Fouquier-Tinville

clemence de cerizac a écrit:

Je lis en ce moment Sous la terreur de Gauroy et Liard, livre dans lequel apparaît fatalement Fouquier. Dans un épisode, il est sous le charme de la pauvre princesse de Lamballe emprisonnée et tente en vain d'obtenir ses faveurs. Je vois que j'ai affaire à des personnes très instruites sur le XVIIIème, aussi je me permets de vous demander si cela relève de la fantaisie d'un romancier ou si par contre cela est vrai ou vraisemblable historiquement.

Totalement fantaisiste !

Les lectures fantaisistes sur la révolution, c'est pas ça qui manque.

Voir tous les Dumas

Encore qu'ils ne soient pas à mettre à la poubelle, il y a du vrai dans ses récits.

Fouquier-Tinville a tenu à soutenir le bourreau Samson. Celui-ci était totalement débordé à faire ainsi les exécutions à la chaîne. En plus , ses aides lui coûtaient fort cher.
Bref, il importait que Samson soit bien payé pour être plus motivé encore dans sa sinistre besogne. C'est ainsi que Fouquier-Tinville réclame pour Samson 20 000 livres. Et il les obtient !

Fouquier-Tinville a aussi été le témoin privilégié de la rivalité entre les deux géants de la révolution, en l'occurence Danton et Robespierre.
Danton est une nature forte , pleine de vie, incarnant même une certains générosité, une certaine impulsion , une spontanéité. Il ne cherche pas à changer la nature de l'homme. Non, ce qu'il veut, c'est améliorer les conditions matérielles de l'homme.
Robespierre est chétif, malingre. C'est un esprit méfiant jusqu'à la paranoïa . C'est un esprit calculateur, mystique , soucieux de tout moraliser.
L'affrontement ne pouvait que mal se terminer. A ses amis qui l'enjoignaient à fuir, Danton réplique : " Bah, est-ce qu'on emporte sa patrie à la semelle de ses souliers ! "

Voici un lien qui peut mieux expliquer le fonctionnement mental de Robespierre :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Trouble_de_la_personnalité_paranoïaque

Il était devenu presque fou à cause de sa parano...

Oui, quand le médical explique l'histoire...

Fouquier-Tinville avait eu sa place grâce à Camille Desmoulins et Danton.
Danton étant sur la sellette, que croyez-vous que fisse Fouquier-Tinville ? Soutenir son protecteur ? Que nenni !
Il va aller du côté du plus fort , c'est à dire du côté de Robespierre.
Il applique le réglement , il exécute les ordres.
Quant au cours de son procès , on lui reprochera d'avoir fait guillotiner des patriotes, il répliquera : " Ce n'est pas mon affaire , patriote ou pas, je ne suis qu'un être passif : lorsque Robespierre m'a indiqué quelqu'un , il faut qu'il meure."
Et il ajoutera : " Mon crime, c'est d'avoir été l'organe de lois trop sévères."

Exemple , s'il en faut du retours de vestes. On le verra un jour demander à Vincent , secrétaire général du Ministère de la Guerre , une faveur pour son fils et l'obtenir. Sept mois plus tard , au Tribunal révolutionnaire , il requerra la peine de mort contre ce même Vincent .

Ecoeurant , non ?

Et Fouquier-Tinville de pousser le zèle jusqu'à indiquer à Robespierre la façon juridique de mieux pouvoir condamner à mort Danton...
Quelle ordure ce type !

Mais Danton ne se rend pas sans résistance . Il tonne et hurle : " Infâmes tyrans , vous ne jouirez pas longtemps de l'impunité ; l'échafaud vous réclame."

la raison du plus fort doit triompher et le plus fort, c'est Robespierre. Quand Robespierre a parlé , il faut obéir.
Il demande la tête de Danton , qui oserait la défendre ?

Mais alors que Robespierre veut tout moraliser et faire régner la vertu , jamais la terreur n’engendra autant de vices.
La galanterie fait bon ménage avec la Terreur. Le sang appelle l’amour et plus la guillotine fonctionne , plus on s’amuse. Il semble que, dans la tragique incertitude du lendemain , on ait hâte de vivre et de brûler les étapes qui restent à franchir . Bals, concerts, galas vont en se multipliant et le luxe révolutionnaire est tout aussi dispendieux que celui des anciens aristocrates.

