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| Marie-Caroline, la soeur préférée de Marie-Antoinette | |
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+12Sido Scorpion Charlotte Autumn in NY The Collector Lucrezia P Maria Cosway le beau lauzun antoinette sis levengeur madame antoine pimprenelle Chou d'amour 16 participants | |
Auteur | Message |
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Chou d'amour Administrateur
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| Sujet: Re: Marie-Caroline, la soeur préférée de Marie-Antoinette Mer 24 Oct - 19:58 | |
| En effet Baron, pendant la révolution Marie-Antoinette a fait énormément de politique, mais disons qu'à la base elle l'a fait par contrainte, son mari étant dans une inaction relativement blocante, et non par une volonté réelle ou par un quelconque plaisir, contrairement à sa soeur _________________ Le capitalisme c'est l'exploitation de l'homme par l'homme. Le syndicalisme c'est le contraire!
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| | | pimprenelle
Nombre de messages : 40594 Date d'inscription : 23/05/2007
| Sujet: Re: Marie-Caroline, la soeur préférée de Marie-Antoinette Mer 24 Oct - 20:15 | |
| Ce n'est pas si sûr, justement, ça, Chou.
Le fait est que Louis ne lui a pas laissé le choix. Pendant des années, elle n'a pu participer aux affaires, alors que Marie Caroline, sensiblement du même âge, le pouvait, elle.
Quand Marie Antoinette a été, comme tu dis, contrainte d'entrer en politique, ça a donc été comme un baptême de l'air, elle n'avait aucune expérience, aucun recul. Il a fallu qu'elle apprenne sur le tas. Et dans quelles circonstances, la pauvre ! :s:
Ma mémoire me fait peut-être défaut, mais il ne me souvient pas d'avoir lu un sentiment de dégoût de la politique sous la plume de la reine. Tout au plus se plaint-elle d'être épuisée à force d'écriture. Mais ce n'est pas la même chose. _________________ rien que la mort peut me faire cesser de vous aimer
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| | | Chou d'amour Administrateur
Nombre de messages : 31526 Age : 42 Localisation : Lyon Date d'inscription : 22/05/2007
| Sujet: Re: Marie-Caroline, la soeur préférée de Marie-Antoinette Mer 24 Oct - 20:23 | |
| Un dégoût non, mais je suis quasiment sûr que dans une de ses lettres, Marie-Antoinette dit qu'elle n'a pas d'influence sur son mari, et que c'est tant mieux car elle n'a pas le goût de la politique...et on peut le constater : entre 1774 et 1788 environ, elle ne s'est mêlée de politique que suite à des demandes de sa mère, de Joseph II ou de ses amis...elle n'en demandait pas...Marie-Caroline si _________________ Le capitalisme c'est l'exploitation de l'homme par l'homme. Le syndicalisme c'est le contraire!
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| | | pimprenelle
Nombre de messages : 40594 Date d'inscription : 23/05/2007
| Sujet: Re: Marie-Caroline, la soeur préférée de Marie-Antoinette Mer 24 Oct - 21:55 | |
| Fais-tu allusion à cette lettre à Joseph II du 22 septembre 1784, Chou ? En voici presque l'intégralité. Elle vaut bien la peine d'être lue et analysée avec attention :
Je ne vous contredirai pas, mon cher frère, sur le défaut de vue de notre ministère. Il y a déjà du temps que j'ai fait une partie des réflexions que vous me faites dans votre lettre. J'en ai parlé plus d'une fois au roi, mais il faudrait le bien connaître pour juger du peu de ressources et de moyens que me fournissent son caractère et ses préjugés. Il est de son naturel très peu parlant, et il lui arrive souvent de ne me parler des grandes affaires, lors même qu'il n'a pas d'envie de me les cacher. Il me répond quand je lui en parle, mais il ne m'en prévient guère, et quand j'apprends le quart d'une affaire, j'ai besoin d'adresse pour me faire dire le reste par les ministres, en leur laissant croire que le roi m'a tout dit. Quand je reproche au roi de ne m'avoir pas parlé de certaines affaires, il ne se fâche pas, il a l'air un peu embarrassé et quelquefois il me répond naturellement qu'il n'y a pas pensé. Je vous avouerai bien que les affaires politiques sont celles sur lesquelles j'ai le moins de prise. La méfiance naturelle du roi a été fortifiée d'abord par son gouverneur, dès avant mon mariage. M. de La Vauguyon l'avait effrayé sur l'empire que sa femme voudrait prendre sur lui, et son âme noire s'était plue à effrayer son élève par tous les fantômes