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| Les mémoires de Louis-Philippe | |
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Auteur | Message |
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Chou d'amour Administrateur
Nombre de messages : 31526 Age : 42 Localisation : Lyon Date d'inscription : 22/05/2007
| Sujet: Re: Les mémoires de Louis-Philippe Dim 25 Oct - 0:04 | |
| Ce point de vue là est très intéressant et inédit pour moi merci à vous Oui 100 000 me semble énorme comme chiffre C'est confirmé dans d'autres sources? _________________ Le capitalisme c'est l'exploitation de l'homme par l'homme. Le syndicalisme c'est le contraire!
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Les mémoires de Louis-Philippe Dim 25 Oct - 0:40 | |
| - Madame de Chimay a écrit:
- « Allons, il faut voir ce qui se passe à Versailles , il doit y avoir bien du monde. »
Comme le premier janvier 1773 - Citation :
- 100 000 parisiens, ce chiffre est effrayant !
J'ai toujours lu qu'il y en avait eu 3000 à 4000...c'est déjà conséquent Bien à vous. |
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| Sujet: Re: Les mémoires de Louis-Philippe Dim 25 Oct - 16:20 | |
| Louis-Philippe écrit : « La foule commença peu après à revenir de Versailles avec la même indifférence qu’elle avait montrée la veille en y allant. Toute la route retentissait de la nouvelle que le Roi et l’Assemblée nationale allaient passer pour se rendre à Paris , conformément aux vœux du peuple. En effet, ils passèrent ! Précédés de la Garde nationale parisienne au milieu de laquelles les Gardes du Corps allaient à pied et sans armes. Les soldats du régiment de Flandres étaient pêle-mêle , mais armés et leurs havresacs sur le dos. Une foule innombrable accompagnait ce triste cortège en criant sans cesse Vive la Nation ! et tirant en l’air à droite et à gauche des coups de fusil à balles , sans cependant que j’ai ouï-dire que personne en ait été blessé. Le Roi, la Reine, M. Le Dauphin , Madame , fille du Roi , Madame Elisabeth étaient dans la même voiture , et paraissaient fort calmes. Ils descendirent aux Tuileries. L’Assemblée nationale alla tenir ses séances dans une des salles de l’archevêché , en attendant que celle qu’on préparait dans le Manège des Tuileries fût prête à la recevoir.
Ces événements excitèrent beaucoup de conjectures et de soupçons. Ils devaient naturellement se porter sur les personnages marquants dans le parti populaire. Les plus marquants à cette époque étaient incontestablement mon père et M. De La Fayette ? Aussi furent-ils soupçonnés et accusés tous les deux. Les causes qui dirigèrent cette accusation principalement contre mon père sont faciles à saisir.
La Cour , et par conséquent tout ce qui y tenait, craignait et haïssait mon père infiniment plus que M. De La Fayette. Mon père avait par lui-même une grande importance : la Cour l’avait toujours abreuvé de dégoûts et avait eu pour lui les plus mauvais procédés , tandis que M. De La Fayette en avait reçu plusieurs faveurs distinguées ; La Cour devait donc se croire bien plus haïe par mon père que par M. De La Fayette. D’ailleurs mon père était placé si haut , que son ambition ne pouvait avoir d’autre but que le pouvoir royal , soit qu’il l’exerçât comme lieutenant général du royaume ( tiens, cela rejoint ce que vous dîtes ! ), soit qu’il détrônât la branche aînée et s’assit sur le trône. Ceci était si évident , qu’on l’accusait hautement d’y aspirer. Cependant, il était loin de le désirer , et quelles que soient les fables qu’on ait débitées sur son compte , je suis convaincu que l’ambition n’était point dans son caractère : tout ce qu’il voulait dans le principe , était un abri contre les caprices et la malveillance de la Cour, et postérieurement contre sa persécution et sa vengeance. Je ne puis trop répéter que ce système de persécution et de vengeance de la part de la Cour a été une des principales causes qui ont réuni contre elle le terrible orage auquel elle a succombé ( tiens donc indirectement , il reconnaît la part prépondérante prise par les Orléans dans le déclenchement de la Révolution ! ). Puisse au moins ce douloureux exemple faire sentir aux Gouvernements qui se trouveront dans des circonstances semblables , que s’il est des cas où il faut punir , il n’en est pas où il faille persécuter !
La situation de M. De La Fayette relativement à la Cour est bien différente de celle de mon père. Malgré la devise de sa maison ( Cur non ? ), on ne pouvait guère le soupçonner de prétendre à la Couronne. On ne pouvait donc lui supposer d’autre ambition que celle de s’emparer du pouvoir et de gouverner sous le nom du Roi. Il résultait de là que la Cour était forcée d’opter , préférait l’influence de M. de La Fayette à celle de mon père , et que sans renoncer à l’espérance de perdre un jour M. De La Fayette, elle saisissait avec plaisir l’occasion de se servir de lui pour parvenir à la perte du principal objet de sa haine. Ce n’est pas légèrement ou avec partialité que je fais cette accusation, et il résultera , je crois, des détails suivants que l’éloignement de mon père n’était qu’une mesure préparatoire de sa perte complète , que loin de chercher à adoucir le bannissement volontaire auquel il se soumettait , en lui procurant une existence et un sort convenables , on l’abreuvait de dégoûts et d’humiliations, on s’efforçait de le noircir dans l’opinion publique et d’appeler sur sa tête le glaive des tribunaux.
Cependant la Cour n’était pas le seul parti qui désirait l’éloignement de mon père. Beaucoup d’autres le désiraient aussi par la crainte de passer pour être le parti d’Orléans .M.De la Fayette souhaitait vivement que mon père s’absentât. On a dit dans le temps que par le départ de mon père , il avait voulu se délivrer d’un rival de popularité qui lui faisait ombrage et ce bruit n’était peut-être pas dénué de tout fondement . On a dit aussi qu’il avait voulu rejeter sur mon père tout ce que les événements des 5 et 6 octobre 1789 avaient eu d’odieux , afin que sa propre conduite pendant ces journées , ne fût pas examinée et c’est ce que je ne crois point. D’abord, je suis bien convaincu que M. De La Fayette n’était pas plus que mon père l’auteur ou le complice de ces événements. Ensuite , il me paraît difficile de croire que dans la situation où se trouvait M. De La Fayette , il ne connût pas les véritables ressorts secrets de ces événements. Il devait savoir que mon père ne les avait pas suscités , et il le savait , car il le lui a dit. Mais néanmoins, il croyait utile que mon père quitte la France à cette époque, et par conséquent il a agi pour le déterminer à partir, et pour l’empêcher de revenir, quand une fois il a été parti.
