Marie-Antoinette avait-elle une influence dans les affaires politiques?

Voici un témoignage très intéressant de madame Campan, montrant une fois de plus le peu d'influence qu'avait Marie-Antoinette en politique : elle relate des paroles de la Reine, suite à la nomination de M. de Ségur comme ministre, Marie-Antoinette ayant interféré en sa faveur :

"Le jour où M. de Ségur fut présenté à la reine, à raison de son nouveau poste, elle me dit : "Vous venez de voir un ministre de ma façon. J'en suis bien aise pour le service du roi, car je crois le choix fort bon; mais je suis presque fâchée de la part que j'ai à cette nomination : je m'attire une responsabilité. J'étais heureuse de n'en point avoir; et pour m'en alléger autant que possible, je viens de promettre à M. de Ségur, et cela sur ma parole d'honneur, de n'apostiller aucun placet et de n'entraver aucune de ses opérations par des demandes pour mes protégés"."

ça confirme nettement le peu de goût et de volonté qu'avait Marie-Antoinette en politique...son rôle dans la nomination des ministres était clairement négligeable

Voici l'avis de la duchesse d'Abrantès sur le pouvoir exercé par Marie Antoinette. Pour la duchesse, la puissance de Marie Antoinette s'apparente à celle qu'eurent les favorites des rois de France.

L'Europe était vraiment sous de singulières influences féminines, ne craint-elle pas d'affirmer.

Et d'inscrire Marie Antoinette dans la lignée de ces femmes supérieures à leur sexe :

Mais elles furent plus actives encore chez Marie-Antoinette, parce que le pouvoir lui échappait, et que, pour le ressaisir, elle faisait continuellement des efforts qui soulevaient la monarchie. Connaissant l'action immédiate des femmes sur l'opinion en France, la Reine employa ces moyens avec un grand succès, du moins pendant les premières années du règne de Louis XVI. Elle ne fut pas aussi heureuse pendant l'Assemblée Constituante elle lutta contre des femmes qu'il aurait fallu gagner, chose qui eût été facile.

Curieux témoignage, mais qui ne manque pas d'intérêt. Rappelons tout de même que la duchesse d'Abrantès est née en 1784, et qu'elle était donc si pas absente, à tout le moins fort jeune au moment des événements qu'elle rapporte.

Que le pouvoir échappa effectivement à Marie Antoinette, les derniers travaux en date des historiens ont bien montré à quel point ! Mais qu'elle fit pour se le gagner tout de même des efforts qui soulevaient la monarchie... C'est prêter beaucoup de poids à quelques intrigues de cour...

On aimerait mieux cerner également contre quel pouvoir féminin Marie Antoinette lutta pendant l'Assemblée... qui me paraît constituée d'hommes !

Original ce témoignage en effet!

Par contre j'émet plus de doute sur le "Connaissant l'action immédiate des femmes sur l'opinion en France, la Reine employa ces moyens avec un grand succès, du moins pendant les premières années du règne de Louis XVI"...
Car au même début de son règne, Marie-Antoinette avait peu d'influence sur le Roi, à tel point que ça irritait Jospeh II...

Oui, mais Madame d'Abrantès est obsédée par le pouvoir occulte exercé par les femmes. Elle explique tout par là...

Ah oui?

Mais elle se trompe : Marie-Antoinette avait un pouvoir sur beaucoup d'hommes de cour, mais pas sur Louis XVI...je parle de pouvoir politique attention

Son influence n'était pas terrible sur Maurepas non plus...

Il était trop vieux peut être et trop expérimenté pour se laisser abuser par une jeune femme

Chou d'amour a écrit:

Mais elle se trompe : Marie-Antoinette avait un pouvoir sur beaucoup d'hommes de cour, mais pas sur Louis XVI...je parle de pouvoir politique attention

Puisque Pimprenelle cite la duchesse d'Abrantès ("Une langue ! Ah mais une langue" ! disait d'elle Napoléon ), elle poursuit dans ses Salons parisiens :

"Louis XVI, déjà prévenu par les mémoires et les notes laissés par son père sur la maison d'Autriche, n'aimait pas cette maison ; il en vint à détester l'empereur Joseph. Quelle que fût sa confiance dans la reine, jamais elle ne put pénétrer dans une pièce reculée qu'il appelait son cabinet. Cette pièce était située à Versailles sous la chambre aux enclumes, la plus élevée du château. C'était là que le roi avait déposé ses papiers les plus importants, ceux enfin qui, plus tard, formèrent une terrible accusation, et furent trouvés dans ce qu'on appelait l'armoire de fer".

