Airin
Nombre de messages : 998 Date d'inscription : 19/09/2015
| Sujet: Quatre fantômes d'Asie qui ressemblent aux nôtres Mer 11 Avr - 13:02 | |
| Bonjour le Boudoir de Marie-Antoinette ! Peut-être ce sujet que j'ouvre maintenant va-t-il vous sembler un peu étrange, voire vous déranger. Mais je le trouve intéressant car comparatif et ouvert aux autres cultures et j'espère donc que vous ne le supprimerez pas. Vampire sauteur, femme-chat… : quatre fantômes d'Asie qui ressemblent (un peu) aux nôtresDrap blanc et chaînes pour les fantômes, dents aiguisées et col relevé pour les vampires... Les créatures fantastiques qui hantent l'imaginaire européen ont une apparence bien arrêtée. En Asie, ces revenants sont un peu différents, tout en cultivant d'effrayants points communs avec les nôtres.Prêtres taoïstes contre vampires sauteurs, diorama produit par le studio de cinéma QFX Workshop de Bangkok AuteurDraps blancs, chaînes cliquetantes, canines sanguinolentes, échine velue... En Europe, nos fantômes, vampires, loups-garous, ogres... ont une apparence bien définie par la culture populaire, l'imaginaire collectif. L'Asie n'a rien à nous envier en matière de revenants : le continent en regorge. Et si certaines créatures n'ont pas grand chose à voir avec les nôtres, d'autres leur ressemblent étrangement... à quelques détails près. Du vampire chinois aux pieds attachés, aux zombies géants, on en passe quatre en revue, tous plus épouvantables les unes que les autres. Avec Julien Rousseau, conservateur des collections d’Asie au Musée du quai Branly – Jacques-Chirac, et commissaire de l'exposition "Enfers et fantômes d'Asie", visible à Paris jusqu'au 15 juillet 2018, hantée par des fantômes chinois, japonais et thaïlandais.1. Les vampires sauteurs - si vous les croisez, bouchez-vous le nez !Prêtres taoïstes contre vampires sauteurs, diorama produit par le studio de cinéma QFX Workshop de BangkokIls ont les yeux blancs, les dents acérées, les bras tendus devant eux comme des somnambules, et les doigts... vraiment très crochus. Les "jiangshi" sont littéralement des vampires sauteurs. Ils sont mis en scène sur grand écran au début des années 80, à la faveur de l'apparition d'un nouveau genre dans le cinéma hongkongais du début des années 1980 : le kung-fu zombies, créé par l'acteur et producteur Sammo Hung, explique Julien Rousseau : - Citation :
- Ces créatures sont vêtues d'un costume de mandarin et se déplacent en sautant à pieds joints. Les prêtres exorcistes taoïstes les combattent avec tout un ensemble d’objets rituels, des sabres à sapèques [pièces de monnaies, NDR], des diagrammes taoïstes, du riz gluant, du saké, qui sont un peu l’équivalent des gousses d’ail et des crucifix dans la culture occidentale.
S'ils s'incarnent au cinéma assez tardivement, les vampires chinois sont décrits dans la littérature depuis le XVIIIe siècle. Et s'ils se déplacent à pieds joints, c'est que l’ancienne coutume funéraire consistait à attacher les chevilles des défunts pour éviter qu’ils se déplacent après leur mort. Enfin, une de leurs caractéristiques n'est pas sans faire penser aux Détracteurs, d'Harry Potter : - Citation :
- Ils ne se nourrissent pas du sang, mais plutôt du souffle. Les jiangshi sont des défunts qui n’ont pas expulsé tout leur souffle vital, ce qu’on appelle le “shi”. C’est aussi ce qui leur fait sentir les vivants, donc si jamais vous en croisez un, il vaut mieux se boucher le nez, et éviter de respirer…
2. Les "Walking Dead" affamés de ThaïlandeDeux "Phi Pret" de Thaïlande, produits par le studio de cinéma QFX workshop de Bangkok. • Crédits : Musée du quai Branly – Jacques-ChiracOn les appelle les Phi Pret, les "revenants affamés", car ces créatures géantes souffrent de la faim aux enfers, en raison de leurs mauvaises actions passées. Il s'agit de la pire existence qui soit, mais d'après le traité de cosmologie des Trois Mondes (Trai Phoum), cette punition est la dernière voie de réincarnation, et sa durée est proportionnelle à la gravité des fautes commises, explique Julien Rousseau : - Citation :
- Dans le bouddhisme en Asie du Sud-Est, les textes décrivent ces revenants pour illustrer la théorie de la rétribution des actes, qui est la théorie du karma.
Si un défunt ne reçoit pas les rituels funéraires et les offrandes de riz qui doivent lui être adressés selon la tradition populaire, son âme risque de revenir hanter les mortels sous la forme monstrueuse du phi prêt.