Quoi qu’il en soit , quelques jours après le 5 octobre 1789, M. De La Fayette fit demander à mon père , un rendez-vous en lieu tiers. Mon père lui en donna un chez Mme de Coigny . M. De La Fayette lui dit , qu’étant chargé de la tranquilité publique, il était de son devoir de lui déclarer que son nom servirait de prétexte aux malveillants pour la troubler , qu’on l’accusait d’être le moteur des événements du 5 octobre , qu’il croyait tous ces bruits sans fondement, mais que le Roi désirait de lui un grand sacrifice , et l’avait chargé de lui demander de s’éloigner et de sortir de France. ( J’écris de mémoire , et je ne puis répondre que du sens ). Mon père répondit qu’il désirait se conformer aux intentions du Roi , mais qu’il ne pouvait pas abandonner de la sorte l’Assemblée et avoir l’air de craindre les recherches qu’on pouvait faire sur sa conduite , qu’il désirait au contraire qu’elle fût mise dans le plus grand jour, etc. Cela fut suivi d’explications et de propositions réciproques , et à la fin, il fut convenu , à de certaines conditions, que mon père serait chargé par le Roi d’une mission secrète pour le Roi d’Angleterre et qu’il partirait immédiatement pour Londres , que quoique l’objet de sa mission dût rester secret , cependant M . de Montmorin , ministre des Affaires Etrangères informerait l’Assemblée de la part du Roi , que le Roi avait donné à mon père une mission secrète pour le Roi d’Angleterre , et qu’alors mon père comme député demandait à l’Angleterre de lui donner un passeport , ce qui ne souleva pas de difficultés.
Cette mission était relative aux troubles du Brabant. Il paraît qu’on voulait flatter mon père de l’espérance de devenir duc de Brabant. Mais on eut grand soin de le lui faire seulement entrevoir , sans contracter aucun engagement . Il est certain que rien n’eût plus été conforme aux vues de mon père , à ses intérêts et à ses goûts , que de renoncer à la France de cette manière là. Il sentait qu’il serait éternellement en France un objet d’ombrage pour le Roi , et même pour tous les partis. Le comble de ses désirs et de son ambition eût été un arrangement de ce genre , qui l’aurait mis à l’abri des atteintes de la malveillance et des persécutions. Il semble que si la Cour de France n’avait eu en vue en éloignant mon père que d’assurer la tranquilité du royaume, elle aurait dû s’occuper franchement des moyens de lui procurer une existence brillante et convenable dans les pays étrangers . Mais on ne voulait que l’éloigner , l’affaiblir et le perdre , et loin de lui chercher à lui procurer un sort brillant , on n’était occupé qu’à l’empêcher d’y parvenir.
Néanmoins , cette mission était nécessaire pour le faire partir, il fallut bien la donner , et mon père alla aux Tuileries , recevoir ses instructions du Roi qui les lui remit lui-même. Les termes en sont très positifs quoi qu’on y ait rajouté toutes les restrictions qui pouvaient les affaiblir. Elles ont été trouvées depuis dans les papiers de mon père au Palais Royal , et imprimées ainsi que toute la correspondance de mon père avec M. de Montmorin au sujet de cette mission. »
Elle est grande l’amertume des Orléans….Qu’en pensez-vous ? |
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| Sujet: Re: Les mémoires de Louis-Philippe Dim 25 Oct - 17:15 | |
| - Madame de Chimay a écrit:
- Louis-Philippe écrit : « La Cour , et par conséquent tout ce qui y tenait, craignait et haïssait mon père infiniment plus que M. De La Fayette. Mon père avait par lui-même une grande importance : la Cour l’avait toujours abreuvé de dégoûts et avait eu pour lui les plus mauvais procédés , tandis que M. De La Fayette en avait reçu plusieurs faveurs distinguées ; La Cour devait donc se croire bien plus haïe par mon père que par M. De La Fayette.
D’ailleurs mon père était placé si haut , que son ambition ne pouvait avoir d’autre but que le pouvoir royal , soit qu’il l’exerçât comme lieutenant général du royaume ( tiens, cela rejoint ce que vous dîtes ! ), soit qu’il détrônât la branche aînée et s’assit sur le trône. Ceci était si évident , qu’on l’accusait hautement d’y aspirer. Cependant, il était loin de le désirer , et quelles que soient les fables qu’on ait débitées sur son compte , je suis convaincu que l’ambition n’était point dans son caractère : tout ce qu’il voulait dans le principe , était un abri contre les caprices et la malveillance de la Cour, et postérieurement contre sa persécution et sa vengeance. Je ne puis trop répéter que ce système de persécution et de vengeance de la part de la Cour a été une des principales causes qui ont réuni contre elle le terrible orage auquel elle a succombé ( tiens donc indirectement , il reconnaît la part prépondérante prise par les Orléans dans le déclenchement de la Révolution ! ). Puisse au moins ce douloureux exemple faire sentir aux Gouvernements qui se trouveront dans des circonstances semblables , que s’il est des cas où il faut punir , il n’en est pas où il faille persécuter ! »
Elle est grande l’amertume des Orléans….Qu’en pensez-vous ? Ce que j'en pense ..... Louis-Philippe présente son père comme une véritable victime, comme le bouc-émissaire pourrait-on dire du couple royal !!! C'est un monde !!!!!! Ce que je me demande vraiment, c'est si Louis-Philippe ment sciemment, de parfaite mauvaise foi, déguisant à dessein une vérité préjudiciable à la réputation et l'honneur de son père, ou bien s'il est possible qu'il soit assez naïf pour croire ce qu'il écrit ! Cela me paraît difficile ..... Il pourrait au moins adopter un moyen terme et reconnaître à son père quelques torts ( qui n'en a pas ? ) , mais non, Orléans est blanc comme neige et le souffre-douleur de la terre entière ..... Dans le reste de votre post, nous avons la narration de tout ce que nous avons trouvé la semaine dernière sous la plume d'E. Lever, la rivalité d'influence et de popularité Orléans/la Fayette ( mais, là encore, c'est la Fayette qui sadise Orléans ), sa mise au placard en Angleterre et les magouilles concernant l'affaire des Brabants ...... Merci, chère Princesse, il est toujours aussi passionnant de suivre votre lecture ! |
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| Sujet: Re: Les mémoires de Louis-Philippe Dim 25 Oct - 17:23 | |
| - Citation :
- Ce que j'en pense ..... Louis-Philippe présente son père comme une véritable victime, comme le bouc-émissaire pourrait-on dire du couple royal !!! C'est un monde !!!!!!
