la vision d'Alma Söderhjelm

Citation :

Fersen est intelligent, il a bien cerné le très grand pouvoir qu'avaient les écrits et autres publications

Le très grand pouvoir des femmes, aussi !

... j'déconne, j'déconne...

Voilà, tiens, à propos de politique : Les événements d'octobre 1789 eurent une grande influence sur l'évolution de ses idées politiques, dit Madame Söderhjelm, et firent de lui un conservateur décidé.

... faut avouer que, quand on voyage à côté de têtes arrachées par une meute en délire, ça doit faire effet électrochoc...

Où est-il exactement ? Alma Söderhjelm reconnaît elle-même que le récit de Madame d'Adhémar, qu'elle cite, n'est pas certain. Et pour cause, puisqu'il est apocryphe !  

Restent ses quelques notes, à lui, ce récit qu'il fait à son père :

J'ai été témoin de tout et je suis revenu à Paris dans une des voitures de la suite du Roi; nous avons été 6 h. 1/2 en chemin. Dieu me préserve de jamais voir un spectacle aussi affligeant que celui de ces deux journées. Le peuple paraît enchanté de voir le roi et sa famille. La reine est fort applaudie, et elle ne peut manquer de l'être quand on la connaîtra, et qu'on rendra justice à son désir du bien et à la bonté de son cœur.

Et ce commentaire plein d'amertume dans son journal, le 5 octobre 1798 :

Je me rappelai vivement de ce jour, il y avoit 9 ans et de toutes nos angoisses à Versailles, que n'est-on parti et on auroit tout sauvé.

Oups, Chou... Toi qui t'étonnais... Voici ce qu'écrit maintenant Fersen au sujet de Necker :

Monsieur Necker, aussi ignorant en administration qu'on le dit savant en finances et imbu des idées philosophiques, n'a jamais songé qu'il fallait gagner des voix pour le roi. Il a voulu rester honnête homme au milieu des fripons, et il en est resté dupe. Son amour propre démesuré lui a fait croire qu'i lles persuaderait, mais l'argent de l'Angleterre avait des argumens plus forts et irrésistibles. M. Necker n'est pas seulement coupable d'ignorance, il l'est encore de trahison. Il a voulu être le ministre du peuple, régner par lui, et forcer le roi de ne jamais pouyoir se passer de son concours: il a sacrifié le roi et l'Étaf à son ambition.

Dur, hein ? Mais lucide, aussi...

pimprenelle a écrit:

Le très grand pouvoir des femmes, aussi !

Seulement, ton pouvoir à toi reste éternellement impassible à lui...T'es la plus forte, du coup !

Bien à vous.

Du propre aveu de Fersen, c'est ici que s'ouvre la période la plus intéressante de sa vie. Il jouit de la confiance des souverains français, comme l'atteste cette lettre à son père (février 1790 - p.148) :

Ma position est différente de celle de tout le monde. J'ai toujours été traité avec bonté et distinction dans ce pays-ci par les ministres et par le roi et la reine. Votre réputation et vos services ont été mon passeport et ma recommandation; peut-être une conduite sage, mesurée et discrète m'a-t-elle valu l'approbation et l'estime de quelques-uns et quelques succès. Je suis attaché au roi et à la Reine et je le dois par la manière pleine de bonté dont ils m'ont toujours traité, lorsqu'ils le pouvaient, et je serais vil et ingrat, si je les abandonnais quand ils ne peuvent plus rien faire pour moi, et que j'ai l'espoir de leur être utile. A toutes les bontés, dont ils m'ont toujours comblé, ils viennent d'ajouter encore une distinction flatteuse: C'est celle de leur confiance; elle l'est d'autant plus, qu'elle est extrêmement bornée et concentrée entre trois ou quatre personnes, dont je suis le plus jeune, Si nous pouvons les servir, quel plaisir n'aurai-je pas à m'acquitter envers eux d'une partie des obligations, que je leur ai : quelle douce jouissance pour mon cœur d'avoir pu contribuer à leur bonheur ! Le vôtre le sent, mon cher père, et ne peut que m'approuver. Cette conduite est la seulequi soit digne de votre fils, et quoi qu'il puisse vous en coûter, vous serez le premier à me l'ordonner, si j'étais capable d'en avoir une autre. Dans le courant de cet été tous ces événements doivent se développer et se décider, s'ils étaient malheureux et que tout espoir fût perdu, rien ne m'empêcherait de vous aller voir.

