Elisabeth Vigée Lebrun, l'autoportait de 1790, Marie Antoinette et la Révolution

C'est étrange, cet autoportrait que Madame Vigée Lebrun réalise en 1790. Observez bien la toile qu'elle peint...



© Collection Dagli Orti / Galerie des Offices, Florence

Élisabeth Vigée-Lebrun réalise cet autoportrait en 1790, alors qu'elle est contrainte à l'exil par la Révolution française. Proche de Marie-Antoinette dont elle était la portraitiste, c'est la souveraine, et non son propre visage, qu'elle représente en arrière-plan sur la toile.
http://www.histoire-et-civilisations.com/articulo/articles/1173/elisabeth_vigee-lebrun_dans_cour_desgrands.html#

Bonjour, Pimprenelle,

Faites-vous en ce moment une étude sur l'oeuvre de Mme Vigée-Le Brun ? Selon moi on peut appliquer à cet autoportrait une partie de l'analyse que vous proposez dans cet autre sujet.

https://maria-antonia.forumactif.com/t6068-l-autoportrait-de-madame-vigee-lebrun-est-il-un-manifeste-feministe?highlight=vigee

Mme Vigée-Le Brun est ici tout aussi active.

Bien à vous.

madame antoine

Ah, Madame Antoine... Non, je ne fais pas de recherches particulières sur Madame Vigée Lebrun. Mais je m'avoue intriguée par ce personnage.

Oui, la "peintresse", comme on disait, se montre très active aussi sur cet autoportrait. Mais ce n'est pas le même message que je reçois. Vous bien?

D'abord, l'époque n'est pas la même, et pas les mêmes les préoccupations. Sur le portrait dont nous avons parlé ici, nous sommes en 1782 et l'artiste cherche encore à se positionner stratégiquement. Je suis donc d'accord avec les arguments développés dans l'article que j'ai posté.





L'artiste se présente comme un peintre au même titre que les Anciens, capable de rivaliser avec leur technique, en pleine possession de son talent et déjà introduite parmi les plus grands.

Oui, je sais, je vois en Madame Vigée Lebrun quelqu'un de très ambitieux, je l'avoue... préoccupée par sa carrière et sa notoriété avant tout.

Sur l'autoportrait posté en ouverture de sujet, nous sommes en 1790. En pleine Révolution.



oil on canvas, 100cm x 81 cm, Uffizi Gallery, Florence, Italy


D'abord, Elisabeth n'a plus à se placer, elle l'est. Son nom est désormais connu et répété dans toutes les cours. Il est aussi associé à jamais à celui de Marie Antoinette. Rappelons le contexte dans lequel elle a peint ce tableau:


In 1789 Vigee Le Brun fled France to save her head. The first stop was Italy where she was welcomed like a head of state. At Florence she was asked to paint her portrait for the celebrated collection of portraits of famous artists by their own hand at the Uffizi gallery. Vigee Le Brun started the self portrait while in Florence but finished it in Rome. Many believe that this is one of the best heads she ever painted, sunny, smiling, happy, and youthful. The subject of the painting within the painting is Marie Antoinette.
http://www.batguano.com/vigeeselfp.html

Vous imaginez...?! Elle s'enfuit de son pays pour sauver sa tête, atterrit en Italie où elle est reçue comme un chef d'état et priée de peindre sa propre personne pour figurer parmi les plus grands dans la prestigieuse Galerie des Offices?!

Wah... Tu parles d'une consécration?!

Observons ce tableau: la peintresse se représente en noir, costume traditionnel du peintre, mais aussi couleur du deuil. Une écharpe rouge vif lui barre la ceinture, à mi-corps. On ne peut pas ne pas la voir, elle accroche le regard, située comme elle l'est sur l'un des quatre points de fixation. Rouge, rouge sang, rouge sur noir.

Elle sourit, nous dit-on... Oui, peut-être peut on appeler cette expression un sourire, bien que je la voie tendue, prête à nous parler, nous expliquer, nous qui contemplons sa toile...

Bien sûr, j'extrapole largement, mais c'est ça qui est chouette aussi dans l'art, on peut chacun gloser à l'infini sur notre propre ressenti. Et, bien entendu, le mien sera antoinettocentré.

Je vois donc que Madame Vigée Lebrun a choisi de figurer aux Offices en train de peindre la reine Marie Antoinette, celle à qui elle doit sa position et sa réputation, celle à qui elle doit tout et qui est, elle, en train, par la force d'un chaos incompréhensible, de tout perdre. L'artiste esquisse à peine sa muse éternelle, mais la place à un point stratégique, le premier que lit le regard du spectateur. A peine visible mais incontournable...

Le message que je reçois, c'est que le peintre rend hommage à sa bienfaitrice qu'elle a laissée dans la tempête, mais que son pinceau ne quittera jamais. Portée au sommet par Marie Antoinette, elle l'immortalise. Du même coup, parce que c'est Elisabeth Vigée Lebrun et qu'elle garde toujours les pieds sur terre, elle rappelle au monde qu'elle est capable de peindre les reines.

Oui, je sais, ça casse l'ambiance, mais que penser alors de la copie qu'effectuera bientôt l'artiste?



http://www.batguano.com/vlbflor2.jpg


Ici, ce n'est plus la reine que dessine la peintre, c'est sa fille Julie. Le drame se vit en France. En Italie, la vie continue. Elisabeth a déjà reçu des commandes.

Chère Pimprenelle, ne trouvez-vous pas le regard est différent sur ces deux autoportraits par ailleurs presque identiques ? Le regard sur le premier, celui avec la Reine, semble interpeller le spectateur tandis que celui du second, avec la fille de Mme Vigée-Le Brun, semble se perdre dans le vide. Du moins, c'est mon impression.

madame antoine

Oui, oui... On dirait bien que vous avez raison... Le regard du premier tableau accroche le mien, mais passe à travers moi. Par contre, je ne parviens carrément pas à capter celui de l'autre.

De plus, Elisabeth me paraît plus souriante et plus lumineuse sur ce portrait-là, celui qui la représente peignant sa fille. Tout autre atmosphère, pour moi...

Joli d'après sur plaque de porcelaine par l'école allemande :



Tiens, elle avait les yeux bleus, Vigée ?
Bleus les yeux Elisabeth a ?

Ce portrait superbe a donné lieu à une superbe copie.



Description:

After Élisabeth Vigée Le Brun (French 1755-1842)/Self Portrait, Painting a Portrait of Marie Antoinette/oil on canvas, 33cm x 24cm, in a carved and gilded Florentine frame

Categories: OIL

Voici (pour la petite histoire) ce fameux cadre florentin.


http://www.chorleys.com/Welcome.aspx

Ce qui me touche le plus, je l'avoue, outre la finesse de l'exécution, c'est que l'on reconnaisse si bien les traits de l'auguste modèle.