inventés contre la maison d'Autriche. M. de Maurepas, quoique avec moins de caractère et de méchanceté, a cru utile pour son crédit d'entretenir le roi dans les mêmes idées. M. de Vergennes suit le même plan, et peut-être se sert-il de sa correspondance des affaires étrangères pour employer la fausseté et le mensonge. J'en ai parlé clairement au roi et plus d'une fois. Il m'a quelquefois répondu avec humeur, et comme il est incapable de discussion, je n'ai pu lui persuader que son ministre était trompé ou le trompait. Je ne m'aveugle pas sur mon crédit. Je sais que, surtout pour la politique, je n'ai pas grand ascendant sur l'esprit du roi. Serait-il prudent à moi d'avoir avec son ministre des scènes sur des objets sur lesquels il est presque sûr que le roi ne me soutiendrait pas ? Sans ostentation ni mensonge, je laisse croire au public que j'ai plus de crédit que je n'en ai véritablement, parce que, si on ne m'en croyait pas, j'en aurais encore moins. Les aveux que je vous fais, mon cher frère, ne sont pas flatteurs pour mon amour-propre, mais je ne veux vous rien cacher, afin que vous puissiez me juger autant qu'il est possible de la distance affreuse où mon sort m'a éloignée de vous.
Lettre remarquable d'intelligence, de sensibilité, de bon sens et de lucidité.
Mais ce sont les allusions à la politique qui nous intéressent dans ce sujet. Nous sommes au coeur de l'affaire des bouches de l'Escaut. Louis XVI refuse à Joseph l'aide dont il aurait besoin.
Je ne vous contredirai pas, mon cher frère, sur le défaut de vue de notre ministère, se permet la reine. Bien sûr, tu m'objecteras qu'elle abonde dans le sens de son frère pour avoir la paix. Mais sa phrase est forte. Elle critique ouvertement la politique extérieure du roi et de ses ministres. On a le sentiment qu'elle a ses propres vues sur la question, et qu'elle est bien frustrée de n'avoir pu les faire valoir.
Il y a déjà du temps que j'ai fait une partie des réflexions que vous me faites dans votre lettre. Encore une phrase importante, qui montre que la reine réfléchit à la politique et à l'attitude adoptée par la diplomatie française. Sa pensée est donc mûre.
J'en ai parlé plus d'une fois au roi, mais il faudrait le bien connaître pour juger du peu de ressources et de moyens que me fournissent son caractère et ses préjugés. Voilà. C'est le caractère de Louis XVI qui fait obstacle à la participation de Marie Antoinette aux affaires du royaume. Ce n'est absolument pas son dégoût, à elle. Ni même son manque d'intérêt, sans doute.
En tout cas, pas une seule fois dans cette lettre très sincère, elle n'exprime d'indifférence ni de légèreté vis-à-vis des matières politiques. Qu'aurait-elle pu faire, mise dans les mêmes conditions constructives que sa soeur Caroline ? Qu'aurait-elle pu réaliser ? Nous ne le saurons jamais, parce que ses chaînes de reine de France étaient trop étroites... _________________ rien que la mort peut me faire cesser de vous aimer
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| | | Chou d'amour Administrateur
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| Sujet: Re: Marie-Caroline, la soeur préférée de Marie-Antoinette Ven 26 Oct - 13:58 | |
| Désolé pour ma réponse tardive Pim Ton analyse est intéressante, je ne sais plus si c'est cette lettre là dont je parlais, j'ai un doute car je n'y vois pas la ligne où elle écrit que ça l'arrange... Mais tu as raison, Marie-Antoinette se mêlait là de politique avec ses idées à elle, mais en pleine affaire de Hollande quelle pouvait être sa motivation? Défendre les intérêts de l'alliance franco-autrichienne, et défendre autant que possible l'Autriche sans compromettre la France. Pour ce dernier point, il est indéniable que sa motivation personnelle, existante je suis d'accord, ait été accentuée par Joseph II. Selon moi, Marie-Antoinette ne faisait pas de politique par goût de la politique comme Marie-Caroline pouvait le faire, mais Marie-Antoinette faisait de la politique quand l'Autriche avait un rôle, ou quand ses amis y étaient mêlées... Car il n'y a pas, à ma connaissance, d'affaires politiques où Marie-Antoinette est intervenue, sans aucun lien avec son pays d'origine ou ses amis... Marie-Caroline quant à elle faisait véritablement de la politique...extérieure comme intérieure, à une toute autre échelle _________________ Le capitalisme c'est l'exploitation de l'homme par l'homme. Le syndicalisme c'est le contraire!
