Le docteur Saiffert

"Le 16e jour du second mois de l'an second de la république française , une et indivisible ", le comité de sûreté générale décrétait que "le docteur Saiffert , saxon, médecin de Philippe d'Orléans et auparavant de la cy-devant princesse de Lamballe ", serait "saisi...et conduit dans une maison d'arrêt , pour mesure de sûreté publique pour y rester jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné ".Ordre était donné aux autorités civiles et militaires , de se transporter au Palais Royal , N°156 , où habitait celui que les autorités étaient requises d'icarcérer sans délai.

Saiffert avait été dénoncé au Comité par un italen du nom de Pio , ancien secrétaire de l'ambassadeur de Naples à Paris et qui avait saisi l'occasion de manifester un zèle révolutionnaire d'autant plus ardent qu'il était de fraîche date. Pio avait présenté Saiffert comme " un homme très suspect , parce que toujours lié avec les ennemis de la révolution". Il avait signalé les conciliabules qui se tenaient au domicile du docteur, lequel logeait alors chez le " fameux Sainte-Foix " , conciliabules auxquels assistaient le plus généralement le ministre de Russie, avec Talon, Semonville et quelques autres. "

Source : La princesse de Lamballe intime d'après les confidences de son médecin du docteur Cabanès
Albin Michel, 512 p

" Dès qu'une arrestation était décidée , le Comité de surveillance de la section où habitait le détenu avant sa détention devait remplir , dans le délai maximum d'une semaine, une sorte de questionnaire , sous forme de tableau, qu'il renvoyait , une fois l'opération faite, au Comité de sûreté générale de la Convention. Ce tableau indiquait le nom du détenu, son âge ; si le prévenu était veuf, garçon ou marié ; le nombre de ses enfants et leur âge ; où se trouvaient ceux-ci.
Dans d'autres colonnes étaient notés le lieu de la détention , depuis quelle époque et par quel ordre elle avait été accomplie, le motif qui l'avait provoquée ; la profession exercée par le sujet ; ses revenus avant et depuis la révolution ; ses relations et liaisons; le caractère et les opinions politiques qu'il avait montrés aux époques critiques, telles qu'aux mois de mai, juillet et octobre 1789, au 10 août , à la fuite et à la mort du tyran, au 31 mai , et dans les crises de la guerre ; s'il avait signé des pétitions ou arrêtés liberticides. Ces divers renseignements servaient de base à l'accusation, base fragile qu'il restait à fortifier de témoignages plus ou moins suspects.
Afin d'établir ce premier acte de procédure , on soumettait le détenu à un interrogatoire en forme, qui ne laissait dans l'ombre aucun détail , voire le plus menu. A toutes les questions Saiffert répondit avec précision , sans ambages ni faux fuyants.

Agé de 46 ans , il se déclara natif de Leipzig , électorat de Saxe ; il était en France depuis 24 ans et habitait Paris depuis 16 à 17 ans. Il a toujours exercé la profession médicale. Ce n'est que sur la foi de sa réputation , qu'il est devenu médecin du ci-devant duc d'Orléans, depuis la mort du père de cette Altesse ; encore n'a t-il consenti à être attaché à cette maison princière qu'après un an de sollicitations.
Il se défend d'avoir eu avec le duc d'autres relations que celles nécessitées par sa santé. Quand celui-ci était à son conseil, le docteur attendait toujours que la délibération fût terminée avant d'être introduit auprès de son client. Il reconnaît avoir également traité l'épouse et les enfants de Philippe Egalité , qu'il n'a vu que 2 ou 3 fois.

Il était en même temps , le médecin de la "femme Lamballe". Il a été appelé auprès d'elle en 1785 et lui a continué ses soins jusqu'à sa mort ; dans les dernières années de sa vie , il ne l'a vue qu'"à trois reprises différentes , pour cause d'incommodités."

