Dimanche 20 janvier 1793 St Fabien & St Sébastien, martyrsLes dernières heures de Sa Majesté le Roy Louis XVI Conclusion sur le jugement:
un tournant dans la vie de la Convention et la Révolution
Le jugement de Louis XVI a eu des conséquences importantes, tant sur la vie de la Convention, que sur la Révolution et ses principes mêmes.
Au sein de la Convention, le jugement est au cœur de la lutte entre Girondins et Montagnards.
Il enregistre le recul de la Gironde et la montée de l’influence montagnarde.
Si la Gironde est affaiblie, c’est parce qu’elle a fait preuve d’inconsistance politique et morale dans ses choix, face à une Montagne beaucoup plus soudée.
Le procès du roi représente une étape fondatrice dans la construction de l’identité montagnarde : tous les Montagnards sont régicides.
La Plaine adopte des positions variables mais se laisse globalement gagner par l’influence montagnarde.
Chronologiquement, la question de la culpabilité isole tout d’abord un tout petit groupe de Conventionnels.
La question de l’appel au peuple marque ensuite une étape dans la rétraction de l’influence girondine.
Enfin, la question de la sentence et du sursis préfigure le triomphe de la Montagne à l’été 1793.
Au‑delà des recompositions du paysage politique, des questions de fond sont posées aux Conventionnels.
Sur un plan politique, le jugement soulève la question de l’impossible contrôle du processus révolutionnaire.
En réclamant l’appel au peuple, en hésitant à se prononcer sur la mort, les Girondins espèrent sauver le roi et terminer la Révolution.
En revanche, si les Montagnards se montrent sévères, c’est parce qu’à leurs yeux « si le roi est innocent, le peuple est coupable »
(Saint‑Just)
Sur un plan juridique, l’appel au peuple pose le problème de la représentation populaire : la Convention, émanation de la nation depuis les élections de septembre 1792, est‑elle suffisamment représentative de la volonté populaire, ou bien faut‑il faire de nouveau appel au peuple pour trancher la grave question du sort du roi déchu ?
A travers la lutte entre Girondins et Montagnards, c’est aussi la fracture entre la Convention et la Commune, entre Paris et les départements qui se joue.
La dénonciation des « factions » et la peur de la guerre civile émaillent les débats, témoignant des inquiétudes concernant l’unité de la nation.
Au fil des débats s’esquissent aussi le thème de l’inviolabilité du roi et la question de l’égalité devant la loi : le roi est‑il inviolable ou bien soumis aux lois comme tout citoyen ?
Au-delà de la mort du roi, c’est la question de la fin de la royauté, de la sacralité monarchique qui est posée.
Si certains Conventionnels sont, comme Michelet, opposés à la mort, c’est parce qu’ils entendent « tuer la monarchie en épargnant le roi »
(Michelet)
En effet, les Conventionnels ont toujours en mémoire l’exemple anglais :
« le sang de Charles» a fait revivre la royauté », rappelle
Brissot
Si ce procès n’est pas sans antécédents, il est toutefois sans précédent. Affrontements entre Girondins et Montagnards, représentation de la nation, « désenchantement » de la monarchie, abolition de la peine de mort : tel est le faisceau d’enjeux qui fait l’originalité et le caractère historique de ce procès.
Les hommes de la Convention ont eu conscience, par le jugement qu’ils ont rendu au cours de ces débats des 14‑21 janvier 1793, d’être placés sous le regard de la postérité, d’imprimer leur marque propre et irréversible à l’histoire de la Révolution, de la France et, au‑delà, des autres peuples d’Europe et du monde.
Voici le récit le plus circonstancié qu'on a pu établir sur les dernières heures du Roy-martyr
http://leblogdumesnil.unblog.fr
Le vote est terminé le 20 à
2 heures du matin: sur 690 suffrages, 310 sont pour, 380 contre.
Dominique Joseph Garat, ministre de la Justice, communique à l’ex-roi sa prochaine exécution pour le lendemain.
http://www.infobasque.com/images/GARAT.GIF
Ministre de l'Intérieur23 janvier 1793 au 20 août 1793
Dominique Joseph Garat
Portrait de Dominique Joseph Garat
Le 20 janvier, le ministre de la Justice Garat vint signifier au Roy le décret qui le condamnait à mort.
Le secrétaire du Conseil exécutif Grouvelle, chevrotant, lut la sentence.
Le Roy l’écouta sans un mot.
