Le Boudoir de Marie-Antoinette

Prenons une tasse de thé dans les jardins du Petit Trianon
 
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 18 novembre 1792

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yann sinclair

yann sinclair


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MessageSujet: 18 novembre 1792   18 novembre 1792 Icon_minitimeVen 24 Avr - 16:21

La Convention avait proclamé la guerre politique, disant qu'elle appuierait toute nation qui voudrait la liberté.

Et le 15 décembre, elle donnait à la guerre un caractère social, se portant pour défenseur du peuple, des classes pauvres, par toute la terre, renouvelant les gouvernements au suffrage universel, enfin (Cambon le dit luimême), dans tout pays envahi, sonnant le tocsin.

Le rapport fait par lui-même, au nom des trois comités (des finances, diplomatique, militaire) est le manifeste solennel, l'éternel testament que la France révolutionnaire a légué à l'avenir, non un acte accidentel, mais celui qu'elle reprend, chaque fois qu'elle se réveille et revient à elle-même.

Le sens de ce manifeste n'est rien autre que la négation de l'ancien monde « Quand la France s'est levée en 89, elle a dit: Tout privilége du petit nombre est une usurpation; j'annule et casse tout ce qui fut sous le despotisme, par un acte de ma volonté. Voilà ce que doit faire et dire tout peuple qui veut être libre, et mériter la protection de la France »
« Pour elle, partout où elle entre, elle doit se déclarer franchement pouvoir révolutionnaire, ne rien déguiser, sonner le tocsin....
Si elle ne le fait pas, si elle donne des mots, et point d'acte, les peuples n'auront pas la force de briser leurs fers...

Voyez déjà la Belgique; vos ennemis y sont triomphants, menaçants, ils parlent de Vêpres siciliennes.

Vos amis y sont abattus; ils sont venus ici, timides et tremblants, n'osant même avouer leurs principes; ils vous tendaient les mains, disaient: « Nous abandonnerez-vous ? »

« Non, ce n'est pas de la sorte que la France doit agir. Quand les généraux entrent dans un pays, ils doivent assembler le peuple, lui faire nommer des juges, des administrateurs provisoires, une autorité nouvelle, et l'ancienne, la mettre à néant....

Voulez-vous que vos ennemis restent à la tête des affaires?...

Il faut que les sans-culottes participent partout à l'administration.

(Tonnerre d'applaudissements)

« Nos généraux doivent donner sûreté aux personnes, aux propriétés. Mais celles de l'État, celles des princes, de leurs fauteurs et satellites, celles des communautés laïques et ecclésiastiques, ils doivent les saisir (c'est le gage des frais de la guerre), les tenir, non par leurs mains, mais par celles des administrateurs que nommera le peuple affranchi.

« Ils doivent supprimer toute servitude, tout privilège, les droits féodaux, les dîmes, tous les anciens impôts.

S'il faut des contributions, ce n'est point à vos généraux à les établir; c'est aux administrations provisoires, à vos commissaires, qu'il appartient de les lever, et sur les riches seulement; l'indigent ne doit rien payer.

Nous ne sommes pas des gens du fisc; nous ne venons pas pour vexer le peuple.
« Rassurez-les, ces peuples envahis; donnez-leur une déclaration solennelle que jamais vous ne traiterez avec leur ancien tyran. S'il s'en trouvait d'assez lâches pour traiter eux-mêmes avec la tyrannie, la France leur dira: Dès lors, vous êtes mes ennemis ! Et elle les traitera comme tels »

Ni Robespierre, ni personne, n'osa faire objection. On ne pouvait se dissimuler pourtant qu'un tel décret, en rendant la guerre toute révolutionnaire, sociale sous un rapport, la rendait universelle.

La France s'y déclarait tutrice des jeunes peuples, se chargeait de les soutenir dans les voies de la liberté.

Elle se fiait à elle-même de leur affranchissement.

Elle ne croyait pas que des esclaves, faibles d'esclavage envieilli, des mains engourdies de chaînes, des prisonniers jetés au jour, clignotant sous la lumière, fussent en état de luier seuls contre la ruse et la force du vieux monde conjuré.


Elle craignait avec raison qu'ils ne se décourageassent, ne se rejetassent, tremblants, effrayés de la vie même, dans la nuit et dans la mort.


Elle disait d'une voix tonnante: « Vivez et soyez vous-mêmes; si vous aimiez mieux rester morts, je ne le pardonnerais jamais ! »


Il n'y eut nulle objection, mais seulement une addition, fort raisonnable, proposée par la Gironde. Buzot demanda, obtint, que, dans chaque pays envahi, les nobles, les membres des corporations privilégiées, ne pourraient être élus aux administrations nouvelles, exclusion momentanée du reste, et bornée à la première élection.


Un autre Girondin, Fonfrède, voulait même (chose remarquable chez un député de Bordeaux) qu'on exclût aussi « les banquiers, les hommes d'argent, tous ennemis de la liberté »


Plusieurs amis de Robespierre, n'osant attaquer en général le manifeste de Cambon, se dédommagèrent en combattant l'addition de Buzot.


Mais Rewbell et autres montagnards plus raisonnables l'appuyèrent, montrant par les faits que, si la Belgique allait mal, c'était justement parce qu'aux premières élections, on avait nommé les nobles et les prêtres, les aristocrates.


On avait constitué les loups gardiens des moutons.


Le décret du 15 décembre avait déployé au vent le vrai drapeau de la France, par-dessus tous les partis.


Si l'on eût pu en douter, il fallait ne pas regarder dans tel club ou telle assemblée, mais savoir ce qu'en pensait la grande assemblée, le peuple.


