Combien de cellules à la conciergerie ?

Je voudrais vous poser une question qui me taraude. Tous les biographes, me semble-t-il, rapportent que Marie Antoinette fut changée de cellule après la conspiration des oeillets.

Or, François Macé de Lépinay et Jacques Charles développent une autre thèse dans leur Marie Antoinette du temple à la conciergerie, Guides Historia, Tallandier, 1989.

Selon eux, cette assertion, et les essais de localisation qui en découlent,  seraient en contradiction avec le témoin le plus crédible et le plus ancien, Montjoye (1797). La petite pharmacie qu'on avait pensé accorder à la reine ne fut finalement pas utilisée.

Ils citent E. Courtois, Supplément à la notice historique sur le testament de la reine suivi (...) d'un procès historique sur sa prison à la conciergerie, 1817 : toujours est-il vrai qu'on eut le projet de la loger dans une chambre située au premier étage, et que l'on prépara même en y faisant boucher avec la plus grande solidité une fenêtre peu sûre. On ne fit cependant pas usage de cette pièce, parce que, les logements qui se trouvaient au-dessus n'appartenant pas au local de la conciergerie, on craignait que le plancher supérieur n'en fût ouvert pour faire évader la prisonnière.

Marie Antoinette aurait donc passé toute sa détention dans le même cachot.   Quel est votre avis ?  

Citation :

Je voudrais vous poser une question qui me taraude

Alors là...j'avoue que ceci me turlupine pour ma part

Honnêtement, je n'en ai pas la moindre idée, dans le sens où j'ai toujours lu qu'elle avait changé de cellule...mais il est étrange que ce fait ne soit pas répertorié par Courtois...car là ce n'est plus du détail...sur quelles sources s'appuient les biographes pour dire qu'elle a changé de cellule?

Lenotre s'appuie sur toutes sortes de témoignages. Il est persuadé, lui, que Marie Antoinette a occupé deux cachots différents. Pourtant, dans les récits qu'il rapporte, aucun ne dit explicitement qu'on a transféré la reine.

Le Comte de Viel-Castel n'en parle pas pour une fois....

Je vérifierai dans mes livres, car j'avoue que là ceci est très étonnant...

Les explications qu'on trouve à la Conciergerie indique effectivement que la reine resta dans la même cellule, ou qu'en tout cas, on ne trouve rien dans les registres comme quoi on l'aurait transférée ailleurs.

J'avoue que j'ai longtemps cru qu'elle avait changé de cellule après l'affaire de l'oeillet. Mais peut-être qu'on n'en trouva pas de meilleure que celle où elle était finalement. En tout cas, la surveillance fut accrue, ça c'est certain !

Citation :

Les explications qu'on trouve à la Conciergerie indique effectivement que la reine resta dans la même cellule, ou qu'en tout cas, on ne trouve rien dans les registres comme quoi on l'aurait transférée ailleurs.

Ni dans les registres, ni dans les témoignages...

Citation :

En tout cas, la surveillance fut accrue, ça c'est certain !

Mais d'une bien curieuse façon... Bault retira les gardes qui étaient dans son cachot, où elle se retrouva seule. La porte et la fenêtre étaient surveillées. La reine, elle, était au secret.

Sans doute a-t-on retiré les gardes de sa cellule parce qu'elle avait (presque, hélas) réussi à en corrompre un ?

Pénélope a écrit:

Les explications qu'on trouve à la Conciergerie indique effectivement que la reine resta dans la même cellule, ou qu'en tout cas, on ne trouve rien dans les registres comme quoi on l'aurait transférée ailleurs.

J'ai pourtant eu affaire à un des surveillants de la Conciergerie qui m'a indiqué que la première cellule de Marie-Antoinette se trouvait dans ce qui est ,à ce jour, un bureau, juste en face de l'escalier par lequel on monte à l'étage...

Bien à vous.

Comme quoi, on a droit à plusieurs versions, même eux ne sont pas d'accord entre eux .

