Marie-Caroline, la soeur préférée de Marie-Antoinette

Il est vraiment dommage que nous n'ayons plus la correspondance entre Marie Antoinette et sa soeur Caroline. Quant à celle de la reine de Naples, j'ignore si elle est accessible quelque part. Jamais vu de traces sur le net, en tout cas...

C'est d'autant plus frustrant qu'il est certain que les deux soeurs se faisaient beaucoup de confidences. On le sent par des biais divers, par exemple cette remarque amère que Marie Caroline envoie à Madame de Polignac au moment de la catastrophe de Varennes :

Comment, après n'avoir, durant une année entière, que trop parlé de cette évasion, est-elle si mal concertée, exécutée, et sans une personne ferme et sûre pour les faire passer coûte que coûte ?
(passage cité par Françoise Kermina, in Fersen, Perrin, 2001, p. 185)

Faut-il prendre ces mots littéralement ? Ce serait alors une attaque contre toute l'opération. Mais là n'est pas le sujet ici. Ce qui est remarquable, c'est le réseau très bien informé qui se dessine en filigrane. Combien de personnes correspondaient-elles donc ainsi régulièrement ?

De même, Marie Caroline, après la mort de sa soeur, s'exprimera par l'intermédiaire d'Armfelt, ministre de Suède à Naples :

La Reine (Marie Caroline, donc), avait déjà l'imprimé du procès de sa soeur, mais les détails de sa prison ne lui étaient pas connus. Elle m'a chargé de mille choses pour vous, mon cher comte, reconnaissant avec sensibilité les expressions de l'attachement que vous avez voué à son infortunée soeur. Ce sont ses propres mots.
(passage cité par Charles Kunstler in Fersen et son secret, Hachette, 1947, p. 298)

Si Marie Caroline semble s'en prendre plus tôt aux manquements qui ont causé l'échec de Varennes, où Fersen a joué un rôle central, la voici qui reconnaît son action d'ambassadeur officieux auprès de la reine Marie Antoinette.

Ces deux petits extraits (trop courts !) montrent bien la part que Caroline prenait aux affaires de sa soeur. Peut-être lui donnait-elle des conseils, des avis ? Lui confiait-elle, elle aussi ses projets ?

Dans un domaine moins essentiel et moins tragique, sans doute se sont-elles décrit mutuellement les jardins anglais que chacune faisait construire ? Où Marie Caroline a-t-elle parlé à Marie Antoinette de cette salle de bain si raffinée qu'elle faisait installer à Caserte ?

Marie-Antoinette a dû lui parler longuement de Son amie Yolande de Polignac pour que les deux femmes aient une correspondance ensemble...
Ces confidences entre soeurs seraient passionnantes à consulter...
Il faudrait peut-être se rendre à Naples, mais là-bas, comment y avoir accès?
Ou suggérer à Madame lever d'éditer un second tome de la correspondance de Marie-Antoinette

Bien à vous.

Encore faut-il que les deux soeurs n'aient pas trop scrupuleusement exécuté les ordres maternels... et n'aient pas ilico détruit les lettres reçues par trop d'exactitude à les brûler...

Le parallèle entre les deux soeurs est impressionnant ; en plus de leur profonde tendresse réciproque, comment ne pas rapprocher :

- Acton de Fersen,
- Lady Hamilton de la Polignac,
- leurs époux (si, si...)
- Caserte de Versailles...

Sans compter le sort de MC, renvoyée à Vienne en 1814, ce que le gouvernement français rêva un temps de faire avec la Reine...

Une biographie parallèle, à la Plutarque pourrait s'avérer enrichissante .

Marie-Caroline a connu une chose que Marie-Antoinette n'a pas connu : l'exil...mais ça effectivement Marie-Antoinette l'a souhaité....
Sauf que Marie-Caroline faisait énormément de politique et elle s'y investissait beaucoup...sur ce point la différence est flagrante avec sa soeur

Autres différences de taille : d'abord, le contrat de Marie Caroline, qui lui garantissait une place au conseil une fois qu'elle aurait donné son premier héritier mâle à la couronne. Remarquez que c'eût été impossible en France ! Et voilà la deuxième différence : Marie Antoinette est tombée sur le système le plus macho d'Europe ! Elle qui venait d'un empire tenu de main de maître par sa mère...

Alors, quand bien même elle aurait eu des velléités politiques, elle aurait dû vite fait les remiser. Et puis, Louis était bien trop jaloux de son autorité. Ne confondons pas l'homme et sa caricature, Orangerie...

Et puis de toute manière, Marie-Antoinette n'aimait pas la politique...alors qu'on peut déjà plus raisonnablement penser que Marie-Caroline y a pris goût, un peu comme sa mère ou Marie-Christine je crois...
Marie-Caroline influençait énormément son mari dans les affaires, alors que Marie-Antoinette sur ce niveau là c'était quasi le zéro pointé, elle même le reconnaissait

Mais quel procès me faites-vous là !

