La duchesse de Polignac

Citation :

Voyons à quoi ressemblait une soirée chez madame de Polignac.  

Vers le soir, en allant chez Madame de Polignac, je ne m'attendais pas à l'honneur qui m'était réservé : celui d'accompagner sur le forte-piano la Reine, qui a voulu chanter. Elle a même pris assez de goût pour envoyer chercher chez elle les opéras de Didon, de Chimène et d'Armide. Elle en a chanté plusieurs airs et des récitatifs. J'indiquai bien doucement les intonations. Je prenais sur moi les tons faux, je faisais hommage des tons justes, et Mme de Gramont, mère du duc de Guiche, déjà très desséchée, perdrait son dernier souffle à applaudir si souvent elle assistait à semblable concert. Sa belle-fille, la jolie duchesse de Guiche, soutenait avec moins de flatterie et plus de charme des duos où sa flexible voix ranimait mon talent. De la musique on a passé à la danse, et la Reine, au son du forte-piano, a valsé avec le chevalier de Roll. J'aurais voulu quelques spectateurs de moins, et la duchesse de Polignac était de mon avis.


Nous sommes en janvier 1789.

J'avais déjà posté cet extrait de Bombelles ( comme beaucoup d'autres ) dans une conversation sur la voix de Marie-Antoinette . ( Où ? )

Ce qui avait fait ouvrir à Pim un sujet sur le Journal de Bombelles ( cliquer sur la fonction rechercher ), par ce message:

Citation :

Citation :

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Mme de Grammont, mère du duc de Guiche, déjà trés desséchée

J'aime beaucoup les images de Bombelles    

Moi aussi, j'adore !  

J'ai continué allègrement à poster du Bombelles ( notamment sur les Polignac surtout, ou bien par exemple les coups de grisou de Mme de Mackau aux prises avec la petite Marie-Thérèse, etc... etc... ), mais tout cela éparpillé dans les sujets qui appelaient une réflexion ou une autre de Bombelles .

Je tenais à le rappeler ayant lu, il y a deux jours, que l'on lit enfin du Bombelles dans le Boudoir .

Mais absolument !!!    
Eh bien   , puisque nous sommes dans le sujet de Mme de Polignac, pour laquelle notre cher Bombelles vibre d'une affection débordante, je ne résiste pas au plaisir de vous poster ce cri du coeur du marquis pour la duchesse :

( Le contexte, été 89 : Bombelles, étonné et affligé de n'avoir aucunes nouvelles de Mme de Polignac, après lui avoir écrit pas moins de quatre lettres pour l'exhorter à venir s'installer à Venise, est enfin rassuré . )

Ce monsieur se sera mal acquitté de ma commission, et n'aura que faiblement exprimé le désir que j'avais d'attirer ici cette charmante femme; de sorte qu'elle n'a été instruite de mes voeux bien sincères qu'après que ce gouverneur lui eut loué un hôtel à Rome . Aussitôt qu'une de mes lettres lui a été remise par la princesse Santa Croce, elle m'a répondu les choses les plus aimables et me marque que son intention avait été de se rendre à Venise mais que, ne recevant pas de mes nouvelles et craignant que je me fusse embarrassé du choix de sa résidence dans le même lieu que la mienne, s'était déterminée, quoique à regret, de se fixer à Rome .  J'aurais presque pleuré en recevant cette lettre; rien ne m'eût fait plus de plaisir que de rendre ici, comme je l'ai déjà dit, les plus tendres attentions à une personne qui a si décidément contribué à ma fortune et dont je n'ai jamais reçu que des témoignages d'estime et d'amitié . Elle me mande que M. le comte d'Artois lui a promis de rester à Turin et de ne point l'aller voir à Rome, sentant que le seul lieu qu'il doive habiter d'une manière permanente est celui où sont sont beau-père et sa femme ainsi que ses enfants . Elle me dit aussi que bien des gens commencent à ouvrir les yeux, entre autres M. de Lally-Tollendal qui, de partisan zélé des tristes nouveautés et ayant reconnu ses erreurs, vient de publier, de la Suisse où il s'est retiré, un ouvrage intitulé " Reveillez-vous, Français ! ", ouvrage écrit à merveille et dans les principes dont on n'aurait jamais dû s'écarter .


J'aurais presque pleuré en recevant cette lettre  ........ Il est trop mignon, ce petit Bombelles, n'est-il pas ?  

On l'embrasserait !

On le serrerait sur son coeur ! ...


( )

Merci pour ce très bel extrait !  

Encore une fois, pourquoi les historiens tiennent-ils si peu compte de ce témoin ?   Ca leur éviterait d'écrire des conneries sur Madame de Polignac !  

pimprenelle a écrit:

Merci pour ce très bel extrait !  

Encore une fois, pourquoi les historiens tiennent-ils si peu compte de ce témoin ?   Ca leur éviterait d'écrire des conneries sur Madame de Polignac !  

Ecrire ou filmer...

Indeed...

A lire les contemporains, à comprendre la place totalement inédite où elle s'est retrouvée (favorite des deux membres du couple royal, sans coucheries), à découvrir dans Bombelles que le pauvre Vergennes lui-même ne reçoit pas la duchesse mais est convoqué chez elle afin d'évoquer la situation politique (!!! ), il n'est pas exagéré de penser que madame de Polignac devait être une des femmes les plus extraordinaires de son temps.

Pourtant, on la peint comme une petite oie indolente...

Elle avait une indolence naturelle sympathique, en regard de son incroyable élévation qui eût pu lui faire demander et obtenir la lune, sur un battement de cils !

pimprenelle a écrit:

Pourtant, on la peint comme une petite oie indolente...