Une lettre pleine de lucidité, une fois de plus : le comte de Fersen constate que la cour de France l'a toujours bien traité, et ce en partie grâce à la réputation de son père. Il s'honore de la confiance dont il est l'objet, et se promet de la payer en retour, en servant tant que faire se peut le roi et la reine. Il sait que, dans ce domaine, son père, aussi chevaleresque que lui, ne peut que l'approuver.

On aurait peine à voir dans cette lettre à la fois mesurée et remplie de psychologie l'emportement d'un homme amoureux. C'est pourtant la lecture que se permet Alma Söderhjelm, qui commente :

Cette lettre est une des plus caractéristiques que Fersen ait jamais écrite. Il parle ici du devoir et la lettre respire pourtant l'enthousiasme le plus ardent ! Comment aurait-il pu agir autrement alors qu'il s'agissait de sauver la femme aimée ?

Mais oui, mais oui... j'en parlerai à mon chien...  

Citation :

Seulement, ton pouvoir à toi reste éternellement impassible à lui...T'es la plus forte, du coup !

Ben... tu serais étonné, Majesté...  

Fersen m'a fait pleurer... si, si, je t'assure... à la fin du livre de Söderhjelm, il y a un tas de notes de son journal, citées sans commentaire. Le lire ainsi en continu, enfin dégagé des remarques de ses groupies actuelles, ça change tout...

C'est pour ça qu'une édition sérieuse de ses écrits, qu'on lirait pour ce qu'ils valent et pour ce qu'ils expriment, tout simplement, sans chercher à tout prix à y voir l'ombre de Marie Antoinette, serait une excellente chose.

pimprenelle a écrit:

Ben... tu serais étonné, Majesté...

Eh bien !

Citation :

C'est pour ça qu'une édition sérieuse de ses écrits, qu'on lirait pour ce qu'ils valent et pour ce qu'ils expriment, tout simplement, sans chercher à tout prix à y voir l'ombre de Marie Antoinette, serait une excellente chose.

Madame Lever qui l'apprécie tant devrait publier la correspondance d'Axel de Fersen...
Franchement, autant je suis surpris par ton jugement d'Alma, autant tes émotions me rassurent quant à lui

Bien à vous.

Citation :

Madame Lever qui l'apprécie tant devrait publier la correspondance d'Axel de Fersen...

C'est que ce travail nécessite la connaissance du suédois.

Ici se place un des piliers de la démonstration de Madame Söderhjelm, rapidement devenu un hit de la légende fersinienne : les lettres à Sophie Piper.

La plupart d'entre elles ne sont pas datées et c'est par recoupements divers que l'auteur est parvenue à les classer. Ainsi de cette missive du 27 décembre 1789 :

Ma chere amie, votre derniere étoit du 20 nov: et elle ma fait grand plaisir, il n'y a que l'amitié que je vous porte qui puisse egaler celle que vous avés pour moi, nous avons bien besoin tous deux de cette consolation, ma chere amie. Enfin, le 24 j'ai passé une journée entiere avec elle, c'etoit la premiere jugés de ma joie, il n'y a que vous qui puissiés le sentir.

Inédit et non daté, nous apprend Alma Söderhjelm. Evelyne Lever embraie dans son édition des lettres de Marie Antoinette, commentant, lorsque la reine écrit en décembre 89 à Madame de Polignac qu'elle a vu une personne qu'elle n'avait pu voir avant, quoique dans le même lieu, qu'il se peut qu'elle parle de Fersen.

Pourtant, les recherches précises de Paul et Pierrette Girault de Coursac et de Philippe Delorme ont montré que, le 24 décembre, les offices religieux auraient bien empêché la reine de France de passer la journée avec le comte de Fersen !

Alors, ou Madame Söderhjelm s'est trompée de date, et la lettre à Madame de Polignac n'a rien à voir. Ou Fersen se vante et n'a passé qu'un bref moment avec la souveraine. Ou, plus simplement, il fait référence à une autre femme…

Dans ses circonvolutions, en effet, Alma Söderhjelm omet comme un détail : elle ne fait aucune allusion à la femme qui remplissait à cette époque la vie d'Axel de Fersen, Eleonore Sullivan. Or, l'absence de majuscule au pronom elle pourrait signifier, en code fersinien, qu'il ne se réfère qu'à une femme ordinaire, non à la Reine.