Deux cachots en effet, c'est ce que l'on lit dans Wiki :

La première cellule de Marie-Antoinette
La première cellule de Marie-Antoinette d'Autriche fut installée dans l'ancienne chambre de réunion des guichetiers (une cellule humide composée d'un lit de sangle, d'un fauteuil en canne, de deux chaises et d'une table) donnant sur la cour des femmes par une étroite fenêtre. Après une tentative d'évasion (voir Alexandre Gonsse de Rougeville), Marie-Antoinette fut transférée dans la deuxième cellule. (La reconstitution de la cellule de la reine a été faite pour une moitié sur l'authentique cellule et pour l'autre moitié sur la travée contiguë à l'est). Un paravent la séparait des gendarmes, assurant sa surveillance.

La seconde cellule de Marie-Antoinette
Située à côté de la petite chapelle royale. Louis XVIII de France fit ériger à l'endroit même de la cellule de la reine, qui fut coupée par un mur, une chapelle. La moitié ouest fut réunie à la chapelle par un local où la tradition situe les dernières heures de Maximilien de Robespierre.

Je cite maintenant Georges Poisson, Inspecteur Général des Musées de la ville de Paris, dans son « Paris au temps de la révolution », aux éditions Bonechi, l’année du bicentenaire.

"La reine fut d’abord enfermée dans une première cellule, proche de l’entrée, où le chevalier de Rougeville put lui faire passer un œillet contenant un billet lui annonçant qu’on préparait son évasion. Mais une imprudence de Marie-Antoinette fit découvrir la conspiration, et la prisonnière fut transférée le 14 septembre dans un autre cachot, sous une étroite surveillance diurne et nocturne.
(…)
Celui (le cachot) de Marie-Antoinette a malheureusement été défiguré sous la Restauration par sa transformation en chapelle commémorative. La porte a été déplacée, et on entre maintenant par l’emplacement du lit de la reine. L’autel s’adosse à un mur qui remplace la cloison légère qui séparait la cellule d’un réduit où des gendarmes se tenaient en permanence. Seul, le sol a gardé son aspect.
A côté subsiste le cachot où Robespierre passa ses dernières heures.

En haut, sur la dalle de marbre noir, est la dédicace latine composée par Louis XVIII :
Dans ce lieu, Marie-Antoinette-Jeanne d’Autriche, veuve de Louis XVI, après la mort de son époux, et l’enlèvement de ses enfants, fut jetée en prison et y demeura 76 jours dans l’anxiété, le deuil et l’abandon. Mais, appuyée sur son courage, elle se montra dans les fers comme sur le trône, plus grande que la fortune.
Condamnée à mort par des scélérats, au moment même du trépas, elle écrivit ici un éternel monument de piété, de courage et de toutes les vertus, le 16 octobre 1793.
Vous tous qui venez ici, adorez, admirez, priez.

La seconde inscription, gravée sur le soubassement de marbre blanc, comporte un court extrait de ce fameux testament rédigé par la reine. (…)


Malgré quelques déprédations en 1830, cette chapelle était encore bien conservée en 1846 lorsqu’elle fut visitée par Victor Hugo qui en laisse une étonnante description dans Choses vues. Visite à la Conciergerie, le 10 sept. 1846 :