" A la question s'il a pris la nationalité de citoyen français et s'il a exercé ses droits politiques , ou si au contraire il a conservé sa qualité d'étranger , Saiffert répond que " les lois de son pays s'opposant à ce qu'il pût se faire naturaliser sans encourir peine de l'exhérédation, il n'a pas jusqu'à ce moment -ci , pris la qualité de citoyen français , qu'il attend que la Constitution la lui accorde légalement ; mais qu'au surplus, il a rempli tous les devoirs auxquels sont soumis les autres citoyens , en payant toutes les charges qu'exige le droit de cité". Depuis la révolution , il a cessé toutes relations avec son pays d'origine, n'a entretenu aucune correspondance à l'extérieur,"pas même pour affaires relatives à son état".

Parmi les pièces mises sous scellés, et qu'on avait présentées à Saiffert , on ne trouva qu'une correspondance de la princesse de Lamballe , relative surtout à la santé de cette dernière. On avait remarqué que celle-ci traite parfois son médecin de " républicain" et de "démocrate" pour avoir laissé paraître devant elle quelques opinions avancées qu'elle ne partageait point. Autre preuve de civisme invoqué par l'accusé : dans le courant de mars 1792 , Saiffert n'avait pas hésité à faire part à Pétion du complot tramé " entre CApet et compagnie avec le despote de Vienne ", et de lui indiquer la conduite à tenir , pour déjouer " les projets atroces que l'on formait contre la république française".

Une allusion ayant été faite à certain voyage entrepris à l'étranger par le prévenu en 1790, notre confrère saxon convient qu'il s'est rendu , à cette époque , auprès du ci-devant duc d'Orléans , pour le traiter d'une maladie vénérienne -on ne lui en demandait pas tant-et qu'il y a séjourné un mois. Il fait observer , à ce propos , qu'il n'a pas été remboursé des frais de ce voyage " non plus que de plusieurs autres sommes qui lui sont dues par ledit d'Orléans."

Et comme le fait remarquer le docteur Cabanès, bonjour le secret professionnel !

Il me paraît très suspect ce type.

Oui , je trouve aussi et comme on parle beaucoup de lui dans le livre du docteur Cabanès, je me suis dit que c'était intéressant de créer un fil sur lui...

olivia a écrit:

Il me paraît très suspect ce type.

...... à nous aussi, hein Pim !!!

J'attends justement avec impatience les commentaires de Pim à ce sujet. Je suis sûre qu'ils doivent être très riches.

Nous parlons ( je crois abondamment ) du Dr Seiffert, dans le sujet de Mme de Lamballe .

Je vais me plonger dans la lecture de ce fil pour éviter de répéter des infos...
Mais bon , il y a 64 pages, je crois...Il me faudra un peu de temps !

Oui merci!
Mais je n'ai pas tout retenu!

"Saiffert a toujours protesté de ses sentiments démocratiques , et il tient à ce que nul ne l'ignore. On lui a reproché ses revenus ; il reconnaît toucher une pension de 2000 livres , qui lui est servie par une " personne dont il a sauvé la vie" , mais cela lui a permis de rendre de nombreux services aux malheureux , auxquels il assurait non seulement des soins sans la moindre rémunération, mais à qui il distribuait gratuitement des remèdes.

"Il a toujours adopté les principes des sans-culottes", avec lesquels il a vécu sur le pied d'une parfaite égalité, les admettant à sa table , consacrant tous les dimanches et mercredis à les recevoir, et ne conservant que ce qui lui était strictement nécessaire pour son existence frugale. Il a refusé les offres les plus avantageuses dans sa patrie et dans d'autres pays étrangers, pour réserver ses talents à la classe des indigents, " tout cela par amour pour la révolution " dont il a chanté les principes et les vertus sous toutes les formes , jusqu'à composer un monument dramatique de 1800 vers, destiné à vouer à l'admiration de la postérité la plus reculée " les législateurs républicains et à l'exécration éternelle les tyrans français et leurs satellites.

Saiffert ne se vantait pas en affichant son désinteressement dans l'exercice de sa profession. Jusque dans la maison d'arrêt où il était enfermé , il avait continué à nourrir les pauvres et il n'exagère pas quand il prétend que beaucoup d'entre eux se désolèrent d'être privés momentanément de ses bons offices. En prison depuis 8 mois, il y méditait sur son triste sort , adressant requête sur requête au Comité de sûreté générale et de surveillance."