Fersen fait encore mention de cette amie, que Madame Söderhjelm identifie à Marie Antoinette, dans d'autres lettres, datant selon l'auteur de 1790.

7 avril 1790

Ma chere amie, j'ai recu la votre du 5 et je vous en remercie bien ainsi que tout ce que vous me dites sur le compte de mon amie. Croyés, ma chere Sophie, qu'elle merite tous les sentimens que vous pouvés avoir pour elle, c'est la creature la plus parfaite que je connoisse et sa conduite qui l'est aussi, lui a gagné tout le monde et j'entend partout son eloge, jugés combien je jouis.

Je conçois qu'il soit très tendant de faire de cette créature parfaite Marie Antoinette… On aurait bien envie de la reconnaître dans cette lettre du

31 may [1790]

Elle est extremement malheureuse, mais très courageuse, c'est un ange je lui ai dit de votre part tout ce dont vous m'avés chargé et cela lui a fait plaisir, je tache de la consoler le plus que je puis, je le lui dois elle est si parfaitte, pour moi.

Bien sûr, on pourrait s'étonner de l'intérêt que la reine de France manifeste à l'égard de Sophie Piper…  

10 avril 1790

Je commence a etre un peu plus heureux car je vois de tems en tems mon amie librement ches elle et cela nous console un peu de tous les maux qu'elle eprouve pauvre femme, c'est un ange pour la conduitte, le courage et la sensibilité, jamais on n'a su aimer comme cela. Elle est infiniment sensible à tout ce que vous m'avés dit pour elle et elle en a bien pleurée et elle me charge de vous dire combien elle en a ete touchée, elle seroit si heureuse de vous voire quelquefois. Elle s'imagine que si notre projet reussissoit, vous pourrés alors venir ici et cette idée la rend bien heureuse, en effet cela seroit peut etre possible alors.

Curieux, non, cet empressement à rencontrer Sophie Piper ? Alors que, me semble-t-il, la reine en proie à la révolution a bien d'autres chats à fouetter, comme l'attestent ses lettres de cette période…  

Et sans doute Madame Söderhjelm se laisse-t-elle emporter par son imagination lorsqu'elle affirme dans un élan enthousiaste :

Il semble que le trio d'amitié de Fersen, Taube et Sophie s'était élargi et qu'il comprenait maintenant un quatrième membre : Marie Antoinette.

En effet, examinons attentivement cette lettre du

28 juin [1790]

Le Roi et la Reine sont bien malheureux, et ils ne le meritent pas, la noblesse et le clergé sont détruits enfin on ne rencontre partout que des gens ruinés et qui perdent leur état. Elle aussi est bien malheureuse pauvre femme son courage est au dessus de tout et la rend encore plus interessante, elle est bien sensible a tout ce que vous dites pour elle, jamais on ne l'a mieux merité et jamais on n'a ete plus parfaitte. Mon seul chagrin est de ne pouvoir la consoler entierement de tous ses malheurs et de ne pas la rendre aussi heureuse quelle merite de l'etre. C'est de ches elle a la campagne que je vous ecris.

Le mérite d'avoir ouvert les yeux revient à Nesta Webster et à Stanley Loomis dans son remarquablement honnête Fatal Friendship. Pourquoi, en effet, si Fersen parlait pendant tout ce passage de Marie Antoinette, aurait-il utilisé aussi ?    Pourquoi, s'il y avait identité de sujets, aurait-il écrit elle aussi ?  

Or...   Elle aussi est bien malheureuse pauvre femme, dit-il.

Et voilà que s'écroule le boiteux édifice si péniblement élaboré par Madame Söderhjelm. Et que rentrent dans l'ordre les points qui nous avaient semblé si étonnants… Non, le trio Taube/Sophie/Fersen ne s'est pas élargi à Marie Antoinette   , non, la conversation de la reine de France ne tourne pas autour de la sœur de Fersen.  

