Mme Tallien et la famille de Chimay

Eh bien , quelle croqueuse d'hommes !

Ah bon elle a été la maîtresse de Mirabeau? Je l'avais oublié

Madame de Chimay a écrit:

Eh bien , quelle croqueuse d'hommes !

Comme vous dites ! Du reste, entre ses trois maris et ses multiples amants aura t-elle onze enfants !!! Si je n'avais pas peur d'être bien triviale, je dirais une croqueuse et une pondeuse !!!

Je vous suis avec grand intérêt, car Mme Tallien m'intéresse. Quel personnage !
Vous le lirez certainement, c'est elle qui fera délivrer, parmi tant d'autres, Joséphine de Beauharnais.
Pourtant, Napoléon éloignera sa femme de cette amie, jugée bien trop sulfureuse...
Mais enfin bon, celui-là, dès lors qu'une femme usait trop de son cerveau ou de son sexe !  

Je vais reprendre le récit, mais ce matin je suis un peu au radar (ayant dansé toute la nuit ! ) et j'ai beaucoup de monde à midi ......
Je prends un peu mes distances avec Paul Reboux qui dénie à Mme Tallien sa dimension humaine, charitable, courageuse, pour ne retenir que son côté olé olé ( plus sain, à tout prendre, que la vertu rigoureuse , mais ça, c'est mon avis personnel ... ).

Bon appétit alors

On est loin de passer à table ! Chez nous, c'est l'heure espagnole ! Tu vois, je ne peux pas m'empêcher de tournicoter quand même dans le Boudoir pour voir quels sujets défilent !

Jean-Lambert Tallien est envoyé à Bordeaux, le 23 septembre 1793 ...
Son pedigree fait dresser le poil ! Voici l'homme qui, le 10 août a réclamé la destitution du Roi; il siège à la Commune insurrectionnelle; en septembre il encourage les massacres et va jusqu'à écrire à Maillard:
Il faut éviter les cris des mourants et les clameurs qui dépriment les vivants. Frapper à la tête est le mieux. Il sied d'être prompt comme la foudre. Il faut faire emplette de vinaigre pour laver les endroits où l'on tuera. Il faut se précautionner de balais de houx pour bien racler le sang, de chaux vive, de voitures couvertes pour transporter les cadavres.
Comme si Paris était un trop étroit théâtre pour tant d'atrocités, le 3 septembre, par circulaire, il enjoint les provinces à suivre l'exemple de la capitale.
Il réclame la mise en accusation du Roi et sa séparation d'avec sa famille.

Voici donc ce tigre assoiffé de sang en Gironde, bien décidé à organiser des bataillons de Sans-Culottes, à réduire la résistance royaliste, détruire tout ce qui peut rappeler l'ancien régime et la noblesse. Il dit à Brune, le commandant de ses troupes, que la Convention a décrété la destruction totale de Bordeaux . Il veut s'y employer, faire incendier la ville. Brune le ramène à la raison ....
Le 16 octobre, le jour même de l'exécution de Marie-Antoinette, Tallien fait une entrée triomphale dans Bordeaux.
Il fait planter un arbre de la Liberté, clame qu'il faut l'arroser du sang des coupables . Pour ce faire, l'infatigable guillotine est dressée Place Nationale, juste sous ses fenêtres .

Ce sinistre individu, Teresa le connait personnellement. Elle l'a rencontré chez Alexandre de Lameth dont il était le secrétaire. Il lui avait fait nettement comprendre qu'elle ne lui déplaisait nullement . Il est un homme à femmes, portant beau, avide d'argent et de jouissance.
Il ignore encore que cette femme qu'il a convoitée jadis est dans la ville dont le voici le maître absolu.

Un portrait peu flatteur en effet Incroyable de voir quelqu'un réfléchir ainsi à la manière de tuer et de nettoyer après

J'ai déplacé les messages sur la guillotine dans ce nouveau sujet :  
https://maria-antonia.forumactif.com/t2042-la-guillotine-ou-l-imaginaire-de-la-terreur

Chou d'amour a écrit:

Un portrait peu flatteur en effet Incroyable de voir quelqu'un réfléchir ainsi à la manière de tuer et de nettoyer après

Cela me rappelle La mort est mon métier , de Robert Merle .