Un bouc émissaire qui fait le bélier par ses trahisons pour pénétrer dans la salle du trône dont il voudrait bien hériter Bien à vous. |
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| Sujet: Re: Les mémoires de Louis-Philippe Dim 25 Oct - 17:48 | |
| Absolument mais pourquoi diable Louis XVI l'a t-il envoyé chez Pitt son pire ennemi ? Il y avait d'autres pays plus lointains.... Et avez-vous remarqué comme une constante chez Louis-Philippe : " C'est pas moi, c'est l'autre"? Tel est son moyen de défense pour défendre son père . C'est un moyen dérisoire ! |
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| Sujet: Re: Les mémoires de Louis-Philippe Dim 25 Oct - 18:15 | |
| Louis-Philippe poursuit : « Le duc de Biron qui était ami de mon père depuis sa jeunesse , et dont l’âme noble et loyale lui fut fidèle jusqu’à son dernier soupir , s’efforça , mais en vain de l’empêcher de partir. »Ce départ, lui disait-il , aura l’air d’une fuite . Demandez à être jugé et déclarez que jusqu’à ce que vous l’ayez été vous ne quitterez ni l’Assemblée ni la France. Quand vous l’aurez été, vous vous chargerez de tout ce dont le Roi jugera à propos de vous charger ». le conseil était excellent , mais le penchant naturel de mon père , joint aux arguments de ses entours , et à l’opinion que son départ imposerait à la calomnie , en manifestant qu’il ne chercherait point à s’emparer du pouvoir en France , le décidèrent à accepter la mission. Il partit le 14 octobre au soir, se flattant que son départ lui ferait rendre la justice qu’il croyait mériter .C’était certainement son principal motif ; car les propres termes de son instruction devaient lui démontrer que la Cour de France n’avait nulle envie de le voir duc de Brabant. A peine fut-il parti que le déchaînement contre lui devint presque général, et pour y ajouter encore , la Cour faisait courir le bruit qu’il n’avait pas de mission véritable , et insinuait partout qu’on lui avait seulement fourni un prétexte pour motiver son départ. On le desservit en Angleterre , et on le contraria sur tous les points. Sa correspondance avec M. de Montmorin le prouve de la manière la plus évidente. Cette correspondance est une véritable dérision de la part du ministre , mais elle suffit pour prouver , 1° que mon père préférait ne pas se mêler des affaires de France , et qu’il désirait cesser d’y faire ombrage au Roi 2° Qu’on lui avait promis et donné une mission véritable , mais qu’on la rendit illusoire, tant par les termes de l’instruction même , que par les contrariétés et les entraves de tout genre dont on l’accompagna. Je me crois fondé à dire que le principal but qu’on avait en vue en l’éloignant , était de le perdre dans l’opinion publique , en persuadant aux uns qu’il était le coupable moteur des événements des 5 et 6 octobre , et aux autres , qu’il les abandonnait lâchement, ainsi que la cause dont il avait embrassé la défense. Mais ce n’était pas encore assez pour ses ennemis. Après avoir provoqué , je pourrais dire ordonné son absence , il fallait , ou le perdre juridiquement , ou si ce but ne pouvait être atteint immédiatement , il fallait au moins ajouter à la clameur publique, un monument légal , dont on pût espérer de tirer parti plus tard , et qui en même temps parut une preuve de culpabilité aux yeux d’un public léger et parvenu à ériger contre lui un échafaudage de calomnies qu’il n’a plus été en son pouvoir de renverser , et on ne perdit pas un moment pour s’en occuper aussitôt après son départ. " |
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| Sujet: Re: Les mémoires de Louis-Philippe Dim 25 Oct - 18:57 | |
| Extraits du Mémoire pour servir d’instruction à S . A S. Mgr le Duc d’Orléans , daté de Paris , le 13 octobre 1789 ; signé Louis et contresigné le Comte de Montmorin
« Les recherches de M. le Duc d’Orléans ne devront point se borner aux dispositions que la Cour de Londres peut avoir à notre égard ; elles porteront aussi sur un autre objet qui intéresse la France , comme toutes les autres puissances de l’Europe : il s’agit des Pays Bas autrichiens.
M. Le Duc d’Orléans n’ignore pas la fermentation extrême qui règne dans les provinces Belgiques ; l’esprit d’insurrection qui s’est manifesté parmi les habitants , et les dispositions où ils paraissent être de se soustraire à l’obéissance de l’Empereur.
On est porté à croire que les Barabançons sont fortifiés dans leur disposition , par les Cours de Londres et de Berlin , et les États Généraux ou plutôt le Stathouder ; mais on n’a à cet égard que des soupçons. Il serait d’une grande importance pour le Roi de savoir la vérité et S.M. se flatte que M. Le Duc d’Orléans fera tout ce qui sera en son pouvoir pour la découvrir.
Faute de notions certaines , on est obligé de s’attacher à des suppositions . Ainsi c’est en supposant que la Cour de Londres fomente des troubles des Pays Bas que le Roi se détermine à donner des instructions pour cette matière à M. Le Duc d’Orléans .
Le But de la Cour de Londres doit être , ou de réunir les Pays Bas à la Confédération des Provinces Unies, ou d’en fomenter une République indépendante , ou enfin de les soumettre à un Prince étranger à la Maison d’Autriche.
Dans la première hypothèse , la Cour de Londres donnerait aux Provinces Unies une consistance qui ne serait pas sans inconvénient pour elle-même. La seconde hypothèse amènerait un ordre de choses qui, considéré en lui-même , n’influencerait point le système politique de l’Europe. Quant à la troisième hypothèse , elle mérite la plus sérieuse attention , et l’on va exposer à M. Le Duc d’Orléans , le point de vue sous lequel le Roi l’envisage.
Si les Provinces Belges doivent changer de domination, le Roi aimera de préférence qu’elles aient un Souverain particulier , mais la difficulté sera dans le choix . M. Le Duc d’Orléans concevra de lui-même que le Roi doit désirer d’y influer , et qu’il importe à sa Majesté que le Prince sur lequel il tombera , lui soit agréable. M. Le Duc d’Orléans sentira sûrement d’autant plus , combien cette matière est délicate et combien elle exigera de dextérité de sa part, que , d’un côté les vues de la Cour de Londres pourra manifester , détermineront , ou l’opposition du Roi ou son assentiment ; et de l’autre , qu’il est possible que le résultat tourne à l’avantage personnel de M. Le duc D’Orléans . Le Roi croit devoir se borner , quant à présent , à ces remarques générales : Sa Majesté se réserve de faire connaître ultérieurement ses intentions et ses vues , lorsqu’Elle aura acquis des éclaircissements précis sur celles de la Cour de Londres , et alors Elle mettra M. Le Duc D’Orléans en état de s’expliquer , définitivement sur l’objet dont il est question. Le Prince concluera de là, qu’il ne doit dans son début , que sonder les dispositions des Ministres Anglais, provoquer leur confiance sans affectation , et préparer la voie à une négociation sérieuse , négociation qu’il ne conviendra d’entamer , que lorsque l’on pourra en entrevoir le succès.