De quelle femme le comte Suédois parle-t-il ? Les candidates ne manquent pas, et, à vrai dire, la chose importe peu. La Reine de France, pourvue comme il se doit de sa majuscule, ne peut être confondue avec l'amie de Fersen.  

En somme, où en est l'estime que tu portes à Fersen, Pim?

Bien à vous.

Quant on considère la bibliographie de Fersen ici présentée, on peut voir que c'est à partir de 1930, c'est-à-dire des écrits d'Alma Söderjhelm, que Fersen semble avoir été considéré comme plus qu'un ami pour Marie-Antoinette ...

Bien à vous.

Citation :

En somme, où en est l'estime que tu portes à Fersen, Pim?

Comme je l'ai expliqué, Majesté, l'émotion m'a saisie par surprise à la fin du livre de Söderhjelm. C'était au moment de la libération de petite Madame Royale. Fersen suivait les tribulations de cette malheureuse princesse de près, et ça m'a touchée.

Mais je crois aussi que le fait de lire ces écrits sans commentaires m'a enfin permis d'approcher un peu la psychologie compliquée de Fersen. Voilà où j'en suis. Je ne peux pas dire que je l'aime beaucoup... mais je pense surtout que la légende fersinienne lui a fait beaucoup de mal.

Il était ce qu'il était, après tout ! Ni un chevalier blanc, ni un héros... juste un mec qui, comme le dit Marie Antoinette, a besoin de distraction.  

Citation :

Quant on considère la bibliographie de Fersen ici présentée, on peut voir que c'est à partir de 1930, c'est-à-dire des écrits d'Alma Söderhjelm, que Fersen semble avoir été considéré comme plus qu'un ami pour Marie-Antoinette ...

En effet, Majesté, les fantasmes de Madame Söderhjelm ont contaminé les modernes. Sa vision d'une Marie Antoinette dévorée d'amour, surtout, a fait tache d'huile. Ce sera celle d'Evelyne Lever, de Françoise Kermina, même de Simone Bertière...

Pourtant, nous pourrons encore le voir en suivant son livre, Madame Söderhjelm a bâti sa théorie sur du vent : il n'y a rien à tirer de définitif des écrits de Fersen ou de Marie Antoinette. Tout autre attitude que la réserve serait de la manipulation.

pimprenelle a écrit:

Comme je l'ai expliqué, Majesté, l'émotion m'a saisie par surprise à la fin du livre de Söderhjelm. C'était au moment de la libération de petite Madame Royale. Fersen suivait les tribulations de cette malheureuse princesse de près, et ça m'a touchée.

J'étais au courant de cela -et aussi de son affliction en apprenant la mort de Louis-Charles- et c'est pour cela que j'ai toujours gardé de la sympathie pour Fersen, en dépit de tous les vêtements d'hiver que vous lui avez cousus sur ce site, ma chère Pimprenelle !  

Hum... vous m'attribuez là des talents de couturière que je m'ignore, cher ami...

Waaaaa notre cher Fersinou t'a fait tirer une larme Pim? Je ne l'aurais jamais cru

En ce qui me concerne, j'ai toujours eu de la sympathie pour cet homme, juste parce qu'il a permis à Marie-Antoinette d'oublier un peu mieux ses soucis, juste parce qu'il lui a procuré quelques bons moments, et juste pour son courage qu'on oublie un peu trop, quand il conduisait lui même la berline le 20 Juin 1791, même s'il a fait des erreurs, ou quand il revenait aux tuileries en 1792
Je trouve que c'est un homme qui a assumé sa vie et ses choix : il voulait faire la guerre, il l'a faite, il ne voulait pas se marier, il ne l'a pas fait, il était royaliste, il a été fidèle sur ce point jusqu'au bout, ce qui lui a coûté la mort.
Ses possibles relations avec la reine ne m'intéressent aucunement car je sais pertinemment que la base de cette théorie reste la supposition et l'interprétation, donc du vent en effet

pimprenelle a écrit:

En effet, Majesté, les fantasmes de Madame Söderhjelm ont contaminé les modernes. Sa vision d'une Marie Antoinette dévorée d'amour, surtout, a fait tache d'huile. Ce sera celle d'Evelyne Lever, de Françoise Kermina, même de Simone Bertière...

