Les artisans des Gardes Meubles sous la Révolution

J'ouvre ce post pour nous permettre de réfléchir sur les choix politiques qu'ont pu faire les créateurs du Garde Meuble sous la Révolution. "Privilégiés" de l'Ancien Régime et de la Couronne en pleine gloire, il est intéressant de voir que certains furent des ingrats et d'autres des fidèles. Fidélité au Roi et à la Reine? Patriotisme? Zèle Républicain?...

Comment par exemple expliquer l'attiture de Riesener qui alla jusqu'à racheter certaines de ses créations "royales" dans l'espoir de les revendre au prix fort une fois la révolution passée... car selon lui le Roi et la Reine remonteraient sur le trône et alors il revendra une deuxième fois plus cher les mobiliers?
Comment apprécier le parcours de Jacob qui d'un régime à l'autre sera toujours bien en "cour"?

Les prises de position des artistes sous la Révolution seront à l'image de la société, une société qui se coupe en 2 entre "monarchistes" et "révolutionnaires" qui prennent le nom de "démocrates". Ainsi Cochin et Vernet couperont tout contact entre eux lors de la Révolution... le premier est "aristocrate" et le second est "démocrate"...

Hubert Robert perd tout lors du 10 août 1792. Un mandat d'arrêt le frappe en octobre 1793. Il connaitra les prisons de Saint Lazare et Sainte Pélagie, dont il laissera de très précieux témoignages "picturaux". Pour survivre en prison il va même jusqu'à peindre des assiettes qu'il fait revendre à l'extérieur par des gardes complaisants.

Greuze, quand à lui va mourir pauvre mais fidèle!!!!

A votre tour

Sujet très intéressant, je pense d'ailleurs que vous pourrez nous en apprendre beaucoup!  

Citation :

Comment par exemple expliquer l'attitude de Riesener qui alla jusqu'à racheter certaines de ses créations "royales" dans l'espoir de les revendre au prix fort une fois la révolution passée... car selon lui le Roi et la Reine remonteraient sur le trône et alors il revendra une deuxième fois plus cher les mobiliers?

C'est vrai?    Je l'ignorais!

Il faut avouer que la démarche semble commerciale...ou alors il l'a fait pour protéger ses œuvres non?

Oui, merci d'avoir ouvert ce sujet !

On peut en effet se poser des questions sur l'attitude des artistes, et ce sous tous les régimes extrêmes. Les artisans aussi... et en fait un peu tout le monde. La société se retrouve tiraillée entre ceux qui restent fidèles à leurs anciennes conviction, et ceux qui collaborent avec le nouvel ordre en place. C'est qu'il faut bien survivre... et avec le plus d'avantages possibles, pour les cyniques.

Voyez un David, qui tourna sa veste sous toutes les coutures !

De nouveaux "destins" et des approfondissements sur d'autres

BOILLY: il ne doit son salut (car il avait été dénoncé en 1794) qu'à l'abjuration de ses "erreurs"

PRUD'HON: Il va se tenir éloigné de l'agitation mais dès qu'il revient sur Paris il est tout de suite la proie des critiques et insinuations de DAVID et GIRODET!!! Il trouve refuge et réconfort chez GREUZE... un fidèle pourrait on dire!!! tellement fidèle au Roi qu'il va s'éteindre pauvre, veillé au cimetierre par 2 personnes alors qu'il était un des plus grands peintres de sa génération. En apprenant celà, Napoléon laissera tomber :"Que ne parlait il pas! je lui aurai donné une cruche de Sèvres pleine d'or pour payer toutes ses cruches cassées"... en tout cas GREUZE ne tournera pas sa veste!!!!

FRAGONARD: il va très vite se retourner et donner des gages aux idées nouvelles, au nouveau régime... oubliant ses bienfaiteurs!!! Soutenu par DAVID ce n'est que lorsqu'il sera ruiné qu'il prendra conscience de ses fautes et entretiendra ses derniers jours dans les souvenirs d'ancien régime!!!!

MOREAU DIT LE JEUNE: c'est très simple car il est l'ami de DAVID!!! et comme beaucoup de ses amis il finira "mal" car comme le disent les Goncourt "la révolution avait été la mauvaise magicienne qui , d'un coup de baguette magique, lui avait enlevé son talent"!!!