Si la cour de Londres , résolue de soustraire les Pays Bas à la domination autrichienne , se montre disposée à se concerter avec le Roi , sur les moyens d’effectuer cette révolution , la négociation devra avoir deux bases essentielles : 1° le consentement formel de l’ Empereur 2° Un juste dédommagement pour le sacrifice que fera ce Monarque. Opérer sans le secours de Joseph II serait exposer infailliblement l’Europe à une guerre générale et dépouiller ce Prince , sans dédommagement , serait une injustice que rien ne pourrait justifier et à laquelle il serait impossible au Roi de participer : Sa Majesté serait même forcée de s’y opposer , en vertu des engagements qui la lient envers Sa Majesté Impériale . En présupposant le consentement de ce Prince , il s’agira de savoir quel dédommagement , ou quel équivalent la Cour de Londres croira devoir lui proposer . M. Le Duc d’Orléans , lorsque l’état de la Négociation le comportera , engagera les ministres anglais à s’expliquer avec franchise et précision sur cet objet, et il les détournera avec soin , quoiqu’avec ménagement de l’idée qu’ils pourraient avoir d’amener le Roi à faire la première ouverture. «
De quoi se plaint Orléans ? C’est une véritable mission de confiance que Louis XVI confie à son cousin. Par la présente, on voit que Louis XVI n’est point dupe du rôle joué par les Anglais en France dans le déclenchement de la Révolution ! |
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| Sujet: Re: Les mémoires de Louis-Philippe Dim 25 Oct - 19:11 | |
| L’opinion que son départ imposerait à la calomnie , en manifestant qu’il ne chercherait point à s’emparer du pouvoir en France , le décidèrent à accepter la mission. Il partit le 14 octobre au soir, se flattant que son départ lui ferait rendre la justice qu’il croyait mériter .C’était certainement son principal motif ...... Louis-Philippe nous présente son père comme contraint et forcé par la Cour de s'exiler en Angleterre . Il est vrai que tout le monde s'en frottait les mains de contentement, mais cela ne nous fait pas oublier pour autant que c'était le désir qu'il avait exprimé au soir du 14 juillet, partir en Angleterre si les évènements prenaient une tournure encore plus fâcheuse.; car les propres termes de son instruction devaient lui démontrer que la Cour de France n’avait nulle envie de le voir duc de Brabant. A peine fut-il parti que le déchaînement contre lui devint presque général, et pour y ajouter encore , la Cour faisait courir le bruit qu’il n’avait pas de mission véritable , et insinuait partout qu’on lui avait seulement fourni un prétexte pour motiver son départ. On le desservit en Angleterre , et on le contraria sur tous les points. Sa correspondance avec M. de Montmorin le prouve de la manière la plus évidente. Cette correspondance est une véritable dérision de la part du ministre ....Tout cela semble à Mme Lever rigoureusement exact . 1° que mon père préférait ne pas se mêler des affaires de France , et qu’il désirait cesser d’y faire ombrage au Roi.Alors là, j'aurais vraiment besoin d'une explication de Junior . En quoi Orléans portait-il ombrage à Louis XVI ? en attirant à lui la considération, les suffrages et l'amour du peuple ??? 2° Qu’on lui avait promis et donné une mission véritable , mais qu’on la rendit illusoire, tant par les termes de l’instruction même , que par les contrariétés et les entraves de tout genre dont on l’accompagna. Je me crois fondé à dire que le principal but qu’on avait en vue en l’éloignant , était de le perdre dans l’opinion publique , en persuadant aux uns qu’il était le coupable moteur des événements des 5 et 6 octobre , et aux autres , qu’il les abandonnait lâchement, ainsi que la cause dont il avait embrassé la défense. Oui, cela semble limpide ..... Mais ce n’était pas encore assez pour ses ennemis. Après avoir provoqué , je pourrais dire ordonné ( hum hum !!!!! ) son absence , il fallait , ou le perdre juridiquement , ou si ce but ne pouvait être atteint immédiatement , il fallait au moins ajouter à la clameur publique, un monument légal , dont on pût espérer de tirer parti plus tard , et qui en même temps parut une preuve de culpabilité aux yeux d’un public léger et parvenu à ériger contre lui un échafaudage de calomnies ( hum hum !!! ce n'était pas des calomnies .... ) qu’il n’a plus été en son pouvoir de renverser , et on ne perdit pas un moment pour s’en occuper aussitôt après son départ .C'est juste ! Ses alliés (plutôt qu'amis ) de la veille le méprisaient depuis qu'il s'était dégonflé comme une baudruche devant la porte close du Conseil .... |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Les mémoires de Louis-Philippe Dim 25 Oct - 19:12 | |
| Voici quelques références :
-Le duc de Lauzun et la cour de Marie-Antoinette de Gaston Maugras BookSurge Publishing, 2001, 557 p : 53,83 euros
En ligne partiellement à l'adresse suivante :
http://books.google.be/books?isbn=1421219735...
Autre livre en ligne partiellement :
http://books.google.be/books?id=2-BaAAAAQAAJ...
J'espère que ces liens marcheront sinon , je crois qu'il me faudra l'aide des modérateurs. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Les mémoires de Louis-Philippe Dim 25 Oct - 19:27 | |
| Voici les références des livres que vous auriez dû lire en ligne :
-Mémoires particuliers pour servir à l'histoire de la fin du règne de Louis XVI par Antoine François Bertrand de Moleville Publisher: Genève : Slatkine : Megariotis ; [Paris] : [diffusion Champion], 1976
-Marie-Antoinette et sa famille par M. de Lescure P. Ducrocq, 1879, 566 p |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Les mémoires de Louis-Philippe Dim 25 Oct - 20:13 | |
| - Madame de Chimay a écrit:
-Mémoires particuliers pour servir à l'histoire de la fin du règne de Louis XVI par Antoine François Bertrand de Moleville Celui-ci m'intéresserait particulièrement !!! |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Les mémoires de Louis-Philippe Dim 25 Oct - 21:08 | |
| Je suis tombée sur plein de références intéressantes. Je les posterais tout à l'heure ! |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Les mémoires de Louis-Philippe Lun 26 Oct - 12:59 | |
| Louis-Philippe écrit : « Dès le mois de novembre 1789 , le tribunal du Châtelet de Paris, auquel l’Assemblée nationale , par jalousie des Parlements , avait attribué la connaissance des crimes de Lèse- Nation , commença une procédure criminelle et secrète sur les délits commis dans les journées des 5 et 6 octobre.
Il semble que la véritable manière de procéder dans cette affaire , était de constater , d’abord , par qui le massacre des Gardes du Corps avait été commis , ce qui ne pouvait pas être difficile : ensuite , de faire arrêter les meurtriers , de découvrir par eux les instigateurs et ceux qui pouvaient les avoir soudoyés , afin de les faire arrêter à leur tour, et de poursuivre et punir les coupables avec toute la rigueur des lois. Alors on aurait été droit au fait , et le mystère aurait été pleinement dévoilé . Mais au lieu de cette marche simple et naturelle , on négligea entièrement la poursuite des assassinats et la recherche des assassins. On ne s’attacha qu’à découvrir ce qu’on appelait pompeusement les grands coupables : en conséquence la Commission du Châtelet se borna à recueillir toutes les conjectures individuelles des nombreux ennemis de mon père, ainsi que tous les propos de la foule, qui pouvaient l’impliquer. On y entendit , je crois , 2000 témoins , et pendant cette longue audition, on laissait transpirer dans le public , que le Châtelet instruisait une procédure criminelle sur les événements des 5 et 6 octobre , que le duc d’Orléans y étant fortement compromis avait dû chercher un asile en Angleterre , et qu’il y restait pour sa sûreté. En même temps, la Cour employait tous ses moyens pour le desservir en Angleterre et pour l’y retenir.
