La vérité sur la comtesse de la Motte de la Pénicière

Orpheline, adoptée avec son frère et sa soeur par le marquis et la marquise de Boulainvilliers. Pensionnaire au couvent des Ursulines de Ligny puis à l'abbaye d'Yerre près Montgeron, terre de sa mère adoptive. Ayant fait ses preuves de noblesse en mars 1776, elle fut admise à l'abbaye de Longchamp en mars 1778. S'étant retirée au couvent des Bénédictines de Bar-sur-Seine en 1779 - dans l'espoir de recouvrer ses lucratives terres boisées de Fontette en Champagne - elle s'installa peu après à demeure chez la tante de son futur mari, Mme de Clausse de Surmont (été 1779). Mariée un peu plus tard, à l'âge de vingt-trois ans, au comte de La Pénicière (5 juin 1780), elle résida quelques mois au couvent de Saint Nicolas, près de Lunéville, où son mari était en garnison dans le corps des gendarmes rouges (1780-81). Présentée au fameux mage et guérisseur Cagliostro, à Strasbourg, par sa mère adoptive Mme de Boulainvilliers déjà gravement malade et qu'elle accompagnait (avril 1781), puis présentée au cardinal de Rohan à Saverne (septembre 1781), elle vint au printemps 1782 à Versailles où son mari venait d'être admis dans la compagnie des gardes corps du comte d'Artois - et ensuite breveté "comte" de la Pénicière sur la pressante recommandation du baron de Crussol qui introduisit le couple à la cour. La nouvelle comtesse de la Motte de la Pénicière produisit peu après à la cour et chez les ministres , au nom du baron de Valois son frère, lieutenant des vaisseaux du roi, et de sa soeur Marie-Anne, un mémoire que Rohan avait composé à leur attention en vue de faire valoir leurs justes droits sur les terres de Fontette leur appartenant et tombées dans le domaine royal (propriété du comte de Provence). Elle fut dans le même temps recommandée à la comtesse de Provence par la baronne du Bourg cousine de son mari, et aussi à la comtesse d'Artois, par sa "soeur", la baronne de Crussol, sa protectrice après le décès en 1781 de Mme de Boulainvilliers leur "maman" - selon l'expression qu'elles utilisaient l'une et l'autre (lettres privées). Mme de la Motte fit aussi des démarches auprès du marquis d'Autichamp et d'autres personnes de la cour en vue d'être appuyée par la reine dans ses demandes de réintégration dans ses droits auprès des ministres d'Ormesson et Calonne qui éludèrent ses demandes réitérées. Durant les années qui précèdent la mauvaise affaire dite du collier, Mme de la Motte, pour soutenir son nom et son train, avait bénéficié d'avances pécuniaires que lui consentit le cardinal de Rohan lui-même créancier, dès 1783, de Baudard de Saint-James pour ses diverses "emplettes". Ces fonds étaient gérés par le baron et la baronne de Crussol, eux-mêmes des proches de Rohan et des familiers de Trianon. Tout cela, avant "l'affaire".

Sur Mme de La Motte, chargée par le puissant clan des Rohan solidaires, mal conseillée pour sa défense, abandonnée de tous, intimidée et menacée dans son existence dans les cachots de la Bastille, victime de de la raisond'état (les lettres patentes du roi l'avaient en effet reconnue coupable avant toute enquête), victime de montages policiers assez courants dans ce genre de procédure - faux témoignages de Bette d'Etienville et autres, mais également de pièces fabriquées - à l'instigation du baron de Breteuil - aidé en cela par la police de Thiroux de Crosne agissant sur ordre -, les biographies de la comtesse de la Motte sont sans doute, largement, à revoir.

Marie-Antoinette savait que Mme de la Motte n'était pas la vraie coupable, et elle l'a exprimé à travers les lignes dans ses correspondances. On comprend ainsi pourquoi, Mme de la Motte a rencontré la princesse de Lamballe et a pu "fuir" peu après en Angleterre.

D'où viennent ces nouvelles théories quant à la femme La Motte?
Votre théorie est contradictoire avec les écrits de Jeanne en Angleterre qui sont d'une virulence incroyable...
Or, si la Princesse de Lamballe a bien visité la Salpêtrière pour la sauver, elle aura su que Marie-Antoinette (autre victime de l'Affaire du collier selon vos dires) y était pour quelque chose. Une telle attitude de détestation dans les écrits n'est donc pas logique...