HOUDON: C'est un peu un cas à part, car il est auréolé de gloire sous la Révolution. C'est un travailleur qui ne se soucie pas de politique!!! Il devra sa tête à son épouse lorsqu'il sera dénoncé pour avoir fourni à la Convention un statue de Sainte Scholastique et non de la Philosophie... jalousé tout était bon pour le perdre!!!

GIRODET: il va vite oublié qu'il était pensionné à Rome par Louis XVI et prend fait et cause pour les idées nouvelles!!!

DAVID: Il a vite oublié qu'il fut l'auteur en 1789 d'une commande pour le Comte d'Artois!!! pourtant on lui rappellera lors de son emprisonnement le 9 thermidor qu'il avait réalisé un tableau de Louis XVI en 1791!!!!!!!

Il ne faisait pas bon d'être artiste sous la Révolution je pense :s:

Je ne savais pas que Houdon avait menacé par la guillotine

Concernant les ébénistes... là aussi c'est "spectaculaire "

RIESENER: C'est le plus célèbre, le plus prestigieux et le plus "cher".... il n'hésitait pas à multiplier ses prix si c'était la Cour et surtout la Famille Royale qui achetaient!!! tellement cher que même le Garde Meuble commandait ailleurs pour éviter autant que possible ces tarifs!!!! mais il était unique et a marqué le siècle!!!!
On ne peut pas dire qu'il se reposa sur ses lauriers car sa production continua même après la déchéance du Roi. Mais il est d'un style honnis.... on aspire avec DAVID à l'Antiquité et donc il se ruine en rachetant son mobilier royal pensant s'en servir comme spéculation et se ruine à produire des meubles qui ne trouvent plus la même clientèle.... Riesener se ruine et finira pauvre!!! il vendra ses rachats pour une bouchée de pain presque!!!

JACOB: Il convient de signaler que c'est l'ébéniste français qui a le plus travaillé pour Marie Antoinette qui avait la fâcheuse habitude de s'adresser à des "compatriotes" . C'est pour Elle qu'il va inventer le fauteuil à dossier carré "à la Reine". Ne vous étonnez pas si je vous dit que dès la Révolution et la chute du Roi il est d'office "suspect"!!! Son commerce et ses liens sont d'ordres "royaux" . Durant la Révolution il sera dénoncé plusieurs fois au Comité de Salut Public... pour s'en sortir il déclarait (et évitait ainsi la guillotine) que oui il avait travaillé pour le roi mais que maintenant il travaillait pour la nation.... et joignant la parole à l'acte il fournissait gratuitement des bois de fusil!!!! il achetait ainsi sa liberté!!! Rajoutons qu'il était ami du sempiternel DAVID....
JACOB malgré son renom va mourir ruiné au retour des Bourbons!!! un juste châtiment pour celui qui avait vendu des meubles au comte de Provence, les avait rachetés sous la Révolution pensant les revendre!!!!!!

SENE: il sait se conserver la sympathie du nouveau pouvoir!!!!

ROENTGEN: un destin atroce... tous ses biens sont confisqués, ses ateliers détruits... il part exporter son talent dans les cours européennes!!!!

BENEMAN: Après avoir travaillé pour la noblesse il va continuer sous la révolution à la servir.... mais d'une drôle de façon... en livrant divers ouvrages pour la prison de la Conciergerie!!!!! normal de fournir les prisons quand on sait que c'est lui qui fut le grand ordonnateur chargé de supprimer armoiries et lys des meubles!!!!

Euh... pas très reluisant, humainement parlant... Heureusement que leurs oeuvres sont superbes...

En même temps, ces hommes vivaient de leurs oeuvres et donc de l'image qu'ils véhiculaient, donc si on se met à leur place il faut avouer qu'ils n'avaient guère le choix en fait, s'ils voulaient continuer à être reconnus

C'est toute l'ambigüité de la position de l'artiste lors des régimes totalitaires. Sauver sa peau est essentiel, être reconnu en tant qu'artiste aussi, continuer à vivre. Mais on peut aussi prendre fermement position pour ses idéaux et les défendre.

Encore faut-il en avoir.

Le problème est que dans le cadre des régimes à tendance totalitaire, afficher et même défendre une position opposée est synonyme de mort, ce qui laisse à réfléchir