Le docteur Saiffert

Merci pour toutes ces précisions .

C'est louche ! L'attitude du docteur Saiffert est en contradiction avec sa situation réelle. Je cite : "Il a débarqué de Saxe sans un sou vaillant et le voilà propriétaire d'une maison qu'il habitait rue des Arcades de l'Egalité au N°156 et cette maison, il l'avait payée plus de 200 000 livres. "
Bizarre , non ?
Il touche un revenu de 2000 livres provenant de la princesse de Lamballe mais oublie de nommer sa bienfaitrice.

Il est en relation avec des individus comme Fabre d'Eglantine, Camille Desmoulins et Chabot. Ce dernier était dans la même situation que Louis XVI, à savoir : il était marié à une autrichienne. " Cette imprudence lui coûta la vie. Pour échapper à une mort ignominieuse, il tenta de se la donner, mais à peine avait-il avalé le poison libérateur, qu'il réclamait à cor et à cri un contre-poison, et c'est précisément Saiffert qui le lui avait procuré.

Le concurrent de Saiffert n'était autre que....Marat ! "Marat avait été , durant un temps , le médecin du Comte d'Artois, ou plutôt le médecin de ses gardes. Comme Saiffert , Marat compta des succès dans le monde aristocratique: longtemps , on parla de la cure d'une certaine marquise , qui sut témoigner à son sauveur les marques de sa reconnaissance, sans préjudice de fructueux honoraires.
Jean-Paul Marat avait encore ce point commun avec Saiffert , qu'il était étranger , étant né à Boutry , de parents sardes , venus s'établir dans la principauté de Neuchâtel , qui appartenait alors à la Prusse."

Vous savez Chou, lire le docteur Cabanès, c'est très instructif. Et j'ai décidé de faire profiter tout le monde de mes lectures.
Lire Cabanès, c'est un peu comme lire Lenotre. On apprend une foule de choses intéressantes dans ces vieux livres !

Cependant , la pratique de Saiffert était nettement plus sûre que celle de Marat. Le cabinet de Saiffert ne désemplissait pas . Une foule considérable se pressait chez lui .
"Le duc d'Orléans avait fait un jour le pari , avec le duc de Biron , qu'il se présenterait à la consultation de son médecin et qu'il y serait reçu avant son tour ; il dut attendre 1h30 avant d'être appelé. Ayant perdu son pari, le prince laissa 10 louis pour les pauvres en se retirant..."

L'arrestation de Saiffert entraîna bon nombre de plaintes de la part de sa clientèle qui se plaignait de ne plus l'avoir pour être soigné. Les pauvres furent ses meilleurs défenseurs et surent plaider sa cause comme jamais. En conséquence de quoi, il fut acquitté.

Vox populi , vox dei ?

J'ignorais tout cela

Madame de Chimay a écrit:

Cependant , la pratique de Saiffert était nettement plus sûre que celle de Marat. Le cabinet de Saiffert ne désemblissait pas .

Oui, il ne faut pas les comparer. Marat a beaucoup souffert de ne pas être reconnu, ni par ses pairs, ni par les Académies de Sciences, ni par toute la société qui faisait Paris. Il n'était pas du tout le médecin d'Artois.
D'où peut-etre sa violence à cracher dans la soupe qui le nourrissait alors, et son amertume.

Y a eu un certain nombres de frustrés dans le lot des révolutionnaires.

Mais pour en revenir à Saiffert, c'est fou à quel point il est bien placé! Il était loin d'être seulement le médecin de la princesse de Lamballe. Merci de nous faire partager cette lecture qui nous permet de mieux cerner une personnalité jusque-là ignorée mais qui semble avoir été mêlée à bien des histoires louches de la Révolution.

" Les biographes les plus en crédit sont sobres de détails sur notre héros . Ouvrez la Biographie Universelle , à l'article Seiffert ou Saiffert , vous y trouverez : " Médecin allemand , exerça son art à Paris, à peu près depuis l'avènement de Louis XVI au trône, jusqu'aux premiers temps de la Révolution . il fut très en vogue , surtout dans les hautes classes de la société. Il mourut à Paris en 1800. Il a laissé des observations pratiques sur les maladies chroniques, Ier vol, Paris , à l'imprimerie des amis de la langue allemande ( Brunswick et Leipzig ) , 1804, in 8° ( en allemand ). Ce volume fut suivi d'un autre , contenant un petit Dictionnaire pour servir à l'explication des Observations pratiques,..., in 8° , même date". La plupart de ces renseignements sont exacts. Ils demandent seulement à être complétés.

