Fabre d'Eglantine

C'est passionnant chère madame de Chimay d'entrer ainsi dans les méandres de la Révolution. Que de luttes intestines, d'affaires de pouvoir, de corruptions...
Je me régale.
Par contre je ne peux pas analyser plus que cela, je suis trop fatiguée en ce moment. Il faudrait vraiment lire tout ça à tête reposée.

Ne vous inquiétez pas , chère Olivia , j'y vais par petites doses. Ainsi, c'est plus digeste !
C'est passionnant car j'apprends bien des choses. Ah , qu'est-ce qu'on apprend dans ces vieux livres !
Le prochain sur ma liste , ce sera Marat. Et peut-être après Charlotte Corday...
Enfin, on verra ...

Oui oui!

La Constituante , inquiète de l'action de tous ces clubs de district arrêta une loi. C'est celle du 27 juin 1790 qui redécoupe Paris :

"Les districts étaient supprimés , Paris serait administré par une municipalité composée d’un maire, de 16 administrateurs, 32 conseillers, 96 notables, un procureur de la commune et 2 substituts adjoints. La ville était divisée en 48 sections dont le rôle à l’avenir serait purement électoral. Le partage fut effectué fin juin 1790. C’était la mort des Cordeliers, dont le nom disparut.

L’important pour le district était de ne pas se laisser étouffer par la nouvelle division sectionnaire. Pour ces raisons, les Cordeliers s’installèrent dans un local exclusivement à eux , la salle du Musée , rue Dauphine. Ils se constituèrent en club. La plupart des historiens parlent donc faussement du club des Cordeliers avant la loi municipale du 27 juin 1790. Il n’existait pas. Avant cette date, il ne put être que question que de l’Assemblée du district des Cordeliers.
A partir de ce moment , les clubs se multiplièrent à Paris. Ainsi la Constituante manqua le but qu’elle voulait atteindre. Les mesures prises pour diviser l’opinion forçaient les partis à se grouper , les partisans à se serrer les uns contre les autres, à s’unir plus étroitement.
Le club des Cordeliers avait un recrutement essentiellement démocratique et un programme de défense contre l’arbitraire. C’était une assemblée populaire qui recevait des citoyens passifs et autorisait les femmes à assister à ses séances. Le club des Cordeliers n’exigeait de ses adhérents qu’une cotisation peu élevée de 2 sols par mois. Il n’était guère à l’origine qu’un club de quartier. "

Mais Fabre d'Eglantine semble plus réservé sur l'action politique. prudemment , il se relègue au second plan ( lui et Danton d'ailleurs ) et préférent laisser Hébert et Robert faire la sale besogne, notamment lors de la fuite du roi. Et puis , Fabre d'Eglantine entre 1790 et 1792 préfère se consacrer à son oeuvre dramatique :

". Il est vrai qu’en 1790 se place sa grande période de production dramatique. Coup sur coup se succèdent le Convalescent de qualité ou l’Aristocrate, l’Intrigue Epistolaire et surtout son chef d’œuvre le Philinte. Au théâtre, il flatte les goûts à la mode. Il sent le vent sans se compromettre , faisant même parfois des retours en arrière pour plaire aux ci-devant dont il est loin de mépriser les applaudissements. "

De tous, le Club des Cordeliers fut le plus virulent pour réclamer la destitution royale.

Ce club avait été fondé sous le nom de Société des Amis des Droits de l'Homme et du Citoyen ( N'en jetez plus ! ) !
Il prend celui du couvent où il s'installe .
Danton et Marat sont les deux principales figures de ses réunions à leur commencement .

Le Club des Cordeliers acquiert peu à peu une plus grande importance et compte de plus en plus en son sein des journalistes populaires et influents. Le tout Paris s'y presse pour écouter Danton et ses amis comme un oracle.
Dans le même temps , Fabre d'Eglantine obtient ses premiers succès :

"Le 22 février 1790, La comédie de Fabre d’Eglantine ( Le Philinte de Molière ou la suite du Misanthrope ) obtint un triomphe au théâtre français.
La pièce lui a été suggérée par la lettre de Rousseau à d’Alembert. Et Fabre ne perd pas une occasion d’écraser son rival Collin d’Harleville en l’accusant de tous les maux. Par là-même, il se pose en moralisateur , défenseur des idées nouvelles , pourfendeur du privilège…
En fait , tout ce qu’il veut, c’est plaire aux puissants , à ce peuple souverain.
[i]Philinte ou la suite du misanthrope ne fut pas seulement un succès de théâtre, mais surtout d’opinion . Il était davantage une thèse philosophique qu’une comédie. Avec habileté , Fabre s’était assuré un public conquis d’avance ; ses sentiments étaient fonction de l’époque, du milieu, beaucoup plus que de ses convictions.
Les éloges furent unanimes. Fabre ne vise pas à compléter Molière. Il pense en homme de 1790. Il prétend peindre et corriger son temps. Il y avait tout un côté révolutionnaire dans son œuvre.