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| | | pimprenelle
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| Sujet: Re: Marie-Caroline, la soeur préférée de Marie-Antoinette Ven 26 Oct - 16:40 | |
| Mais le contrat de mariage de Marie Caroline et l'indifférence de son mari le lui permettait, alors que la position traditionnelle de reine de France, jointe au caractère de Louis XVI, l'interdisaient à Marie Antoinette. Ces éléments sont peut-être aussi déterminants que les tempéraments respectifs des deux princesses. Rien ne prouve que Marie Antoinette n'aurait pas eu la tête politique si elle avait eu réellement part au pouvoir. Elle n'était pas qu'une jolie femme en gaulle, après tout ! _________________ rien que la mort peut me faire cesser de vous aimer
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| | | Chou d'amour Administrateur
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| Sujet: Re: Marie-Caroline, la soeur préférée de Marie-Antoinette Ven 26 Oct - 18:28 | |
| Mais ne pas forcément aimer la politique n'est pas une tare Pim...ni une regression ou un manque...à savoir que même si elle n'aimait pas la politique, elle ne serait pas "qu'une jolie femme en gaulle". Pourquoi ramener ça au physique ou au machisme? Mais en l'occurence, dans toute la correspondance de Marie-Antoinette, il faut reconnaître que ce qui revient le plus est une femme, une mère, qui parle de ses amis, de ses enfants, d'elle, de la situation de son pays, donc de politique certes, mais juste pour tenir informer le destinataire. On y voit rarement de grandes réflexions ou de grandes ambitions politiques...elle laissait ça à Louis XVI et je ne suis pas sûr que ça lui déplaisait vraiment... _________________ Le capitalisme c'est l'exploitation de l'homme par l'homme. Le syndicalisme c'est le contraire!
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| | | pimprenelle
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| Sujet: Re: Marie-Caroline, la soeur préférée de Marie-Antoinette Ven 26 Oct - 18:42 | |
| - Citation :
- Mais en l'occurence, dans toute la correspondance de Marie-Antoinette, il faut reconnaître que ce qui revient le plus est une femme, une mère, qui parle de ses amis, de ses enfants, d'elle, de la situation de son pays, donc de politique certes, mais juste pour tenir informer le destinataire.
Je ne me suis jamais amusée à compter, mais je doute que la majorité des lettres écrites par Marie Antoinette concernent ses enfants. Je pense que tu la réduis à un aspect d'elle-même, en ne voulant voir en elle qu'une mère avant tout. Un aspect important, certes, sans doute même le plus important... mais pas le seul. Que fais-tu de ces rapports, de ses notes personnelles que la reine consignait lors de ses échanges avec Barnave ? Il y a là une véritable réflexion politique. Je ne suis pas si sûre non plus qu'elle ait laissé avec plaisir les affaires à d'autres. Que fais-tu de ses réflexions à Mercy, pleines d'amertumes ? La reine est si consciente du sang qui coule dans ses veines... qui, en d'autres circonstances, aurait peut-être fait d'elle une autre Marie Thérèse ? Qui sait... ? La méthode de famille dont parlait Mirabeau... une femme et un enfant à cheval. Elle aurait peut-être été une grande régente, notre danseuse en gaulle ? _________________ rien que la mort peut me faire cesser de vous aimer
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| | | Chou d'amour Administrateur
Nombre de messages : 31526 Age : 42 Localisation : Lyon Date d'inscription : 22/05/2007
| Sujet: Re: Marie-Caroline, la soeur préférée de Marie-Antoinette Ven 26 Oct - 18:47 | |
| Attention Pim entendons nous bien : je ne parle que du goût et de l'implication de Marie-Antoinette pour la politique avant la révolution, soit pendant son vrai règne en tant que Reine, à proprement parler, quand elle avait encore le choix de faire ce qu'elle voulait... _________________ Le capitalisme c'est l'exploitation de l'homme par l'homme. Le syndicalisme c'est le contraire!
