Nombre de messages : 40594 Date d'inscription : 23/05/2007
Sujet: Re: Jacques-Louis David Lun 4 Aoû - 10:45
No stress, Chou! Ce sombre personnage n'a été qu'un prétexte à une promenade virtuelle dans le vieux Bruxelles. Chose que j'adore faire... en live aussi, d'ailleurs. Je regarde les anciens édifices et les pavés rongés par le temps, et je pense à Marie Antoinette, pour qui un arrêt par ici aurait été synonyme de libération...
Il y a aussi le côté "histoire de ma ville", qui m'attache beaucoup, le voûtement de la Senne particulièrement. Je me souviens en avoir parlé, déjà, ce doit être quelque part dans les bavardages...
_________________ rien que la mort peut me faire cesser de vous aimer
Chou d'amour Administrateur
Nombre de messages : 31526 Age : 42 Localisation : Lyon Date d'inscription : 22/05/2007
Sujet: Re: Jacques-Louis David Lun 4 Aoû - 11:16
Oui ça donne une visite virtuelle sympa de Bruxelles, et comparer ainsi les époques est pas mal aussi
_________________ Le capitalisme c'est l'exploitation de l'homme par l'homme. Le syndicalisme c'est le contraire!
madame antoine
Nombre de messages : 6902 Date d'inscription : 30/03/2014
Sujet: Re: Jacques-Louis David Mer 15 Juil - 8:19
Bonjour à tous les Amis du Boudoir de Marie-Antoinette,
Voici une analyse intéressante recadrant le travail du peintre David.
Le Serment du Jeu de Paume de David : étude d’un chef-d’œuvre
C'est l'une des œuvres les plus connues de la peinture française, et pourtant… Inachevée et géniale, elle dépasse le cadre de l'histoire de l'art, pour entrer dans l'Histoire tout court. Retour sur oeuvre-événement à l'incomparable postérité.
Jacques-Louis David, Le serment du jeu de Paume, le 20 juin 1789, huile sur toile, 65 x 88 cm, Paris, musée Carnavalet / Jacques-Louis David
C’est une image fantôme qui a hanté des générations d’apprentis citoyens sur les bancs de l’école républicaine, mais aussi de peintres dans la solitude de l’atelier. L’icône d’un monde nouveau et nécessairement meilleur, un Manifeste claquant au vent de la mémoire comme un drapeau de 14 juillet. Un chant démocratique lancé à pleins poumons par des milliers de voix fraternisant en un vaste chœur. Muet. Car c’est aussi un tableau qui n’existe pas. Inachevé, ce projet d’une folle ambition, qui témoigne de la rencontre du plus grand peintre européen entre 1785 et 1815, Jacques-Louis David (1748-1825), et de l’événement qui donne le départ de la Révolution française, Le Serment du Jeu de Paume est en quelque sorte un rendez-vous manqué avec l’Histoire. Ou, du moins, suspendu.
Un acte fondateur de la Révolution française
Dans les années 1780, minées par les écrits qui propagent les idées libérales et séduisent une bourgeoisie privée de pouvoir politique, mises en faillite par les dettes et la famine, les structures de l’Ancien Régime ont vécu. Réagissant un peu tard face à une crise financière sans précédent, Louis XVI se résigne à convoquer les États Généraux pour la première fois depuis 1614. On se met en route de toute la France pour se réunir à Versailles le 5 mai. Le 17 juin, le fameux Tiers-État, qui comprend une majorité de juristes, de banquiers, de marchands, se constitue en Assemblée nationale, rejoint deux jours plus tard par le Clergé. Le 20 juin, l’Assemblée trouve sa salle de réunion dose et gardée. Le docteur Guillotin, promis à une certaine notoriété, propose de se retrouver dans la salle voisine du Jeu de Paume. Là, les 630 députés emportés dans une sublime unanimité (un seul s’y opposera et David le dessine sur la droite de sa composition, prostré, exhorté par ses amis à se joindre à eux) font « le serment de ne jamais se séparer et de se rassembler partout où. les circonstances l’exigeront jusqu’à ce que la Constitution du Royaume soit établie et affermie sur des fondements solides ». La révolution est en marche.
Le génie de David pour témoin
L’événement est bien perçu comme un acte fondateur par les Français. Du coup, la mémoire collective exige des témoins à cette union de la nation. Ce sera David, pourtant absent de Versailles ce jour-là. Quand commence-t-il à y travailler ? En juin 1790, on commémore le premier anniversaire du serment. En octobre, la société des Amis de la Constitution, désormais sise à Paris dans l’ancien couvent des Jacobins, lance une souscription pour « perpétuer le plus utile monument de courage et de patriotisme qu’aucun siècle ait jamais produit », et le député Dubois-Crancé, dans un discours écrit par le peintre lui-même, propose David : « Nous avons choisi pour animer notre pensée sur la toile l’auteur de Brutus et des Horaces, ce Français patriote dont le génie a devancé la Révolution ». « On m’a ravi le sommeil pour une suite de nuits », s’exclame le génie sollicité. Les croquis d’un carnet conservé montrent qu’en réalité David songe à ce tableau depuis le printemps.