Un moment après j’étais dans la chapelle qui a été le cachot. Si l’on eût vu là le pavé nu, la muraille nue, les barreaux au soupirail, le lit de sangle de la reine, et le lit de camp du gendarme et le paravent historique qui les séparait, c’eût été une émotion profonde et une impression inexprimable.
On y voyait un petit autel de bois qui eût  fait une honte à une église de village, un mur badigeonné (en jaune, bien entendu), des vitraux de café turc, un plancher exhaussé faisant estrade et sur le mur deux ou trois abominables tableaux où le mauvais style de l’Empire luttait avec le mauvais goût de la Restauration.
L’entrée du cachot  avait été remplacé par une archivolte percée dans le mur.
Le passage voûté par où la reine montait au tribunal avait été muré. Il y a un vandalisme respectueux plus révoltant  encore que le vandalisme haineux, parce qu’il est niais. On ne voyait plus rien là de ce qui était sous les yeux de la reine, si ce n’est un peu de pavé que le plancher heureusement ne couvrait pas tout entier.
Ce pavé était un antique carrelage chevronné de briques scellées de champ et montrant le petit côté. Une chaise de paille posée sur l’estrade marquait la place où avait été le lit de la Reine.
En sortant de ce lieu vénérable profané par une piété bête, j’entrais dans une grande salle, qui avait été la prison des prêtres pendant la Terreur et dont on avait fait la chapelle de la Conciergerie.
C’était fort mesquin et fort laid, comme la chapelle-prison de la reine.

Sous le Second Empire il fut question de tout démolir, puis l’on renonça. La Troisième République repeignit les murs, enleva le mobilier et rouvrit la porte que Peyre avait masquée. Un siècle d’abandon commençait.

En 1988, à l’approche du bicentenaire de la Révolution , la cellule de Marie-Antoinette était devenue un lieu crasseux, hybride et incompréhensible.
(...)
La chapelle expiatoire voulue par Louis XVIII et réalisée par Peyre était encore, pour l’essentiel, conservée : les faux marbres présents sous la peinture moderne, pouvaient facilement être dégagés et restaurés.
Les tableaux et le mobilier dispersés pouvaient reprendre leur place en suivant les indications données par les plans de l’architecte."

Merci pour ce compte-rendu circonstancié...  

Mais j'ai toujours des doutes... Les objets exposés ne me semblent pas vraiment crédibles, je les ai vus en live... et le transfert...  

pimprenelle a écrit:

Mais j'ai toujours des doutes... Les objets exposés ne me semblent pas vraiment crédibles, je les ai vus en live...

En effet.
J'ai toujours un peu de mal à croire que les objets de ce genre aient pu être récupérés et ainsi conservés; d'autant que l'on sait qu'il convenait, à l'époque, de faire disparaître tout ce qui pourrait être considéré comme des reliques monarchiques.
Le musée Carnavalet en possède d'autres pour ce qui concerne la détention au Temple.
L'historique de ces objets est-il sûr ? Je ne sais pas.
Ce qui l'est, c'est effectivement la portée symbolique et muséographique de ce type d'exposition.

pimprenelle a écrit:

et le transfert...

Pas mieux à vous proposer !

Ah, mon ami, que veux-tu... je suis un être en perpétuel doute...

Sans parler des "qui suis-je ?", "où cours-je" et autres "dans quel état j'erre ?"

Excellent Pim

Il y a aussi "A quoi sers-je?"

Citation :

on sait qu'il convenait, à l'époque, de faire disparaître tout ce qui pourrait être considéré comme des reliques monarchiques.

Cela correspond d'ailleurs à une réplique de Fouquier-Tinville lorsque Samson coupe les cheveux de Marie-Antoinette et qu'il lui ordonne de les brûler...dans le docu-fiction canadien à venir sur France2

Bien à vous.

Voici une illustration qui me touche.
http://www.gutenberg.org/files/7561/7561-h/7561-h.htm
Le site place la scène au temple. Considérant le fait que la reine est seule et reçoit une visite, ainsi que les barreaux à la fenêtre, la petite table, la chaise, je dirais plutôt qu'il s'agit de la conciergerie :



Je vous la poste parce que j'aime beaucoup l'attitude de Marie Antoinette. Face à la violence de sa vis-à-vis, elle ne recule pas, elle se tient droite. Tout au plus pose-t-elle la main sur le dossier de sa chaise, geste qui peut trahir son inquiétude. Elle est en vêtements de veuve et paraît fort mince.