Après avoir été condamné à mort au manège du château des Tuileries, à la suite de la séance permanente du mercredi 16 et du jeudi 17 janvier 1793 de la Convention nationale (auto-instituée en tribunal) et du scrutin rectificatif du 18, Louis XVI, qu’on surnomme déjà « Louis le dernier », doit maintenant attendre une autre votation pour savoir si « Sera-t-il sursis à l'exécution du jugement de Louis Capet ? »
Après l'annonce de la peine capitale par la cour, Louis XVI a écrit à l'Assemblée pour lui demander un délai de 3 jours supplémentaires avant son exécution (qu'il n'a pas eu...) pour se préparer religieusement à la mort, mais aussi pour s'assurer que sa famille serait traitée convenablement et remise en liberté, et aussi pour s'inquiéter de toutes les personnes (âgées surtout) dépendantes de ses pensions qui allaient rester sur le carreau après sa mort....oui Louis XVI dans cette lettre pense plus aux autres qu'à lui même c'est flagrant
Mais bien sûr l'Assemblée comme à son habitude, en réponse à ces demandes, fit un "travail" expéditif proche du zéro: pas de délais supplémentaire accordé, il est du ressort des personnes concernées par les pensions de se manifester, et bien sûr, en ce qui concerne la famille de Louis XVI...laissons parler Hüe, il résume la chose bien mieux que moi:
"Enfin, sur l'objet des recommandations du Roi en faveur de sa famille, le ministre de la justice fut autorisé à répondre que la nation françoise, toujours grande et toujours juste, s'occuperoit du sort de la Famille royale. Fut-il jamais ironie plus cruelle et plus froidement barbare! L'histoire apprendra aux génération futures quel a été, après la mort de Louis, le sort déplorable de sa famille."Il remit à Garat une lettre demandant un délai de trois jours pour se préparer à la mort, l’autorisation de revoir sa famille et d’appeler auprès de lui un prêtre de son choix.
Pour ce ministère, il désignait l’abbé Henri Essex Edgeworth de Firmont.
Voilà une des principales motivations qu'avaient les Jacobins pour faire exécuter Louis XVI, dictée par Hüe:
"Je savois, d'un autre côté, qu'il n'étoit que trop ordinaire d'entendre dire aux Jacobins: Au point où sont les choses, il ne nous est plus possible de reculer; nous l'avons (Louis XVI) trop outragé pour qu'il ne se venge pas. Les Rois ne pardonnent point; nous sommes proscrits dans son cœur: si nous ne le perdons pas, il nous perdra."Et voilà le résultat, en 1795:
"Au mois de Juin 1795, un membre de la Convention, parlant, en ma présence, du procès du Roi, disoit: Si, au moment où nous sommes, la question étoit à décider, il n'y auroit pas dans l'Assemblée dix votants pour la mort. A peine en auroit-on réuni cinquante à l'époque du jugement, si la terreur n'eût pas dominé la Convention nationale, et si Barrère, Lepelletier Saint-Fargeau, et plusieurs autres, n'eussent employé tous les moyens de séduction."La Convention rejeta le délai, mais accorda les autres demandes.
Le décret proposé par Cambacérès portait que
« la nation française, aussi grande dans sa bienfaisance que rigoureuse dans sa justice, prendra soin de la famille du condamné et lui fera un sort convenable »Ce « sort convenable », on le connaît…
Garat fit donc prévenir l’abbé Edgeworth et le ramena lui-même au Temple dans sa voiture.
Le prêtre voulut échanger son habit bourgeois contre un costume ecclésiastique, mais Garat lui dit:
-
C’est inutile, d’ailleurs le temps nous presse.
(Bayonne, 8 septembre 1749 - Ustaritz, 9 décembre)
Avocat, journaliste et philosophe basque-français
Ministre de la Justice lors du procès de Louis XVI.
Ce fut lui qui communiqua l’arrêt de mort au roi aux premières heures du 20 janvier 1793.
On raconte à ce propos que Garat devint, après avoir notifié cette sentence, de plus en plus grognon et renfermé et que ses lunettes d'or qui servirent ce 20 janvier 1793, ne sortirent plus d'un tiroir auquel il était interdit de toucher.
Familier de sa maison, le curé d'Ustaritz les utilisa un jour pour lire son bréviaire et lorsque Dominique Joseph Garat revenant d'une visite les aperçut, il s'écria: « Les lunettes de la sentence » et tomba foudroyé.
Suite à la communication qu’on lui fait de sa prochaine exécution, fixée pour le matin du 21 janvier, Louis XVI écrit à la Convention pour demander un délai de trois jours afin de se préparer à la mort et la permission de communiquer librement avec sa famille.
Le délai lui est refusé car on craigne à un coup de main des royalistes pour le sauver à la dernière heure, mais il pourr faire ses adieux à sa famille et se confesser à un prêtre insermenté, l'abbé Henry Essex Edgeworth de Firmont.
Voici le texte de la lettre:
« 20 janvier 1793.
