Saint-Just

En des temps moins sanglants, un homme pareil eût été enfermé. Mais non ! La révolution l'a érigé en héros !

Et je doute que ce genre de citation soit présente dans les livres d'histoire actuels :s:

pimprenelle a écrit:

En des temps moins sanglants, un homme pareil eût été enfermé. Mais non ! La révolution l'a érigé en héros !

C'est comme à la guerre : celui qui tue le plus est décoré par la patrie reconnaissante !

Le problème qui était aussi rencontré, c'est que personne n'osait se montrer contre, de peur d'y passer...un superbe cercle vicieux donc, où les plus violents discours étaient quasiment certains de ne pas être sifflé... :s:

Les Saint-Just et les Robespierre ont très vite compris ces choses là : pour mieux être suivi et écouté il ne fallait pas hésiter à y aller franchement, d'une part parce que les paroles extrêmes sont forcément plus écoutées, mais aussi parce que personne n'aurait osé les contredire :s:
Donc, pour être mieux écouté que d'autres pourtant déjà très violents, il fallait l'être encore plus..etc....

Voici quelques extraits du livre de Jean-Jacques Lafaye sur l'attitude de Saint-Just au 9 Thermidor, peu avant et sur l'échafaud :

"Vers une heure de l'après-midi du 9 thermidor, Saint-Just arrive à la Convention où se trouvent réunis députés et membres du Comité, accourus pour l'empêcher de prendre la parole. Tandis que les manœuvres de diversions se multiplient, que la chute approche, il se tait obstinément, debout, près de la tribune quatre heures durant, tour à tour rougissant et pâlissant, comme la veille au soir pendant les discussions avec le Comité.
[...]
La Convention décrète d'arrestation les deux frères Robespierre, Saint-Just, Lebas et Couthon l'infime, membre du Triumvirat de la Terreur. Dans un geste de somnambule, Saint-Just dépose son discours jamais lu sur le pupitre. Il est blême et raide, les dés ont roulés."

"Autour de l'Hôtel de Ville, les forces d'une minorité des sections parisiennes répondent à l'appel...Puis à deux heures du matin, c'est l'affrontement. Les forces des sections fidèles à la Convention investissent l'Hôtel de Ville. Robespierre est blessé au visage, Couthon aussi. Augustin Robespierre tente de s'enfuir par les toits et, découvrant la déroute de ses partisans, se jette en bas : affreusement blessé, il survit. Lebas se suicide. Saint-Just, près de lui, reste impassible. Un instant pendant les heures qui ont précédé, il a fait mine de croire que la Commune les tirerait du piège. Maintenant, devant le sort de ses amis, il comprend que tout est fini, s'absente par l'esprit et se livre sans sourciller. Hébété de fatigue, il vit un cauchemar devenu réalité. Alors qu'il quitte les lieux sous escorte, son regard se pose sur le texte affiché là de sa Constitution de l'An II, restée inappliquée...et dit, comme pour lui-même : "C'est moi qui ai fait cela..." - réflexe de l'homme qui a cultivé sa légende jusqu'au moment ultime : spectateur de lui-même le temps d'une vie."

Il est à noter que Lafaye est l'un des rares à dire que Robespierre s'est fracassé la mâchoire suite à une blessure et non suite à une tentative de suicide

Et enfin, Saint-Just sur l'échafaud :

"A quatre heures, trois charrettes traversent la Seine et se dirigent vers la place de la Révolution [...], où une foule attend avec impatience une nouvelle scène du spectacle de l'Histoire. Les blessés gisent et gémissent, Saint-Just reste debout, incrédule et altier, gagné par l'immobilité parfaite du héros de marbre qu'il voulut être. Toute agitation l'a quitté. il est trop tard. Et en gravissant les marches de l'échafaud, car le silence s'est fait soudainement à l'apparition de sa beauté blanche et défaite, fragile et immatérielle, Saint-Just enfin ne pense plus qu'à lui."

Le livre de Jean-Jacques Lafaye se termine donc ainsi, sur l'exécution de Saint-Just, complètement calme et serein, car manifestement ailleurs et déconnecté de ce qu'il se passait

Chou d'amour a écrit:

Le problème qui était aussi rencontré, c'est que personne n'osait se montrer contre, de peur d'y passer...un superbe cercle vicieux donc, où les plus violents discours étaient quasiment certains de ne pas être sifflé... :s:

Les Saint-Just et les Robespierre ont très vite compris ces choses là : pour mieux être suivi et écouté il ne fallait pas hésiter à y aller franchement, d'une part parce que les paroles extrêmes sont forcément plus écoutées, mais aussi parce que personne n'aurait osé les contredire :s:
Donc, pour être mieux écouté que d'autres pourtant déjà très violents, il fallait l'être encore plus..etc....

" Il faut guillotiner ou s'attendre à l'être." ( Barère )

Oui c'est exactement ça

Quand Saint-Just a écrit l'acte d'accusation de Danton, il a expliqué ouvertement condamner chez lui son audace, une audace qui selon lui était signe de conspiration contre la République et qui faisait donc office de preuve...

Danton ( valet d'Orléans, comme Desmoulins ) prenait trop de place. Il fallait l'éliminer.

Oui, Robespierre était de plus en plus gêné par Danton, qui commençait à ne plus être d'accord avec lui...l'erreur...