Puis quelques mois plus tard, Fabre enchaîne avec d’autres œuvres comme L’Apothicaire , pièce en deux actes avec musique de Foignet. Puis le 20 août 1791, c’est Isabelle de Salisbury, comédie héroïque et lyrique, musique de Mengozzi. Toutes deux connaîtront 12 représentations chacune , elles sont restées inédites et l’on n’a pas de compte-rendu à leur sujet.

Entre temps , Fabre avait présenté le 28 février 1791 à la Comédie italienne , le Convalescent de qualité ou l’Aristocrate, pièce apparentée à la comédie morale et à la comédie politique. Avant tout cependant , c’était une œuvre de circonstance. Fabre y fait un éloge dithyrambique de Louis XVI :

« Mais, pour le jour présent, la Providence auguste
Nous a voulu garder , malgré vous , un roi juste,
Un roi bon , que ne peut un heureux naturel ?
N’allez pas m’accuser du talent criminel
De flatter lâchement le monarque qu’on aime ;
S’il n’était pas aimé, je le dirais de même.
Mais un fait bien réel , c’est que, dans tout l’Etat,
Il n’est pas un français, jusqu’au plus ingrat,
Qui ne reste d’accord que, sans ce prince sage,
Le vaisseau de l’Etat allait faire naufrage ;
Lui seul a résisté , lui seul, aux vils projets
De verser notre sang, et de troubler la paix.
Il a fort bien senti les pièges des perfides ;
Il a senti nos cœurs, de son amour avides ;
Il s’en est rapproché , non pas avec effort,
Ainsi que le prétend un parti déjà mort.
Mais de toute son âme, et si quelque prudence
A dirigé ses pas en cette circonstance,
C’est que , craignant les coups de ses propres tyrans,
Il s’est venu jeter au sein de ses enfants. »

Un éloge de Louis XVI par un révolutionnaire ! On croit rêver ! Etonnant , non ?

Eh bien, on peut dire qu'en tant qu'auteur , Fabre d'Eglantine a tout connu. Après la gloire, la défaite . Qu'on en juge :

"Tomber après ces pièces de haute comédie et de comédie politique dans une comédie bouffonne comme L’intrigue épistolaire, qui fut jouée le 15 juin 1791 au théâtre français , n’est pas d’une heureuse veine. Sans doute , Fabre a-t-il voulu montrer la variété et la souplesse de son talent. Selon un critique, c’est la comédie la plus amusante du XVIIIe siècle. Durant 5 actes, la farce triviale domine sans le moindre souci de la vraisemblance. Cependant contre toute attente, L’intrigue épistolaire connut un réel succès. C’est , après celle de Beaumarchais , une des pièces d’intrigue les plus amusantes qui soit au théâtre ; il ne lui manque qu’un meilleur style pour être excellente.

Mais les œuvres suivantes furent un four comme l’Héritière , Les Champs et la Cour et le Sot orgueilleux.
Parmi les papiers trouvés chez Robespierre au lendemain du 9 thermidor, figurait tout un dossier sur Fabre d’Eglantine. Il y est question du Sot orgueilleux que l’on traite » de pièce anticivique « représentée sur un des théâtres de Paris quelques jours avant le 10 août.