Un peintre révolutionnaire
Mais, certes, la commande n’est pas ordinaire. D’un point de vue matériel, d’abord. Pour ce tableau colossal (dix mètres sur six) la dépense est fixée à 72 000 livres, dont la moitié pour le peintre, le tout rassemblé grâce à l’élan patriotique de 3 000 souscripteurs, dont on va vite s’apercevoir qu’il ne faut pas le surestimer. Surtout, la démarche esthétique innove. David, qui a été jusqu’ici le héraut du retour à l’antique, Prix de Rome nourri de modèles de la Ville éternelle au point de fonder le néoclassicisme, rejette cette fois son inspiration favorite. « Nous ne serons plus obligés d’aller chercher dans l’histoire des peuples anciens de quoi exercer nos pinceaux. Non, je n’aurais pas besoin d’invoquer les dieux de la fable pour échauffer mon génie. Nation française, c’est ta gloire que je veux propager. » Non seulement cet artiste, dont les commanditaires se trouvent chez les princes du sang et dans l’aristocratie, devient peintre révolutionnaire, mais il renonce à l’allégorie pour montrer l’Histoire en marche dans toute sa moderne actualité. Tout un monde de héros s’est levé autour de lui. Au Salon de 1791, il expose le grand dessin préparatoire à la plume et encre brune avec rehauts de blanc, sous le Serment des Horaces, à nouveau montré. Le public comprend la similitude des deux épisodes historiques à travers celle de la dynamique des gestes.
Une vision épique
« Dynamique » est certes le mot qui s’impose d’emblée. Le moment est celui d’une immense effervescence émotive : il s’agit de donner une Constitution à la France. On sait que la journée était chaude, David choisit de mettre en scène un temps d’orage. Le vent qui fait voler les chapeaux et emporte les rideaux, emporte aussi le despotisme, comme une averse purificatrice. Dehors, un éclair prémonitoire tombe sur le faîte de la chapelle royale, dedans, la confusion fraternelle vire à l’expressivité lyrique. On s’embrasse, on se congratule, l’exaltation emporte les esprits. Des familles sont venues montrer aux enfants comment l’Histoire se fait, le peuple se penche sans souci du risque sur les appuis des fenêtres. La vision épique entraîne les députés dans un grand mouvement enlevé.
Jacques Louis David, Le Serment du jeu de Paume (détail), 1791, plume et encre brune et noire, lavis brun et rehauts de blanc sur traits de crayon, 66 x 101 cm, musée national du Château de Versailles
Portraits de députés
Le cartel du Salon précisait que le peintre n’avait pas donné de ressemblance physique aux personnages : le grand corps collectif de la représentation nationale n’a pas besoin d’individualisation. En fait, on reconnaît beaucoup d’acteurs de cette mémorable journée. Bailly, debout sur une table, face au spectateur, Robespierre à sa droite, Maupetit invalide, à gauche, amené sur une chaise, l’étreinte de trois hommes de Dieu, régulier, séculier et pasteur, au centre, et probablement les deux fils de David à la fenêtre droite. En 1791, David passera même une annonce dans le « Moniteur universel » demandant aux députés présents ce jour-là de venir poser clans son atelier ou d’envoyer un portrait gravé.
Jacques-Louis David, Le serment du jeu de Paume, le 20 juin 1789, huile sur toile, 65 x 88 cm, Paris, musée Carnavalet
Dans les brouillards de l’Histoire
Mais l’avenir du tableau paraît incertain. La souscription a été un échec navrant et le Trésor Public doit s’y substituer. Pis : la belle unanimité des révolutionnaires de 1789 a vécu, Mirabeau est mort, Barnave et Bailly ont été guillotinés et beaucoup ne veulent plus figurer aux côtés de leurs camarades traîtres à la cause. David travaille néanmoins avec acharnement à sa toile dans l’ancienne église des Feuillants aménagée en atelier, mais l’abandonne probablement au printemps 1792. Il laisse une ébauche mythique. Toile préparée en gris clair, mise au carreau au crayon blanc. Les figures sont nues, dessinées au crayon blanc, puis peintes en gris et redessinées en blanc. Quatre têtes et trois mains sont peintes, merveilleux fantômes colorés surgis du brouillard de l’Histoire dont ils ont triomphé.
En 1798, sous le Directoire, l’artiste aura cette idée cocasse de vendre la toile à l’État (une seconde fois !) en remplaçant les personnages historiques « dont la plupart, soit dit entre nous, sont fort insignifiants pour la postérité », par d’autres, qui se sont depuis illustrés. L’affaire n’aura pas de suite. Comme le suggérait joliment Antoine Schnapper dans une étude de 1990„ aurait-on vu, alors Bonaparte prêter serment ? Les révolutions ont cela de commode, qu’on peut les assassiner plusieurs fois.
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Bint Georch
Nombre de messages : 462 Date d'inscription : 25/02/2019
Sujet: Re: Jacques-Louis David Mer 15 Juil - 9:13
Chère Madame Antoine, je vous remercie pour cette étude, d'autant qu'elle fait remonter cette discussion sur David qui m'avait échappé. Le moins qu'on puisse dire est que vous ne l'aimez pas beaucoup dans ce forum et ce parfois avec un parti pris qui vous empêche de voir ses réelles qualités. La peinture ne semble pas être parmi les centres d'intérêt de certains intervenants, si l'on s'en réfère à cette remarque.
Invité a écrit:
Citation :
Très curieux ! On le croirait en slip kangourou . Vraiment curieux ! Merci, cher ami ...
La remarque est en effet ridicule car elle repose sur une totale méconnaissance des pratiques picturales. Avant de peindre un personnage habillé, il faut évidemment le représenter nu afin de bien saisir les articulations des mouvements. Ce n'est qu'après cette étape indispensable que les personnages dans leurs vêtements prendront chair et vie sur la toile.
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