Ainsi donc , il se présente en homme de bien parfaitement désinteressé , soucieux du bonheur et de la santé d'autrui.
Cabanès nous apprend aussi que Saiffert fut un des premiers adeptes de la franc-maçonnerie dont le duc d'Orléans était le grand-maître.

"Saiffert se flatte dans un de ses mémoires autobiographiques , de ne s'être point contenté de " propager les principes " mais d'avoir veillé " à la sûreté des défenseurs de la liberté", de les avoir avertis , en toutes circonstances , de ce qu'il avait pu apprendre des projets des ennemis du peuple, afin qu'on prît les précautions nécessaires pour " déjouer leurs trames". Ainsi avait-il dévoilé la teneur du traité de Pilnitz , dont il s'était procuré le texte deux mois avant qu'il fût inséré dans les papiers publics. Il s'attribue , en outre , le mérite d'avoir éventé le projet qu'avait formé la Cour , " d'employer les troupes qu'elle avait fait venir pour dissoudre L'Assemblée Nationale, faire rompre et pendre les patriotes comme des rebelles". Il prétendait tenir la connaissance de ce projet de deux de ses malades " confidentes de l'Autrichienne", qui avaient , "à l'en croire , vainement essayé de le détacher du club révolutionnaire auquel il était affilié, et qu'elles avaient qualifié d'"associations d'enragés".

Saiffert se flattait d'avoir empêché La Fayette d'obtenir son admission aux Jacobins ; et si, après cette déclaration , on met encore en doute son républicanisme , il invoquera qu'il a été menacé , sous l'ancien régime, d'être plongé dans les cachots de la Bastille, que deux lettres de cachet lui ont signifié son expulsion du territoire français en raison de ses " opinions philosophiques et philanthropiques" et qu'il n'a dû qu'à de hautes protections émanant de personnes qui lui devaient " la réparation de leurs santés" d'échapper au sort qui le menaçait."

Est-il possible que la princesse de Lamballe ait trahi la reine ?
Et l'autre malade , ne serait-ce pas la duchesse d'Orléans , sa belle-soeur ?

Est-ce qu'on peut dire que la princesse de Lamballe est une personne qui ne savait pas tenir sa langue , qui parlait à tort et à travers ?
Si c'est le cas, pourquoi a -t-elle été en quelque sorte l'agent secret de la reine et a joué le rôle politique que l'on connaît ?
La reine aurait-elle accordé sa confiance à une personne qu'elle savait pouvoir parler à tort et à travers ?

Madame de Chimay a écrit:

La reine aurait-elle accordé sa confiance à une personne qu'elle savait pouvoir parler à tort et à travers ?

On sait que Madame Elisabeth étant, elle-même, fort bavarde , elle n'a été tenue au courant du départ pour Montmédy que l'après-midi du 20 juin 1791...
Si une telle précaution a été prise dans cette situation, aurait-elle été négligée pour des missions politiques?

Bien à vous.

Majesté a écrit:

On sait que Madame Elisabeth étant, elle-même, fort bavarde , elle n'a été tenue au courant du départ pour Montmédy que l'après-midi du 20 juin 1791...
Si une telle précaution a été prise dans cette situation, aurait-elle été négligée pour des missions politiques?

Ah bon ? Madame Elisabeth était une grande bavarde ? Je ne savais pas ...
Là, vous m'apprenez quelque chose . Je m'étais toujours figuré Madame Elisabeth sous les traits d'une personne pieuse et discrète.
Comme quoi !

Madame de Chimay a écrit:

Cabanès nous apprend aussi que Saiffert fut un des premiers adeptes de la franc-maçonnerie dont le duc d'Orléans était le grand-maître.

Bizarre comme je m'y attendais!

Madame de Chimay a écrit:

Majesté a écrit:

On sait que Madame Elisabeth étant, elle-même, fort bavarde , elle n'a été tenue au courant du départ pour Montmédy que l'après-midi du 20 juin 1791...
Si une telle précaution a été prise dans cette situation, aurait-elle été négligée pour des missions politiques?