Enfin, après 7 mois de séjour en Angleterre , mon père, fatigué de tout ce qu’il éprouvait, et de tout ce qui se tramait contre lui , perdit patience, et prit la résolution de revenir en France braver l’orage qu’on y avait excité contre lui, afin que sa présence le dissipât ou le fit éclater. Dès qu’il eut fait part de son projet de retour, tout fut mis en jeu pour l’empêcher de revenir, et M. De La Fayette envoya même à Londres un de ses aides de camp ( M. de Boinville ) pour tâcher de l’y retenir ; mais son parti était pris, et rien ne l’arrêta. Il revint à Paris pour la grande fédération de 1790.
Son arrivée déconcerta momentanément ses ennemis, et leur fit sentir que la procédure au Châtelet ne l’effrayait pas. Cette procédure avait été jusqu’alors un mystère ; son retour décida à un coup d’éclat , et on attendit seulement que l’effervescence occasionnée par la Fédération fût un peu calmée , afin que cette affaire pût devenir un objet principal et occuper exclusivement l’attention publique. D’après les lois du temps, aucun membre de l’Assemblée nationale ne pouvait être mis en jugement sans qu’elle eût rendu contre lui un décret d’accusation . En conséquence , vers la mi-août après huit mois d’information secrète , M. Boucher d’Argis , lieutenant particulier du Châtelet , se présenta à la barre de l’Assemblée nationale , et demanda contre mon père et M. Mirabeau le décret d’accusation nécessaire pour que le tribunal du Châtelet puisse les juger . Cette demande fut accompagnée d’un discours théâtral tendant à prévenir le public de plus en plus contre ceux qu’on voulait , disait-on juger.
L’Assemblée ordonna l’impression de toutes les dépositions , et en renvoya l’examen au Comité des rapports , qui proposa quelque temps après , par l’organe de M . Chabroust , de déclarer qu’il n’y avait pas lieu à accusation, et ce décret fut adopté par une très grande majorité. Alors les ennemis de mon père prétendirent que ce décret ne le justifiait pas , que l’Assemblée n’était pas un tribunal : ils allèrent même jusqu’à affirmer que l’Assemblée était partiale en sa faveur tandis qu’elle était dans les dispositions les plus contraires. C’est ce que j’ai dit que j’essaierais de démontrer , et je vais tâcher d’y parvenir. J’examinerai ensuite, si l’Assemblée était ou non un tribunal compétent pour prononcer sur cette procédure ». |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Les mémoires de Louis-Philippe Dim 1 Nov - 23:58 | |
| Louis-Philippe reprend ici son analyse du fonctionnement des institutions pour pouvoir mieux disculper son père : « Trois partis principaux divisaient alors l’Assemblée. Le premier était celui qui siégeait à droite du président. C’est ce parti qu’on avait appelé d’abord les Aristocrates, et qu’on désigna ensuite dans l’Assemblée sous le nom des Noirs à cause du grand nombre d’ecclésiastiques , qui s’y trouvaient. J’ai déjà dit que ce parti était composé principalement des évêques, des abbés , d’un grand nombre de curés, de la majorité des députés de la noblesse , et de quelques uns de ceux du Tiers État . Ce parti comprenait plus du tiers de l’Assemblée , environ 430 ou 440 députés, ce qui le rendait plus fort que chacun des autres isolément, mais sa force n’était bien connue que de ses adversaires.
Les deux autres partis formaient le côté gauche, parce qu’il siégeait à gauche du président. L’un était le parti dont les réunions se tenaient au club de 89. M. de La Fayette, M. Bailly, M. de Talleyrand, MM. De Crillon, de Latour Maubourg, Roederer , Thouret , Le Chapelier , Démeunier, l’abbé Sieyès , Mathieu de Montmorency et quelques autres députés de la noblesse favorables à la Révolution, étaient de ce parti là, qui comprenait en outre des propriétaires , des négociants et des gens riches. D’autres membres qui passaient pour être indépendants parce qu’ils votaient indistinctement avec tous les partis , tels que M. Dandré, de Montesquiou, Bouche, Le Camus, Lanjuinais , Fréteau, Tracy, etc, se réunissaient souvent au parti du club de 89 .
Le second parti du côté gauche était les Jacobins d’alors à la tête desquels se trouvaient MM de Lameth , Barnave , Pétion, Adrien, Duport , Alexandre de Beauharnais, le duc d’Aiguillon, le Prince de Broglie, etc. Mon père et le duc de Biron votaient presque toujours avec ce parti . c’était le moins nombreux dans l’Assemblée, mais celui qui avait le plus de tactique.
Le détail que je viens de donner , ne présente qu’en gros , la subdivision des partis de l’Assemblée . il y avait beaucoup de subdivisions qu’il me serait difficile de me rappeler aujourd’hui et qui ne présenteraient que peu d’intérêt. Par exemple, Mirabeau qui formait presque un parti à lui seul , allait du club de 89 , à celui des Jacobins. Cependant, il n’était constamment ni de l’un ni de l’autre parti. Il détestait également M. de La Fayette et M. De Lameth : il détestait tout le monde , son opinion n’était liée avec celle de personne, il se croyait assez fort pour tenir tête à tout le monde , et cela lui a réussi plus d’une fois.
Après avoir indiqué les principaux partis dont l’Assemblée était composée, je vais examiner quelles étaient leurs dispositions envers mon père. Il est notoire que celui du côté droit lui portait une haine invétérée ; aussi presque tous ses membres votèrent pour qu’il fût décrété d’accusation . je dis presque tous, parce qu’il y eut des députés du côté droit qui se séparèrent de leur parti sur cette question. Mais la totalité du côté gauche ( exceptés 4 ou 5 membres ) vota contre le décret d’accusation.
Je n’ai pas besoin de dire que M. de La Fayette et tous ses partisans étaient dans une position hostile envers mon père . Le fait et ses causes sont bien connus. Ces deux classes formaient déjà le plus grand nombre à l’Assemblée. Le reste était toujours disposé à voter contre le duc d’Orléans pour une raison bien simple et qui n’est que trop dans le cœur humain , par la crainte de passer pour appartenir au parti d’Orléans.