Le propre des parallèles en histoire, est de permettre de mieux mettre en exergue les différences :

- Acton et Fersen, deux favoris, mais l'un public, politique, l'autre privé : deux influences considérables sur deux soeurs, mais aux conséquences si différentes !

- Louis et Ferdinand, deux cousins que seulement trois années séparent, passionnés de chasse au point de s'y exercer tous les jours, ayant épousé chacun une fille de la Grande Marie-Thérèse, mais l'un intéressé au gouvernement, et point l'autre...

- deux soeurs, dont l'influence sur leurs trônes respectifs fut immense, mais l'une par sa vie privée, l'autre par son rôle de véritable souverain...

A mon sens, le destin de MC est en quelque sorte l'uchronie de celui qu'aurait connu MA si elle avait pris le contrôle de la situation et imposé ses vues fermes : un sursis, mais un rejet politique et populaire à la fin.

MC renvoyée à Vienne en 1814, c'est MA renvoyée à Vienne par La Fayette en 1790 à mes yeux. Une même haine pour l'Autrichienne qui a trop joué la carte de son pays natal au détriment de celui de son époux aux yeux de son peuple.

Et Chou d'Amour, MC, reine de Naples mais aussi reine de Sicile, fut autant en exil à Palerme que MA l'eût été à Montmédy .

Y a pas de procès ici Orangerie rassurez vous

Vous aviez raison de souligner des similitudes entres ces 2 soeurs, car il y en a (la preuve elles s'entendaient à merveille), mais justement pour compenser le tout je souligne quelques différences

Citation :

Et Chou d'Amour, MC, reine de Naples mais aussi reine de Sicile, fut autant en exil à Palerme que MA l'eût été à Montmédy

Certes, mais...Marie-Antoinette justement n'a jamais été à Montmédy...elle aurait aimé comme je le disais (contrairement à Marie-Caroline qui a toujours détesté ses exils synonymes de défaites, face à Napoléon), mais ça en reste là

Chou d'amour a écrit:

Marie-Antoinette justement n'a jamais été à Montmédy...elle aurait aimé comme je le disais (contrairement à Marie-Caroline qui a toujours détesté ses exils synonymes de défaites, face à Napoléon), mais ça en reste là

Ce que je voulais simplement dire sur ce point précis de la notion d'exil, c'est qu'avant 1814, MC peut difficilement se considérer hors de son pays, assise sur un trône de Sicile qui est le sien... Ensuite, qu'elle se considère "en exil" car le couple royal a perdu les deux tiers de ses revenus et ses beaux palais, c'est là sa vision purement personnelle (et matérielle) des choses...

Mais Marie-Caroline a été obligée, à deux reprises il me semble, de quitter Naples, devant les avancées de Napoléon, de ce point de vue c'est un exil aussi non?

Oui, quitter Naples pour Palerme, partie intégrante de son royaume !!!!!!

Oui nous sommes d'accord Orangerie, mais là c'était dû à une fuite, devant l'avancée des troupes étrangères ennemies...effectivement elle restait dans son royaume, mais ça en reste un "exil interne" si vous préférez...mais vous avez raison de relever la nuance

Nous avons sans doute tous les deux raisons à note manière .

Et puis ces "MC" et ces "MA" dans tous mes posts me fatiguent... On croirait au retour d'un fameux groupe de filles, les Habs' Girls ...

Vous faites une analyse intéressante, Orangerie. Le parallèlisme est en effet si séduisant... qu'on peut se demander jusqu'où on peut le pousser. Le destin de Marie Caroline uchronie de celui de Marie Antoinette... ?

Ou multiplicatif de la vie de sa soeur ? C'est vers cette vision que penche Chantal Thomas, qui en vient presque à considérer que Marie Caroline a tout de la reine scélérate que Marie Antoinette n'a jamais été.

Je rejoins plutôt votre proposition de, par ces irrésistibles parallélismes, mettre en exergue les véritables différences. Mais non pour montrer à quel point Marie Caroline a réalisé tout ce qui, chez Marie Antoinette, n'a jamais existé qu'à l'état de fantasme.

Force nous est d'admettre que nous maîtrisons trop peu la biographie de cette princesse pour nous livrer à des jeux aussi hasardeux. Pour elle tout autant que pour Marie Antoinette, les ragots se sont déchaînés. Aussi est-il tout aussi malaisé de déterminer le vrai du faux.

Alors, pour moi, oui, on peut parler de lignes parallèles... mais à géométries variables !

pimprenelle a écrit:

Force nous est d'admettre que nous maîtrisons trop peu la biographie de cette princesse pour nous livrer à des jeux aussi hasardeux.

