Désolée, je me suis emmêlée les boutons.
Voici l'article promis :
Un destin incroyable. Née d'un père inconnu et d'une mère prostituée, violée à l'âge de 11 ans, chassée par sa mère, Carolina Otéro connaît une enfance miséreuse et violente. Adolescente, elle se retrouve à Barcelone. Admirative des danseuses gitanes, la jeune fille débute dans les cabarets de Barcelone. Une rencontre avec un certain Furtia change sa vie. Ensemble, ils partent vers la France et débarquent à Marseille. C'est la découverte du Sud de la France et surtout du casino de Monte-Carlo: elle va y jouer pour la première fois et gagner trois fois de suite. La passion du jeu naît dès cet instant et ne la quittera plus, elle a tout juste 18 ans.
Le fameux Furtia l'emmène à Paris: nous sommes en pleine période de l'exposition universelle de 1889. La jeune Carolina découvre l'opulence et est éblouie devant les fastes de la capitale. Grâce à son ami, elle rencontre Joseph Oller, l'homme incontournable du music-hall, qui vient de créer le Moulin Rouge et plus tard créera l'Olympia.
Espagnol tout comme elle, Oller n'est pas vraiment convaincu des talents de la jeune femme. Il lui donne l'occasion de jouer dans une corrida, certainement la première et la dernière qui ait lieu à l'intérieur de la capitale française. Le journal Gil Blas dans son édition du 29 novembre 1889 interpelle le lecteur: «Ceux qui ont suivi les courses de taureaux de la rue Pergolèse ont certainement remarqué une belle fille brune dont les yeux admirables et les cils longs faisaient tourner toutes les têtes... cette superbe créature est une ancienne chanteuse de Barcelone, douée d'une très belle voix» qui vient de s'installer dans la capitale.
- Une danseuse espagnole envoûtante
Ce début prometteur ne laisse pas envisager le futur triomphe de la jeune danseuse. Elle débute en mai 1890 au cirque d'été: le public parisien est conquis. Le lendemain Le Figaro évoque: «Un public nombreux a vivement applaudi le début d'une étoile, Mlle Otéro a charmé les Parisiens par sa beauté et par la grâce de ses danses orientales». Toute la presse est dithyrambique, le critique du journal Gil Blas se pâme devant sa danse
- La belle danseuse espagnole enflamme les spectateurs parisiens.
langoureuse: «Souple comme une panthère, le poignet sur sa croupe extra-andalouse, elle exécute une rotation lente, lascive, scandée par des mouvements automatiques: le ventre s'offre, se retire, et le torse se renverse complètement en arrière dans une attitude pâmée».
Tout l'été 1890, c'est un succès. Puis Le Figaro annonce, à l'automne 1891, son départ pour un engagement de trois mois à l'Eden-musée à New York. Elle y reste près de 10 mois.
À son retour à Paris, c'est à nouveau l'enchantement. Elle devient une étoile des salles parisiennes, notamment des Folies Bergère. «On peut voir aux Folies Bergère la belle Otéro, cette merveille de grâce, ce miracle de charme et de beauté… elle arrive en scène étincelante de sa radieuse perfection» s'extasie
Le Petit Journal illustré en mars 1894.
«La belle Otéro» alterne entre des tournées en Russie, en Allemagne, aux États-Unis , dans «les cinq parties du monde» comme le précise
Le Figaro. Le triomphe est international.
Caroline Otéro devenue «La belle Otéro» s'entoure de tous les messieurs les plus puissants de l'époque. Elle est partout et tout le monde la veut. Elle fait sien cet adage: la fortune vient en dormant...mais pas seule. Elle jette ainsi son dévolu sur la haute aristocratie et tous les souverains se disputent ses faveurs: Albert Ier de Monaco, le tsar de Russie, le Kaiser Guillaume II et même l'empereur du Japon. La belle Otéro tient un carnet où sont consignés les performances de ses partenaires. Petit à petit l'Andalouse devient «la femme la plus fêtée, la plus courtisée et la plus adulée de la terre» souligne Le Figaro.
En 1902, le journal rapporte avec un trait d'humour une mésaventure de la jeune femme en Italie: «La belle Otéro vient d'avoir une idée charmante. Elle avait voulu obtenir une audience particulière du pape: les camerlingues, qui n'ont pas l'esprit parisien, ne répondirent point tout de suite à la requête de la célèbre voyageuse. Alors celle-ci, qui n'est pas accoutumée à voir les hommes lui résister, imagina de pénétrer de force chez le Saint-Père. Il fallut que la garde pontificale “donnât” afin d'arrêter l'élan de l'intrépide pénitente. Cette anecdote obtient un grand succès de gaieté dans les salons romains.»
Devenue une diva adorée, elle rivalise avec les autres danseuses et beautés qui règnent sur la capitale telles que Cléo de Méode, ou Liane de Pougy. En revanche, «La belle Otéro» se lie avec Colette dont elle parle avec émerveillement.
«La belle Otéro» devient la demi-mondaine la plus impitoyable de la Belle Époque: elle se fait payer les dîners dans les plus beaux restaurants et est couverte de bijoux: elle devient richissime.
Le Figaro raconte en 1894 la visite de la danseuse, constellée de bijoux, dans les locaux du journal et donne un aperçu de quelques-unes de ses parures: «Melle Otéro avait un collier de perles de quatre rangs, adjugé 500.000 francs à la vente de Léonide Leblanc; un collier de brillants de deux rangées, huit bracelets en rubis, émeraude, saphir et brillants; six cabochons de rubis dessinant le décolletage, aux doigts des bagues d'un éclat féérique, dans les cheveux un merveilleux diadème en brillants, et, aux oreilles deux solitaires de 50 carats, paraît-il! Voilà de quoi faire rêver, hélas! beaucoup de belles Parisiennes!».
On sait qu'elle a possédé les parures des grandes souveraines, Marie-Antoinette ou encore la princesse Eugénie. Pour elle, on se ruine et on se suicide: c'est ainsi qu'on la surnommée «la sirène des suicides»...Six hommes éconduits se seraient suicidés pour l'exquise espagnole.
Après avoir fait les beaux jours du Moulin-Rouge, des Folies-Bergère et de tous les grands cabarets d'Europe et des États-Unis, la merveilleuse danseuse espagnole décide d'arrêter sa carrière à l'aube de ses cinquante ans.
Durant la Grande Guerre, elle participe encore à quelques galas patriotiques pour regonfler le moral des réfugiés ou des soldats et n'hésite pas à offrir de larges dons comme le rapporte le journal La Presse en juillet 1915.
Installée sur la Côte d'Azur,«La belle Otéro» dilapide des sommes fabuleuses au casino de Monte-Carlo. En quelques décennies, elle perd tout. Ruinée, son avocat sollicite une aide à la Société des Bains de mer (propriétaire du casino) en raison de son passé prestigieux. Cette aide accordée va lui permettre de payer le loyer de son modeste meublé qu'elle occupe dans le quartier de la gare à Nice.
Celle qui connut la gloire, la reconnaissance des plus grands, le luxe et dont le nom a rayonné pendant un quart de siècle dans le monde entier, s'éteint le 12 avril 1965, presque centenaire, oubliée de tous. Ce qui fait dire au Figaro au lendemain de sa mort: «Le plus surprenant dans la mort de la belle Otero est d'apprendre qu'elle vivait encore»...
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