C’est une vérité que j’articule de la manière la plus positive et la plus solennelle : il n’y a jamais eu de parti d’Orléans. Une des meilleures preuves que je puisse en donner, c’est que le reproche d’être le parti d’Orléans a été fait successivement et indistinctement par le parti adverse , à tous les partis qui ont existé en France pendant la Révolution , depuis celui des deux Chambres jusqu’à Danton et Robespierre. Mais moins cette accusation était fondée, plus elle effrayait ceux contre lesquels elle était dirigée, et il est certain que depuis le commencement de la Révolution , l’accusation banale d’être du parti d’Orléans a été dans les mains de la Cour , une tête de méduse qui pétrifiait ses adversaires , semait la désunion parmi eux , et entravait toutes leurs opérations. C’est précisément parce que personne ne voulait porter le duc d’Orléans sur le trône, que tout le monde craignait d’en être accusé, et que cette accusation dérangeait les projets et les vues de chacun . Aussi tout le monde cherchait-il à s’en justifier, et il résultait de cette disposition une malveillance générale pour mon père que tous les partis craignaient d’avoir dans leurs rangs, et que chacun voulait renier.
Je suis certain que les 47 députés de la noblesse qui se réunirent les premiers au Tiers État , se décidèrent à cette démarche, plusieurs d’entre eux désirèrent que mon père ne la fît pas en même temps. « Nous aurons l’air d’être à votre suite, lui dit M. de Montesquiou, et nous passerons pour être votre Parti, ce qui sera funeste pour vous et pour nous. »En effet, ces messieurs furent immédiatement accusés par leurs adversaires , de vouloir le placer sur le trône, et comme ils n’en avaient nullement le projet , et qu’au contraire ils désiraient sincèrement y maintenir le Roi , ils recherchèrent depuis lors toutes les occasions de se séparer de mon père, afin de repousser un soupçon trop dangereux. Je ne puis m’empêcher de convenir , quoique j’éprouve un serrement de cœur en y pensant , que l’indifférence de mon père sur sa réputation et les écarts de sa jeunesse , ne contribuaient que trop à augmenter la crainte de lui paraître attaché ; car il est bien vrai qu’un homme n’est jamais jugé isolément pour telle ou telle action , mais que l’ensemble de toute sa vie entre toujours dans la balance et décide du jugement qu’on porte sur lui.
Cette disposition à se séparer de mon père , et à lui marquer , si ce n’est de la malveillance, au moins une grande indifférence, se manifesta dès le mois de septembre 1789 avant que l’Assemblée eût quitté Versailles. Lorsqu’elle régla l’ordre de succession à la couronne de mâle en mâle par ordre de primogéniture , elle ajouta ( je puis dire sans aucun prétexte ) : sans entendre rien préjuger à l’égard des renonciations , ce qui avait pour but de rendre à la branche d’Espagne au détriment de la nôtre et au mépris des traités et de la solennité des renonciations, un moyen de réclamer son droit d’hérédité à la couronne de France, et par là de diminuer l’importance de mon père , en facilitant l’introduction d’une branche aussi nombreuse que celle d’Espagne , entre la couronne et nous.
J’ai déjà parlé de l’affaire des apanages qui me paraît une autre preuve bien frappante de la malveillance de l’Assemblée nationale et je n’ai rien à ajouter à ce que j’ai déjà dit à cet égard. Je me borne à le rappeler. Je crois avoir prouvé qu’une très grande majorité de l’Assemblée nationale était fort mal disposée pour mon père. Mais avant de conclure cette discussion , je vais encore examiner la composition du parti Jacobin d’alors, afin d’ajouter de nouvelles preuves à toutes celles que j’ai déjà données.
Les députés de ce parti que je viens de nommer , étaient alors fort mal avec M. de La Fayette , quoique la plupart n’aient pas beaucoup tardé à se raccommoder avec lui , mais ils craignaient de passer pour être le parti d’Orléans, et sans malveillance pour mon père, ils s’éloignaient de lui. Il y avait encore dans le parti des Jacobins d’alors , quelques-uns des députés qui se partagèrent ensuite dans la Convention nationale en Girondins et en Robespierristes. Ils étaient en petit nombre dans l’Assemblée constituante , où cependant le germe de ces deux partis était bien prononcé. Ils savaient très bien que depuis la Révolution, l’influence de mon père était tellement réduite , que son assistance n’était plus d’aucune utilité ; ils savaient de plus que la perte de mon père était jurée par la Cour , et par conséquent par tous les partis qui s’alliaient à elle, qu’il n’y avait de salut pour lui que dans le triomphe du parti populaire , et qu’il était forcé de s’y joindre. Cela suffisait pour les rendre au moins tièdes à son égard, et il n’est que trop connu que de ces deux subdivisions de parti dont je viens de parler, l’une ( celle de la Gironde ) s’efforça de le perdre dans la Convention nationale, où elle fut pendant 8 mois son ennemie déclarée, et l’autre ( celle des Robespierristes ) en fit une de ses premières victimes.
Quant à Mirabeau , qui, comme je l’ai dit tout à l’heure, faisait à lui seul un parti par la force de son éloquence et de ses talents, il n’avait jamais eu que peu de relations avec mon père, et malgré tout ce qu’on en a dit, il ne se souciait pas plus que les autres de passer pour être du parti d’Orléans : son nom fut mis à côté de celui de mon père pour que cette réunion leur nuisit à tous deux : car, ainsi que Mirabeau l’a dit à lui-même, lorsqu’on examina les dépositions faites au Châtelet , il n’était question de lui nulle part , excepté dans le discours de M. Boucher d’Argis prononcé à la barre de l’Assemblée nationale.
Je puis m’abuser ; mais il me semble qu’après ce que je viens de dire sur cette assemblée , on ne peut plus la soupçonner de partialité en faveur de mon père , et que sa décision doit avoir d’autant plus de poids dans cette circonstance , que c’est la seule fois où elle n’a pas décidé contre lui.
J’ai déjà dit et je répète , que ceux qui conserveraient des doutes sur les imputations faites à mon père relativement à cette affaire , prennent la peine de lire les deux volumes de la procédure du Châtelet , et je suis assuré , que quand ils l’auront lue, il n’en restera plus dans leur esprit.
Quand à ce que l’on dit qu’un tribunal seul pouvait blanchir mon père et que l’Assemblée n’était pas un tribunal , j’observerai qu’il n’est pas nécessaire de connaître les lois, pour prononcer sur une affaire de ce genre, puisqu’il s’agissait seulement de savoir , si mon père avait eu part ou non aux mouvements populaires des 5 et 6 octobre , et s’il les avait fomentés. Par conséquent , l’Assemblée nationale, sous les yeux de laquelle ces événements s’étaient passés, paraît avoir été très compétente à tous égards pour la décision qu’elle a donnée.
Qu’il me soit encore permis d’ajouter que s’il est vrai qu’on persuade aisément aux autres ce dont on est bien persuadé soi-même, je dois avoir pleinement réussi auprès de ceux qui pourront lire cet ouvrage , car je n’ai rien avancé dont je ne sois bien convaincu. Cependant, je n’ai pas encore dit tout ce que j’aurai à dire sur un sujet d’un aussi grand intérêt pour moi, mais le reste de mes observations trouvera sa place, en parlant des événements subséquents.