Le jardin des Tuileries , devenu le Jardin National , est aussi riant qu’aux temps les plus prospères de la monarchie.
En face de la mort toute proche , sur la place de la Révolution , la vie déborde. On se dépêche de vivre, on se hâte aussi d’aimer.
L’amour et la volupté atteignent leur paroxysme , jamais le Palais Royal n’abrita autant de débauches. Les « commerçantes de Cythère »ne diminuaient ni en nombre ni en prix , comme le prouve le « Tarif des filles du palais Royal » qu’on distribue aux amateurs éventuels.


http://www.pileface.com/sollers/IMG/pdf/petites_femmes.pdf

Voici quelques noms de courtisanes comme la mûlatresse Bersi , La Papillon , Georgette , La Fanchon , l’Italienne Thévenin , La Paysanne .
Fouquier-Tinville les côtoyait de près. A une question posée par lui : « De quoi vis-tu ? »
, l’une d’elles répond : « De mes grâces , comme toi de la guillotine. »
Le Palais Royal devient un véritable lupanar , déversant sans arrêt son flot de filles publiques.
Tout s’en mêle jusqu’à la mode. Les élégantes portent des robes tricolores sur lesquelles se nouent des ceintures « à la victime ». Elles se coiffent « à la nation » , à la « lucarne »…
Certaines achètent même les cheveux des jeunes guillotinées pour s’en faire des perruques.

Quel monstre ce Fouquier-Tinville !
Arracher ainsi les bébés aux mères !

Juin 94 ! Un frisson de terreur secoue la France ; l’épouvante grandit ; la terrible loi du 22 prairial vient de faire son apparition. C’est alors que commence la véritable boucherie. Le Tribunal et son accusateur se sont lentement affranchis de toutes les formalités juridiques qui donnaient à leurs arrêts un air d’équité.
A dater du 22 prairial , il n’y a plus ni instruction , ni interrogatoire , ni débat. Le seul fait d’être accusé équivaut à la mort.

C'était le cas dès 92 ...

Le président du Tribunal révolutionnaire Herman est nommé ministre de la justice et Dumas le remplace à ce poste de de président du Tribunal. C'est un ivrogne notoire et l'un des plus féroces ennemis mortels de fouquier-Tinville. Celui-ci, à cette nomination prend peur et décide de défendre son emploi bec et ongles par encore plus de sévérité. C'est à qui sera le plus féroce. Car Dumas n'est pas un saint , que du contraire. Il avait failli devenir bénédictin mais il préféra la robe d'avocat à celle de prêtre. Il débuta sinistrement dans la Révolution en faisant condamner son frère comme contre-révolutionnaire. pour se donner l'air plus féroce , il est toujours armé de deux pistolets qu'il place devant lui quand il siège.

C’est dès cette époque que Malesherbes est condamné à mort ainsi que Lavoisier et Madame Elisabeth .
Fouquier-Tinville est écrasé de besogne, à tel point qu’il n’a même plus le temps de siéger ; ses substituts le remplacent, mais ils ont en mains les actes d’accusation signés de lui.
Voici les 35 habitants de Verdun accusés d’avoir livré la ville au roi de Prusse. Avec des vieillards de plus de 70 ans , il y a 7 jeunes filles dont 2 n’ont que 17 ans. Pour celles-ci, Fouquier-Tinville s’en tient à 20 ans de détention et à 6 heures d’exposition sur la plate-forme de la guillotine. Les autres sont condamnées à mort.

Nous ne sommes plus aux temps où la justice révolutionnaire se mettait en frais pour ses accusés de marque. Louis XVI avait eu un fauteuil lors de son procès et un carrosse l’avait conduit au supplice. Plus sommaires avaient été les prévenances pour Marie-Antoinette ; mais la reine de France avait été jugée seule et en présence de son défenseur. En floréal , on n’a plus le temps de tenir compte de la personnalité des accusés, il faut aller vite. Madame Elisabeth est incorporée dans une fournée de 24 conspirateurs , et lorsque Chauveau-Lagarde se présente pour la défendre , Fouquier-Tinville le renvoie en l’assurant que la princesse ne sera pas jugée de sitôt . Le lendemain, elle était guillotinée.

La justice révolutionnaire est donc devenue particulièrement expéditive. Elle condamne à mort un notaire qui n'a pas confiance dans les assignats, un dentiste qui dit ne pas savoir ce que c'est que la Convention nationale , un terrassier qui crie : " Vive le Roi, Vive la reine ! ", une femme qui désire tout simplement suivre son ami dans la tombe. Bien mieux, on envoie à l'échafaud trois jeunes bretons soupçonnés d'avoir coupé l'arbre de la liberté dans leur village.
Or, ces trois accusés n'ont pu être interrogés , car ils ne savaient pas un mot de français !