Mais ce n’est pas seulement au théâtre que Fabre fait preuve d’anticivisme et encense les puissants, même sur leur déclin, pour réserver l’avenir. "

-Malgré ses succès littéraires, l’argent n’est pas au rendez-vous. Les papiers trouvés chez Robespierre le disent bien : « Interrogez les amis d’Eglantine , ils vous diront que le produit de ses pièces était dévoré pour ainsi dire avant la première représentation. «


"Donc par conséquent , la fortune que le théâtre ne pouvait lui fournir, Fabre d’Eglantine va la demander à la politique. Il se contenta au début de ce que le hasard offrait , comme une simple place de juge de paix à Chevreuse. Cela montre dans quelle situation précaire se trouvait Fabre d’Eglantine. Mais comment Fabre est-il devenu l’oracle de Chevreuse ?
Rien de plus simple. Fabre d’Eglantine vivait à la colle avec une jeune actrice Caroline Rémy ( qui avait interprété certains rôles de ses œuvres ) et dont il avait eu un enfant placé en nourrice à Chevreuse. Quand ils venaient voir le petit, ils rencontraient là tous les patriotes du lieu.

La nouvelle législation judiciaire qui avait fait table rase de tous les tribunaux d’Ancien Regime, créait dans chaque canton un juge de paix. C’était une situation qui, sans être très exigeante comme travail, pouvait devenir lucrative. Les titulaires étaient désignés par le suffrage des citoyens du canton possédant le droit de vote, appelés citoyens actifs.
Mais c’était sans compter sur le candidat des aristocrates.
Et malgré l’acharnement dont ses partisans firent preuve, Fabre d’Eglantine ne fut pas juge de paix ! "

Donc il lui fallait trouver en toute urgence une autre situation politique !

Fabre se lie de plus en plus à Danton. Mais Fabre d’Eglantine ne se contente pas seulement de la compagnie du joyeux et bon vivant Danton. Son point faible , nous l’avons déjà dit , est la fréquentation du beau sexe. La révolution lui fait plus que jamais poursuivre ses conquêtes. Il ne sait pas résister à la vue d’un jupon. Voilà qui se mêle d’être un souteneur et d’en vivre . C’est ce que dit Roussel d’Epinal : « Au début de sa carrière d’acteur à Versailles , il passait pour le frère d’une actrice du même spectacle , appelée Dubocage ou la Borgnesse et vivait des produits des débauches de cette femme ».
Sous la Révolution , il reste un homme de plaisir. Il aimait hanter les coulisses , les foyers des théâtres et fréquentait assidûment les boudoirs et loges d’actrices.
Il abandonna rapidement sa femme et la laissa courir en province pour jouer l’opéra comique. D’après Roussel d’Epinal, il se montra aussi mauvais père qu’époux infidèle. Roussel nous rapporte qu’il avait défendu à son fils de le nommer son père et s’en servait comme galopin dans une petite maison qu’il avait à Belleville. Sa maîtresse en titre ( non la seule )est connue sous le nom de Caroline Rémy mais aussi pour sa beauté et sa légèreté de ses mœurs. Il eut d’elle plusieurs enfants et c’est l’un d’eux qu’avec Caroline , il allait en berline visiter à Chevreuse où il l’avait placé en nourrice.

Fabre , démuni d’argent , n’hésitait pas à liquider le mobilier de ses maîtresses pour se procurer des ressources. Fabre eut bien d’autres liaisons. Les trois tomes de la correspondance amoureuse de Fabre d’Eglantine n’y suffiraient pas. "


Fabre d'Eglantine était un homme " qui avait le feu aux fesses !
C'est un véritable Don Juan, grand consommateur de femmes !

La Borgnesse ! Voilà qui ne sonne pas très glamour ............

On a parlé des soupers du Régent, du Parc-au-Cerf de Louis XV, bref un Ancien Régime débauché. A-t-on déjà recensé les parties fines de nos hommes de la Liberté ?
Confondant. Et ça parlait de Vertu à tout bout de champ!

Comme quoi , il faut toujours se méfier des moralisateurs....

Tout à fait.

Fabre d’Eglantine eut une autre maîtresse , plus connue. "Il s’agit de Mme Quillet , née Suzanne Giroux, mieux connue encore sous le nom de La Morency, dont les aventures galantes ont alimenté la chronique scandaleuse de la Révolution et du Directoire. La Morency était aussi romancière et a conté dans un premier écrit comment elle s’attacha à Fabre d’Eglantine. Elle avait fait sa connaissance aux funérailles de Lepeletier de Saint Fargeau. Ce fut le coup de foudre ! Pendant deux mois, ils filèrent le parfait amour. Chaque jour de beau temps, elle allait le chercher à la Convention, afin de se promener avec lui, de midi à deux heures, dans le jardin des Tuileries, puis le soir au Comité de la guerre , d’où elle le ramenait au logis. Elle le quitta pour retourner à Hérault de Séchelles , autre révolutionnaire que les historiens dantonistes regardent comme une des vertus de la Convention , victime du « sanguinaire Robespierre ».