Depuis le scandale Lamothe qui l'a éclaboussée après le fameux duel, Teresa a mis un ( léger ) frein à ses débordements . Par ailleurs, les nouvelles alarmantes de l'extérieur l'encouragent à vivre en recluse dans son appartement de l'hôtel Franklin.
Tallien a lâché la bonde à la Terreur. En son nom se commettent les pires atrocités. Tous les jours sont envoyés au rasoir national des fournées d'accusés. De quoi ? bien malin qui saurait dire ... c'est tout juste si l'on s'inquiète de leur identité . Le sang coule à gogo, preuve en haut lieu du zèle républicain de Tallien .... Robespierre a fait un bon choix !

La citoyenne Fontenay, comme Teresa se fait appeler zappant la dangereuse particule, en est tétanisée d'horreur. Elle est d'autant plus inquiète que, lors d'une perquisition chez son frère Théodore, les Sans-Culottes ont trouvé une argenterie armoriée ! La suspicion, la délation, sont partout.
Teresa apprend que son amie fidèle (la seule qui lui soit restée après le scandale Lamothe ), Mme de Boyer-Fonfrède, est mise en accusation et ses biens sous séquestre. Elle ne fait ni une ni deux, prend sa plus belle plume pour rédiger une pétition réclamant justice pour Mme de Boyer-Fonfrède. Cette missive, elle l'adresse à Tallien soi-même, anxieuse de savoir s'il se souvient d'elle, s'il aura le désir d'accéder à sa demande ?

Elle coiffe un chapeau et se rend à la prison où elle présente au Cerbère de service ses certificats de civisme, de résidence, de non-émigration . L'homme ricane : et le certificat de sûreté ? Il se saisit d'elle et l'enferme.

la suite, la suite

il en faut du cran pour accepter d'entrer dans le jeu de la séduction avec un si horrible bonhomme....Quant à coucher avec, ce n'est plus du courage mais de l'héroïsme !

Ah tu es douée pour le suspens!  

Se faire enfermer aussi facilement...le pire c'est que ça ne me surprend même pas  :s:

Le suspens ne sera pas long, Chou ! J'arrive ! ..... mais je dois aussi vaquer à mes obligations dans le XXI ème siècle !

Mais tu as bien raison!

Madame Tallien était une femme d'un grand courage . Elle avait du cran !
Quelle femme !

Nous avons laissé Teresa aux mains de son geôlier, nous la retrouvons au fond d'une cellule immonde du fort de Hâ, abasourdie, envisageant toute l'étendue de sa détresse et le péril qui la guette. Ses cheveux ont été coupés courts. C'est de sinistre augure. Les rats et la vermine grouillent entre ces murs suitant la crasse... On est en décembre 93, c'est dire s'il fait froid !
Tallien, lui, vautré dans le luxe, s'adonne à écouter les rapports d'une oreille distraite. Peu lui chaut le sort de tous ces condamnés voués à la mort .....
Quand soudain, il entend prononcer " Teresa Fontenay " ! Le souvenir de cette beauté brune qui faisait les délices d'Alexandre de Lameth vient le percuter de plein fouet. L' a t-il désirée, il y a quatre ans de cela !!!!! Il demande où est cette citoyenne? A quoi bon, lui est-il répondu, elle sera guillotinée le lendemain !
Tallien se rend lui-même au fort de Hâ pour la faire libérer.
Bien sûr, ce ne sera pas sans contrepartie . Quand il paraît, Teresa évalue l'étendue du sacrifice qu'elle doit consentir. En connaisseuse, elle admire sa taille athlétique, sa superbe ... Alea jacta est ! ... Y'a plus qu'à ....
A vingt ans tout juste, elle devient sans beaucoup rechigner la maîtresse en titre du premier personnage de Bordeaux, avec toute l'étendue d'influence que cela implique, car Tallien est ferré bel et bien . Il a cette femme dans la peau et fera ses quatre volontés.