J’ai démontré que mon père n’avait aucune influence dans l’Assemblée nationale, je vais actuellement développer les ressorts secrets qui la faisaient mouvoir , et j’espère prouver l’assertion que j’ai déjà faite, qu’elle était elle-même menée par les clubs politiques qui dirigeaient l’opinion publique, ce levier irrésistible dans les temps modernes de toutes les convulsions dont nous avons déjà été témoins, et de celles qui se préparent peut-être encore . Pour faire ce développement, il faut reprendre la chose d’un peu haut, afin de bien expliquer comment se sont formés les clubs politiques, et de quelle manière ils ont agi sur l’Assemblée et sur la nation ».
Décidément Junior se donne beaucoup de mal pour défendre son père ! Son père était détesté de la Cour, de l’Assemblée…Bref, un vrai persécuté que nul n’aimait ! Ceci dit, son analyse de la scène politique est intéressante pour nous donner une idée sur le fonctionnement de l’Assemblée. |
| | | Chou d'amour Administrateur
Nombre de messages : 31526 Age : 42 Localisation : Lyon Date d'inscription : 22/05/2007
| Sujet: Re: Les mémoires de Louis-Philippe Lun 2 Nov - 0:14 | |
| Très instructif en effet merci Il cherche bien trop à défendre son père et ça en devient toujours aussi louche... Ceci métonne : - Citation :
- Après avoir indiqué les principaux partis dont l’Assemblée était composée, je vais examiner quelles étaient leurs dispositions envers mon père. Il est notoire que celui du côté droit lui portait une haine invétérée ; aussi presque tous ses membres votèrent pour qu’il fût décrété d’accusation . je dis presque tous, parce qu’il y eut des députés du côté droit qui se séparèrent de leur parti sur cette question. Mais la totalité du côté gauche ( exceptés 4 ou 5 membres ) vota contre le décret d’accusation.
Je pensais qu'Orléans avait bien plus de partisans du côté droit que du côté gauche Le côté droit était plus modéré et propice à une monarchie constitutionnelle, et le côté gauche avait une certaine haine du "sang impur" _________________ Le capitalisme c'est l'exploitation de l'homme par l'homme. Le syndicalisme c'est le contraire!
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Les mémoires de Louis-Philippe Mar 17 Nov - 18:15 | |
| Louis-Philippe écrit : « La Bretagne avait été la première province qui se fut agitée avant la convocation des états généraux. Depuis la réunion de cette province à la couronne de France les Bretons étaient parvenus par leur énergie à conserver leur système représentatif , malgré les empiètements de l’autorité royale. Comme les Anglais dont ils partagent l’origine , ils sont tenaces et jaloux de leurs privilèges ; ils les défendent avec vigueur , et ils défendent de même le Gouvernement auquel ils s’attachent. Il est digne de remarque que ce soit dans cette province que l’établissement de la République a éprouvé les plus grands obstacles , et que ce soit parmi les Bretons que se sont formés les Chouans. La demande des états généraux fut unanime en Bretagne ; elle fut même faite avec violence ; et cette même noblesse de Bretagne qui depuis émigra en totalité , attaquait cependant l’autorité royale par tous les moyens. C’est ce qui est arrivé plus ou moins à tous les ennemis de la Révolution . Il n’y a personne parmi eux qui a une époque ou une autre , n’ait contribué à l’opérer.
En 1788, les demandes de la noblesse de Bretagne parurent si dangereuses au Roi , qu’il fit mettre à la Bastille les seize nobles bretons qui vinrent les lui présenter. Mais lorsque le Roi eut ordonné que dans les états généraux qui allaient s’assembler , la représentation du Tiers État serait égale à celle des deux autres Ordres réunis, la chose changea de face , et la noblesse de Bretagne qui avait insisté avec tant de force sur la convocation des états généraux refusa de reconnaître ceux qui seraient constitués de la sorte, et ne voulut point y envoyer de députés. On s’en passa. Le haut clergé de Bretagne ( c'est-à-dire les évêques et les abbés commendataires ) fit la même difficulté , et le bas clergé ( c'est-à-dire les curés ) nomma , à lui seul, des députés qui furent admis à voter aux états généraux , comme députés de tout le clergé de Bretagne. Ce court exposé suffira pour faire voir quel était l’esprit de corps des différends Ordres en Bretagne , et combien chacun était exalté dans son sens . Il résulta de cette disposition que les députés du Tiers État de Bretagne formèrent une phalange au milieu de l’Assemblée Nationale, et que la tactique de leur conduite, plus encore que leurs talents et que l’exaltation de leurs têtes , rallia à leur phalange ceux des membres de l’Assemblée qui avaient des opinions analogues aux leurs.
Arrivés à Versailles, les députés de Bretagne se réunissaient journellement dans une maison particulière pour concerner leur conduite individuelle. Là , ils se déterminaient dans quel sens ils écriraient à leurs commettants sur les événements du jour et les opérations de l’Assemblée. Ils discutaient d’avance les questions qui devaient être discutées à l’Assemblée. Ils arrêtaient leurs opinions , et par ce moyen , ils arrivaient toujours à l’Assemblée , prêts à y manœuvrer comme une colonne serrée en masse au milieu d’une multitude désunie. Cette réunion particulière s’appelait le Club Breton. Les députés de la province du Dauphiné dont la conduite ressemblait infiniment à celle de la Bretagne avant les états généraux, formèrent aussi une phalange dans l’Assemblée , jusqu’à la question des deux Chambres, dont ils furent les principaux artisans ; mais alors, ils se brouillèrent et se divisèrent. D’ailleurs, ils étaient moins nombreux que les députés de Bretagne , et ils n’étaient pas composés , comme eux, d’éléments homogènes, puisqu’il n’y avait point de nobles parmi les députés de Bretagne, et qu’il y en avait beaucoup parmi ceux du Dauphiné.
On s’aperçut sans peine dans l’Assemblée de l’influence que cette union en club procurait aux députés de Bretagne , et dès lors, d’autres membres désirèrent s’y associer pour participer à cette influence. Les Bretons , sentant que ces admissions dans leur club étaient une accession de forces pour leur parti , ne furent point difficiles , et leur club devint nombreux. Lorsque l’Assemblée se transféra à Paris , ils cherchèrent , pour se réunir , un local qui fût à portée du lieu où elle tenait ses séances , et ils obtinrent des moines jacobins de la rue Saint Honoré , une salle basse de leur couvent . Il est assez remarquable , que cette salle fût précisément celle où jadis, on avait signé la fameuse Ligue dans le temps des guerres de religion. Depuis leur installation dans ce couvent , la dénomination de Club des Jacobins fut substituée à celle de Club Breton. Ce club , étant nombreux , sentit la nécessité de mettre de l’ordre dans ses discussions. En conséquence , on y nomma un président et des secrétaires comme à L’Assemblée nationale et les séances devinrent régulières. On s’habitua à les tenir le soir, parce qu’alors l’Assemblée ne se réunissait guère que le matin , et que par conséquent les députés pouvaient assister aux séances des Jacobins sans manquer celles de l’Assemblée ( Plus tard, l’Assemblée tint aussi des séances du soir ; il n’y en eut d’abord que trois fois par semaine alternant avec celle des Jacobins, ensuite, il y en eut tous les soirs ).