Ah bon ? Madame Elisabeth était une grande bavarde ? Je ne savais pas ...
Là, vous m'apprenez quelque chose . Je m'étais toujours figuré Madame Elisabeth sous les traits d'une personne pieuse et discrète.
Comme quoi !

Madame Elisabeth n'était pas la sainte de la contre-révolution que la Restauration a voulu donner comme image.

Madame de Chimay a écrit:

Est-ce qu'on peut dire que la princesse de Lamballe est une personne qui ne savait pas tenir sa langue , qui parlait à tort et à travers ?
Si c'est le cas, pourquoi a -t-elle été en quelque sorte l'agent secret de la reine et a joué le rôle politique que l'on connaît ?
La reine aurait-elle accordé sa confiance à une personne qu'elle savait pouvoir parler à tort et à travers ?

Il est difficile de se former une opinion sur Madame de Lamballe, parce que les témoignages font d'elle un portrait tout en facettes opposées... Ca donne un résultat plutôt explosif.

Alors, elle peut avoir été discrète comme elle peut avoir été indiscrète.

En définitive , Madame de Lamballe est une énigme ! Mais bon ...Peut-être en saurais-je plus sur elle en lisant ce livre !

" Comment Saiffert était-il parvenu à acquérir la réputation d'un des plus habiles " guérisseurs" de son temps ? Nous ne saurions le déterminer qu'en établissant son curriculum vitae, d'après ees propres déclarations, disséminées dans de nombreux écrits.

L'unique objet de ses études , de ses désirs, de son ambition , a toujours été l'art de guérir, qu'il n'a cessé de pratiquer pendant les 25 ou 27 ans qu'il a séjourné en France. "Les hôpitaux ont été le berceau de son éducation : c'est là qu'il a puisé sa morale fraternelle, sa charité active, qui sont les bases de ses idées religieuses, fortifiées par la pratique de son état et la lecture des Philosophes. Il a ...rempli avec la plus scrupuleuse observance les obligations qu'il avait contracté avec l'humanité souffrante . Il n'a distingué ni nation, ni religion, ni état, étant le même avec tous les hommes. Il n'a jamais dérogé d'une syllalbe à la pratique des principes qui, pour le bonheur de l'humanité, sont devenus enfin ceux de tous les coeurs français républicains.

Un médecin et plus particulièrement un médecin en renom , doit tenir sa porte ouverte à tous ceux qui se présentent à lui , secourir , sans distinction même d'amis et d'ennemis, tous ceux qui , dans leurs souffrances , demandent ses secours , autant que son temps et sa propre santé le permettent."Saiffert n'a jamais failli pour sa part , à cette manière d'agir , depuis le jour où il pratiquait la chirurgie et la médecine gratuitement , dans une petite ville du Gâtinais et dans les environs de la ci-devant seigneurie, à une grande distance de sa résidence , principalement à Sens, Joigny, Villeneuve...
Il fournissait de sa bourse les médicaments aux indigents , laissant à ceux-ci la somme nécessaire pour hâter leur rétablissement , et prenant à sa charge les frais de ses déplacements ; " jour et nuit, il était à leur service ."

Une vraie âme de charité , quoi !

Saint Saiffert, priez pour nous!

Vous l'avez dit , c'est tout à fait cela ! C'est trop beau pour être vrai !

Ah oui, là c'est vraiment exagéré! Hagiographique!

C'est comme vous le dîtes ! Je me "bidonne " en lisant ce livre. Qu'est-ce que c'est marrant ! ( Pardon pour ma pauvre petite Lamballe ! )

Tant mieux si c'est drôle!
Mais c'est vrai que les écrits de cette époque sont parfois d'une grandiloquence franchement ridicule. Surtout du point de vue révolutionnaire. Ils se prenaient vraiment pour les régénérateurs de l'univers!

Tout à fait ! Ils étaient imbus de leurs missions ! C'est d'un prétentieux !