Nous avons dit dans quelles circonstances Saiffert était venu s'installer en France. Après avoir pratiqué sept années en province, il s'était établi à Paris, rue Croix des Petits Champs, puis Rue de Richelieu, enfin aux Arcades du Palais Royal.
D'heureuses cures le firent rapidement connaître ; il ne fut bruit à la Ville et bientôt à la Cour, que des succès obtenus par ce médecin étranger , surtout dans le traitement de maladies reconnues jusqu'alors incurables , principalement les affections nerveuses , fréquentes à une époque où on les confondait à peu près toutes sous le nom vague de "vapeurs. "

Citation :

Madame de Chimay a écrit:

Cependant , la pratique de Saiffert était nettement plus sûre que celle de Marat. Le cabinet de Saiffert ne désemplissait pas .

Oui, il ne faut pas les comparer. Marat a beaucoup souffert de ne pas être reconnu, ni par ses pairs, ni par les Académies de Sciences, ni par toute la société qui faisait Paris. Il n'était pas du tout le médecin d'Artois.
D'où peut-être sa violence à cracher dans la soupe qui le nourrissait alors, et son amertume.

En effet, Marat n'était le  " médecin "  ( mon œil ! ) que des gardes d'Artois .  

Sans les comparer ( vous avez bien raison ! ) signalons qu'il arriva pourtant que ce charlatan et Saiffert  s'intéressèrent à la même malade, la même mourante devrais-je dire, la comtesse de Tournon ( oui, oui !!! Majesté !  notre Hélène, ex-bru de Jean du Barry dit le Roué.  Je te l'avais raconté ! ).

Voici :

Saiffert s'était rencontré avec Marat au chevet d' " une des femmes les plus belles et les plus adorées de Paris " , Madame de Tournon . Touché de son état pitoyable, Marat dit à Seffer ( sic ) :  " Ne serait-il pas possible de la sauver ? Vous êtes le mieux au courant des maladies poitrinaires ( sic ) , je suis spécialiste pour le foie ; soignez la poitrine, moi je me chargerai du foie, peut-être que nous la guérirons . "
C'est dans une lettre, datée de Paris le 12 décembre 1792, lettre qu'un correspondant allemand envoyait à une revue de Hambourg, que nous avons cueilli ce croquis saisi sur le vif. Bien qu'elle ne donne pas une idée flatteuse des talents médicaux de Marat, l'anecdote nous a paru utile à conserver .

( La princesse de Lamballe intime .  Dr Cabanes )

On note que Marat qui se donnait pour ophtalmo se proclame également, allègrement, spécialiste du foie  ...

Que c'est beau de se donner des titres que l'on ne mérite pas ! Gare gare à la pratique de Marat !

Ah ! taisez-vous ! Je n'aurais pas aimé tomber entre ses sales pattes !

Moi non plus rassurez -vous !
Il faudrait créer un fil sur Marat. Cela ne me tente guère tant le personnage est glauque, glauque...
Pouah !

Je crois qu'il y en a un. En tout cas, on en parle longuement dans pas mal de messages.
Oui berk berk ce type.

Les vapeurs étaient depuis l'époque de Louis XIII " à la mode" si je puis dire. La marquise de Sévigné en était atteinte.
" On était malade sans savoir où l'on avait mal ; on souffrait sans s'apercevoir qu'on souffrait . Les vapeurs étaient la maladie des oisifs et des blasés ; la tourmente révolutionnaire devait la faire disparaître , du moins notablement l'atténuer.

Autre fait avéré du XVIIIe siècle : cette tendance aux larmes. Il n'est personne en ce siècle qui ne s'attendrisse pour des bagatelles. Il ne faut pas être bien clairvoyant pour reconnaître au fond de ces débauches de larmes, de cette dépense effrénée de sensibilité, le nervosisme.
Sur ces malheureuses , nul ne songeait à s'apitoyer. L'épigramme et la raillerie tenaient lieu de médication et l'on se refusait à prendre au sérieux les évanouissements et les cris désordonnés que suivait un abattement inexplicable. "

Les vapeurs, bien utilisées, pouvaient être utiles face à un galant un peu trop entreprenant : "Monsieur, de grâce, cessez ! Je me sens venir une vapeur" !
Aujourd'hui, c'est : "pas ce soir, j'ai la migraine"... c'est moins classe...

Pour en revenir au docteur Saiffert, l'archétype même de la femme atteinte de vapeurs était la princesse de Lamballe.