Bien à vous.

Il n'y a pas de théorie. Il y a juste des faits que vous ignoriez. Il y a des documents aussi, qu'il faut hiérarchiser. Les Mémoires imprimés et autres sources secondaires ne valent pas grand chose face à des actes notariés et à des correspondances privées. Quant à l'expression "femme la Motte" elle a davantage sa place dans le vocabulaire d'un Fouquier-Tinville que sous la plume d'un historien.

Mais faites nous donc partager ces sources nouvelles dont nous n'avions pas connaissance

Rochefort a écrit:

Quant à l'expression "femme la Motte" elle a davantage sa place dans le vocabulaire d'un Fouquier-Tinville que sous la plume d'un historien.

Je pense reprendre l'expression de Marie-Antoinette Elle-même

Bien à vous.

Tout ceux qui, depuis deux siècles, travaillent sur le sujet, utilisent l'une ou l'autre des éditions des Mémoires sans doute apocryphes de Mme de La Motte, en les mixant soigneusement avec les assertions de Beugnot. Comme chacun sait, Beugnot avait l'air d'être un témoin autorisé mais à l'époque où il rédige sa version des faits, il était surtout employé par les services secrets du roi Louis XVIII qui est d'ailleurs la principale clef de compréhension de cette affaire. Les mêmes auteurs qui utilisent Beugnot sans recul, ont oublié d'aller voir les actes notariés passés par Mme de La Motte avec, par exemple, les Crussol, ou passés par Rohan avec, par exemple, Baudard de Saint-James, avant que n'éclatât l'affaire (1785). Or ces documents sont les premiers sur lesquels on puisse s'appuyer solidement puisque cette affaire dite du collier de la reine était une affaire d'état.

Rochefort a écrit:

Louis XVIII qui est d'ailleurs la principale clef de compréhension de cette affaire. .

C'est à dire ???

Cherchez du côté des domaines sur lesquels Mme de La Motte, son frère et sa sœur prétendaient faire droit.

Rochefort a écrit:

Cherchez du côté des domaines sur lesquels Mme de La Motte, son frère et sa sœur prétendaient faire droit.

Vous ne supposez tout de même pas que leur prétention à être des bâtards de Valois pouvait porter ombrage à Louis XVIII !
Si vous avez des détails plus précis à ce sujet, nous serions très curieux de les connaître .

La bâtardise n'a rien à voir... je parle de vastes domaines, c'est très prosaïque. Quant à la "prétention", elle n'était plus discutée depuis longtemps puisque les enfants Saint-Rémy avaient fait leurs preuves de noblesse en 1776. leur mère adoptive s'était dépensée sans compter pour eux. Et Jeanne de Saint-Rémy (Mademoiselle de Valois) lui en fut reconnaissante jusqu'au bout.

Voilà qui est passionnant ! Pouvez-vous étayer vos affirmations ? S'il est vrai que Marie Antoinette charge très fort Rohan, il ne m'a jamais paru qu'elle exonérait "la femme Lamotte".  

pimprenelle a écrit:

Voilà qui est passionnant ! Pouvez-vous étayer vos affirmations ? S'il est vrai que Marie Antoinette charge très fort Rohan, il ne m'a jamais paru qu'elle exonérait "la femme Lamotte".

Je n'affirme rien. Les faits sont là, terribles. Il était impensable, pour la monarchie de droit divin, que le cardinal de Rohan apparût en première ligne. Tout fut reconstruit autour de Mme de La Motte qui fut en quelque sorte un "fusible. Quant à Marie-Antoinette, qui n'ignorait rien de la veulerie de Rohan, qu'elle savait capable de tout, elle n'a jamais su exactement, du moins c'est mon point de vue, quel était le rôle exact de la comtesse de La Motte dans cette affaire. Elle la supposait comparse mais jusqu'à quel point ? Je vois d'ailleurs mal qu'on ait eu le mauvais goût d'initier la reine de France à des méthodes de police politique telle que Breteuil les a conduites, sur ordre supérieur. Ce serait lui imaginer un cynisme dont elle était évidemment dépourvu.

Oui, c'est un point de vue qui se tient. Il est clair que Marie Antoinette considère Rohan comme le coupable dans cette affaire. Mais elle s'exprime peu sur la Lamotte, à peine plus que sur son mari.