Ses Mémoires sont à lire avec précautions.
Comme le souligne Pimprenelle, elle est est née bien trop tard pour se souvenir avec précision de la vie à la cour à la fin de l'Ancien régime.
Sa mère est une amie de Laetizia Ramolino, la mère de Bonaparte qu'elle frèquente dans sa tendre jeunesse et qui sauve sa famille des tourments de la révolution.
En épousant Junot à 16 ans, elle est couverte de bienfaits par le Premier Consul.
Plus tard, elle deviendra la maîtresse de Metternich, l'ambassadeur d'Autriche.
Au moment de la première Restauration, elle se rallie aux Bourbons ; et comme elle reçoit dans son salon tous les étrangers de passage à Paris (dont le Tsar Alexandre), elle accepte de devenir l'agent de Blacas, secrétaire d'Etat du roi.
Plus tard son salon devient plus littéraire, elle aura notamment une liaison avec Balzac jusqu'en 1836.
Il disait d'elle : "Cette femme a vu Napoléon enfant, elle l'a vu jeune homme, encore inconnu, vu occupé des choses ordinaires des choses de la vie, puis elle l'a vu grandir, s'élever et couvrir le monde de son nom ! Elle est pour moi, comme une Bienheureuse qui viendrait s'asseoir à mes côtés, après avoir vécu au ciel, près de Dieu !"
C'est Balzac qui incite la duchesse à écrire ses Mémoires (18 volumes), suivis des Mémoires sous la Restauration et autres nombreux textes (elle a grandement besoin d'argent).
Cette Histoire des Salons parisiens, que nous citons ici, est son ultime ouvrage.
C'est une bavarde, et si sa mémoire ne lui faisait peut-être pas défaut, on se demande si celles de ses confidents étaient tout à fait fiables...pour ne pas dire fantasques.
Bref, elle sait compiler les témoignages d'une plume très vivante, mais peut-être pas toujours très sûre.

Oui, hein, quelle plume alerte, cette Madame d'Abrantès... Mais quelle mauvaise langue, aussi !

Dès qu'elle peut placer une pique... vlan !  

Tiens, par exemple, quand elle décrit l'aménagement des cabinets intérieurs de la reine, elle n'y résiste pas...  

Dans l'une des pièces était un billard : la reine y jouait bien et aimait beaucoup ce jeu, qui lui permettait de montrer la grâce de sa taille, et la beauté de ses bras et de ses mains.

Citation :

Dans l'une des pièces était un billard : la reine y jouait bien et aimait beaucoup ce jeu, qui lui permettait de montrer la grâce de sa taille, et la beauté de ses bras et de ses mains.

Marie-Antoinette jouait-elle au billard juste pour montrer ses bras et ses mains? Là ce serait quand même franchement abusé

Oui, c'est très petit, en effet... Mais il est certain que Marie Antoinette adorait le billard. Elle avait une salle dans ses cabinets de Versailles, à Trianon... Dans le film de Lefranc, on la représente jouant au billard avec le roi aux Tuileries...

Billard, trictrac, pharaon, lansquenet... elle avait le sens ludique très développé, c'est sûr !

... de quoi décomplexer ceux qui jouent aux cartes sur leur pc...

Oui il y avait une salle de billard aux Tuileries c'est exact!

Marie-Antoinette aimait beaucoup les jeux, où elle pouvait s'amuser tout en bavardant...le billard ou les jeux de hasard le permettent facilement!

Et au moins Louis XVI préférait la voir jouer plutôt que la voir se mêler de politique...tout le monde s'y retrouvait!

Il fallait juste qu'elle évite de trop perdre quand elle misait de l'argent...

Citation :

Oui, hein, quelle plume alerte, cette Madame d'Abrantès... Mais quelle mauvaise langue, aussi !

