Madame de Polignac et Marie-Antoinette : une amitié fatale

Oui, le prix de l'impartialité, c'est une certaine indifférence, ou du moins la distance un peu glacée par exemple du travail quasi scientifique d'un universitaire, ce que je ne suis pas.

Je ne suis qu'aux toutes premières pages, et je trouve votre style très précis. Vous nous plongez réellement dans l'enfance de la petite demoiselle Polastron, une époque souvent négligée dans les livres, qui la font apparaître toute poussée à Versailles.

Il est étonnant, en effet, que Vaudreuil n'ait pas demandé la main de sa cousine, s'il l'aimait si tendrement ? Et qu'il ait organisé son mariage... n'est-ce pas agir là en grand frère ?  

Bon, maitenant, je me tais et je continue à lire. C'est vrai quoi, il ne faut pas gâcher le plaisir des autres. Mais je suis si bavarde.... et curieuse, donc !  

Oui, Pim, il est très curieux que Vaudreuil n'ait pas demandé la main de Yolande. Mme de la Tour Landhorte (née Polastron, demi-soeur de Yolande) l'explique par son hypocondrie, son anxiété devant la maladie. Vaudreuil crache du sang assez fréquemment. Il peut s'être cru une très faible espérance de vie ? Et il était très soucieux du devenir de Yolande dont il "fait" le mariage, avec Jules de Polignac, tout en gardant auprès d'elle une place qui ne lui était contestée par personne, par le mari moins que par tout autre !

Je glisse ici un petit mot sur Mme de Duras (soeur de Vaudreuil) qui répandait dans le monde une fable par laquelle, Vaudreuil, sollicité par sa famille de conclure une alliance avec une petite cousine éloignée, Mademoiselle de Polastron, qu'il ne connaissait pas, se laissa conduire au couvent où la jeune fille était élevée. Il la vit et la trouva si peu à son goût qu'il en fit la réflexion vertement. La pauvrette l'entendit. Plus de mariage ! Des années plus tard, à Versailles, il s'éprit éperdument d'une beauté, Mme de Polignac, qui n'était autre que la petite cousine autrefois dédaignée.

Pourquoi Mme de Duras invente t-elle cette histoire ? Outre qu'il est très peu plausible que Mlle de Polastron ait pu faire une adolescente disgracieuse, nous savons que Vaudreuil connaît Yolande, et fait partie de ses familiers, bien avant qu'elle ne soit distinguée par Marie-Antoinette. Il l'exprime lui-même dans les vers charmants qu'il lui envoie en 1775 au tout début de la faveur. Le tutoiement (rarissime fin XVIII ème ) témoigne de la profonde intimité qui les lie. Du reste, Mme de la Tour Landhorte confirme qu'ils se connurent "dans la première jeunesse" de Yolande. Elle avait quatre ans, précise Jean Héracle de Polignac (la Maison de Polignac ).

Quand elle meurt, à 44 ans, Vaudreuil pleure "une amitié de trente ans". On sait qu'il faut entendre "amitié" dans l'acception "amour". Du reste, s'il ne s'agissait que d'amitié, Vaudreuil pleurerait une amitié de quarante ans. Yolande avait donc 14 ans lorsque la tendresse qui les unissait depuis dix ans devint amour. C.Q.F.D.

Merci pour tous ces renseignements ! C'est une joie pour moi de vous lire.

En effet, l'histoire de Madame de Duras paraît peu crédible. Il est assez connu, me semble-t-il, que Vaudreuil et Madame de Polignac se connaissaient depuis l'enfance.

J'aime beaucoup votre réflexion, dans votre livre, sur le fait que le mariage donnait l'émancipantion aux femmes. Cela rejoint une phrase de Marie Antoinette dans sa lettre à Madame de Tourzel, au moment de son entrée en fonction. La reine parle en termes élogieux de Madame de Fréminville, et ajoute "je l'ai mariée". Le mariage était clairement pour les femmes un passage obligé, un établissement, et un moyen de conquérir une certaine forme de reconnaissance et d'indépendance. C'est très loin de nous, qui pouvons envisager carrières et ambitions... Mais cet état de fait peut expliquer des mariages comme celui du comte et de la comtesse de Polignac, avec Vaudreuil en arrière-plan.

Mais oui, Pim, très exactement ! Le mariage est une manière de contrat de pacte d'intérêts, à cette époque. Il le demeurera longtemps encore, puis, courant XIXème , le mariage d'amour bouleverse la société et les rapports filiaux.
Cela dit, le mariage de convenances, à l'ancienne, évolue parfois harmonieusement en mariage d'amour. C'est rare, je vous l'accorde.

C'était déjà un pacte qui unissait deux fortunes et deux familles dans le monde romain antique. La fidélité comptait peu pour eux, il était courant d'aimer hors mariage... à condition de respecter la loi tacite qui consistait à porter les gènes licites.

Cela peut paraître trivial, j'en conviens. Mais le fait de lier le mariage à l'amour est une conception très moderne. Longtemps, mariage a rimé avec raison.

Voir plus près de nous le Prince Charles et Lady Di. Pour les Grands de ce monde, c'est toujours en usage.

pimprenelle a écrit:

C'était déjà un pacte qui unissait deux fortunes et deux familles dans le monde romain antique. La fidélité comptait peu pour eux, il était courant d'aimer hors mariage... à condition de respecter la loi tacite qui consistait à porter les gènes licites.

Cela peut paraître trivial, j'en conviens. Mais le fait de lier le mariage à l'amour est une conception très moderne. Longtemps, mariage a rimé avec raison.

