La Comtesse Jeanne du Barry

Je lis une excellente biographie sur la favorite de la main de Gérard Doscot.

J'apprends que Mme du Barry avait une relation bien connue à la Cour (et très probablement tolérée par le Roi) avec le Duc d'Aiguillon.

Également à propos de la fameuse phrase proférée dans l'intimité des petits appartement il dit ceci:

"C'est derrière une de ces portes de cet appartement qu'un indiscret entendit un jour, paraît-il, la phrase devenue fameuse, grâce à la légende, symbole du langage de Mme du Barry: "Eh! La France ton café fout le camp." L'intention a été déformée, on a voulu y voir quelque allusion politique à la perte de la Louisiane, ce qui serait invraisemblable, Jeanne n'ayant guère eu souci, probablement, de la question des colonies. Il serait plus aimable de croire, à la rigueur, à une plaisanterie entre deux amants, oublieux de leur personnage officiel. Louis, aimant préparer lui-même son café dans l'intimité. Malheureusement, un détail peu connu réduit cette interprétation à néant: c'est que Jeanne avait à son service un domestique nommé La France, nom d'origine répandu alors comme ceux de Comtois, Picard, autres valets de petits appartements. Le fait est assuré par le relevé des dépenses de la maison de Mme du Barry. Par ailleurs ce tutoiement est choquant: même dans la correspondance personnelle et intime de Jeanne et son amant, on n'en trouve aucun exemple, et il est probable que, même très amoureux, Louis XV n'eût pas apprécié cette familiarité."

Une dernière chose....dans une gravure de Moreau le Jeune d'une belle fête à Louveciennes, à laquelle assistait le Roi, et qui figure dans ce livre (également posté par le Comte je crois après sa récente visite du Pavillon de la Musique) je remarque les deux torchères en figure de femmes au fond de la salle, une de chaque côté dans une alcôve, et je crois reconnaître celles qui sont exposées au Met, dont j'avais mis les photos en ligne ici.

Effectivement Baron j'avais déjà entendu parler de ce fameux domestique.
Maintenant je ne sais s'il a réellement existé. Peut-être trouvera-t-on sa trace un jour dans le service de Mme du Barry?

L'auteur invite à réfléchir sur la conduite peu glorieuse d'un Louis XV mourant en envoyant son amie et confidente à l'Abbaye Pont-aux-Dames:

"mais le fait est évident: cet acte est du 9 mai et a été dicté par Louis XV. En voici le texte bref: "Le Sieur comte du Barry sera conduit au Château de Vincennes et la dame comtesse du Barry à l'abbaye Pont-aux-Dames"......on se perd en suppositions sur la conduite du Roi envers celle qui avait été sa maîtresse, son amie, le suprême attachement de sa vieillesse.....nulle prison ne pouvait être plus sévère; et Louis XVI, tout le monde le savait, ne serait pas un tryan assoiffé de vengeance. L'Abbaye de Pont-aux-dames n'était pas seulement un couvent mais une véritable maison d'arrêt pour prévenues de droit commun."

Citation :

Maintenant je ne sais s'il a réellement existé. Peut etre trouvera-t-on sa trace un jour dans le service de Mme du Barry?  

L'auteur cite le registre des dépenses de la Favorite comme source documentée.

Il est vrai quelque part que la Reine a peut-être eu la monnaie de sa pièce, plus tard dans sa vie, de s'être réjouie autant du malheur de la belle Mme du Barry. Comme si souvent dans la vie, les choses se retournent contre celui qui triomphe....

"La jeune reine se réjouissait de sa victoire. Avec une férocité d'enfant dont elle fut punie plus tard elle écrivit triomphalement à sa mère: "La créature est au couvent, et tout ce qui porte le nom de scandale est chassé de la Cour!" ce qui lui valut en retour une jolie leçon de MT: 'J'espère qu'il ne sera plus question de la malheureuse du Barry.....n'entendre plus son nom qu'en apprenant que le Roi l'a traitée avec générosité...adoucissant, autant que cela convient, et l'humanité l'exige, son sort."

baron de batz a écrit:

L'auteur invite à réfléchir sur la conduite peu glorieuse d'un Louis XV mourant en envoyant son amie et confidente à l'Abbaye Pont-aux-Dames:

"mais le fait est évident: cet acte est du 9 mai et a été dicté par Louis XV. En voici le texte bref: "Le Sieur comte du Barry sera conduit au Château de Vincennes et la dame comtesse du Barry à l'abbaye Pont-aux-Dames"......on se perd en suppositions sur la conduite du Roi envers celle qui avait été sa maîtresse, son amie, le suprême attachement de sa vieillesse.....nulle prison ne pouvait être plus sévère; et Louis XVI, tout le monde le savait, ne serait pas un tryan assoiffé de vengeance. L'Abbaye de Pont-aux-dames n'était pas seulement un couvent mais une véritable maison d'arrêt pour prévenues de droit commun."

