Madame Adélaïde

"Pendant ce temps-là, les Français marchaient sur Capoue et personne ne regrettait d'avoir quitté Caserte. Le comte de Chastellux , chevalier d'honneur de Madame Victoire, homme énergique et courageux, dont l'assistance fut si précieuse aux transfuges, songea alors à demander secours aux flottes alliées de l'Angleterre et de la Russie, qui croisaient dans les eaux de Naples et de Corfou.

L'Espagne et la Prusse s'étaient retirées de la coalition contre la France ; mais l'Autriche avait repris la lutte , en cette dernière année du XVIIIe siècle, avec l'aide des Bourbons de Naples, de la Russie, de la Turquie et de l'Angleterre ; et l'espoir renaissait dans le camp des ennemis de la révolution."

Voilà deux malheureuses princesses, témoins d'une époque révolue, à demander gîte, couvert et protection à des puissances étrangères qui doivent elles-mêmes faire face au danger de la jeune république française. Et on se les renvoie comme deux colis bien encombrants!

Pourquoi donc les comtes de Provence (heu, pardon, Louis XVIII) et d'Artois ne les ont-ils pas récupérées dans une expédition de secours quitte à risquer leur propre vie ? C'est la moindre des choses pour leurs tantes! Les jeunes ducs d'Angoulême et de Berry à la rescousse de leurs vieilles tantes auraient redoré le blason de la famille !
Quoique leur situation n'était guère mieux!
Mais n'a-t-on pas des lettres des autres membres de la famille royale, déplorant la situation de leurs tantes ? Madame Royale devait sûrement s'en inquiéter!

Je n'ai rien lu à ce sujet là, mais il est vrai que la famille royale ne semblait pas trop se préoccuper du sort des filles de Louis XV...peut-être aussi qu'elles n'ont jamais rien demandé

M'enfin, ces émigrés qui se targuaient de chevalerie et des valeurs de la noblesse!!!
On ne laisse pas des princesses d'un certain âge dans une telle situation !

Oui mais on ne peut pas dire que Provence ait été un exemple de chevalerie, malgré ses origines

Ah non c'est sûr!
Mais le comte d'Artois et ses fils!!! Le duc d'Enghien! Plus tous les autres autour. Le pauvre Chastellux a fait de son mieux, malheureusement tout seul.

Et oui...chacun n'a pensé qu'à lui...

Exemple de famille non unie dans le malheur!

Exact

Absolument quoiqu'il ne faut pas voir tout noir pour Provence. En effet, il a réglé les dettes de Mesdames à la restauration.C'est bien le moins qu'il pouvait faire ...

Quand on est roi, c'est de suite plus facile de régler les dettes de son entourage.
Mais je ne le critique pas trop non plus, de par son caractère et son obésité handicapante, il aurait été difficile pour lui de jouer au héros chevaleresque auprès de ses tantes.

Vous avez raison , je vois mal Provence jouer au chevalier Bayard. Ceci dit, j'aurais plus vu Artois dans le rôle !
Quant aux souverains de Naples, ils se sont conduits comme des muffles envers Mesdames Tantes. Je trouve leur conduite inqualifiable. Ils auraient pu s'enfuir avec elles. Ils les savaient âgées et malades...
Car combien de fois ont-elles fait cette route dans un sens et dans l'autre ! En plein hiver et à l'article de la mort pour Madame Victoire...
C'est honteux ! Ce qui me fait dire qu'on a joué avec elles comme des balles de ping pong. En définitive , personne ne voulait de ces princesses. Osons dire le mot , elles " encombraient ! "

Dès le départ , elles auraient dû migrer pour un autre continent . Là , elles auraient été rattrapées moins vite par la révolution....
Mais je crois qu'elles n'ont pas pensé à la " contagion" révolutionnaire. Elles se pensaient bien tranquilles et bien à l'abri en Italie...D'où par après la fuite éperdue, la peur, l'angoisse....

Madame de Chimay a écrit:

C'est honteux ! Ce qui me fait dire qu'on a joué avec elles comme des balles de ping pong. En définitive , personne ne voulait de ces princesses. Osons dire le mot , elles " encombraient ! "

Cela dit ça a aussi été le cas pour Louis XVIII, Artois et la duchesse d'Angoulême, qui ont dû à plusieurs reprise changer de lieux de résidences à travers l'Europe après avoir été "chassé" par leurs hôtes

Oui mais ils auraient pu récupérer au passage leurs vieilles tantes ! C'est quoi cette mentalité du "chacun pour soi" dans une famille aussi chrétienne ?
Peut-être aussi que la situation des deux frères de Louis XVI était déjà difficile financièrement et qu'ils ne voulaient pas s'encombrer d'une autre suite encore nombreuse.

Je vois vraiment très mal Mesdames de France embarquer pour les Amériques!
Elles étaient beaucoup trop âgées et issues d'un milieu trop particulier pour qu'elles partent ainsi à l'aventure. Louis-Philippe le fera mais il est d'une autre génération, ayant vécu dans un contexte tout à fait différent.

J'espère que madame de Sabran dans sa collection de lettres d'émigrés nous démontrera que le comte d'Artois se désolait quotidiennement du sort de ses tantes et qu'il souhaitait vraiment les secourir!

