Marie-Antoinette avait-elle une influence dans les affaires politiques?

Ah oui ça après c'est plus difficile à dire en effet...mais je m'en tiens juste à son intérêt

Là, tu ne prends pas de risque, vu que tout le monde s'intéressait à cette guerre. Il eût été impossible de l'oublier.

"Tout le monde"? Parmis les mémoires des contemporains que j'ai pu lire, très peu s'étendent sur cette guerre, y compris des hommes de guerre comme Esterhazy ou Ligne
Mais tu vas finir par me convaincre définitivement que Marie-Antoinette n'était vraiment pas intéressée par la politique

Ah, oui... la jolie femme en gaulle qui ne s'intéresserait à une guerre que parce que son ami y participe. Point de vue à développer, en effet...

Mais s'il faut choisir entre s'intéresser à une guerre à laquelle un très bon ami risque sa vie, ou s'intéresser à une guerre parce que "tout le monde" en parle, je choisis la première possibilité
Mais bien entendu la politique en elle-même n'intervient pas ici, donc au final retour à la case départ
Paul Del Perugia n'évoque qu'un empressement mais rien de plus précis...sion pour le reste il semble lui non plus ne relever aucun intérêt :s:

Il est surtout assez peu fiable, d'après les citations que tu nous as mises jusqu'à présent.

Un extrait intéressant de la "Correspondance entre le Comte de Mirabeau et le Comte de la Marck", tome I, p 157-158 :

"Marie-Antoinette, qu'on a tant accusée d'aimer se mêler des affaires publiques, n'avait aucun goût pour elles. A une âme noble élevée, elle joignait une promptitude de décision et une énergie de volonté dont elle avait donné la preuve dans plus d'une circonstance."

Le Comte de Mirabeau relève très bien ici la nuance entre la volonté et la capacité

Je remonte ce vieux sujet, parce qu'il me tient particulièrement à coeur. En effet, depuis les années que j'étudie Marie Antoinette, que je lis et relis ses lettres, que je m'interroge sur ses émotions et motivations, j'en suis arrivée à l'écoeurement devant les images guimauves que la tradition répand encore sur elle.

Je m'explique... Comme le remarque Chantal Thomas, quiconque souhaite connaître en profondeur Marie Antoinette est d'abord subjugué par l'abondance des sources. Un premier tri aura tôt fait de le désappointer: en gros, en effet, nous avons d'un côté les caricatures de la Révolution et de l'autre les témoignages complaisants de la Restauration. Tous nous renseignent abondamment sur l'esprit et les préoccupations des époques qu'ils représentent, mais très peu sur Marie Antoinette.

La propagande révolutionnaire visait à noircir la reine, celle du retour monarchique à la blanchir. On peut donc considérer avec bon sens que Marie Antoinette se situe quelque part entre la catin et la sainte. Mais où?

A cette incertitude s'ajoute celles créées de toutes pièces par le mythe populaire. Au grand public, il faut une Marie Antoinette fragile, délicieusement écervelée, innocente, amoureuse tragique souffrant en silence, adolescente attardée qui pleurniche sur un anneau et une mèche de cheveux. Les foules qui font et défont les légendes s'accommoderaient très difficilement d'une vision plus pondérée de Marie Antoinette.

Pourtant, les écrits de la reine elle-même attestent qu'elle était bien plus que cette petite oie plus ou moins blanche, qu'il y avait en elle une part très nette de calcul, de manipulation et de diplomatie dans toutes les acceptions du terme. Par exemple, contrairement à l'idée répandue, Marie Antoinette ne commandait pas de magnifiques robes et de resplendissants objets que pour s'éclater, mais aussi pour mieux remplir sa fonction de reine et faire fonctionner l'artisanat français.

... ou à l'occasion autrichien, c'est vrai, la reine a toujours eu le coeur assez grand pour y contenir deux patries.   

J'ai donc collecté dans les pages qui précèdent quelques passages extraits des lettres de Marie Antoinette qui montrent qu'elle s'intéressait aux affaires, même toute jeune, et que, dès le départ, elle est un être à multiples facettes qu'il convient, lorsqu'on essaie de l'étudier, de laisser coexister. Marie Antoinette, c'est une femme pleine d'aspirations, de rêves, de désirs, de préoccupations, une femme capable de caprices et de coups de sang, mais aussi d'amitiés indéfectibles et de plans à long terme.




Je suis loin, très loin, d'avoir terminé mon travail... et c'est ça qui est chouette!   

Comme je suis relativement désordonnée, je prendrai les témoignages, citations et commentaires dans l'ordre où ils me tomberont sous la main, c'est plus simple et c'est l'avantage d'un forum que de pouvoir y accumuler ainsi les banques de données.   