Êtes-vous sûr, cher Baron, que l'ordre d'exil à Pont-aux-Dames émanait de Louis XV ???    C'est très étonnant !
Quand Louis XV se sait malade de la petite vérole, il éloigne Jeanne de lui et de Versailles, disant : ...... il est un sacrifice qu'au nom de l'étiquette, ma fille Louise, mes autres enfants et le clergé, ne tarderont pas à exiger de moi . Je me ressouviens de la scène de Metz; il me serait désagréable qu'on la renouvelât à Versailles : prenons d'avance nos précautions . Dites à la duchesse d'Aiguillon qu'elle me fera plaisir d'emmener la comtesse du Barry passer quelques jours à Rueil .

Le mercredi 5 mai, la comtesse quitte Versailles dans la voiture de la duchesse d'Aiguillon dès potron-minet, incognito, dissimulée dans une grande pelisse .
C'est à Rueil que Jeanne apprend la mort de Louis XV , puis reçoit la lettre de cachet :

Madame la comtesse du Barry, et pour des raisons à moi connues, qui tiennent à la tranquillité de mon royaume, et à la nécessité de ne point permettre la divulgation du secret de l'État qui vous a été confié (  ???    ), je vous fais cette lettre pour que vous ayez à vous rendre à Pont-aux-Dames sans retard, seule, avec une femme pour vous servir, et sous la conduite du sieur Hamont, l'un de nos exempts . Cette mesure ne doit pas vous être désagréable, elle aura un terme prochain .
La présente n'étant à d'autres fins, je prie Dieu qu'il vous ait en sa garde, madame la comtesse du Barry .

Louis

Concernant la fameuse phrase, j'ai lu aussi que c'était le domestique qui s'appelait "la France". Pour l'ordre d'exil , je suis comme Éléonore, assez dubitatif, car celle-ci quitta Versailles pour Rueil. D'ailleurs; Louis XV ayant un léger mieux; certains courtisans ont fait le trajet jusqu'à Rueil, au cas où le roi se remettrait afin de rester en "grâce". Bien mal leur en a pris car ceux-ci ne remettront pas les pieds de sitôt à la Cour, Marie-Antoinette ne le leur pardonnera jamais.

le comte axel a écrit:

Concernant la fameuse phrase, j'ai lu aussi que c'était le domestique qui s'appelait "la France". Pour l'ordre d'exil , je suis comme Eléonore, assez dubitatif, car celle-ci quitta Versailles pour Rueil. D'ailleurs; Louis XV ayant un léger mieux; certains courtisans ont fait le trajet jusqu'à Rueil, au cas ou le roi se remettrai afin de rester en "grâce". Bien mal leur en a pris car ceux-ci ne remettront pas les pieds de sitôt à la Cour, Marie-Antoinette ne le leurs pardonnera jamais.

En effet !!! Lamothe-Langon le raconte ainsi ( Mémoires de la comtesse du Barry ) :

" Je suis rappelée . Nos ennemis crèveront de dépit; le Roi est hors de danger, et lundi prochain, je coucherai à Versailles . " ( ... ) Il y eut le lendemain à Rueil une affluence extraordinaire . Je crois que les courtisans sortaient de dessous terre pour venir m'adorer .

Je vois que nous avons les mêmes références

La lettre de cachet me paraît digne d'être analysée (un régal ! merci de me la faire découvrir! ) .
Je reprends ton message chère Eléonore :

Madame la comtesse du Barry, et pour des raisons à moi connues, qui tiennent à la tranquillité de mon royaume, et à la nécessité de ne point permettre la divulgation du secret de l'État qui vous a été confié, je vous fais cette lettre pour que vous ayez à vous rendre à Pont-aux-Dames sans retard, seule, avec une femme pour vous servir, et sous la conduite du sieur Hamont, l'un de nos exempts . Cette mesure ne doit pas vous être désagréable, elle aura un terme prochain .
La présente n'étant à d'autres fins, je prie Dieu qu'il vous ait en sa garde, madame la comtesse du Barry .

Louis

Ça a le mérite d'être clair et concis (normal venant de Louis XVI) : pas de tendres sentiments mais pas non plus de ressentiment viscéral.

Il apparaît à vos derniers messages que Louis XV ne serait pas innocent dans cette mesure, or cet écrit pourrait presque le confirmer. Louis XVI sait la Comtesse détentrice d'un lourd secret d'Etat (lequel ? on ne le saura probablement jamais car bien conservé semble-t-il). De qui d'autre que son grand-père le nouveau roi l'aurait appris ? Peut-être pas dans les jours précédents sa mort puisque porte fermée mais par papier remis par un confident ou par ordre d'avant sa mort, du genre : "Si je meurs tôt, faites-ci et ça en priorité."Ou bien toute la famille royale était au courant, ainsi que "la marâtre".