Comment interprétez-vous la visite de la princesse de Lamballe à la Salpêtrière ? Simple charité de bonne âme ? Aveu de sentiment de culpabilité de classe ?

Et Provence ? A-t-il joué un rôle dans cette pantomime ?

La visite de la princesse de Lamballe, dans les usages du temps, est hautement diplomatique. Elle représente les souverains, et fait savoir à la prisonnière que sa fuite en Angleterre a été décidée en haut lieu. Quelques esprits simples ont imaginé que Mme de La Motte avait sauté par dessus les murailles de la Salpêtrière, aidée en cela par un geôlier qu'elle aurait séduit etc .... je vous épargne la suite.

D'après ce qu'on sait les anciens domaine des Saint-Rémy de Valois, indûment aliénés, étaient passés à M. d'Orceau de Fontette puis au comte de Provence qui, en 1778, aurait refusé de s'en départir. Ils étaient toujours dans le domaine royal en 1788 lorsque Louis XVI, pressé de s'en débarrasser, décida d'offrir les baronnes de Fontette, Essoyes et autres terres à un de ses protégés. C'est cette baronnie dont les héritiers de Valois de Saint-Rémy furent spoliés qui explique en partie l'acharnement judiciaire qui frappa Mme de La Motte. Car tout Versailles le savait, elle ne voulait pas se résoudre à cette spoliation et l'avait fait savoir aux princesses (comtesses de Provence et d'Artois). Je rappelle que ces terres, essentiellement des forêts, étaient une source de revenus considérables pour les héritiers de Valois de Saint-Rémy et Mme de La Motte qui comptait beaucoup sur la restitution du bien familial, avait même obtenu des avances de son entourage sur ses futurs revenus qu'elle n'obtient jamais, on le sait.

Certes, je conçois bien cela, mais quel rapport avec l'Affaire ? Cela ne prouve en rien que la version admise soit fausse.
En quoi les rôles de la comtesse et de Rohan furent-ils différents ? Au regard de ce que vous nous dîtes, je ne vois pas.

Eh bien vous dites que les La Motte et Rohan sont liés par des créances, et par des liens de protections. Qu'ils ont tout sujet d'être mécontents du sort que leur fait la famille royale. Voici les faits que vous avancez, et qui sont très intéressants.

Mais quant à l'affaire, vous insinuez qu'il s'agit d'une affaire d'état, ce que personne ne nie, et que les La Motte auraient étés broyés par la raison d'état.
Mais il ne s'agit là que de remarques que vous faites, je n'ai pas eu l'impression que vous ayez apporté des faits nouveaux, des preuves qui pourraient éclairer différemment l'affaire même. Vous nous servez une entrée alléchante, mais nous laissez languir quant au morceau de résistance

Le même texte que vous posté au début de ce sujet se trouve sur un site de généalogie http://gw.geneanet.org/darbroz?lang=es;pz=rose;nz=theze;ocz=0;p=jeanne;n=de+saint+remy
Est-ce vous qui l'avez posté là ?

oui

C'est un résumé succinct vous vous en doutez bien !

Vous écrivez que la reine savait bien qu'elle était innocente. Sur quelle source basée vous cela ?
Et si elle est innocente, comment les choses se sont elles passées ? Qui aurait dupé Rohan, et que viendraient les La Motte faire dans cette affaire ?

Rochefort a écrit:

C'est un résumé succinct vous vous en doutez bien !

je dirai plus une entrée en matière, nous attendons impatiemment la suite !

Mais oui, mon cher Rochefort , vous pouvez y aller ! C'est très intéressant ce que vous écrivez !
Nous sommes tout ouïe !

Pourquoi le jugement du 20 juillet 1792 a-t-il annulé la procédure criminelle du 31 mai 1786 qui condamnait M. et Mme de La Motte a des peines infâmantes ? On peut évidemment dire que les horribles révolutionnaires de la Législative ont fait cela pour humilier la reine ! Mais non, c'est idiot. Il y a autre chose. Bien sûr.

La symbolique jouant un grand rôle dans l'installation du nouveau régime, je ne trouve pas cela idiot.

Ce sujet annonce-t-il la sortie d'un prochain ouvrage?

Bien à vous.