conservatrice ». Il est tentant de paraphraser Orwell : la réaction, c’est la révolution ; la destruction de tout droit, c’est la modernité, le licenciement c’est le chemin de l’emploi… Une telle perversion des mots est incompatible avec la connaissance de l’histoire, tout particulièrement de l’histoire révolutionnaire. Là encore, Orwell était un visionnaire : « L’ignorance, c’est la force » ! La fermeture de l’IHRF a donc un caractère profondément idéologique.
La fermeture de l’IHRF a des racines politiques et des complices
Elle a des racines politiques : la défense d’un capitalisme pourrissant qui broie les droits démocratiques et sociaux les plus élémentaires. Elle est le fruit de décisions prises au plus haut niveau par les faux socialistes qui tiennent les rênes du régime bonapartiste substitué, voici près de six décennies, à la République. Elle a des complices, les médias, qui ont laissé, dans un silence religieux, s’accomplir cette mise à mort qu’il faut bien caractériser pour ce qu’elle est : une mesure contre-révolutionnaire. L’enjeu de cette dissolution de fait va donc bien au-delà d’une simple question de "visibilité" de l’Institut. Les défenseurs de l’histoire révolutionnaire n’ont rien à attendre, contrairement à ce que l’on a pu lire dans certaines déclarations sans doute bien intentionnées, d’une « réinvention […] au sein des pyramides institutionnelles ». Cette fermeture doit être caractérisée et condamnée pour ce qu’elle est : une mesure politique prise par un gouvernement complaisant à l’égard des forces les plus réactionnaires.
Tenter d’effacer l’idée même et la perspective de la révolution
Cette fermeture décidée par un gouvernement et un ministre "de gauche" vise à tenter d’effacer la réalité historique et donc l’idée même et la perspective de la révolution qui n’aurait pas plus d’avenir que de passé. Cette décision prend tout son sens à la veille du centenaire de la Révolution russe. La publication de l’opuscule réactionnaire du banquier Macron sous le titre Révolution, participe à sa manière, pitoyable, de cette entreprise. A leur place, certes modeste - mais les mesures les plus tapageuses ne sont pas nécessairement les plus efficaces - les Cahiers du mouvement ouvrier entendent mener campagne contre cette entreprise en publiant de mars 2017 à juin 2019 dix numéros consacrés à la révolution mondiale alors montante et plus spécifiquement à la Révolution russe et en organisant des conférences. Ces numéros en rappelleront les causes, les forces motrices, les difficultés qui l’ont assaillie, les obstacles qu’elle a dû surmonter – souvent à grand peine – et son apport crucial dans le combat des opprimés et des exploités contre leurs exploiteurs et leurs oppresseurs.
https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/191216/ils-ont-ose-fermer-linstitut-dhistoire-de-la-revolution-francaise
Nous suivrons évidemment les développement de cette affaire.
Bien à vous
madame antoine
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Plus rien ne peut plus me faire de mal à présent (Marie-Antoinette)