Dans le réussi supplément de l'Express (évoqué dans un autre fil), Jean-Christian Petitfils reprend, en copié-collé ou presque, l'analyse qu'il avait faite dans un ancien hors-série du Figaro (mai 2006).
Il étudie quelques-uns des points également soulevés par Madame Söderjhelm.
Cette lecture est intéressante. Les conclusions de l'historien restent, en effet, hypothétiques, puisque sans preuves nettes et franches. Nous le savons.
Chacun est donc réduit à interpréter, avec plus ou moins de mesure je te l'accorde, les quelques indices à notre disposition.
La palette des sentiments, depuis une simple et vive amitié jusqu'à l'amour consommé, varie sous la plume des contemporains de Marie-Antoinette comme sous celle de ses biographes...

Pour celles et ceux qui n'auraient pas acheter le supplément de l'Express, je vous copie donc un des développements de Petitfils autour de ce thème :

Oui, l'élégant suédois a vraiment été le grand amour de sa vie. Mais comment savoir s'il y eut entre eux des relations charnelles ou simplement une chaste passion entre deux êtres brûlant d'un amour platonique.
Marie-Antoinette n'était guère sensuelle, on l'a dit. Prisonnier de son éducation, le noble Fersen aurait été trop attaché à la majesté des personnes royales pour oser la toucher. Cette version se tient et paraît la plus probable.
Mais la version contraire n'est pas à rejeter.
Les élans de la passion amoureuse ne sont pas toujours contrôlables. Le témoignage de Saint-Priest et de quelques autres est peut-être vrai, après tout. Lady Holland, l'ambassadeur américain Gouverneur Morris; Talleyrand, et plus tard Napoléon, tous étaient persuadés qu'il avait été l'amant de la reine.
La troisième hypothèse, adoptée par quelques historiens, celle d'amants restreints, se permettant des privautés sans aller jusqu'à l'acte complet afin d'éviter une maternité, est également possible. A la vérité, Marie-Antoinette et Axel semblent avoir emporté leur secret avec eux...

Ce qui me gêne un peu ici, c'est qu'il ne conçoit pas l'idée d'un refus moral de la reine (elle n'est pas sensuelle, lui seul n'ose pas la toucher, la crainte des grossesses etc...).
Bref.

Pour autant, tu le sais, je ne partage pas non plus la vision absolument sanctifiée des frères Goncourt qui, quant à eux, refusent absolument la moindre possibilité d'une liaison entre Marie-Antoinette et Fersen.

Aussi, au gré de mes lectures, et encore bien plus que les historiens puisque ma liberté d'amateur me permet cette heureuse glissade   , je ne fais qu'interpréter et imaginer.
Et pour tout te dire, si je penche vers une forme de liaison amoureuse avec Fersen, c'est que honnêtement et tout simplement...je lui souhaite !!

La question du "ont-ils eu des relations sexuelles" découle clairement des fantasmes des uns et des autres, qui soulèvent cette question tout en sachant que la réponse ne pourra pas être apportée.
Avec une soi-disante motivation historique et professionnelle, on en vient à des ragots qui font parler de soi et limite qui nous font vivre, mais qui ne changent pas l'essentiel de l'Histoire justement, à savoir ceci : que Marie-Antoinette ait eu ou non des relations avec Fersen ne change strictement rien, concrètement parlant bien sûr...moi je lui souhaite d'avoir été la plus heureuse possible, et je ne suis pas sûr non plus qu'avoir un amant en douce aurait pu la rendre beaucoup plus heureuse, dans le sens où si relations il y a eu, elles ont été plus que rares sur une durée de 23 ans, et bien dérisoires par rapport à d'autres vrais bonheurs comme la naissance de ses enfants.

Merci pour cet extrait !  

En effet, l'avis de Petitfils reste mesuré. Même si je ne suis pas d'accord avec son postulat de départ !  

Citation :

Oui, l'élégant suédois a vraiment été le grand amour de sa vie

Et pourquoi ça ? Parce qu'il était élégant ?  

Pourquoi ne pas envisager l'hypothèse d'une amitié profonde et sincère ? Bien sûr, à le voir si beau, à la voir si frustrée, les contemporains n'auraient pas manqué de transformer ce sentiment en passion ravageuse !  