Dans le roman où elle présente son autobiographie sous le nom de « Illyrine », la Morency ne maltraite pas trop Fabre d’Eglantine. Elle note seulement « son orgueil , qui ne lui permet pas de supporter l’idée d’avoir été trompé par elle », elle nous laisse entendre « que ses seuls vrais avantages étaient un visage expressif , ses yeux brillants et son esprit ».
Mais dans un autre de ses ouvrages ( Euphémie ou les Suites du Siège de Lyon ), elle a moins d’indulgence pour Fabre d’Eglantine. Bref, elle en dresse le portrait d’un révolutionnaire cynique, menant de front la pastorale et le drame sanglant , rimant des bouquets à Chloris tout en faisant couper des têtes. «

Madame de Chimay a écrit:

Elle le quitta pour retourner à Hérault de Séchelles , autre révolutionnaire que les historiens dantonistes regardent comme une des vertus de la Convention , victime du « sanguinaire Robespierre ».

La vertu de Hérault de Séchelles me laisse un brin rêveuse ... En tout cas, elle ne l'étouffait pas .

Je crois que les révolutionnaires étaient tous faits du même bois ( peut-être excepté Robespierre ) : ils ne pouvaient résister à la vue d'un jupon...

Buzot a pourtant aimé chastement Mme Roland .

Heureusement qu'il y a des exceptions !

J'ai trouvé sur le net cette anecdote sur MMe de Morency . Je vous la livre : "

« On lui demande ce qu’elle veut. Elle veut parler au général Biron.
Quelle est cette femme , d’où vient-elle ?

Elle a nom Suzanne Giroux et est née dans la rue Saint Denis d’un ménage de riches négociants. Après avoir épousé un avocat de Soissons, nommé Quillet, elle a eu une liaison avec Hérault de Séchelles . C’est une jeune femme espiègle, écervelée, romanesque. Les succès galants de Lauzun lui ont tourné la tête , elle veut voir le général Biron et elle part pour Valenciennes. Mais pour cette galante équipée, elle a quitté le nom par trop vulgaire de Quillet , et elle se fait appeler Mme de Morency.

Biron accueille Mme de Morency avec une grâce parfaite ; il ne peut qu’être touché de la démarche ; La magnifique chevelure blond cendré de la jeune femme , ses grands yeux éclatants, sa bouche à la chinoise font sur le général la plus vive impression. Pendant quelques jours, Mlle Laurent est complètement négligée, abandonnée : Suzanne règne sur le cœur de Biron.

Mais leurs amours sont de courte durée. Mme de Morency adore monter à cheval , et elle court volontiers la campagne malgré le peu de sûreté des routes. Un jour elle s’éloigne un peu trop et tombe dans un parti de uhlans qui l’entraîne dans le camp autrichien. La jeune femme fait contre mauvaise fortune bon cœur et comme on la traite avec tous les égards dûs à sa beauté, elle se résigne assez vite à son nouveau sort. On lui fait faire un charmant uniforme de chasseur tyrolien en drap bleu de ciel , avec les revers queue de serin ; elle porte de joiles petites bottes à l’écuyère et le chapeau avec le panache bleu et jaune. «

Source : le Duc de Lauzun et la Cour de Marie-Antoinette de
Gaston Maugras
BookSurge Publishing, 2001, 557 p : 23,20 euros

http:// books.google.be/books?isbn=1421219735...

Au fond , ce n'est qu'une croqueuse d'hommes !

D'après cette même source, elle aurait été aussi la maîtresse de Dumouriez ...

Biron, Dumouriez, Fabre d'Eglantine, Hérault de Seychelles...
Ma parole, elle peut rivaliser avec la Carlita.

Oui.
Ce livre sur le duc de Lauzun dont j'ai cité les références est très intéressant . On y apprend les véritables raisons qui ont poussé Philippe Egalité à voter la mort de son cousin. Voyez le lien que j'ai mis en ligne. Je suis désolée mais j'ai du mal avec les liens wiki . ( voir la page 472-473 ).

Véritables , je me suis peut-être un peu avancée en disant cela. Disons que Philippe Égalité avance sa raison, sa vérité .

Mais est-ce que ce livre est fiable au fond ? Est-ce quelqu'un l'a lu ?