Ces esprits malveillants sont la version thaïe d'autres esprits d'origine indienne existant dans tout le monde bouddhique : les preta (en sanskrit). On en trouve des illustrations sur les manuscrits et peintures des temples.3. Des fantômes diaphanes en drap blancFantômes (yûrei), charnière XIXe/XXe siècle, Japon. Encre et couleurs sur soie• Crédits : Kaito Unrin(g.) et Iguchi Kashû (d.) / Musée du quai Branly–Jacques-ChiracC'est le peintre japonais Maruyama Ōkyo qui, au XVIIe siècle, brosse les premières peintures de fantômes, les yūrei (qui ne sont pas sans faire penser au fantôme de The Ring !). L'iconographie de la femme-fantôme à l’époque Edo est constituée par des peintures sur rouleaux verticaux, des kakemono, qui étaient présentés notamment au cours des "veillées aux cent bougies", raconte le commissaire de l'exposition : - Citation :
- C’était comme des séances de spiritisme pendant lesquelles les participants se racontaient des histoires effrayantes. Après chaque histoire, ils éteignaient une bougie de manière à plonger la pièce dans l’obscurité et y faire apparaître un esprit. Sur les peintures d'Ōkyo et des artistes qui l’ont suivi, le fantôme a trois caractéristiques : les cheveux dépeignés, le linceul blanc et l’absence de pieds. C’est le portrait en négatif du portrait féminin de l’estampe, à l’époque Edo, qui était basé sur le raffinement des coiffures, les couleurs des kimonos et une attitude empreinte de retenue, qui était vraiment à l’opposé du fantôme échevelé, à l’aspect diaphane.
Au Japon, les histoires de fantômes sont souvent des histoires de femmes qui ont été maltraitées et viennent se venger. Des fantômes qui restent malgré tout bien éloignés des spectres très voraces de l'Asie du Sud-Est issus du monde sauvage, de la forêt, explique encore Julien Rousseau : "C’est le côté gore qu’on retrouve dans le cinéma d’épouvante thaï. En Chine, les vampires chinois peuvent être combattus, alors que le fantôme japonais est beaucoup plus intangible, il a une dimension plus psychologique, il est là pour hanter." 4. Une Catwoman japonaise pour loup-garouLa femme chat• Crédits : Musée du quai Branly–Jacques-ChiracLa kaibyo, ou femme-chat est l'effroyable fruit de la transformation d’une femme morte, dont le sang a été lapé par un chat, ce qui établit ainsi un contact avec le monde des esprits, explique Julien Rousseau : "Cela donne lieu à cette transformation en chat-vampire, qui peut en plus d’attaquer, de vampiriser ses proies, les contrôler, un peu comme des marionnettes, avec cette gestuelle de chat, caractéristique, cette incroyable souplesse…"
La femme-chat permet au cinéma japonais de pallier un manque dans son folklore. Celui des vampires ou des loups-garous, poursuit Julien Rousseau : - Citation :
- La femme-chat a quelque chose du loup garou. A l’époque, il y avait d’ailleurs des films de loups-garous en Occident. Mais plus directement, elle s’inspire aussi de la femme-renard, qui appartient au folklore chinois, et de toutes ces créatures à transformation : femmes-renard, chat, serpent, qui ont souvent inspiré les histoires populaires.
Ce personnage de la femme-chat est issu du théâtre kabuki, forme épique du théâtre japonais traditionnel. Il a été représenté sur les estampes, a inspiré de nombreuses pièces reprises par le cinéma à partir des années 1930 : les premiers films à nous être parvenus sur le sujet sont Le Chat d’Arima (Shigeru Kito, 1937), Le Mystère du shamisen hanté (Kiyoniko Ushihara, 1938), dans lequel on trouve un instrument de musique dont les cordes sont des boyaux de félin. Une multitude de petites productions suivront dans les années 1940 et 1950.Photo de plateau de tournage du film "Le Chat fantôme de Karakuri Tenjo", de Kinnosuke Fukada, 1958, Japon• Crédits : Musée du quai Branly–Jacques-ChiracMais la femme-chat n’a pas vraiment survécu aux années 1960, car les scénarios étaient jugés trop répétitifs, et la figure d'épouvante était devenue plus comique qu'autre chose. C'est ce que notait le réalisateur Chris Marker dans son ouvrage Le Dépays, en 1982 : - Citation :
- Le déroulement est toujours le même : un homme est assassiné. Le chat, témoin du meurtre, fait entrer son esprit dans le corps d’une femme – et là, quelle que soit la version, il y a toujours une scène prodigieuse, celle où la femme commence à mêler, dans ses gestes, le comportement du chat au sien, quand elle se met à griffer lentement l’air avec sa… patte, quand elle se met à laper au lieu de boire. Cette femme va devenir l’instrument de la vengeance, et les meurtriers, elle va leur faire passer le goût du saké.
Étrangement, c'est en 1992 dans le cinéma occidental qu'elle renaît de ses cendres dans Batman le défi, de Tim Burton : sous les traits de Michelle Pfeiffer, la kaibyo Catwoman est directement inspirée de la tradition japonaise.Hélène Combis-Schlumberger https://www.franceculture.fr/ N'est-ce pas passionnant ? |
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globule Administrateur
Nombre de messages : 2229 Date d'inscription : 04/10/2017
| Sujet: Re: Quatre fantômes d'Asie qui ressemblent aux nôtres Mer 11 Avr - 13:08 | |
| - Airin a écrit:
- Bonjour le Boudoir de Marie-Antoinette !
Bonjour à vous aussi ! - Airin a écrit:
- Peut-être ce sujet que j'ouvre maintenant va-t-il vous sembler un peu étrange, voire vous déranger. Mais je le trouve intéressant car comparatif et ouvert aux autres cultures et j'espère donc que vous ne le supprimerez pas.
Pas de souci. Notre forum pratique la liberté d'expression. Je sais que ce n'est pas comme ça partout. - Airin a écrit:
- N'est-ce pas passionnant ?
Absolument, et vous avez eu bien raison d'ouvrir ce topic. Maintenant fantômes et autres loups-garous vont se bousculer au portillon. _________________ - Je ne vous jette pas la pierre, Pierre -
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