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| | | pimprenelle
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| Sujet: Re: Marie-Caroline, la soeur préférée de Marie-Antoinette Ven 26 Oct - 18:53 | |
| - Citation :
- quand elle avait encore le choix de faire ce qu'elle voulait...
C'est là que nous ne sommes pas d'accord. Elle n'a jamais eu le choix. Marie Antoinette a toujours été prisonnière. Et, à l'époque dont tu parles, où elle était reine de France dans toute la majesté du terme, elle était entravée par les consignes de son mari, qui la tenait soigneusement à l'écart de toute affaire sérieuse, ainsi que par son rôle traditionnel, qui voulait que la reine de France se contentât de pondre devant la une (basse)cour éblouie. Rien ne prouve qu'elle ne se sentait pas à l'étroit dans ce costume-là. Et il est trop facile de comparer Antoinette, l'artiste, la légère, la comique, à sa soeur Caroline, la sérieuse, la politique, la franche maçonne. Les contextes étaient trop différents. Il y a beaucoup plus que des différences de tempéraments. _________________ rien que la mort peut me faire cesser de vous aimer
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| | | Chou d'amour Administrateur
Nombre de messages : 31526 Age : 42 Localisation : Lyon Date d'inscription : 22/05/2007
| Sujet: Re: Marie-Caroline, la soeur préférée de Marie-Antoinette Ven 26 Oct - 19:27 | |
| Elle était entre deux camps effectivement, mais elle avait toujours le choix d'insister auprès de Louis XVI, de "forcer le passage", et de s'en plaindre dans ses lettres le cas échéant. Or on s'aperçoit qu'elle se contentait d'en parler à son mari ou à des ministres, suite à des demandes de sa famille autrichienne ou de ses amis, mais sans plus. A t'elle pris elle même, de sa propre initiative à un moment donné, d'interférer en politique intérieure? Je ne crois pas...exprime t'elle un tel regret dans ses lettres autres que des lettres de justification à Joseph? Non plus... La sent-on frustrée de ne pas participer aux affaires? Je ne le ressents pas dans ses lettres.
Pendant la révolution, avait-elle plus de choix? Non car selon moi c'était un choix forcé : elle était obligée de se mêler de politique pour sauver sa famille. _________________ Le capitalisme c'est l'exploitation de l'homme par l'homme. Le syndicalisme c'est le contraire!
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| | | pimprenelle
Nombre de messages : 40594 Date d'inscription : 23/05/2007
| Sujet: Re: Marie-Caroline, la soeur préférée de Marie-Antoinette Ven 26 Oct - 19:51 | |
| Nous allons en rester là, Chou. D'abord parce que je vais aller souper. Ensuite, parce qu'il est clair que tu ne comprends pas ce que je veux dire. Je ne faisais pas allusion aux deux pays de Marie Antoinette, mais bien à un emprisonnement plus essentiel, qui l'a sans doute empêchée de donner jamais la mesure de ses grandes qualités. Au nombre desquelles il n'est pas impossible que le sens politique ait pu se trouver... Qui sait ? Cette frustration, je l'ai lue plus d'une fois dans ses lettres. Elle transparaît entre les lignes, quand elle ne s'exprime pas ouvertement. Ne pas participer aux affaires intérieures ? Comme tu y vas, Chou ! Mais Marie Antoinette avait un avis sur tout, elle s'occupait, ou essayait de s'occuper des nominations. Elle n'aurait pas demandé mieux que d'en faire davantage, m'est avis ! Plus tard, ce n'est pas pour sauver sa famille qu'elle s'est battue, mais bien pour un principe bien plus essentiel, qui coulait dans ses veines. Si nous ne comprenons pas cela, nous ne la comprendrons jamais, je le crains... _________________ rien que la mort peut me faire cesser de vous aimer
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Marie-Caroline, la soeur préférée de Marie-Antoinette Dim 28 Oct - 22:11 | |
| - Orangerie a écrit:
- Par contre, en ce qui concerne Lady Hamilton et la duchesse de Polignac, il y a ici sans doute un joli sujet à creuser
- pimprenelle a écrit:
- Dans une certaine mesure, cher Orangerie... Les personnalités sont bien différentes, me semble-t-il. Nous avons l'aventurière Emma, dont le coeur bat sous le volcan, et la petite duchesse à l'âme de gouvernante
Il est un peu long , mais voici un autre portrait de lady Hamilton, laissé par la même EVLB dans ses charmants Souvenirs : La vie de lady Hamilton est un roman : elle se nommait Emma Lyon ; sa mère, dit-on, était une pauvre servante, et l'on n'est pas d'accord sur le lieu de sa naissance ; à treize ans, elle entra comme bonne d'enfant chez un honnête bourgeois à Hawarder; mais, ennuyée de l'obscurité dans laquelle elle vivait, et se flattant qu'à Londres elle pourrait se placer plus convenablement, elle s'y rendit. Le prince de Galles m'a dit l'avoir vue à cette époque, avec des sabots à la porte d'une fruitière, et quoiqu'elle fût très pauvrement vêtue, sa charmante figure la faisait remarquer.