Je demande un délai de trois jours pour pouvoir me préparer à paraître devant la présence de Dieu. Je demande pour cela de pouvoir voir librement la personne que j'indiquerai aux Commissaires de la Commune, et que cette personne soit à l'abri de toutte inquiétude et de toutte crainte pour cet acte de charité qu'elle remplira auprès de moi. Je demande d'estre délivré de la surveillance perpétuelle que le Conseil Général a établi depuis quelques jours.
Je demande dans cet intervalle à pouvoir voir ma famille quand je le demanderai et sans témoins. Je désirerais bien que la Convention Nationale s'occupât tout de suite du sort de ma famille, et qu'elle lui permit de se retirer librement et convenablement où elle le jugerait à propos.
Je recommande à la bienfaisance de la Nation touttes les personnes qui m'étaient attachées, il y en a beaucoup qui avoient mis toutes leur fortune dans leurs charges, et qui n'aiant plus d'appointements doivent estre dans le besoin, et mesme de celles qui ne vivoient que de leurs appointements. Dans les pensionnaires il y a beaucoup de vieillards, de femmes et d'enfants qui n'avoient que cela pour vivre.
À la Tour du Temple ce janvier 1793
Louis »
Il remit à Garat une lettre demandant un délai de trois jours pour se préparer à la mort, l'autorisation de revoir sa famille et d'appeler auprès de lui un prêtre de son choix.
Pour ce ministère, il désignait l'abbé Henri Essex Edgeworth de Firmont.
Le 20 janvier à
six heures du soir, le confesseur entra chez le Roy.
Tous les assistants s’étant écartés, ils restèrent seuls.
Louis XVI parla un moment avec l’abbé et lui lut son testament.
Puis il le pria de passer dans le cabinet voisin pour lui permettre de recevoir sa famille.
La porte s'ouvrit et la Reine entra, tenant son fils par la main; derrière venaient Madame Elisabeth et Madame Royale.
Tous pleuraient.
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Les adieux de Louis XVI à sa famille - gravure du temps
Ils ne savaient rien de précis encore, mais ils craignaient le pire.
Le Roy s'assit, entouré de son épouse et de sa soeur.
Sa fille était en face de lui et il tenait l'enfant entre ses genoux.
Avec de tendres ménagements, à voix basse, il les avertit.
Par la porte vitrée, Cléry les vit s'étreindre en sanglotant.
http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/4/47/Hanet_dit_Cl%C3%A9ry_par_Henri-Pierre_Danloux.jpg/180px-Hanet_dit_Cl%C3%A9ry_par_Henri-Pierre_Danloux.jpg
Jean-Baptiste Cléry
Tenant ses mains dans les siennes, Louis XVI fit jurer à son fils de ne jamais songer à venger sa mort.
Il le bénit et bénit sa fille.
Par instants, il gardait le silence et mêlait ses larmes aux leurs.
Cette scène poignante se prolongea plus d'une heure et demie…
A la fin, quel que soit son courage, il n'en put plus.
Il se leva et conduisit sa famille vers la porte.
Comme ils voulaient rester encore et s'attachaient à lui en gémissant, il dit:
- Je vous assure que je vous verrai demain matin à huit heures.
- Vous nous le promettez? supplièrent-ils ensemble.
- Oui, je vous le promets.
- Pourquoi pas à sept heures? dit la Reine.
- Eh bien oui, à sept heures… Adieu.
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Lettre de Louis XVI demandant un délai de trois jours pour se préparer à la mort - Archives Nationales
Malgré lui, cet adieu rendit un son tel que les malheureux ne purent étouffer leurs cris.
Madame Royale tomba évanouie aux pieds de son père.
Cléry et Madame Elisabeth la relevèrent.
Le Roy les embrassa tous encore, et doucement les poussa hors de sa chambre.
- Adieu, adieu, répétait-il, avec un geste navrant de la main.
Il rejoignit l'abbé Edgeworth dans le petit cabinet pratiqué dans la tourelle.
- Hélas, murmura-t-il, il faut que j 'aime et sois tendrement aimé!
Sa fermeté revenue, il s'entretint avec le prêtre.
Jusqu'à minuit et demi, le Roy demeura avec son confesseur.
Puis il se coucha.
Cléry voulut lui rouler les cheveux comme d'habitude.
- Ce n'est pas la peine, dit Louis XVI.
Quand le valet de chambre ferma les rideaux, il ajouta :
« Cléry, vous m'éveillerez demain à cinq heures »
Et il s'endormit d'un profond sommeil.
Nous apprîmes la [sentence de] mort de mon père le dimanche 20, par les colporteur.