Il tressaillit tout entier, embrassant d'un cœur immense la suprême nécessité qui lui arrivait d'en haut.


Le manifeste nouveau était celui de la croisade pour la délivrance du globe; il annonçait aux tyrans que la France partait de chez elle pour sauver toute la terre...


Quand finirait une telle guerre? comment s'arrêterait-elle ? on ne pouvait le deviner.

Mais, si la France tressaillit, croyez bien que le vieux monde tressaillit aussi.

Il avait prévu notre audace, mais pas jusque-là.

Il aperçut avec terreur qu'elle nous créait d'un mot l'alliance universelle des tribus sans nom, sans nombre, infinies comme la poussière et foulées comme la poussière.

C'était l'évocation d'une création inférieure, oubliée, muette, qui, à la voix de la France, allait sortir des ombres de la mort.

L'Angleterre jeta là l'hypocrisie, qui ne servait plus à rien.

Elle arma.

Ce grand coup tombait d'aplomb sur la Belgique et la Hollande.

Qu'adviendrait-il de l'Angleterre, si cette côte d'en face, dont la nullité a fait la grandeur anglaise, ressuscitait au souffle de la Révolution !

Dumouriez et ses alliés, les banquiers, les prêtres, tombaient tous à la renverse.

L'ambitieux général avait reçu, coup sur coup, des décrets? non, des poignards.

Avant d'être César, il avait trouvé Brutus.

Avec le décret du 15 décembre, il en reçut un du 15, qui défendait aux généraux de passer aucun marché, qui créait près d'eux des commissaires-ordonnateurs, lesquels n'ordonneraient qu'en informant le ministre, et le ministre devait rendre compte tous les huit jours à la Convention.

Le ministre était cependant Pache, un ex-ami de Roland, converti aux Jacobins et qui peuplait ses bureaux entièrement de Jacobins.

Toute cette pureté civique n'empêcha pas que la Convention, défiante pour le général, ne le fût pour le ministre. Un ministre qui rendait compte par semaine était annulé.

Ainsi, Cambon sut fixer, et pour ainsi dire, clouer le grand gouvernail de la guerre aux mains de la Convention, il ne lui permit pas d'être confiante ni d'un côté ni de l'autre; la Gironde se serait fiée à Dumouriez, la Montagne à Pache, au ministre jacobin.

Il avait traîné à la barre les hommes de Dumouriez, ces grandes puissances d'argent, qui croyaient qu'on achetait tout, au besoin l'impunité.

On les éplucha de près. Cambon prétendait qu'un seul, un abbé gascon, avait eu l'industrie de se faire sur les subsistances de l'armée un gain modéré, honnête, de 21,000 fr. par jour.

Dumouriez avait Danton près de lui, en Belgique, quand il reçut ce coup profond du décret du 15 décembre. Consterné, il le lui montre, lui demande ce qu'il en pense: « Ce que j'en pense, dit Danton, c'est que j'en suis l'auteur »
C'est une gloire très-durable pour Danton, véritablement peu commune, d'avoir, sinon fait, au moins soutenu la grande mesure révolutionnaire que Cambon signait de son nom.

Celui-ci, dans son âpreté d'économie, quelquefois mal entendue, n'avait que trop favorisé les ennemis de Danton en lui demandant un compte impossible.

Le grand homme ne s'en souvint pas.

C'est à son influence, sans nul doute, qu'on dut en grande partie, l'accord de la Convention.

Les Dantonistes votant le décret du 15 décembre, aux applaudissements du peuple, les Robespierristes n'auraient voté contre qu'en affrontant une extrême impopularité.

Un ordonnateur général fut envoyé pour veiller de près Dumouriez, et il fut choisi parmi ces exagérés que Robespierre avait fait attaquer en octobre aux Jacobins.

C'était un intime ami des hommes de la Commune et leur futur général, le poète, le militaire Ronsin; Robespierre le fit plus tard guillotiner avec eux.

Fut-il choisi du consentement de Cambon ? je n'en fais nul doute.

S'il en fut ainsi, il faut croire que le violent dictateur de la révolution agraire, délaissé de la Gironde, attaqué des Jacobins, ne se fit aucun scrupule de chercher des alliés au plus profond de la Montagne, et par delà Robespierre, hors de la Montagne même et de la Convention.
Cambon était dès lors fixé à la gauche, marié avec la gauche sans retour et sans divorce, voué à la suivre dans toutes ses mesures, non-seulement à la mort du Roi, qui, je crois, ne lui coûtait guère, mais à toutes les extrémités, aux dernières misères de 95.

ll endura tout et avala tout, excepté le 51 mai, qui lui arracha le cœur et qu'il n'a jamais pardonné.

Il avait entraîné la Montagne, au 15 décembre, et il en était entraîné.

Il tua le Roi avec elle, et en le tuant il crut avoir renversé la borne qui retenait la Révolution en France, l'empêchait de déborder.

Le Roi semblait le vieux Terme la limite et la barrière.

Beaucoup crurent qu'on ne pouvait passer la frontière que sur son corps, qu'il fallait un sacrifice humain, un homme immolé au dieu des batailles.

L'autorité et l'exemple de celui qui représentait la révolution agraire dut peser beaucoup.

Cette révolution, non sanglante jusqu'ici, distincte du drame violent, en devint l'auxiliaire; la vente se lia au procès, elle se crut garantie par la condamnation du Roi; l'assignat parut assis sur la tête de Louis XVI.

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18 novembre 1792 C_icgp11
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