Le Comte Gabriel-Honoré de Mirabeau

Source :

Les Face à Face de l'histoire d'Alain Decaux,
Perrin, 1977, 475 p

C'est génial de nous faire partager toutes ces gravures inédites !

Je suis très heureuse de faire partager ces gravures dont beaucoup sont inédites en effet. Quel trésor il y a dans ces vieux livres , c'est incroyable !

En effet j'en découvre beaucoup

Mirabeau a un air vraiment attachant je trouve

Il ne m'est pas particulièrement sympathique, quoique pas antipathique non plus, mais sa mort est une véritable catastrophe. Elle sonne le glas d'une Révolution qui aurait pu réussir. Après c'est la m**** complète.
Je pense que tous les autres révolutionnaires, ainsi que malgré eux Louis XVI et Marie-Antoinette, le voyaient comme un mentor, le chef naturel de la Révolution. La Fayette, Danton, Desmoulins et probablement beaucoup d'autres quand on voit son lit de mort, l'admiraient, venaient lui demander conseil. Tous les bords se sont sentis perdus à sa mort.
Et quand on apprendra qu'il a mouillé avec la Cour, les Conventionnels l'éjecteront du Panthéon dont il a été le premier grand homme. C'est bien dommage, il avait compris que la Révolution allait très mal tourner.

Oui il a été l'un des rares à avoir senti à l'avance les dérives de la révolution et à avoir voulu les freiner

Cette anecdote relatée par Charles Zorgbibe dans son livre sur Mirabeau :

" Gabriel-Honoré est laid, on le lui répète sans cesse. Il finit par réagir : c'est la première prise de conscience du révolté. Sa mère déplore devant lui , par avance , ce que seront les sentiments de sa future femme...Le bambin rétorque : "J'espère que ma femme ne considérera pas seulement mon visage ! ".
La mère , ingénue : " Où veux-tu qu'elle te regarde ?"
Gabriel-Honoré déterminé : " Le dessous aidera le dessus ! "
Et la famille de s'esclaffer ..."

Ah ça, Mirabeau avait le sens de la formule !
Ainsi, le 22 mai 1790, lorsqu'il entra dans la salle de l'Assemblée, les frères Lameth lui avaient préparé un coup fourré : il s'agissait ni plus ni moins de dénoncer "la grande trahison du comte de Mirabeau" accusé d'avoir reçu une grosse somme d'argent pour faire déléguer au Roi le droit de guerre ou de paix . Ce libelle lui fut remis en mains propres . Il y jeta un oeil et s'exaspéra :

J'en ai assez ! On m'emportera de l'Assemblée triomphant ou au tombeau !!!!

Il s'en prit aux Lameth, à Barnave, réglant ses comptes avec sa véhémence coutumière, puis descendit de la tribune, dit Paroy, au bruit des acclamations et des applaudissements redoublés . ( Mémoires de Paroy )

Un sacré bonhomme en effet

C'est un homme qui avait de la poigne et le sens de la répartie. Il avait un très grand sens de l'humour.

Dites plutôt qu'il devait être époustouflant d'aplomb, d'intelligence, de culot ...... Son éloquence fascinait .

Ben oui, il aurait tendance à me fasciner...
Quel esprit scintillant !

Mais ce petit Mirabeau , il n'avait que de bonnes qualités : une grande curiosité d'esprit. A 5 ans, il lit tout ce qui lui tombe sous la main. Cette culture lui permet de tenir tête à son paternel.
Parmi les autres qualités : un don d'éloquence , un don d'observation et un talent d'imitateur en herbe.

Il vivrait à notre époque, il serait imitateur politique.

Ah, quel homme !

Pourquoi un simple imitateur? Il pourrait êre un vrai politique

Oui, pourquoi ?

Il est vrai que c'était un homme brillant. Il commence de plus en plus à me fasciner...

Je poursuis la lecture de mon petit Riqueti...

Ce n'est pas une éducation qu'il a reçu de son père mais plutôt un affrontement perpétuel, affrontement dans lequel le caractère de Mirabeau s'est affirmé, voire construit. IL y a chez ce père grand seigneur tout l'orgueil de sa caste et pour qui la beauté prime avant tout. Alors évidemment la difformité physique dérange, agace , voire irrite. Il faut briser cet être abject qu'est son fils. Mais le petit Mirabeau affronte ce père malintentionné à son égard et au besoin pour l'épuiser, change de stratégie...

Voici ce que le père dit de son fils :

" C'est un caractère incurable, un fol invinciblement maniaque, avec toutes ces qualités viles qu'il doit à sa ressemblance avec sa mère. Je vois en lui le naturel de la bête ; on n'en fera jamais rien".
Source : Zorgbibe

Et bien , cela promet ! Un père dire cela de son fils !
Ah évidemment , pour ce père beauté physique = beauté morale
Ce tout pour les apparences ! Et du qu'on dire t-on ! Et alors , la beauté ne se mange pas en salade ...