A
7 heures du soir, on vint nous dire qu'un décret de la convention nous permettoit de descendre chez mon père. Nous courrûmes chez lui et nous le trouvâmes bien changé; il pleura de notre douleur, mais non de sa mort. Il raconta à ma mère son procès, excusant les scélérats qui le faisoit mourir, répéta à ma mère qu'on vouloit les assemblées primaires, mais qu'il ne le vouloit pas, parce que cela mettroit le trouble dans la france ; il donna ensuite de bonnes instruction religieuses à mon frère et lui recommenda surtout de pardonner à ceux qui le faisoient mourir. Il donna sa bénédiction à mon frère et à moi.
Ma mère désiroit extrêmement que nous passion la nuit avec mon père, il le refusa, ayant besoin de tranquilité.
Ma mère demanda au moins de revenir le lendemain matin, mon père le lui accorda ; mais quand nous fûmes partis, il demanda aux gardes que nous ne redescendions pas, parce que cela lui faisoit trop de peine.
- extrait du Mémoire de Marie Thérèse Charlotte de France -
A huit heures et demie, la porte s'ouvrit: la Reine parut la première tenant son fils par la main, ensuite madame Royale et madame Elisabeth; tous se précipitèrent dans les bras du Roi.
Un morne silence régna pendant quelques minutes, et ne fut interrompu que par des sanglots.
La Reine fit un mouvement pour entraîner Sa Majesté vers sa chambre
« Non, dit le Roi, passons dans cette salle, je ne puis vous voir que là »
Ils y entrèrent et j'en fermai la porte qui était en vitrage.
Par la porte vitrée, Cléry les vit s’étreindre en sanglotant.
Ils ne savaient rien de précis encore, mais ils craignaient le pire.
Avec de tendres ménagements, à voix basse, il les avertit.
d'après Bénazech, conservé au musée Carnavalet
Le Roi s'assit, la Reine à sa gauche, madame Elisabeth à sa droite, madame Royale presqu'en face, et le jeune Prince resta debout entre les jambes du Roi: tous étaient penchés vers lui, et le tenaient souvent embrassé.
Cette scène de douleur dura sept quarts-d'heure pendant lesquels il fut impossible de rien entendre; on voyait seulement qu'après chaque phrase du Roi, les sanglots des Princesses redoublaient, duraient quelques minutes, et qu'ensuite le Roi recommençait à parler.
Il fut aisé de juger à leurs mouvements que lui-même leur avait appris sa condamnation.
Tenant ses mains dans les siennes, Louis XVI fit jurer à son fils de ne jamais songer à venger sa mort.
Il le bénit et bénit sa fille.
Par instants, il gardait le silence et mêlait ses larmes aux leurs.
A la fin, quel que soit son courage, il n’en put plus.
Il se leva et conduisit sa famille vers la porte.
A dix heures un quart, le Roi se leva le premier, et tous le suivirent: j'ouvris la porte; la Reine tenait le Roi par le bras droit.
Leurs Majestés donnaient chacune une main à monsieur le Dauphin; madame Royale à la gauche tenait le Roi embrassé par le milieu du corps; madame Elisabeth du même côté, mais un peu plus en arrière avait saisi le bras gauche de son auguste frère: ils firent quelques pas vers la porte d'entrée, en poussant les gémissements les plus douloureux.
Comme ils voulaient rester encore et s’attachaient à lui en gémissant, il dit :
- Je vous assure que je vous verrai demain matin à huit heures.
- Vous nous le promettez ? supplièrent-ils ensemble.
- Oui, je vous le promets.
- Pourquoi pas à sept heures ? dit la Reine.
- Eh bien oui, à sept heures… Adieu.
Les adieux du Roy à sa famille.
II prononça cet adieu d'une manière si expressive que les sanglots redoublèrent.
Madame Royale tomba évanouie aux pieds du Roi qu'elle tenait embrassé;
Cléry et Madame Elisabeth la relevèrent.
je la relevai et j'aidai madame Elisabeth à la soutenir:
Le Roy les embrassa tous encore, et doucement les poussa hors de sa chambre, voulant mettre fin à cette scène déchirante, et eut la force de s'arracher de leurs bras.
« Adieu,.... adieu », dit-il, et il rentra dans sa chambre avec un geste navrant de la main
- extrait du Journal de Cléry -
Il rejoignit l’abbé Edgeworth dans le petit cabinet pratiqué dans la tourelle.
- Hélas, murmura-t-il, il faut que j ‘aime et sois tendrement aimé !
Sa fermeté revenue, il s’entretint avec le prêtre.
Jusqu’à minuit et demi, le Roy demeura avec son confesseur.
Puis il se coucha.
Cléry voulut lui rouler les cheveux comme d’habitude.
- Ce n’est pas la peine, dit Louis XVI.
Quand le valet de chambre ferma les rideaux, il ajouta:
« Cléry, vous m’éveillerez demain à cinq heures»
Et il s’endormit d’un profond sommeil.