Fouquier siège de moins en moins , mais de son cabinet dont la porte reste ouverte , il entend tous les bruits de l’audience. Invisible mais toujours là , c’est lui qui met en marche ce tribunal révolutionnaire.
Les comités manifestent chaque jour plus d’impatience. Certains de leurs membres suggèrent même l’idée de faire établir quatre tribunaux révolutionnaires ambulants suivis de la guillotine.
Encouragé de la sorte , l’accusateur peut aller de l’avant. Il s’adjoint un aide qui le seconde. Il se contente de signer au bas de chaque page. , d’annoter…
Les actes sont signifiés la veille seulement aux accusés , parfois le matin même du jugement.

De plus , il y a comme une sorte de concurrence entre villes françaises et ce au sein de l’horreur.
Il ne faut pas que Paris soit inférieur à Lyon où Fouché fait mitrailler les prisonniers par bande de deux cents et à Nantes où Carrier les noie. C’est que Fouquier-Tinville a une certaine réputation à tenir . Il ne se passe pas de jour qu’il n’envoie à l’échafaud trente, quarante voire cinquante condamnés . Il en conçoit un certain orgueil.

Fouquier-Tinville cherche partout des coupables, jusque dans les hospices. Les accusés ont beau lui remettre des certificats de médecins attestant qu’ils ne peuvent être transportés, il ordonne qu’on les apporte sur des brancards.
Il sévit avec une rigueur extrême contre les nobles et les prêtres . Il n’en épargne aucun ; une simple dénonciation suffit.

A une malheureuse femme arrêtée par erreur , il dit en matière d’excuse : « Ce n’est pas vous qu’on voulait juger , mais c’est autant de fait. Autant vaut-il aujourd’hui que demain.
Pour condamner à mort , il n’est jamais à court de motifs. Un citoyen, connu pour sa charité envers les pauvres , est traduit au tribunal . et condamné à mort. Pas plus la bonté que la jeunesse l’émeut. Il envoie à l’échafaud un garçonnet de 16 ans qui, dans une prison , avait jeté un hareng pourri à la tête du geôlier. Il ordonna des poursuites contre un boucher de Bondy , « prévenu de conspiration en tuant une vache portant veau pour détruire l’espèce.

IL ne peut supporter la pitié chez les autres. Si la pitié l’exaspère , le courage le révolte . S’apercevant que deux jeunes femmes vont au supplice avec fermeté , il s’écrie : « Voyez comme elles sont effrontées ; il faut que j’aille les voir monter à l’échafaud pour voir si elles conserveront ce caractère , dussè-je manquer mon dîner. »

Fouquier-Tinville vit ses plus belles heures . Mais ce sang commence à le hanter . Il commence à avoir des hallucinations . Une nuit, en allant au Comité de Salut Public , il manque de se trouver mal sur le Pont-Neuf : « Je ne suis pas à mon aise , dit-il aux deux gendarmes qui l’accompagnent, je crois voir les ombres des morts qui me poursuivent , surtout celles des patriotes que j’ai fait guillotiner !
-Y a –t-il beaucoup de monde aux exécutions ?
Quand on lui répond qu’il y a foule , il répond comme se parlant à lui-même :
C’est affreux ! «
Et il ajoute :
« Ce temps-ci est bien cruel , il ne peut pas durer. »Puis , songeant à son terrible ministère :
Quand cela finira t-il ? Le vilain métier ! J’aimerais mieux labourer ma terre. «

Mais il refoule sa pitié et se durcit. Son devoir est d’accuser , alors il accuse. C’est devenu chez lui comme une habitude. C’est la satisfaction du devoir accompli. Bref, en un mot, c’est la routine . La mort est son métier !

Fouquier-Tinville , buveur de sang !

Bah, il n'était que le maillon d'une chaîne

C'est ben vrai !

Chou d'amour a écrit:

Bah, il n'était que le maillon d'une chaîne

C'est ce que disaient certains nazis pour minimiser leurs crimes. Cela dit, il faut admettre que Fouquier-Tinville n'était qu'un monstre parmi d'autres.

Mais n'être que le maillon d'une chaîne n'enlève en rien sa responsabilité, et heureusement
Seulement ce serait se mentir que de croire que Fouquier-Tinville a fait tout ça de lui même, seul, sans consigne ni organisation.