Et, parmi ceux-ci, je m'en voudrais de laisser passer cette magnifique opinion émise par Annie Duprat, décidément une des plus éminentes spécialistes de notre reine:   

Marie Antoinette n'est pas réductible à une seule image. Femme de tête, elle est dotée d'un sens politique assez fin qui conduit le roi Louis XVI à lui ouvrir les portes de son conseil dès le 27 décembre 1788. Sans pouvoir décisionnaire, elle y sera régulièrement présente et ses avis compteront dans les décisions prises. Ce faisant, elle outrepasse sa condition de reine, limitée à la fonction de reproduction. Cette intrusion dans la sphère politique est quasiment sacrilège dans un pays qui a inventé la loi salique juste pour éliminer les femmes de la descendance de Philippe le Bel...

in Annie DUPRAT, Marie-Antoinette, 1755-1793, images et visages d'une reine, autrement, Paris, 2013, p.12

Quel plaisir de retrouver un tel sujet, des plus intéressants   

C'est vrai que sur ce point les avis divergent, et la plupart sont soit noirs soit blancs : Marie-Antoinette étaient selon certains une femme futile, et selon d'autres une grande manipulatrice, y compris à l'échelle européenne avec la manipulation de son frère Joseph II   

Tu as raison donc, la vérité se situe entre les deux. Je pense que Marie-Antoinette avait un certain goût pour les affaires et la politique, d'abord mis de côté de part son éducation et le contexte versaillais dans lequel elle a été plongée, avec un Louis XVI aux commandes qui évitait de lui donner des responsabilités. Mais ensuite sous une Révolution durant laquelle elle avait beaucoup plus les mains libres, sa correspondance montre nettement ses implications dans la politique et les négociations. Y prenait-elle pour autant du plaisir? Je ne pense pas car forcément le contexte ne laissait aucune place au plaisir.

En fait je pense qu'il aurait été intéressant de la voir agir dans une période dite "normale". Les quelques ministres qu'elle a aidés à faire nommer durant ces périodes n'ont clairement pas été les meilleurs, mais sur ces sujets là malheureusement Marie-Antoinette était surtout dans le rôle de la manipulée. 

Eh bien, ça fait du bien de lire ça:


La Reine a été odieusement calomniée parce qu'elle était douée d'un esprit politique supérieur. Les révolutionnaires comprenaient qui si Louis XVI avait mis à exécution les conseils qu'elle lui donnait, ils ne seraient jamais arrivés à entamer la puissance royale.

REISET, in Modes et usages au temps de Marie Antoinette, Livre-journal de Madame Eloffe, couturière lingère ordinaire de la reine et des dames de sa cour, Paris, Firmin Didot, 1885.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5038569/f16.image

On est cent mille lieues de la pauvre évaporée!  

Je crains que cette appréciation soit largement exagérée.   

En illustration à ces freins que subissait Marie Antoinette face aux affaires de France...

A Disagreement Between Louis XVI and Marie Antoinette

During the reign of King Louis XVI, many Frenchmen disliked the King’s wife, Marie Antoinette. In fact, they often blamed Marie Antoinette for coercing her husband into making unpopular decisions. While Louis XVI often agreed with her and allowed Marie Antoinette’s to give gifts and rewards to her favorites, he did not allow her to coerce or sway his decisions when it came to matters of state.


Portraits of Louis XVI and Marie Antoinette in 1775,
Public Domain

Illustrative of this is a disagreement that occurred between the couple and was reported by Scots Magazine in 1776 and follows almost verbatim:

In France the women think they have an hereditary right to govern; even the mistresses of the kings never gave up that point: no wonder then, if a sprightly woman of parts and beauty, and a queen too, should think herself neglected, if denied this trifling prerogative. But with a king, who was thought most likely of all others to give up this point, she has been mistaken, and her advisers removed from court.


Étienne-François, duc de Choiseul.
Choiseul was also Marie Antoinette’s biggest supporter and the man who helped bring her to France.
Courtesy of Wikipedia

Étienne-François, duc de Choiseul, who was Foreign Minister at the time, and some other men out of power, in concert with the Queen, had laid a deep scheme, not only to put out Claude Louis, Comte de Saint-Germain, (a man of great abilities and honour), but also by a coup de main to overturn the whole court-system, and bring about a thorough change of ministers and measures. The Queen commenced the action by proposing it to the King; but he told her in plain terms; that he had good and able counsellors; that he meant to act in all things for the benefit of his people, (and this alone is his real object); and desired she would mine her own department, and not interfere in matters of states.


Claude Louis, Comte de Saint-Germain,
Courtesy of Wikipedia

This brought on some very warm altercation. The Queen retired, and became soon after very ill. Her physicians told his Majesty, that something hung heavy on her mind; and till that was removed there was no hopes of conquering her disorder. The King immediately visited her, took her by the hand, and expressed his affection and concern, and his desire to know what it was that occasioned her chagrin … she again touched upon the maneuver she had so much at heart: but the King, with the same manly firmness, insisted upon it, that she never should interfere in matters of states: upon which she indignantly threw his hand out of hers, and the King as indignantly retired.

Choiseul and others of the Queen’s private council are banished from the court, some say, sent to the Bastille, and the present ministry stand their ground. Never were two tempers more opposite than those of the King and Queen of France: He is a grave, quiet man, who avoids being seen as much as possible: she an animated sprightly woman, who wishes to be seen, and to see all the world.
https://www.geriwalton.com/disagreement-between-louis-xvi-and/

Je viens de lire un article passionnant dans Le Figaro qui rappelle que Marie-Antoinette, en fine diplomate, oeuvra par sa correspondance en faveur du royaume de France auprès du Saint Empire.
https://www.lefigaro.fr/livres/lettres-inedites-de-marie-antoinette-reine-diplomate-20191030

Voilà qui bat en brèche la réputation d'intrigante aux ordres de l’Autriche qui lui colle hélas toujours à la peau.