Le père a si honte de son fils qu'il lui interdit de porter son nom. Il doit prendre le nom d'une terre de sa mère dans le Limousin. Puis , il veut "casser ", briser son fils alors pour ce faire , il le met en pension à Versailles chez un ancien capitaine de Cavalerie , Sigrais, puis dans un deuxième temps à la pension de l'abbé Choquard. De fait , cette pension a tout d'une école militaire.Là, le petit Riqueti est élevé à la dure, au son du clairon et des grandes manoeuvres au petit matin. Pourtant , cette pension attire les élèves des grandes familles et très vite, Mirabeau se fait des amis , notamment les frères Elliot, l'un futur membre de la Chambre des communes et l'autre, futur diplomate britannique.
Très vite, le petit Riqueti sait tirer profit de cette situation et se retrouve à la tête de sa classe. Il excelle en tout : latin, langues étrangères, mathématiques...
C'est cette intelligence qui pousse le jeune Riqueti à avoir autant confiance en lui.

Oui Mirabeau n'a vraiment pas été aidé par son père, c'est le moins que l'on puisse dire...un père qui l'a envoyé en prison

"Les origines de la famille de Mirabeau remontent de façon certaine jusqu’au XIVe siècle. A cette époque, la famille est établie à la Seyne sur Mer dans les Alpes de Haute Provence.
Mais très vite , la famille progresse dans l’échelle sociale. Ainsi , « au début du XVIe siècle, sous le règne de Louis XII , Honoré Riqueti s’installe à Marseille « . Très vite , il se retrouve « armateur d’une flotille de pêche et fonde une manufacture , qui produira des étoffes d’écarlate. Son fils Jehan développe ces activités, crée une maison de commerce de corail et devient premier consul de Marseille en 1562. C’est lui qui fait rentrer sa famille dans la noblesse par son alliance matrimoniale avec les Glandèves. C’est encore lui qui achètera la seigneurie de Mirabeau. Désormais, les Mirabeau sont bien ancrés dans la noblesse provençale.


« L’enfance de Mirabeau a été fortement marquée par sa grand-mère, une femme d’une grande énergie, d’une indomptable vitalité, exigeante, sévère, austère.
Mais aussi par son oncle, le bailli Jean-Antoine , qui l’a aidé à se structurer en lui apportant l’équilibre et la stabilité qui lui manquaient tant…
De plus, c’est un amoureux de la Marine…
Il est le plus beau des Mirabeau mais de fait, il cache sa beauté dans un cloître. Après la fin de sa carrière de marin, il se retire dans l’ordre de Malte dont il sera général des galères.

Le père de Mirabeau était dévoré d’ambition. Avant d’être quelque chose, il ambitionnait d’être quelqu’un. Pour cela, il faut mettre en valeur son nom, sa terre, sa fortune.La terre de Mirabeau lui procure un revenu lui permettant de tenir son rang.

Mais il cerne mal ses objectifs, est vite brouillon et saute sans cesse d’un point à l’autre. Ses différents investissements immobiliers sont des échecs. Il faut se rendre à l’évidence. Il n’a pas la bosse des affaires comme son aïeul. Ses comptes étaient toujours en déficit. Homme à projets , il se tournait vers une nouvelle entreprise pour corriger l’échec précédent.
Il en fut de sa vie privée comme de ses affaires. Le marquis s’était marié comme il avait spéculé : dans la précipitation. Très vite, le couple battit de l’aile. Et Mirabeau père alla voir ailleurs. Très vite, il rencontra la véritable femme de sa vie, Marie de Malvieux descendante de protestants français émigrés dans le pays de Vaud, devenue Marie de Pailly de par son mariage. C’était une véritable passion amoureuse. Elle restera jusqu’au bout, à ses côtés.
La marquise aussi a une liaison mais bientôt , c’est la séparation et la marquise se bat en justice pour sauvegarder ses droits .

Bref, c’est un homme difficile à vivre ! Après avoir tâté du métier militaire comme il se doit dans la famille, il se voit dans la peau d’un homme de lettres. De fait, il publie son premier ouvrage en 1750, ouvrage intitulé Sur l’utilité des Etats Provinciaux . Cet essai fut remarqué et l’impératrice Marie-Thérèse s’informa du nom de cet auteur. Comme Montesquieu avait effleuré le sujet, on le lui attribua.


En 1756, il publie un second ouvrage intitulé l’Ami des Hommes. C’est un traité de la population. De fait, il s’inspire de l’œuvre de Montesquieu. De fil en aiguille, il finit par tisser un tableau d’ensemble de la société française. Ce livre connut un gros succès surtout par son titre. Grâce à ce livre, il put rencontrer le docteur Quesnay, le chef de file des physiocrates.

En 1760, il publie un autre ouvrage intitulé Théorie de l’impôt. Ce livre déclencha la colère des fermiers de l’impôt et de leurs amis financiers. Le marquis fut, sur lettre de cachet, enfermé à Vincennes ...mais n’y resta qu’une semaine, grâce à l’intervention de Quesnay et de Mme de Pompadour.

Ses succès littéraires préparèrent son influence politique. Il était devenu l’égérie, voire le conseillé privé des princes européens. Avec Turgot, les idées du marquis accédaient au pouvoir. Mais son départ fut l’échec de la physiocratie. "

Source : le livre de Charles Zorgbibe