Vue de la cellule de la reine reconstituée :



Vue de la cour des femmes, que Marie Antoinette entendaient discuter et chanter lorsqu'elles lavaient leur linge :



http://webetab.ac-bordeaux.fr/Etablissement/JMonnet/histgeo/paris/concier1.html

Cette gravure est vraiment impressionnante en effet!

Marie-Antoinette faisant face, digne, et regardant dans les yeux, enfin a priori, c'est vraiment bien rendu....et la voir de dos est encore mieux je pense...car on imagine aussi très bien son visage....elle semble affaiblie par sa maigreur, mais en même temps quand il faut qu'elle soit présente elle est là...superbe vraiment

Voici encore une représentation interpellante :



C'est une oeuvre du peintre et graveur Charles Verlat, 1888. Très, très sombre... Peut-être parce que l'artiste la fit à la fin de sa vie ?

Je ne connaissais pas non plus cette gravure. Mais c'est une des plus fortes que j'ai jamais vues. Quelle dignité, quelle force, quelle majesté. J'aime cette Marie Antoinette là. Vaincue, mais faisant face à la haine. On imagine son regard. On ressent sa peur, sa faiblesse, son courage et encore une fois sa majesté. Comme elle est touchante cette femme, celle qui n'est plus reine, mais qui l'est plus encore qu'autrefois. Comment a-t-on pu aller aussi bas dans l'ignominie?
Je vous remercie de cette gravure extraordinaire

Pierre Belaiche Daninos publie un plan intéressant dans les annexes à son tome 1 (pp 639-640).

Tout en bas, en 13, se trouve la cour des femmes, avec la fontaine. Donnant sur cette cour, en 9, l'auteur place le premier cachot de la reine, du 2 août au 13 septembre 1793.

Donnant aussi sur cette cour se trouve, en 15 et 16, la deuxième cellule de la reine, qu'elle aurait occupée du 13 septembre au 16 octobre 1793.

dans Lenôtre, on parle bien de deux cellules. La première étant celle qu'occupa le Général Custine. La seconde était  l'ancienne apothicairerie. En tous cas effectivement on parle bien de deux cellules, puisqu'on transférera la prisonnière dans la seconde quand la porte sera correctement scellé (on imagine !) et des barreaux posés aux fenêtres si tant est qu'on puisse appeler ça des "fenêtres".

J'ai idée que la première cellule pouvait se situer dans la pièce numéro 10...mais lorsqu'on me l'a indiquée, un escalier y faisait face que je n'arrive à repérer là...j'avoue y être donc un peu perdu...

Bien à vous.

Dans cette biographie, que je trouve pour ma part extrèmement bien documentée, voici ce qu'il est dit en page 491 dans le chapitre de L'OEILLET.

Les six administrateurs de police choisissent

Citation :

celle où est déposée la pharmacie du citoyen Guillaume Lacour

.
Ils vont ordonner de

Citation :

fermer la croisée qui donne sur la cour des femmes, jusqu'au cinquième barreau de travers. Le reste de la fenêtre devra être grillé de fil de fer en mailles très serrées.

L'autre fenêtre qui donne sur l'infirmerie sera aussi condamnée par une tôle.

La troisième fenêtre qui donne sur le corridor

Citation :

sera bouchée entièrement en maçonnerie.

Citation :

Les administrateurs s'aperçoivent que du jour passe sous la porte. Aussi ordonnent-ils qu'un seuil en bois de trois pouces d'épaisseur y soit posé. On installera même une seconde porte.

Les travaux entrepris, que l'on peut voir sur les comptes du maçon Lemoine, du menuisier Leroy et du serrurier Gonvin vont montrer que cela a coûté 983 livres.

Voilà sommairement ce que j'ai pu recueillir dans cette biographie.

J'ignorais qu'autant de travaux pour combler les espaces donnant vers l'extérieur avaient été faits...même après la fuite ratée organisée par la conjuration de l'oeillet...c'est vraiment de l'isolation totale là...

Encore une représentation de sa cellule après arrangements :