Un détaillant du marché Saint-Jean la reçut à son service, mais elle sortit bientôt de chez lui pour entrer comme femme de chambre chez une dame de bonne famille et très honnête. Dans cette maison elle prit le goût des romans, puis le goût des spectacles. Elle étudiait les gestes, les inflexions de voix des acteurs, et les rendait avec une facilité prodigieuse. Ce talent, qui ne plaisait et ne convenait nullement à sa maîtresse, la fit renvoyer.
Ce fut alors qu'ayant entendu parler d'une taverne où se rassemblaient tous les artistes, elle imagina d'aller y chercher de l'emploi. Sa beauté était dans tout son éclat ; toutefois, elle était encore très sage. On raconte que sa première faiblesse eut pour motif de sauver un de ses parens nommé Galois, qui venait d'être pressé sur la Tamise, et qui était matelot. Le capitaine, auquel elle s'adressa pour obtenir la délivrance de son parent, y mit un prix qui lui livra la jeune fille. Devenu possesseur d'Emma, il lui donna des maîtres de toute espèce, puis il l'abandonna. Elle fit alors connaissance avec le chevalier Feathersonhang, qui la trouva trop fière avec lui, et ne tarda pas à l'abandonner aussi.
Emma se voyant sans ressource, descendit bientôt au dernier degré d'avilissement. Un hasard étrange la tira de cet abîme. Le docteur Graham s'empara d'elle, pour la montrer chez lui, couverte d'un léger voile, sous le nom de la déesse Higia (déesse de la santé) ; une quantité de curieux et d'amateurs venaient en foule la voir; les artistes surtout en étaient charmés. Quelque temps après cette exhibition, un peintre l'emmena chez lui comme modèle ; il lui faisait prendre mille attitudes gracieuses qu'il fixait dans ses tableaux. C'est là qu'elle perfectionna ce talent d'un nouveau genre, qui l'a rendue célèbre. Rien n'était plus curieux en effet que la faculté qu'avait acquise lady Hamilton de donner subitement à tous ses traits l'expression de la douleur ou de la joie, et de se poser merveilleusement pour représenter des personnages divers. L'oeil animé, les cheveux épars, elle vous montrait une bacchante délicieuse, puis tout à coup son visage exprimait la douleur, et l'on voyait une Madeleine repentante admirable. Le jour que le chevalier Hamilton me la présenta, il voulut que je la visse en action ; je fus ravie; mais elle était habillée comme tout le monde, ce qui me choquait. Je lui fis faire des robes comme celles que je portais, pour peindre à mon aise, et qu'on appelle des blouses ; elle y ajouta des schals pour se draper, ce qu'elle entendait très bien ; dès lors, on aurait pu copier ses différentes poses et ses différentes expressions pour faire toute une galerie de tableaux; il en existe même un recueil, dessiné par Frédéric Reinberg, qu'on a gravé.
