Le sujet m'a toujours plus que passionnée !
Il faut lire madame d'Epinay (très proche de Rousseau) pour découvrir la première dame de la haute société à s'occuper de ses enfants puis de sa petite-fille. C'est très instructif.
Oui au final, notre modèle de famille est celui de la bourgeoisie. Un enfant noble est le plus souvent abandonné aux mains des serviteurs. Le prince de Ligne montre bien sa souffrance d'enfant.
Mais les choses évoluent au cours de la seconde moitié du XVIIIème siècle, justement par les écrits de madame d'Epinay (concrets) et de Rousseau (théoriques). Et d'autres comme Locke en Angleterre.
Au final, la première génération à en bénéficier est celle de Louis XVI et ses frères. Louis XV, au contraire de Louis XIV au siècle précédent qui trouvait les pères attentionnés ridicules, va laisser son fils le dauphin et sa belle-fille l'entière responsabilité de l'éducation des Petits-Enfants de France. Jusqu'au choix du gouverneur ! De même pour les princes du sang.
Ainsi le dauphin et la dauphine vérifieront chaque semaine les résultats des enfants, grondant, encourageant ou félicitant. Notons aussi que la mère aura beaucoup de tendresse explicite pour son aîné, très chouchouté également par le père. Et tous seront portraiturés plusieurs fois dès leur toute petite enfance, dans des scènes charmantes.
Mieux : à la mort du dauphin, Louis XV réitère sa confiance en Marie-Josèphe qui va carrément se substituer au gouverneur !
Il est donc, premier pas, déjà attesté que ce sont les parents les premiers éducateurs de leurs enfants, avant même le roi ! À tel point que lors d'une punition (injuste) du duc de Berry, Louis XV n'a pas outrepassé son rôle de grand-père, quand il aurait pu à l'exemple de Louis XIV, afficher son autorité supérieure de roi. Il ne voulait pas voir son petit-fils puni mais a accepté la décision des parents !
Le futur Louis XVI, ses frères et sœurs sont également les première enfants royaux à ne pas subir une seule fois le fouet.
Notons que cet instrument est encore courant au XIXème siècle, bien que de plus en plus vu comme un instrument barbare, utilisé dans le peuple ou chez les tarés de la haute société. Il n'y a qu'à voir la comtesse de Ségur.
Et au XXème siècle, seules les classes les plus défavorisées l'utilisent encore avant les années 60 environ.
Bien que j'ai connu pour ma part des élèves élevés à la trique de bœuf ou à la ceinture...
C'est dire que l'évolution commencée sous Louis XV n'est pas encore tout à fait achevée.
C'est la même évolution que l'hygiène si l'on regarde bien.
Louis XVI et Marie-Antoinette vont encore plus renforcer cette évolution. Ils veulent s'occuper de leurs enfants, vraiment. Il n'y a qu'à lire les lettres de la future mère à l'impératrice. Mais le poids des traditions, de l'Etiquette, de leur emploi du temps les empêche d'être des parents tout à fait "normaux". Alors que déjà dans les couches sociales juste en-dessous, de plus en plus de parents de l'aristocratie et de la haute-bourgeoisie se mettent à éduquer pleinement leurs enfants. Il faut lire Bombelles. C'est loin d'être une généralité, évidemment, mais cela touche les "âmes sensibles" de l'époque. D'où le succès de madame Vigée-Lebrun et ses compositions maternelles.
L'allaitement devient le nec plus ultra chez les riches, alors qu'il s'agit d'une nécessité dans les classes moins aisées pour éviter tous ces nourrissons envoyés en nourrice et ne retrouvant leurs parents pas avant l'âge de quatre à six ans. Dès la naissance de leur fille, Louis XVI et Marie-Antoinette fondent une société maternelle permettant d'aider les femmes du peuple à allaiter directement leurs enfants. C'est dire si le sujet était important aux yeux du couple royal.
Marie-Antoinette va même admirer Angélique de Bombelles, dame de la cour qui ose allaiter son fils.
Si la reine en a émis le désir, il est évident qu'elle fut vite arrêtée dans cet élan, toujours à cause du poids des traditions.
Notons tout de même que le couple royal aura finalement le choix de la gouvernante. Si la princesse de Guéménée leur fut imposée parce que nièce de la précédente, à sa démission, ils choisiront en dépôt du scandale, leur meilleure amie ! Celle qui a aidé Marie-Antoinette a accepté ses maternités en tombant enceinte quasiment en même temps qu'elle !
C'est un pas de géant dans la gestion de l'éducation de leurs enfants.