Je reviendrai vers vous en 2012, quand j'aurais fini la biographie en anglais des Bourbons de Naples par Sir Acton .

Par contre, en ce qui concerne Lady Hamilton et la duchesse de Polignac, il y a ici sans doute un joli sujet à creuser .

Citation :

Par contre, en ce qui concerne Lady Hamilton et la duchesse de Polignac, il y a ici sans doute un joli sujet à creuser

Dans une certaine mesure, cher Orangerie... Les personnalités sont bien différentes, me semble-t-il. Nous avons l'aventurière Emma, dont le coeur bat sous le volcan, et la petite duchesse à l'âme de gouvernante. Car les intrigues de la Polignac font partie de la légende. En réalité, il semble bien qu'elle ait été gouvernante de Marie Antoinette autant que de ses enfants.

D'autre part, les rapports d'âge, si pas de forces, sont inversés. Marie Caroline est plus âgée que Lady Hamilton, qu'elle aime presque comme une mère. Madame de Polignac, comme d'ailleurs Madame de Lamballe, a quelques années de plus que Marie Antoinette.

Et, si parallélisme il y a, nous retrouvons sans doute les schémas que les deux princesses ont connus dans leur enfance. Marie Caroline qui couvait sa petite soeur de son affection possessive, et Marie Antoinette qui ne refusait pas de se laisser materner.

Votre analyse est particulièrement intéressante : deux soeurs, deux favorites, deux Vigée-Lebrun , mais deux personnalités différentes...

Chou d'amour a écrit:

Sauf que Marie-Caroline faisait énormément de politique et elle s'y investissait beaucoup...sur ce point la différence est flagrante avec sa soeur

Pas si flagrant que çà quand on voit les dernières années de la vie de MA, son importante correspondance avec Barnave et son implication personnelle dans les tractations avec l'Assemblée nationale.

Je suis d'accord avec vous, Baron. Les travaux des Girault de Coursac, Delorme, Bertière, Félix... ont prouvé quel souci Louis avait d'écarter sa femme des affaires. La grande énergie que Marie Antoinette a consacrée aux arts et aux plaisirs aurait peut-être pu s'exprimer en politique.

Annie Duprat a montré récemment que, contrairement à la légende, la reine n'était pas une écervelée dans les matières sérieuses, et que sa perception des manoeuvres et des enjeux politiques était tout à fait pertinente.

C'est en effet ce qui ressort de sa correspondance.

En effet Baron, pendant la révolution Marie-Antoinette a fait énormément de politique, mais disons qu'à la base elle l'a fait par contrainte, son mari étant dans une inaction relativement blocante, et non par une volonté réelle ou par un quelconque plaisir, contrairement à sa soeur

Ce n'est pas si sûr, justement, ça, Chou.

Le fait est que Louis ne lui a pas laissé le choix. Pendant des années, elle n'a pu participer aux affaires, alors que Marie Caroline, sensiblement du même âge, le pouvait, elle.

Quand Marie Antoinette a été, comme tu dis, contrainte d'entrer en politique, ça a donc été comme un baptême de l'air, elle n'avait aucune expérience, aucun recul. Il a fallu qu'elle apprenne sur le tas. Et dans quelles circonstances, la pauvre ! :s:

Ma mémoire me fait peut-être défaut, mais il ne me souvient pas d'avoir lu un sentiment de dégoût de la politique sous la plume de la reine. Tout au plus se plaint-elle d'être épuisée à force d'écriture. Mais ce n'est pas la même chose.

Un dégoût non, mais je suis quasiment sûr que dans une de ses lettres, Marie-Antoinette dit qu'elle n'a pas d'influence sur son mari, et que c'est tant mieux car elle n'a pas le goût de la politique...et on peut le constater : entre 1774 et 1788 environ, elle ne s'est mêlée de politique que suite à des demandes de sa mère, de Joseph II ou de ses amis...elle n'en demandait pas...Marie-Caroline si

Fais-tu allusion à cette lettre à Joseph II du 22 septembre 1784, Chou ? En voici presque l'intégralité. Elle vaut bien la peine d'être lue et analysée avec attention :