Pour revenir au roman de sa vie, c'est tandis qu'elle était chez le peintre dont j'ai parlé, que lord Gréville en devint si fort amoureux, qu'il allait l'épouser en 1789, quand il fut subitement dépouillé de ses places et ruiné. Il partit aussitôt pour Naples, dans l'espoir d'obtenir des secours de son oncle, le chevalier Hamilton, et il emmena Emma afin qu'elle plaidât sa cause auprès de son grand parent. Le chevalier, en effet, consentit à payer toutes les dettes de son neveu, mais à la condition qu'Emma lui resterait. (Je tiens ces détails de lord Gréville lui-même.) Emma devint donc la maîtresse de lord Hamilton, jusqu'au printemps de 1791, qu'il se détermina à l'épouser en dépit des remontrances de sa famille. Il me dit, en partant pour Londres : "Elle sera ma femme malgré eux. Après tout, c'est pour moi que je l'épouse".
Ainsi, ce fut lady Hamilton qu'il ramena à Naples peu de temps après, devenue aussi grande dame qu'on puisse l'être. On a prétendu que la reine de Naples alors s'était intimement liée avec elle. Il est certain que la reine la voyait ; mais on peut dire que c'était politiquement. Lady Hamilton étant très indiscrète, la mettait au fait d'une foule de petits secrets diplomatiques, dont Sa Majesté tirait parti pour les affaires de son royaume.
Lady Hamilton n'avait point d'esprit, quoiqu'elle fût excessivement moqueuse et dénigrante, au point que ces défauts étaient les seuls mobiles de sa conversation ; mais elle avait de l'astuce, qui l'a servie à se faire épouser. Elle manquait de tournure et s'habillait très mal, dès qu'il s'agissait de faire une toilette vulgaire. Je me souviens que lorsque je fis mon premier portrait d'elle en sibylle : elle habitait à Caserte une maison que le chevalier Hamilton avait louée ; je m'y rendais tous les jours, désirant avancer cet ouvrage. La duchesse de Fleury et la princesse Joseph de Monaco assistaient à la troisième séance, qui fut la dernière. J'avais coiffé madame Hart (elle n'était pas encore mariée) avec un schall tourné autour de sa tête en forme de turban, dont un bout tombait et faisait draperie. Cette coiffure l'embellissait au point que ces dames la trouvaient ravissante. Le chevalier nous ayant toutes invitées à dîner, madame Hart passa dans ses appartemens pour faire sa toilette, et lorsqu'elle vint nous retrouver au salon, cette toilette, qui était des plus communes, l'avait tellement changée à son désavantage, que ces deux dames eurent toutes les peines du monde à la reconnaître.
Lorsque j'allai à Londres, en 1802, lady Hamilton venait de perdre son mari. Je me fis écrire chez elle, et elle vint aussitôt me voir dans le plus grand deuil. Un immense voile noir l'entourait, et elle avait fait couper ses beaux cheveux pour se coiffer à la Titus, ce qui était alors à la mode. Je trouvai cette Andromaque énorme ; car elle avait horriblement engraissé. Elle me dit en pleurant qu'elle était bien à plaindre, qu'elle avait perdu dans le chevalier un ami, un père; et qu'elle ne s'en consolerait jamais. J'avoue que sa douleur me fit peu d'impression ; car je crus m'apercevoir qu'elle jouait la comédie. Je me trompais d'autant moins que peu de minutes après, ayant aperçu de la musique sur mon piano, elle se mit à chanter un des airs qui s'y trouvaient.
On sait que lord Nelson à Naples avait été très amoureux d'elle ; elle était restée avec lui en correspondance fort tendre ; et quand j'allai lui rendre sa visite un matin, je la trouvai rayonnante de joie; de plus, elle avait placé une rose dans ses cheveux comme Nina. Je ne pus me tenir de lui demander ce que signifiait cette rose? " C'est que je viens de recevoir une lettre de lord Nelson", me répondit-elle.
Le duc de Berri et le duc de Bourbon, ayant entendu parler de ses attitudes, avaient un désir extrême de voir ce spectacle qu'elle n'avait jamais voulu donner à Londres. Je lui demandai de m'accorder une soirée pour les deux princes, et elle y consentit. J'invitai alors quelques autres Français que je savais être fort curieux d'assister à cette scène ; et le jour venu je plaçai dans le milieu de mon salon un très grand cadre enfermé à droite et à gauche dans deux paravens. J'avais fait faire une énorme bougie qui répandait un grand foyer de lumière ; je la posai de façon qu'on ne pût la voir, mais qu'elle éclairât lady Hamilton comme on éclaire un tableau. Toutes les personnes invitées étant arrivées, lady Hamilton prit dans ce cadre diverses attitudes avec une expression vraiment admirable. Elle avait amené avec elle une jeune fille qui pouvait avoir sept ou huit ans, et qui lui ressemblait beaucoup. Elle la groupait avec elle, et me rappelait ces femmes poursuivies dans l'enlèvement des Sabines du Poussin. Elle passait de la douleur à la joie, de la joie à l'effroi, avec une telle rapidité que nous étions tous ravis.