Absolument, comme l'a si bien exprimé Nivelle de la Chaussée.
Mais il n'y a pas que la noblesse et la bourgeoisie qui fonctionnaient ainsi. Dans le peuple, le mariage répondait aux mêmes impératifs. Même si l'enjeu ne consistait qu'à réunir deux lopins de terre, c'était également des unions fondées sur la raison et non les sentiments.

pimprenelle a écrit:

Le mariage était clairement pour les femmes un passage obligé, un établissement, et un moyen de conquérir une certaine forme de reconnaissance et d'indépendance. C'est très loin de nous, qui pouvons envisager carrières et ambitions...

Oh ! Mais c'est très récent.
Et encore, pas dans tous les pays.
Du reste, je connais des jeunes femmes de ma génération, célibataires, qui si elles peuvent se dire en effet indépendantes, continuent de subir une certaine pression sociale, ou familiale.

Allez, juste pour le clin d'œil :

Mais si, conservant quelque doute, elle persistait pourtant à vous éprouver, et qu'elle vînt à vous parler de mariage, renfermez-vous, en fille bien née, dans une parfaite soumission.
Au fait, qu'y risquez-vous ?
Pour ce que l'on fait d'un mari, l'un vaut toujours bien l'autre ; et le plus incommode est encore moins gênant qu'une mère.
Une fois plus contente de vous, votre maman vous mariera enfin ; et alors, plus libre dans vos démarches, vous pourrez, à votre choix, quitter Valmont pour prendre Danceny, ou même les garder tous deux.



La marquise de Merteuil à Cécile Volanges.

Citation :

et le plus incommode est encore moins gênant qu'une mère.

Splendide!

Ah, divine marquise...

Alors Vaudreuil et Yolande de Polignac se sont connus très jeunes? Je l'ignorais...pourtant ils ont été amants par la suite, Vaudreuil n'a pas été gêné lorsque Yolande s'est mariée? C'est vrai que les mariages arrangés étaient habituels à l'époque donc il s'est surement dit qu'il valait mieux être son amant que son mari  

Mais oui ! Du reste a t-il choisi pour elle, un mari qui ne soit pas un rival pour lui !!! C'est aussi simple que cela. Les contemporains s'accordent à ce sujet.

Par contre c'est vraiment bizarre qu'il ait refusé de faire un mariage d'amour avec elle, car ça se faisait quand même un peu au XVIIIème siècle...le mariage le rebutait à ce point?

Mme de la Tour Landhorte avance, pour vous répondre Chou, l'argument de la mauvaise santé.
Il est clair qu'existe entre Jules et Vaudreuil une manière de pacte tacite. Ecoutez Alexandre de Tilly, et les autres .... Jules n'est que le mari, plutôt inconsistant, sans briguer d'autre titre.
Le mariage n'éloigne pas Vaudreuil de Yolande. Il reste toujours auprès d'elle, en toutes circonstances. Il domine (avec Diane) la société de Mme de Polignac. Autant Yolande est en retrait, en demie teinte, toujours discrète, autant Vaudreuil occupe tout l'espace, domine et mène la danse.
Pensez donc, Chou, quand Yolande à bout de forces ne peut visiblement plus lutter pour vivre encore, eh bien, les trois derniers jours de son agonie, deux personnes seulement pénètrent dans sa chambre : Diane et ... Vaudreuil.

Ah c'est très significatif de la nature de leurs relations c'est sûr
Par contre ils n'ont pas eu d'enfants ensemble je crois?

Les mauvaise langues prétendent qu'un des fils de Madame de Polignac ne pouvait être de son mari, parce qu'il était absent.

Ouais...je me méfie de ce genre de ragots du style : "Louis-Charles est le fils de Fersen parce que Fersen était souvent à Versailles en 1784"

Mais c'est quand même étonnant que deux amants aussi proches n'aient pa eu d'enfants...ou alors qu'un seul

C'est bien pour ça que j'ai parlé de "mauvaises langues"...

Oui et tu as eu raison

pimprenelle a écrit:

Les mauvaise langues prétendent qu'un des fils de Madame de Polignac ne pouvait être de son mari, parce qu'il était absent.

Oui, vous parlez de Jules Junior. A sa naissance, le 14 Mai 1780, ( où Marie-Antoinette et le prince de Ligne étaient présents) on chuchotait à la Cour que le comte Jules était en province depuis plus d'un an. Une devinette courait: " L'enfant de Mme de Polignac est-il de la Reine ou bien de M. de Vaudreuil ?"
Plus tard, quand Jules sera ministre de Charles X, rapporte Mme d'Agoult, on le dira le fils naturel de ce Roi.
On disait également "Vaudreuil sait faire les garçons: à la fin de tout cela nous aurons un Dauphin." On adorait les ragots.
Les petits Polignac étaient-ils des petits Vaudreuil ? Je n'ai pas la réponse ...

Ce 14 Mai, les deux amies font jurer au prince de Ligne d'y retourner, à la même heure, six mois après : " J'ordonnai mon carrosse de remise et mon laquai de louage en conséquence, dit Ligne. Je les retrouvai à la même place et je tins parfaitement parole ..."

Quel panier de crabes, cette cour !

C'est inouï. Et les pires ennemis de Marie-Antoinette faisaient partie de la famille royale (Provence, Chartres futur Orléans futur Egalité).

C'est curieux d'apprendre par vous comme Yolande est intégrée dans notre façon de parler d'aujourd'guy : j'ignorais que c'est d'elle que venait l'expression "avoir un Jules", puisqu'on la qualifiait de Jules de la Reine...

Bien à vous.

N'est-ce pas que c'est étonnant ! Vous êtes frappé par ce même détail que Christian de Seauve.

C'est, du coup, une expression que j'aurai plaisir à employer à l'avenir

Bien à vous.