Dans les premiers temps, ce club était fréquenté par presque tous les députés du côté gauche. En sorte qu’il devint la salle de répétition de l’Assemblée Nationale , et qu’elle-même n’était plus qu’une marionnette dont on tenait les fils aux Jacobins. Cela devait donner et donna à ce club une importance considérable. On n’y admettait que les membres de l’Assemblée et les députés suppléants ; mais bientôt, sous prétexte de recueillir les opinions de gens instruits , tantôt sur une question et tantôt sur une autre, on y admit aussi des personnes totalement étrangères à l’Assemblée , et elles ne tardèrent pas à s’y trouver en plus grand nombre que les députés. On ne se renfermait plus dans les questions qui devaient être le sujet des délibérations de l’Assemblée, on divaguait, et il devenait chaque jour plus difficile de contenir ce club dans des bornes raisonnables . Les gens sages qui s’y trouvaient , s’alarmèrent de cette disposition et commencèrent successivement à se retirer. Ils firent dans le club des Jacobins ce qu’ils ont fait partout en France pendant la Révolution , ils abandonnèrent le champ de bataille aux fous et ceux-ci ne le gardèrent que jusqu’à ce qu’il s’en présentât de plus exaltés encore auxquels ils le cédèrent par la même raison.
Cependant , on s’apercevait que ce club devenait une véritable puissance ; et on voulait former un contrepoids. Pour y parvenir , M. de La Fayette et tous les députés qui voulaient quitter les Jacobins , s’en séparèrent tout à fait et fondèrent un nouveau club. On remarquait parmi ceux –là , l’abbé Sieyès, Mirabeau, Talleyrand, Roederer, Volney, Barère, Démeunier , Le Chapelier, Condorcet ( ce dernier n’était pas député ), etc.
Cette réunion prit le nom de Club 89 , afin d’indiquer qu’il n’y avait dans son sein que des amis de la Révolution et de vrais patriotes ; et d’acquérir par là de la popularité ; mais cela ne produisit pas l’effet qu’on en attendait et le public ne prit pas le change. On choisit pour le lieu des séances un appartement charmant sur le jardin du Palais Royal. Il y avait dans une des salles , une tribune et des bancs pour les délibérations ; dans d’autres, on se réunissait pour causer , et très souvent pour dîner, car on s’était pourvu d’un excellent cuisinier. Cet établissement devait être attrayant et on se flattait qu’il ferait tomber le club des Jacobins en lui enlevant tous les députés. On se trompa , le Club 89 fut toujours très impopulaire , et ne servit qu’à fortifier , et populariser son rival et à le pousser plus rapidement à la démagogie. Je crois pouvoir en donner quelques raisons qui me mèneront à développer encore mieux ce que j’ai dit précédemment sur les causes des excès de la Révolution , et sur ce qui fit triompher la démagogie. «
Cette analyse de la vie de l’Assemblée est intéressante . on peut y voir combien l’Assemblée elle-même est court-circuitée par tous ces clubs. Mais le fonctionnement en clubs , n'est-ce pas typique du fonctionnement de la Franc-Maçonnerie ? |
| | | Chou d'amour Administrateur
Nombre de messages : 31526 Age : 42 Localisation : Lyon Date d'inscription : 22/05/2007
| Sujet: Re: Les mémoires de Louis-Philippe Mar 17 Nov - 18:21 | |
| Merci Madame de Chimay! Je ne connaissais pas vraiment les origines du club des jacobins - Citation :
- Cette analyse de la vie de l’Assemblée est intéressante . on peut y voir combien l’Assemblée elle-même est courcicuitée par tous ces clubs. Mais le fonctionnement en clubs , n'est-ce pas typique du fonctionnement de la Franc-Maçonnerie ?
Le but reste le même : réunir des gens qui ont la même conception des choses, je ne pense pas qu'il faille voir plus loin _________________ Le capitalisme c'est l'exploitation de l'homme par l'homme. Le syndicalisme c'est le contraire!
|
| | | pimprenelle
Nombre de messages : 40594 Date d'inscription : 23/05/2007
| Sujet: Re: Les mémoires de Louis-Philippe Mar 17 Nov - 18:21 | |
| - Citation :
- Cette analyse de la vie de l’Assemblée est intéressante . on peut y voir combien l’Assemblée elle-même est court-circuitée par tous ces clubs. Mais le fonctionnement en clubs , n'est-ce pas typique du fonctionnement de la Franc-Maçonnerie ?
Oui, le rituel en moins, peut-être... _________________ rien que la mort peut me faire cesser de vous aimer
|
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Les mémoires de Louis-Philippe Mar 17 Nov - 18:57 | |
| En tout cas ces assemblées draînaient les mêmes gens qui auparavant fréquentaient les loges . C'est dans les loges qu'ils se côtoyèrent, frayèrent ensemble , s'acoquinèrent ...... |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Les mémoires de Louis-Philippe Mar 17 Nov - 19:00 | |
| Et Louis-Philippe le dit bien qu'ils répétaient dans les loges ce qu'ils devaient dire à l'Assemblée et que celle-ci n'était plus qu'une marionnette vidée de sa substance. |
| | | pimprenelle
Nombre de messages : 40594 Date d'inscription : 23/05/2007
| Sujet: Re: Les mémoires de Louis-Philippe Mar 17 Nov - 19:01 | |
| Là, c'est une description de la maçonnerie dans ce qu'elle peut avoir de plus affairiste. _________________ rien que la mort peut me faire cesser de vous aimer
|
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Les mémoires de Louis-Philippe Mar 17 Nov - 19:04 | |
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Les mémoires de Louis-Philippe Mar 17 Nov - 19:08 | |
| Citation extraite de mon message de 18h15 : "Dans les premiers temps, ce club était fréquenté par presque tous les députés du côté gauche. En sorte qu’il devint la salle de répétition de l’Assemblée Nationale , et qu’elle-même n’était plus qu’une marionnette dont on tenait les fils aux Jacobins. Cela devait donner et donna à ce club une importance considérable." |
| | | Chou d'amour Administrateur
Nombre de messages : 31526 Age : 42 Localisation : Lyon Date d'inscription : 22/05/2007
| Sujet: Re: Les mémoires de Louis-Philippe Mar 17 Nov - 19:16 | |
| Ah oui mais là il parle bien du club des jacobins et non d'une loge maçonnique Car que ce soit les clubs qui menaient la danse, là oui certainement! Mais les clubs étaient remplis de députés de cette même Assemblée, donc ça reste assez normal. _________________ Le capitalisme c'est l'exploitation de l'homme par l'homme. Le syndicalisme c'est le contraire!
Dernière édition par Chou d'amour le Mar 17 Nov - 19:19, édité 2 fois |
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