Tu veux dire que Tallien a fait délivrer Teresa à condition qu'elle devienne sa maîtresse?
Ah c'est...un peu immonde quand même :s:

Chou d'amour a écrit:

Tu veux dire que Tallien a fait délivrer Teresa à condition qu'elle devienne sa maîtresse?
:s:

..... Non, tu crois ?

Cela montre que le véritable pouvoir , ce sont les femmes qui l'exercent. Certains hommes deviennent des petits toutous entre les mains de femmes habiles en dressage. Et Madame Tallien en connaissait un rayon sur les hommes !

Tel Hercule aux pieds d'Omphale, voici Tallien aux genoux de Teresa, éperdu d'amour. Il vient manger dans sa main . Je ne dirais pas que le belle fait de la bête un prince charmant, que non point, ni qu'elle change le loup en agneau .... N'allons pas jusque là, mais tenez, puisque nous en sommes aux comparaisons fumeuses, eh bien, comme Carla est la Carlita de Naboléon, Teresa devient la Tellita de Tallien ! ( authentique !!!!!! )

Plus elle étend son empire sur cet homme, plus elle gagne en influence anti-révolutionnaire, pressant Tallien de mettre un frein aux arrestations, faisant disparaître des actes d'accusation, des listes entières de suspects. Elle se dévoue sans ménager sa peine à tous les plus faibles, se faisant bienfaitrice des pauvres, garde-malade, institutrice bénévole, assurant sa protection à qui vient la demander, ne rebutant personne. Elle est partout, sur tous les fronts de la misère humaine .......

Le 30 décembre 1793, Bordeaux fête la reprise de Toulon aux Anglais. Tallien parade en grand uniforme de la République, au sommet d'un Temple de la Raison au fronton duquel on a gravé : " Montagne sainte, l'Univers attend de toi la Liberté ! " A ses côté resplendit Teresa que le bon peuple de Bordeaux idolâtre et qu'il a baptisée Notre-Dame de Bon Secours. Elle prononce un discours sur l'éducation, le patriotisme et la vertu, qu'elle a rédigé elle-même . Le public l'ovationne à pleins poumons !

Madame de Chimay a écrit:

Cela montre que le véritable pouvoir , ce sont les femmes qui l'exercent. Certains hommes deviennent des petits toutous entre les mains de femmes habiles en dressage. !

.... et ce, à toutes les époques !

Quand Tallien a supplié sa Tellita de s'installer chez lui, elle y a mis une condition : que la guillotine qui trône sous ses fenêtres disparaisse d'abord . D'ailleurs, elle commence à ne plus faire que de la figuration, cette machine ! Alors qu'elle travaillait avec ardeur à l'autome 93, tuant les gens par centaines, elle n'a plus personne ou presque à se mettre sous le couperet . Il n'y a que 10 exécutions à Bordeaux en Février, 8 en Mars, une misère !!!! Si cela continue, bientôt on ne tuera plus personne !

C'est qu'en Janvier 1794, Teresa a inauguré un Bureau des Grâces . Elle fait très cher payer ses bons services aux bourgeois ou gros négociants qui ainsi lui permettent d'acheter le silence de l'entourage de Tallien et de financer l'évasion par mer de centaines de suspects. Pas folle la guêpe, Teresa se sert un peu au passage, juste rétribution si l'on veut .... Chaque nuit, un navire transporte loin de France des victimes de la Terreur.

Cette Mme de Fontenay, à qui les Bordelais devraient élever une statue de la Reconnaissance, reproduisant ses traits, a rendu de nombreux services en tous genres et a éprouvé des marques d'ingratitude qui font rougir pour l'espèce humaine !
Quant à moi, je ne peux en parler que pour exprimer ma reconnaissance, car j'ai été témoin de son tourment de ne pouvoir rendre autant de services qu'elle l'eût désiré .

( Mémoires du comte Guy le Gentil de Paroy )

N'est-ce pas dans cette prison que fut détenu aussi Napoléon III ?