Je ne vous contredirai pas, mon cher frère, sur le défaut de vue de notre ministère. Il y a déjà du temps que j'ai fait une partie des réflexions que vous me faites dans votre lettre. J'en ai parlé plus d'une fois au roi, mais il faudrait le bien connaître pour juger du peu de ressources et de moyens que me fournissent son caractère et ses préjugés. Il est de son naturel très peu parlant, et il lui arrive souvent de ne me parler des grandes affaires, lors même qu'il n'a pas d'envie de me les cacher. Il me répond quand je lui en parle, mais il ne m'en prévient guère, et quand j'apprends le quart d'une affaire, j'ai besoin d'adresse pour me faire dire le reste par les ministres, en leur laissant croire que le roi m'a tout dit. Quand je reproche au roi de ne m'avoir pas parlé de certaines affaires, il ne se fâche pas, il a l'air un peu embarrassé et quelquefois il me répond naturellement qu'il n'y a pas pensé. Je vous avouerai bien que les affaires politiques sont celles sur lesquelles j'ai le moins de prise. La méfiance naturelle du roi a été fortifiée d'abord par son gouverneur, dès avant mon mariage. M. de La Vauguyon l'avait effrayé sur l'empire que sa femme voudrait prendre sur lui, et son âme noire s'était plue à effrayer son élève par tous les fantômes inventés contre la maison d'Autriche. M. de Maurepas, quoique avec moins de caractère et de méchanceté, a cru utile pour son crédit d'entretenir le roi dans les mêmes idées. M. de Vergennes suit le même plan, et peut-être se sert-il de sa correspondance des affaires étrangères pour employer la fausseté et le mensonge. J'en ai parlé clairement au roi et plus d'une fois. Il m'a quelquefois répondu avec humeur, et comme il est incapable de discussion, je n'ai pu lui persuader que son ministre était trompé ou le trompait. Je ne m'aveugle pas sur mon crédit. Je sais que, surtout pour la politique, je n'ai pas grand ascendant sur l'esprit du roi. Serait-il prudent à moi d'avoir avec son ministre des scènes sur des objets sur lesquels il est presque sûr que le roi ne me soutiendrait pas ? Sans ostentation ni mensonge, je laisse croire au public que j'ai plus de crédit que je n'en ai véritablement, parce que, si on ne m'en croyait pas, j'en aurais encore moins. Les aveux que je vous fais, mon cher frère, ne sont pas flatteurs pour mon amour-propre, mais je ne veux vous rien cacher, afin que vous puissiez me juger autant qu'il est possible de la distance affreuse où mon sort m'a éloignée de vous.

Lettre remarquable d'intelligence, de sensibilité, de bon sens et de lucidité.

Mais ce sont les allusions à la politique qui nous intéressent dans ce sujet. Nous sommes au coeur de l'affaire des bouches de l'Escaut. Louis XVI refuse à Joseph l'aide dont il aurait besoin.

Je ne vous contredirai pas, mon cher frère, sur le défaut de vue de notre ministère, se permet la reine. Bien sûr, tu m'objecteras qu'elle abonde dans le sens de son frère pour avoir la paix. Mais sa phrase est forte. Elle critique ouvertement la politique extérieure du roi et de ses ministres. On a le sentiment qu'elle a ses propres vues sur la question, et qu'elle est bien frustrée de n'avoir pu les faire valoir.

Il y a déjà du temps que j'ai fait une partie des réflexions que vous me faites dans votre lettre. Encore une phrase importante, qui montre que la reine réfléchit à la politique et à l'attitude adoptée par la diplomatie française. Sa pensée est donc mûre.

J'en ai parlé plus d'une fois au roi, mais il faudrait le bien connaître pour juger du peu de ressources et de moyens que me fournissent son caractère et ses préjugés. Voilà. C'est le caractère de Louis XVI qui fait obstacle à la participation de Marie Antoinette aux affaires du royaume. Ce n'est absolument pas son dégoût, à elle. Ni même son manque d'intérêt, sans doute.

En tout cas, pas une seule fois dans cette lettre très sincère, elle n'exprime d'indifférence ni de légèreté vis-à-vis des matières politiques. Qu'aurait-elle pu faire, mise dans les mêmes conditions constructives que sa soeur Caroline ? Qu'aurait-elle pu réaliser ? Nous ne le saurons jamais, parce que ses chaînes de reine de France étaient trop étroites...

Désolé pour ma réponse tardive Pim

Ton analyse est intéressante, je ne sais plus si c'est cette lettre là dont je parlais, j'ai un doute car je n'y vois pas la ligne où elle écrit que ça l'arrange...

Mais tu as raison, Marie-Antoinette se mêlait là de politique avec ses idées à elle, mais en pleine affaire de Hollande quelle pouvait être sa motivation? Défendre les intérêts de l'alliance franco-autrichienne, et défendre autant que possible l'Autriche sans compromettre la France. Pour ce dernier point, il est indéniable que sa motivation personnelle, existante je suis d'accord, ait été accentuée par Joseph II.
Selon moi, Marie-Antoinette ne faisait pas de politique par goût de la politique comme Marie-Caroline pouvait le faire, mais Marie-Antoinette faisait de la politique quand l'Autriche avait un rôle, ou quand ses amis y étaient mêlées...
Car il n'y a pas, à ma connaissance, d'affaires politiques où Marie-Antoinette est intervenue, sans aucun lien avec son pays d'origine ou ses amis...
Marie-Caroline quant à elle faisait véritablement de la politique...extérieure comme intérieure, à une toute autre échelle