C'est ce qui peut expliquer que tant de people, à l'époque, considéraient Fersen comme l'amant de la reine. Une bête affaire de people, quoi... amplifiée par les médias de l'époque...  

Alors... qu'ils aient consommé ou non, tu sais...   Je suis la démonstration des Girault de Coursac, parce qu'elle me semble la plus étayée et la plus raisonnable.

Et, quant aux sentiments, aux émotions, aux sensations, l'essentiel, quoi...   ... je ne pense pas qu'un petit coup à la sauvette ait jamais comblé une femme. Mais ce n'est que mon opinion, bien sûr...

Nous avions laissé Fersen en 1790. Déjà le général de Bouillé et son fils étudient les possibilités de fuite pour la famille royale (p. 162). Fersen sera chargé de la sortie des Tuileries, qu'il connaît bien. Mais l'entreprise nécessite des contacts plus larges, et c'est lui encore qui recrute des agents absolument sûrs (p. 165), rédige et transmet d'interminables rapports à son roi, rassemble les fonds, surveille l'exécution des préparatifs...

Comme le relève Alma Söderhjelm, le secret était difficile à garder : Gustave était très bavard, Provence et Artois sacrifiaient volontiers le salut du roi et de la reine à la satisfaction de leur propre vanité, sans parler de la grande famille des émigrés où tout circulait. Ainsi, nous apprenons en p. 168 que Breteuil est prié par Fersen de recommander à Bombelles la plus grande prudence, Bombelles qui a été mis dans la confidence en raison de l'amitié entre sa femme et Elisabeth !

C'est clair que, si on compte les potes des potes des potes, ça commence à faire nombre...  :s:

Les continuels retards rendent Fersen fou. De plus, depuis le début, il doute de la capacité de Bouillé à prendre en charge sa partie. Il craint de le voir mettre en mouvement un appareil trop considérable qui éveillerait des soupçons et attirerait l'attention générale. La suite prouvera hélas qu'il avait raison...  

Fersen emprunte 300 000 livres aux dames Stegleman et von Korff, 300 000 à Madame Sullivan et 3 000 à son concierge Louvet. Son livre de dépense montre que, dans les années qui suivirent, il paya les intérêts de ces emprunts.

Voici une relique émouvante, une facture d'accessoires de voyage livrés pour la fuite :



Outre les indiscrétions diverses (toute l'Europe était au courant, selon Madame Söderhjelm), la décision qu'a prise Louis XVI de se passer de Fersen à partir de Bondy pèsera aussi dans l'échec.

Mais lisons plutôt le récit de Fersen :

L. 20 (Le début manque)... remarque et demanda ce qu'il vouloit faire les deux me dirent qu'il n'y avoit pas a hesiter et qu'il falloit toujours aller nous convimnes de l'heure etc. etc. que s'ils etoient arretes il falloit aller a Brux : et faire agir pour eux etc. etc. en me quittant le Roi me dit mr de F. quoi qu'il puisse m'arriver je n'oublierai tout ce que vous faittes pour moi. La Reine pleura beaucoup a 6h : je la quittai elle alla avec les enfants a la prom. ; pour precautions extraord: je rentrai ches moi finir mes affaires à 7 h. ches Sullivan voir si on y avoit mené la voit[ure] rentré ches moi a 8 h. j'ecrivis a la :Reine pour changer le rendez vous des femmes de chambre et les bien instruire pour me faire dire l'heure exacte par les gardes du C... porté la lettre point de mouvement a 8 3/4 les gardes me joignirent ils me donnerent la lettre pr Mercy les intruisa rentré faire partir ma chaise leur (les Craufurd) donner mon cocher et mes chev: pour partir allé prendre la voiture, cru avoir perdu la lettre pour Mercy:a 10 1/4 h : dans la Cour des princes a 11 1/4 les enfants sortis emmenés sans difficulté. La Fayette passé deux fois, a 11 1/4 Me Elisabeth, puis le Roi puis la Reine a 12 h partis joint la voiture Barriere St Martin a 1 1/2 h : a Bondi pris la poste, moi la traverse a 3 h au Bourget et parti.
Le 21. beau tout alloit bien retardé dans la traverse entre Maretz et Cateau, le commandant de milice demanda mon nom j'eus pèur au Cateau installation d'Ev : passé le Quesnoy par St Vast.