C'est vrai aussi que Ferdinand et Marie-Caroline n'ont pas très bien agi à leur égard. Mais après je veux bien admettre qu'étant donnée la gravité de la situation et dans l'urgence, ils n'avaient pas le choix.
N'oublions pas que durant la Fronde, lors de la fameuse nuit où la famille royale et Mazarin ont fui discrètement vers Saint-Germain-en-Laye, on y avait laissé au Louvre la pauvre Henriette-Marie, veuve de Charles Ier et sa dernière fille, la future épouse de Monsieur. Ce n'était pas très sympa non plus. Surtout quand on fuit une révolution et que ceux qui vous accueillent en vivent une aussi!

En fait leur décès a dû arranger tout le monde. C'est horrible!

Oui la pseudo cour de Louis XVIII et Artois en exil ne roulait pas sur l'or c'est exact. Ils étaient obligés d'économiser et de surveiller leurs dépenses

olivia a écrit:

Oui mais ils auraient pu récupérer au passage leurs vieilles tantes !

Les deux ont laissé aux mains des armées républicaines françaises leurs femmes, à Turin, alors leurs vieilles tantes...

C'est ce que j'allais écrire.

Je ne comprends pas qu'elles n'aient pas eu l'idée de se rendre dans le Saint-Empire dès le début .

Elles ont fui la France pour leur foi et il était donc logique qu'elles se réfugient à Rome. Puis, une fois cette ville envahie, il ne leur restait que Naples, elles ne pouvaient pas repartir vers le nord, sinon elles prenaient le risque de croiser l'armée française. Et à Naples, les voilà coincées pour de bon, à moins de prendre un bateau.

Madame Sophie a écrit:

Je ne comprends pas qu'elles n'aient pas eu l'idée de se rendre dans le Saint-Empire dès le début .

Peu d'émigrés ont choisi l'Espagne au début de l'émigration.
La réputation de ce pays n'était pas des meilleures : une cour moribonde et totalement désolidarisée des difficultés de celle de France, des moeurs austères, mais aussi la volonté espagnole d'accueillir le moins de monde possible ! Avec notamment une loi, en date de 91, qui obligeait tout résident étranger à prêter serment de fidélité au souverain espagnol sans pour autant, bien entendu, conférer aucunement la nationalité espagnole.
Le français n'est pas le bienvenu !

Mais surtout, comme le souligne Olivia, le motif religieux favorise le choix des princesses.

Enfin, elles ne pouvaient alors se douter des futurs débordements de la révolution à toute l'Europe.

J'ai un léger doute. C'est la soeur d'Isabelle de Parme, épouse de Joseph II et donc fille d'Elisabeth de France ?
Oui, j'ai eu confirmation par Wiki!


Drôle de coiffure!

Madame Sophie a écrit:

On ne peut pas dire que la reine Maria-Luisa était austère.

J'évoquais les moeurs en général, et la vie de la haute société.

Madame Sophie a écrit:

Pour en revenir à Mesdames quand j'évoquais le Saint-Empire , je pensais à Vienne : elles y auraient été plus tranquilles .

Oups. Oui, désolé...le Saint-Empire.
Bof...comme francophobe, la cour de Vienne n'était pas en reste (et vice-versa).

Madame Sophie a écrit:

Il est vrai que s'enfoncer dans la botte italienne les a finalement conduit dans un cul-de-sac

Bahh. Avec toutes les guerres menées par les armées françaises, c'est presque toute l'Europe qui deviendra un cul-de-sac à un moment ou un autre.

Même la Russie est devenu un cul-de-sac, c'est pour dire!

"Chastellux écrivit à l'amiral Nelson , le vainqueur d'Aboukir , et à l'amiral Outchakoff, l'allié russe des Autrichiens , dont la flotte occupait Corfou. a ce dernier , il manda : " Je ne doute pas que M. L'amiral ne juge digne de la gloire de l'empereur ( le tsar Paul Ier ), son maître de préserver Mesdames , tantes du roi de FRance , ami et allié de S.M. Sicilienne , de la rage des ennemis de leur maison...
L'amiral russe répondit qu'il désignait le contre-amiral Pustokin pour se rendre à Brindisi au secours des princesses ; et Chastellux ordonna le départ de Foggia.

Le 15 janvier , Mesdames couchaient à Cerignola , le 16 à Trani; puis on se dirige vers Bari.
L'agitation révolutionnaire , encouragée par les victoires françaises , grandissait dans le sud de l'Italie. Championnet , entré à Naples en vainqueur, la république parthénopéenne a été proclamée malgré l'opposition du petit peuple demeuré fidèle à son roi .
A Bari , les Jacobins arborent des cocardes tricolores . On craint une émeute, il faut partir ! M. de Chastellux a découvert dans le port un " trabaccolo", sorte de barque pontée servant à transporter les huiles de la Pouille à Trieste.

Le 5 février , Mesdames et leur suite , comprenant 60 personnes et les bagages , s'entassent dans cette affreuse embarcation " préférant se confier aux flots plutôt qu'aux républicains". Seules Adélaïde et Victoire jouissaient d'une cabine avec deux lits de camp ; leurs dames d'honneur couchaient par terre sur un matelas."Nous nous trouvions , écrira plus tard la comtesse Louis de Narbonne , 14 femmes et enfants couverts de vermine avec notre pauvre moribonde ( Victoire ) qui ne pouvait , malgré tout son courage , dissimuler à sa malheureuse soeur les angoisses de son agonie. Cet espace fort restreint était destiné à boire , manger , dormir et qui pis est , à payer son tribut à la nature , tourmentée par une mer sans cesse démontée..."