Voici un article assez complet sur Saint-Just, mais assez orienté je préviens :

http://www.humanite.fr/2009-08-05_Tribune-libre_Louis-Antoine-Saint-Just-la-conscience-de-la-Revolution

Le premier passage est intéressant :

"Par son désir d’un ordre social juste, par son talent d’orateur, par l’acuité de sa pensée, Louis-Antoine Saint-Just mérite bien mieux que cette image d’Épinal de nostalgiques de la monarchie qui ont brossé de lui le portrait d’un « archange de la mort »."

Comme quoi on en revient même là au même débat : si le désir ou la motivation est juste, alors tout est excusable....
Mais alors pourquoi ne pas pardonner de la même manière à Marie-Antoinette sa trahison?

Quelle trahison ?

Il est dur de la comprenure notre Chou, hein !

Admettons

J'ai commencé à lire la biographie de Saint-Just par Bernard Vinot, et en début de livre il y a cette jolie citation de Malraux :

"La légende ne naît pas de la beauté de Saint-Just, mais la beauté naît de la légende. Pour que sa tête devienne celle de l'archange de la guillotine, il faut que le bourreau la ramasse."

Cette idée là rejoint un peu celle de l'œuf et de la poule

Vous nous direz ce que vous en pensez! J'ai beaucoup aimé l'évolution de la lecture de "Robespierre" que vous avez faite dans le sujet lui étant consacrée! En ce qui me concerne j'ai toujours vu Saint-Just comme l'incarnation d'une idéologie, froid et insensible. C'est le pire je crois dans cet échiquier de la Révolution: ceux qui sont partis du rôle de "pions" ont avancé inexorablement sans regarder à côté, aveuglés par leur convictions, tandis que les "méchants", Roi, Reine et autres déshumanisés par une terrible campagne diffamatoire sont les seuls qui nous semblent dotés de sentiments humains...

Citation :

Vous nous direz ce que vous en pensez! J'ai beaucoup aimé l'évolution de la lecture de "Robespierre" que vous avez faite dans le sujet lui étant consacrée!

Merci c'est gentil
Oui bien sûr je noterai ici tout ce qui suscite mon intérêt

Citation :

En ce qui me concerne j'ai toujours vu Saint-Just comme l'incarnation d'une idéologie, froid et insensible. C'est le pire je crois dans cet échiquier de la Révolution: ceux qui sont partis du rôle de "pions" ont avancé inexorablement sans regarder à côté, aveuglés par leur convictions, tandis que les "méchants", Roi, Reine et autres déshumanisés par une terrible campagne diffamatoire sont les seuls qui nous semblent dotés de sentiments humains...

Saint-Just donne effectivement de lui une image froide et insensible, et pourtant, pour avoir déjà lu une biographie de lui avant celle-ci, je pense qu'il est bien plus facile de l'humaniser lui plutôt que Robespierre. Saint-Just a eu une enfance plus banale, il a fait des conneries propres à son âge, il était colérique, il a eu une grande peine de coeur, et donc tout cela fait qu'il m'apparaît finalement bien plus "humain" que son idole Robespierre, qui lui ne montrait aucune caractéristique particulière autre que l'implication politique
Maintenant oui vous avez raison, Saint-Just a fait parti de ceux qui ont suivi la Révolution, qui n'ont pas su s'en sortir et qui ont choisi de tout sacrifier pour ne pas perdre leur utopie révolutionnaire. C'est en cela qu'il est très étonnant et qu'il peut paraître froid, car malgré sa grande jeunesse il s'est voué corps et âme dans ce combat politique, d'égal à égal avec d'autres hommes politiques bien plus âgés que lui

l'article consacré à St Just dans le Livre noir de la révolution française" par F. Rouvillard, prof de Droit public , est aussi intéressant en ce qu'il développe cette marche de Saint Just vers une république intégrale et vers l'homme parfait dans la plus parfaite utopie totalitaire...

Ce livre vaut bien mieux que ne le laisse supposer son titre.

Merci de le mentionner... Je me méfie un peu de ce genre de bouquins au titre raccoleur, les "livres noirs" prennent quelquefois tout le noir de leur sujet sans rappeler qu'il y a aussi du "blanc" ou en faisant des hors-contextes qui les arrangent (sans qu'ils portent ce titre, il y a des "livres noirs de Marie-Antoinette...)

cecile a écrit:

l'article consacré à St Just dans le Livre noir de la révolution française" par F. Rouvillard, prof de Droit public , est aussi intéressant en ce qu'il développe cette marche de Saint Just vers une république intégrale et vers l'homme parfait dans la plus parfaite utopie totalitaire...

Je n'ai pas acheté ce livre encore mais il faudra bien que je le lise
Je m'en méfie aussi pour ma part...

A mes yeux, SAINT-JUST reste le modèle du révolutionnaire le plus dangereux : un refoulé, glacé et pointilleux, replié sur lui-même et qui a saisi l'opportunité de déverser toutes ses rancœurs et ses frustrations accumulées, ses rêves et utopies.
Pour moi, c'est un serpent, insidieux, discret... Je me méfie toujours de ces calculateurs idéologues froids et silencieux qui restent dans l'ombre... Avec sa dialectique glacée d'éphèbe frustré, il a fait beaucoup de mal. La Révolution a été faite par nombre de ratés, pour qui elle a été une planche de salut. SAINT-JUST en est le prototype.

Oui, Calonne, c'est hélas vrai : la révolution est le fait de frustrés...

Raté.... Il était bien jeune pour être un "raté". Danton et Desmoulins, des frustrés? En quelque sorte, c'est la revendication de la Révolution, que les frustrés de la liberté puissent s'exprimer