Quelques remarques en passant : Fersen dit "la Reine" pour parler de Marie Antoinette, nulle abréviation tendre, nulle effusion. Il utilise très peu de ponctuations, c'est presque de la scriptio continua !  :clown:

Madame Söderhjelm rappelle que tous les fidèles avaient quitté Paris à peu près simultanément. Quelle discrétion, bon sang ! On s'étonne que ça ait foiré ! A la frontière, on préparait un accueil solennel. Voilà qui cadre avec l'habit de sacre emporté et les trousseaux exigés par Marie Antoinette... mais qui augure mal de la discrétion, une fois de plus.

Fersen ne se tient plus de joie :

Le 22. beau fait tres froid la nuit arrivé a Mons a 6 h : Sullivan, Balbi, Monsieur, beaucoup de francois fort contents un moine dans la rue me demande si le Roi etoit sauvé parti a 11 h : plaine jusqu'a Namur, puis montagnes les Ardennes les forêts depuis March : tout le monde content que le Roi fut sauvé.

On peut le comprendre, il a perso réussi sa partie, considérée comme la plus délicate. Comment pourrait-il s'imaginer que tout a capoté plus loin ?

Pourtant, il n'y a guère plus de sentiments dans son journal lorsqu'il apprend la nouvelle :

Le 23. beau fait froid arrivé à Arlon a 11 h : du soir trouvé Bouillé scu que le Roi etoit pris on ne savoit trop bien les details les detachements pas fait leur devoir le Roi manqué de fermeté et de tete, reposé la.

C'est auprès de son père qu'il s'épanche dans une lettre bien connue  :

Tout est perdu, mon cher père, et je suis au désespoir... jugez de ma douleur et plaignez-moi... je n'ai que le temps de vous assurez de mon respect et de mon amour...

Etrange... le 13 mai 91, Fersen avait pourtant écrit à Taube :

Je n'ai rien dit à notre vieux sur nos affaires et lui ai seulement annoncé que je ne rentrerai pas cet été, croyant que je leur serai de quelque utilité.

Alma Söderhjelm revient d'ailleurs à plusieurs reprises sur la discrétion de Fersen, qui n'avait pas averti son père.   Alors, ou le comte a changé d'avis entre-temps, ou la lettre pathétique qu'il envoie au sénateur peut être lue sans présupposer qu'il était au courant.

L'auteur ne commente pas cette contradiction, et ne donne pas la lettre en entier.

pimprenelle a écrit:

Voilà qui cadre avec l'habit de sacre emporté et les trousseaux exigés par Marie Antoinette...

Je présume qu'il avait été retouché cet habit...parce qu'en dix-sept ans Louis avait quand même pris quelqu'embonpoint...

Bien à vous.

Fersen consigne encore dans son journal des notes dont nous avons déjà discuté sur ce forum.
https://maria-antonia.forumactif.com/t144p120-hans-axel-von-fersen

Il écrit aussi à Sophie :

Ma chere ma bonne ma sensible et bien tendre amie, voici le premier moment de tranquilité que j'ai pu vous donner et mon cœur en a bien besoin; le votre doit sentir tout ce que le mien eprouve de dechirement et je sens en ce moment plus que jamais le besoin d'avoir des amis. Cependant je ne perdrai pas courage et je suis decidé a me sacrifier pour eux et a les servir tant quil y aura encore quelque espoir, c'est cette idee seule qui me soutient, et qui me fait supporter patiemmeut tous mes chagrins. Je resterai ici encore sept a 8 jours j'irai ensuite a Aix la Chapelle et de la a Vienne mais ne parlés pas encore de ce dernier voyage, car je n'en dis rien a mon Pere. Adieu ma bien bonne et chere amie aimés moi toujours et croyés que jamais je ne cesserai de vous aimer.

On constatera au passage la différence de ton entre cette lettre et celles de 1790, où Madame Söderhjelm croyait pouvoir identifier "l'amie" de Fersen avec la Reine de France. Or, quand Fersen fait indubitablement allusion à la Reine de France, c'est avec une déférence certaine, même lorsqu'il s'adresse à sa chère Sophie avec qui il partage tout...