Par qui ? Mercy ?
Lui et son comparse Vermond sont entièrement rhabillés pour l'hiver par Bombelles.
D'ailleurs il ne supporte pas l’alliance.

Ce qui ne l'empêchera d'avoir un fils qui épousera Marie-Louise et un autre qui deviendra gouverneur des archiducs François-Joseph et Maximilien (peut-être pas à leur avantage... ). Les Bombelles seront donc au final très appréciés de la cour de Vienne.

Citation :

Elle avait une indolence naturelle sympathique, en regard de son incroyable élévation qui eût pu lui faire demander et obtenir la lune, sur un battement de cils !  

Oui je pense une indolence charmante qui rajoute à ses qualités : elle était tout sauf ambitieuse.
Recevoir la charge la plus important accordée à une dame du royaume ne lui a pas du tout fait plaisir. Elle le prend seulement comme le plus important témoignage d'amitié qui fut alors possible.

Madame Elisabeth écrit à la duchesse de Polignac en exil :

Dieu est notre consolation dans nos peines, Madame,  et je lui ai demandé ses grâces et ses bénédictions pour votre voyage . Il m'a épargné la douleur d'apprendre que vous ne soyez pas arrivée sans accidents .  Rendons-lui grâce avec une profonde reconnaissance de cette bonté infinie . Jusque là, je ne saurais vous rendre toutes mes angoisses et mes souffrances . La reine a vu la personne; je l'ai vue aussi et combien nous avons été heureuses de parler de vous, de votre mari si bon, de vos enfants si aimables ! M. le Dauphin nous a fait pleurer, et il a pleuré avec nous . Vous savez si ma nièce vous aime et je n'ai pas besoin de vous dire tout ce que votre nom lui a fait dire de charmant. Le roi voulait vous écrire un mot . Il est trop occupé aujourd'hui, mais la reine ne veut pas perdre l'occasion .
Adieu, Madame, je prie constamment pour vous et les vôtres, et je vous embrasse du fond du coeur .

( Dufresne de Beaucourt : Etude sur Madame Elisabeth )

Je n'aurais pas cru Madame Elisabeth si attachée à Madame de Polignac.
Je découvre cette citation avec plaisir !  à moins que je ne la redécouvre...si elle se situe dans un ouvrage que nous connaissons bien ici...

Bien à vous.

Non, elle n'y est pas !
Je la découvre comme toi.

Comme c'est touchant ! 
C'est vrai qu'on oublie que le pauvre Louis-Charles l'avait connue toute sa vie ! Pauvre enfant à qui on arrache une femme qui l'a élevé. Ce ne sera hélas pas la dernière...

Voilà qui est passionnant ! Merci de tout coeur ! 

A-t-on la date de cette lettre ?

Non, malheureusement . 
Et je me demande aussi qui est la personne en question ?

Ah ? Dommage... Est-on certain de l'authenticité de cette lettre ? Il me semble que de fausses ont aussi été forgées sous le nom de Madame Elisabeth.

Oui, qui est cette mystérieuse personne, que la reine et sa belle-soeur ont vue ? 

Comme il apparaît que Marie-Àtoinette et madame Elisabeth voulaient garder l'identité cachée de cette personne, nous ne risquons pas d'en savoir plus...

Pour la date, cela me paraît assez tôt, puisque c'est suite au voyage de madame de Polignac, donc je suppose son départ. Et la séparation semble toute fraîche. 
La famille royale est certainement encore à Versailles.

Pim a écrit :

Ah ? Dommage... Est-on certain de l'authenticité de cette lettre ? Il me semble que de fausses ont aussi été forgées sous le nom de Madame Elisabeth.
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Je réponds ( Ah la la, ce que ces citations impossibles me font braire !!! ) :

Ce pourrait effectivement encore être ce farceur de Conches qui rajoute un feuillet ?  ..... 

Je ne crois pas, parce qu'aucune correspondance entre Madame Elisabeth et Madame de Polignac n'est répertoriée dans son ouvrage, du moins jusqu'en juin 1791, date à laquelle je me suis arrêtée. Mais je vais continuer. 

Cette citation flaire l'authentique (encore que Conches, familiarisé avec le style de ces dames, était fort à mêler le vrai et le faux). Et cette personne bien mystérieuse m'intrigue... Marie Antoinette parle d'une rencontre de ce type à Madame de Polignac, dans une lettre dont la date varie suivant les livres (décembre 1789 ou 90). Madame Lever y voit évidemment Fersen. Mais s'il s'agit de la personne mentionnée ici, ça fait tout de suite moins romantique, avec Elisabeth en potiche. 

Ou alors, la reine voyait un tas de gens en secret, ce qui paraît tout à fait plausible, vu le contexte. 

Bref, j'me d'mand' bien qui c'est... 

Elisabeth écrit :  La reine a vu la personne; je l'ai vue aussi et combien nous avons été heureuses de parler de vous.

Il s'agit d'une femme, sinon elle écrirait : La reine a vu la personne; je l'ai vue aussi et combien nous avons été heureux de parler de vous .
Exit Fersen .

C'est en septembre 1789 ( la famille royale habite donc toujours à Versailles ), car Albert Savines poursuit :


Le comte d'Artois avait reçu également ses consolations . Le comte de Vaudreuil, parfaitement accueilli par la princesse de Piémont ( le Gros Madame ) à son passage à Turin , écrivait bientôt après au prince : ....

( suit une belle lettre de Vaudreuil à Artois, datée du 17 septembre 1789 qui, elle, figure mais pas en entier où nous disions, et que je vais poster in petto, mais dans le sujet de Madame Elisabeth qui tourne toujours au portail depuis notre sortie de Montreuil .    J'y saute !  )