"Avant de se décider à faire appel aux médecins, elle avait longtemps abandonné à la nature le soin de soulager ses maux. Tout d'abord , on avait pris pour de " petits ridicules" ou des " affections puériles" , certaines anthipathies dont elle ne savait se défendre , comme de s'évanouir en respirant un bouquet de violettes , de tomber en pâmoison à l'aspect d'une écrevisse ou d'un homard, fût-il en peinture. "Alors , relate cette peste de MMe de Genlis , elle fermait les yeux sans changer de couleur et restait insensible ainsi pendant plus d'une demi-heure, malgré tous les secours qu'on s'empressait à lui prodiguer." Au cours d'un séjour en Hollande, elle se serait évanouie dans un cabinet d'amateur, " après avoir jeté les yeux sur un petit tableau flamand qui représentait une femme vendant des homards "!


Pauvre âme sensible !

Les vapeurs étaient probablement ce que nous appellerions aujourd'hui crise de nerfs ou spasmophilie ...
Il est vrai que la princesse, championne toutes catégories, n'était pas épargnée ....  

Oui, c'était terrible pour cette pauvra Lamballe ! Que l'on en juge un peu : " Une autre fois , chez son beau-père , le duc de Penthièvre à Crécy, une demoiselle contait des histoires de revenants , lorsqu'on entendit dans l'antichambre un valet bâiller bruyemment ; aussitôt , Madame de Lamballe fut saisie d'une frayeur telle qu'elle perdit connaissance. On dut , en toute hâte , aller réveiller le chirurgien de Monseigneur, " qui accourut préciptamment en robe de chambre."
Il ne fallut rien moins que les préparatifs d'une saignée pour la tirer de sa léthargie. Madame de Genlis assure , mais nous avons de fortes raisons de douter de la véracité de son témoignage , qu'elle fut "elle-même le témoin de scènes de ce genre.

Par la suite, lorsque les attaques de nerfs , suivies d'évanouissement, devinrent une mode, Madame de Lamballe ne manqua pas d'en avoir de régulières deux fois la semaine, aux mêmes jours et aux mêmes heures, pendant toute une année.
Ces jours-là , suivant l'usage des autres maladies de son espèce, M. Saiffert , son médecin arrivait chez elle aux heures convenues ; il frottait les tempes et les mains de la princesse d'une liqueur spiritueuse , ensuite la faisait mettre dans son lit, où elle restait deux heures évanouie. Pendant ce temps , ses amis intimes, formant un cercle autour de son lit, causaient tranquillement jusqu'à ce que la princesse sortit de sa léthargie.Telle était la personne , conclut la peu charitable narratrice , que la reine choisit pour sa première amie...Mais Marie-Antoinette aurait bien senti que Madame de Lamballe était hors d'état de donner un conseil utile et même de prendre part à un entretien sérieux. Ce ne fût point par légereté , comme on l'a dit que la reine ôta sa confiance à la favorite ; elle la jugeait avec trop de discernement . Elle lui conserva tous les droits apparents de l'intimité et la place de surintendante de sa maison, ^lace qu'on avait recréée pour elle.
En effet, c'était une des charges les plus recherchées de la Cour et seules pouvaient y prétendre les princesses du sang. "

" Allo, Docteur ! Demain, je m'effondrerai à 15 heures 37 ... à plus !!! "

Citation :

Les vapeurs étaient probablement ce que nous appellerions aujourd'hui crise de nerfs ou spasmophilie ..

On lit parfois qu'elle aurait été épileptique ; mais, en effet, il me semble que ces crises sont plus violentes, et se manifestent avec d'autres symptômes que le seul "évanouissement".

Il semble y avoir aussi, dans le cas de la princesse, une certaine dose d'auto-suggestion ................
Mais n'écoutons pas trop non plus la langue acérée de Genlis .

Si elle avait réellement les nerfs fragiles (en ayant seulement le témoignage de la mauvaise langue qu'est la Genlis), elle a fait preuve d'un grand courage durant la Révolution! C'est proprement incroyable de tomber en pâmoison pour la moindre peccadille et vivre le massacre sûrement le plus célèbre de l'histoire de France.
N'est-ce pas Marie-Antoinette qui a dit que les maladies nerveuses sont des maladies de femmes heureuses ?

olivia a écrit:

N'est-ce pas Marie-Antoinette qui a dit que les maladies nerveuses sont des maladies de femmes heureuses ?

Ah, Marie-Antoinette a dit cela ? Je ne savais pas ...

Par contre , je pose une hypothèse. C'est le duc d'Orléans qui en 1785 a dépêché son médecin à Mme de Lamballe. Par là -même, Philippe Egalité ne voulait-il pas placer un espion chez une proche de la reine ?

Si ! N'est-ce pas Henriette qui le rapporte ?

Henriette ?

Henriette Campan, chère Princesse !