Comme je l'avais retenue à souper, le duc de Bourbon, qui était à table à côté de moi, me fit remarquer combien elle buvait de porter. Il fallait qu'elle y fût bien accoutumée, car elle n'était pas ivre après deux ou trois bouteilles. Longtemps après avoir quitté Londres, en 1815, j'ai appris que lady Hamilton venait de finir ses jours à Calais, où elle était morte dans l'isolement et la plus affreuse misère. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Marie-Caroline, la soeur préférée de Marie-Antoinette Dim 28 Oct - 23:16 | |
| Les bouleversements de l'Emigration, ou comment l'ancienne peintre de la reine se voit priée d'inviter à sa table des princes du sang |
| | | pimprenelle
Nombre de messages : 40594 Date d'inscription : 23/05/2007
| Sujet: Re: Marie-Caroline, la soeur préférée de Marie-Antoinette Lun 29 Oct - 12:35 | |
| Je savais que Madame Vigée Lebrun avait laissé un portrait écrit de lady Hamilton, mais je ne me souvenais pas qu'il était si complet et si savoureux ! Par Denon, sous les traits de l'Innocence.Mais, tout de même, cette Vigée... quelle langue de vipère ! Sous des apparences de velours, qu'est-ce qu'elle égratigne ! Par George RomneyCar que reste-t-il dans la mémoire, après avoir lu ce passage ? Emma fille des rues, qui dandine ses formes avantageuses jusqu'aux sommets les plus politiques, qui prend des poses et boit sans sourciller. Elle-même la peint d'ailleurs d'une sensualité toute animale. _________________ rien que la mort peut me faire cesser de vous aimer
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| | | Invité Invité
| | | | Invité Invité
| Sujet: Re: Marie-Caroline, la soeur préférée de Marie-Antoinette Lun 29 Oct - 17:26 | |
| Chou a dit: - Citation :
- Car il n'y a pas, à ma connaissance, d'affaires politiques où Marie-Antoinette est intervenue, sans aucun lien avec son pays d'origine ou ses amis...
A part dans tout le débat sur la monarchie et la révolution française ....MA, fille d'une des régentes les plus puissantes qu'ait connu l'Europe et habituée à voir une femme manier les rênes du pouvoir, arrive dans le pays de la loi salique et dans une Cour à tendance xénophobe et mysogyne. Il est un peu normal qu'elle prenne des pincettes pour parler politique, mais interventions nombreuses de sa part il y a bien eu, et à la fin c'est elle qui mène le pas de la danse la plus difficile. Mirabeau, qui avait un certain talent de discernement, n'a-t-il pas dit: "Le Roi n'a qu'un seul homme, c'est sa Femme!" En ce qui concerne le mélange des rôles, mère et femme politique, Marie-Thérèse avait 16 enfants, ce qui ne l'a pas empêchée de tout gérer, même s'il est vrai qu'elle fut moins la mère moderne et "hands on" que fut sa fille. |
| | | Chou d'amour Administrateur
Nombre de messages : 31526 Age : 42 Localisation : Lyon Date d'inscription : 22/05/2007
| Sujet: Re: Marie-Caroline, la soeur préférée de Marie-Antoinette Lun 29 Oct - 18:49 | |
| _________________ Le capitalisme c'est l'exploitation de l'homme par l'homme. Le syndicalisme c'est le contraire!
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Marie-Caroline, la soeur préférée de Marie-Antoinette Lun 29 Oct - 19:16 | |
| - pimprenelle a écrit:
- Car que reste-t-il dans la mémoire, après avoir lu ce passage ? Emma fille des rues, qui dandine ses formes avantageuses jusqu'aux sommets les plus politiques, qui prend des poses et boit sans sourciller.