Bien apocryphe aussi... ce qui lui valut d'être surnommée "la duchesse d'Abracabrantès"

Joli!

MagicXarko a écrit:

Bien apocryphe aussi...

Que voulez-vous dire ? Que la duchesse en question n'est pas l'auteur de ces textes ?

Seulement qu'elle était loin d'écrire toujours la vérité.

C'est là le problème de la subjectivité dont font preuves tous les Mémoires, qui ne mentent donc pas puisqu'ils sont clairement le point de vue de l'auteur

Bien à vous.

Effectivement: les mémoires ne sont que le point de vue de l'auteur. Ils sont en outre écrits après coup et, dans une période où plusieurs régimes se sont succédés en relativement peu de temps, ils sont vraiment à prendre avec des pincettes  

La duchesse d'Abrantès, née Laure Permon, avait quant à elle, une forte personnalité et une nette tendance à l'exagération.

Une citation intéressante de Senac de Mailhan sur un exemple de l'état d'esprit de Marie-Antoinette quand elle se mêlait de politique : il s'agit là de la nomination de l'Archevêque de Toulouse comme ministre des finances, en remplacement de Calonne, en 1787 pendant la réunion des notables, Marie-Antoinette n'étant pas étrangère à cette nomination :

"Une chose à remarquer à la louange de la reine,-- dit Senac de Meilhan,-- c'est sa constance à se refuser, pendant seize ans, aux suggestions qui lui furent faites en faveur de l'archevêque de Toulouse; elle les rejeta, tant qu'elle put croire qu'elles étaient dictées par l'ambition, concertées avec des intriguants. mais lorsque la réputation de ce prélat, universellement établie, lui eut fait croire qu'il était l'homme le plus capable d'administrer les finances, lorsqu'elle crut enfin satisfaire le voeu général, elle s'empressa de favoriser l'élévation de l'archevêque de Toulouse, et de lui procurer un crédit qui assurât ses opérations."

Ceci confirme merveilleusement bien que Marie-Antoinette n'a jamais interféré en politique pour sa propre personne ou selon des caprices basiques

En effet, ce commentaire la fait plutôt oeuvrer avec réflexion pour le bien général.

Selon Hüe, Marie-Antoinette évitait à partir de 1792 d'avoir une influence directe sur son mari (j'aurais pensé l'inverse au vue de l'état de latence de Louis XVI... :s: ) :
"Elle (la Reine) sembloit s'être fait un devoir déviter alors toute influence sur l'esprit du Roi. Consultée par lui sur différents objets, "Je n'ose vous conseiller, répondoit-elle : agissez d'après votre coeur; il ne vous égarera jamais."

Je ne sais pas si Hüe invente, mais c'est beau

C'est vrai que c'est étonnant... J'aurais cru aussi que l'influence de la reine était allée croissant...

Oui je suis attentif à la suite pour voir si Hüe rapporte des faits ou des anecdotes qui vont dans ce sens ou non...car en parallèle il est cette fois indéniable que Marie-Antoinette gérait d'elle même en très grande partie des affaires extérieures

Mercy se félicite du fait que "la nécessité a fermé la porte au pillage et la Reine ne se prête plus à aucune demande abusive. Elle a fort à coeur de regagner l'affection du public."
Et Philippe Delorme d'analyser que ces mesures somptuaires n'attirent, en définitive, à Marie-Antoinette que mécontentements et insolences, sans Lui regagner une once de popularité. Pourtant ,les économies touchent la Reine Elle-même, qui refuse un "bonnet d'un goût nouveau" à Mademoiselle Bertin, et s'avise de faire raccomoder Ses chemises et ressemeler Ses chaussures!
Le 16 août (1787), une dépêche du Comte de Salmour, ambassadeur de Saxe, livre d'autres détails :
"Il n'y a pas jusqu'un petit bal de femmes de chambre que la Reine donne généralement à Trianon qu'on n'ait supprimé dimanche dernier pour ne pas faire crier le peuple , qui est très échauffé contre ses maîtres, et paraît dirigé surtout ses injustes inculpations contre la souveraine et le Comte d'Artois."

Bien à vous.