Marie-Antoinette devant le caractère abominable de sa fille prendra des décisions assez modernes. Elle l'installe dans son appartement du rez-de-chaussée et décide de s'en occuper directement. Cette organisation ne durera pas longtemps mais c'est déjà une étape. Elle l'élèvera avec une fille du peuple qu'elle devra servir une fois sur deux !
Lors d'une de ses maladies, elle n'hésite pas à s'enfermer toute une semaine avec sa fille.
Peut-être aussi pour se rattraper de sa sortie à l'opéra avec madame de Polignac lors d'une maladie du dauphin...
Sa lettre à madame de Tourzel montre à quel point Marie-Antoinette avait des concepts d'éducation d'une rare modernité. À chaque fois que je la lis, je suis bouleversée par tant d'intelligence.
Notons également que ce sont ces enfants ( et ceux élevés comme eux dans les classes supérieures)qui connaîtront les premiers des tenues adaptées à leur âge. Finis les coiffure et costumes d'adultes en miniatures. Ça, c'est révolutionnaire !
Louis XVI imposera même le costume de matelot à ses fils, tenue "chic" des petits garçons au moins jusqu'aux années cinquante du XXème siècle. Et pourquoi la marque bien connue de "Petits Bateaux " ?
Le couple royal va tout faire pour rapprocher leurs enfants de leurs appartements du corps central alors que la tradition les voulait au bout de l'aile du midi. Un moyen d'établir une réelle vie de famille et qui permettra un certain soulagement durant les journées d'octobre.
La vie aux Tuileries les rapprocheront encore plus, par nécessité de sécurité mais aussi comme l'écrit Marie-Antoinette parce qu'elle n'a plus qu'eux... Sa coterie s'est volatilisée, alors...
Je ne parle pas du Temple, mais contrairement aux énormités professées par Evelyne Lever dans l'émission et d'autres historiens, je ne peux considérer la vie carcérale comme une vie agréable de famille.
Ce n'est pas parce que les parents s'occupent désormais directement de leurs enfants qu'ils en furent heureux ! Avec la peur au ventre en permanence...
Sinon, oui Marie-Antoinette habillait bien directement son fils, le faisait manger, se relayant avec madame Elisabeth. Bon, en même temps, à sept-huit ans, il devait être bien empoté... Mais comme il avait toujours eu un personnel nombreux à son service, on peut comprendre que l'enfant n'était pas habitué à se débrouiller tout seul. Et à le complaire là-dedans, peut-être aussi parce que Marie-Antoinette n'avait plus que ça à faire, avec le besoin dans cette affreuse période, de décupler sa tendresse maternelle.
Sa sœur, plus grande, saura elle se débrouiller très vite seule, à s'habiller, s'occuper du feu, balayer, s'occuper mentalement et physiquement. Elle traitera son frère de feignant. On en connaît les conséquences...
Mais à cet âge, s'occuper d'un enfant n'a rien à voir avec un bébé. Saura-t-on un jour si Marie-Antoinette s'est amusée (ce ne pouvait être qu'un jeu...) à changer ses bébés, à leur donner la bouillie, les laver ? Si elle l'a fait, c'est forcément très ponctuel et en aucun cas une habitude.
Déjà j'imagine qu'on s'avisait au sein de la Maison des Enfants de France à avoir les enfants bien propres avant la visite, programmée, des parents royaux.
Impossible d'imaginer le roi ou la reine faire gouzigouzi à leurs bébés les couches pleines...
J'ai lu récemment un livre consacré aux WIndsor et objectivement, les choses n'avaient guère changé au XXème siècle. Les nurses sont toutes puissantes et le père de la reine actuelle, ainsi que ses frères et sœur, ont été réellement torturés. L'un est devenu bègue et profondément timide et son aîné un type plus que méprisable.
La reine actuelle a eu un peu plus de chance. Ses deux enfants aînés pas du tout. Ils ne voyaient quasiment leur mère héritière surchargée de par la maladie de son père puis jeune reine que quasiment en public. Les deux derniers seront plus dorlotés. Et le duc d'Edimbourg n'avait d'autre but de faire du prince Charles, un homme, un vrai,
quitte à le traumatiser avec des méthodes d'un autre âge.
Ils seront meilleurs grands-parents.
Il faut accorder à Diana d'avoir été sur ce point exemplaire.
Quant à aujourd'hui, le petit George a pour nurse celle qui a élevée le prince William et son frère. Choisie par Diana, et reprise par son pupille, on peut se dire qu'elle doit satisfaire. Et je pense que le prince et son épouse qui elle n'a strictement rien à voir avec les éducations princières, auront à cœur d'élever leur fils le plus normalement possible. Bien que la normale soit impossible à atteindre quand on est futur roi.