En effet. Bah ! Restent aussi les portraits de cette femme, que je trouve très belle. Quel adorable petit minois ! Moi, je lui aurais tout pardonné... Merci Pimprenelle pour le dessin de Denon que je ne connaissais pas. |
| | | pimprenelle
Nombre de messages : 40594 Date d'inscription : 23/05/2007
| Sujet: Re: Marie-Caroline, la soeur préférée de Marie-Antoinette Jeu 13 Déc - 14:08 | |
| Un portrait de Caroline que je ne connaissais pas ! Je la trouve superbe ! Et j'adore sa robe ! Frais, les hivers à Naples, Madame ? Elle avait le visage plus allongé encore qu'Antoinette, dirait-on... Et la lèvre autrichienne bien marquée, elle aussi ! Elle tient négligemment à la main les fameux longs gants qui rendaient son mari fou... _________________ rien que la mort peut me faire cesser de vous aimer
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| | | Chou d'amour Administrateur
Nombre de messages : 31526 Age : 42 Localisation : Lyon Date d'inscription : 22/05/2007
| Sujet: Re: Marie-Caroline, la soeur préférée de Marie-Antoinette Jeu 13 Déc - 15:01 | |
| Waaaa joli merci! Sa robe est superbe en effet! Elle est assez jeune je trouve sur ce portrait _________________ Le capitalisme c'est l'exploitation de l'homme par l'homme. Le syndicalisme c'est le contraire!
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Marie-Caroline, la soeur préférée de Marie-Antoinette Jeu 13 Déc - 15:04 | |
| - Chou d'amour a écrit:
Elle est assez jeune je trouve sur ce portrait Sa coiffure montre qu'elle est alors toute jeune mariée ! Bien à vous. |
| | | Chou d'amour Administrateur
Nombre de messages : 31526 Age : 42 Localisation : Lyon Date d'inscription : 22/05/2007
| Sujet: Re: Marie-Caroline, la soeur préférée de Marie-Antoinette Jeu 13 Mar - 19:29 | |
| Marie-Caroline décrite brièvement par le Prince de Ligne : "Sa soeur, la reine de Naples, est encore plus généreuse qu'elle n'était et a peut-être plus d'élévation qu'elle n'en avait. Elle tient cela de leur mère, mais imprudente et confiante elle dit à plusieurs personnes ce qu'elle devrait dire à personne et qui se trouve public sans qu'on sache de quelle part. Elle est par là embarrassante et elle en soupçonne le plus discret."D'ailleurs il relate la sorte de dépression qu'elle eut une fois à Naples : "Par exemple elle me dit un grand jour le très juste mécontentement de toute sa famille : "Je ne suis plus ni reine, ni archiduchesse, ni mère, ni belle-mère, ni soeur, ni tante, ni fille de Marie-Thérèse, je ne suis plus rien, rien ajouta-t-elle, in renforçando."Je ne pensais pas que Marie-Caroline était autant nostalgique que ça :s: _________________ Le capitalisme c'est l'exploitation de l'homme par l'homme. Le syndicalisme c'est le contraire!
Dernière édition par Chou d'amour le Jeu 13 Mar - 20:01, édité 1 fois |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Marie-Caroline, la soeur préférée de Marie-Antoinette Jeu 13 Mar - 19:57 | |
| Merci! |
| | | pimprenelle
Nombre de messages : 40594 Date d'inscription : 23/05/2007
| Sujet: Re: Marie-Caroline, la soeur préférée de Marie-Antoinette Jeu 13 Mar - 19:59 | |
| Merci, Chou ! Je suis toujours heureuse de lire des infos sur Marie Caroline. Il y en a si peu...
Donc, d'après Ligne, si j'ai bien compris, Caroline était encore plus généreuse et avait l'esprit plus élevé qu'Antoinette. Ca correspond aux mini bios que j'ai lues, en effet. Elle était aussi indiscrète. Fersen constate, lui, qu'elle parle trop. Voilà des détails qui pourraient se recouper, non ?
Quant à sa nostalgie, elle est assez attestée. On dit même que, dans ses antichambres, elle exigeait l'usage de l'allemand. _________________ rien que la mort peut me faire cesser de vous aimer
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| Sujet: Re: Marie-Caroline, la soeur préférée de Marie-Antoinette | |
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| | | | Marie-Caroline, la soeur préférée de Marie-Antoinette | |
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