Il ne serait pas étonnant, bien qu'éloignée le plus possible de la politique, que la favorite royale ait été au courant de détails qui ne devaient regarder que les souverains. Louis XVI aurait pu très bien recevoir la demande expresse de son grand-père d'envoyer sa favorite dans un lieu où elle serait tenue au secret. Ce n'est certes pas romantique de la part de Louis XV mourant, mais le sujet était peut-être très grave : qui tiennent à la tranquillité de mon royaume. C'était peut-être même dans l'idée de l'en protéger.
Je ne crois pas que la simple vue des amours licencieuses de l'aïeul soit une raison suffisante pour le vertueux Louis XVI. Sinon, il aurait pu renvoyer toute la joyeuse mais grabataire troupe libertine qui entourait le feu roi et qu'il gardera près de lui (le duc de Richelieu pour le plus célèbre).
Si en plus, elle affichait une liaison avec le propre ministre des Affaires étrangères, au sus de toute la cour et même de Louis XV, comment n'aurait-elle pu savoir quelques informations brûlantes ? Ou bien laisser échapper des détails que Louis XV ne voulait pas qu'ils reviennent à son ministre. N'oublions pas le Secret du Roi. Les oreillers communs poussent aux confidences.
Louis XVI ne dit rien quant à sa conduite qu'il aurait pu trouver scandaleuse et qu'il serait en mesure aujourd'hui de sanctionner. Non, c'est seulement pour la sécurité de l'Etat. Or dès que possible, il l'en libère lui promet-il.

Dès que l'affaire fut réglée ou quand il eut la preuve que Madame du Barry resterait discrète (elle aurait pu très bien faire chanter la famille royale si elle savait quelque chose de vraiment grave) : elle fut libérée. Combien de temps resta-t-elle aux Pont-aux-Dames ? Environ un an ? Elle eut droit ensuite à retourner à Louveciennes et à un train de vie assez conséquent. Preuve que Louis XVI n'avait rien contre elle, au contraire. Et elle prouvera largement sa fidélité à la famille royale.

J'ai un peu de mal avec cette histoire de "secret d'état" qu'aurait détenu Mme du BARRY... Grand admirateur de LOUIS XV, j'ai lu beaucoup de biographies sérieuses à son propos et il semble qu'il n'était pas du genre à se confier sur les grandes affaires, même avec ses favorites. "Un homme impénétrable" dira d'ARGENSON. La création du fameux "secret" montre bien le caractère de LOUIS XV, secret et discret, plutôt replié sur lui-même.
Il ne demandait à Mme du BARRY qu'une chose (comme à toutes ses favorites) : l'amuser, le distraire, le soutenir dans les mauvaises passes, être là au bon moment... Sincèrement, je ne pense pas qu'il lui ait confié grand-chose... A mon avis, il faisait bien la différence entre les affaires du Royaume et sa vie privée.

Je ne crois pas non plus à ce prétendu secret d'État . Jeanne, du reste, aurait tout aussi bien pu le divulguer de Pont-aux-Dames, n'est-ce pas ?
Elle y recevait beaucoup de visites, parfois de gens encore en place .
Non, je pense plutôt que Louis XVI a formulé là un prétexte, disons, convenable .

Qui sait ? Parfois dans le feu de l'action et sur l'oreiller , on peut laisser échapper quelque chose. Certes, Louis XV était secret mais bon ...

Certes, je pense que dans le feu de l'action et sur l'oreiller, LOUIS XV a pu laisser échapper quelque chose... Mais pas forcément un secret... (Je sais, c'est un peu graveleux, pardon, j'ai pas pu résister...J'espère ne pas vous avoir offensé...)

Voici un nouveau livre sur Madame Du Barry

Madame du Barry de
Jeanine Huas
Tallandier (27 janvier 2011) , 340 p : 20,90 euros

Résumé Amazone

"L'origine modeste de la comtesse du Barry et l'amour profond que lui portait Louis XV ont rapidement provoqué l'hostilité d'une partie de la Cour, si bien que Jeanne du Barry eut longtemps mauvaise réputation. Rien ne prédestinait Jeanne Bécu, certes fort jolie mais fille d'une domestique, à une ascension aussi soudaine qu'incroyable. Présentée au roi, elle le séduit et devient sa dernière favorite. Mais, à Versailles, ses ennemis, la dauphine Marie-Antoinette et Choiseul la jugent frivole et intrigante. Or, intelligente et femme de goût, elle parvient à imposer son influence et son style. Jeanne doit pourtant quitter la Cour à la mort du roi. Et, quelques années plus tard, c'est sur l'échafaud que s'achève sa vie tumultueuse. Nombre de grands seigneurs et leurs commensaux l'ont vilipendée par écrit, mêlant le vrai et le faux avec tant d'habileté que bien des historiens s'y sont laissé prendre. Avec l'aide de documents non encore exploités, Jeanine Huas a fait justice de ces inexactitudes et montré le vrai visage de Mme du Barry : celui d'une femme au destin exceptionnel, généreuse et véritablement indépendante. "

Louis XVI parle tout de même d'un secret relevant de la tranquillité de l'État. Il était du genre à peser ses mots.

Je pense aussi que Louis XV choisissait des maîtresses qui savaient tenir leurs langues ...

Une maîtresse qui aurait divulgué ses secrets sur la place publique était assurément exclue du lit du roi . Donc en la matière , la discrétion s'imposait ...

Citation :

Je ne crois pas non plus à ce prétendu secret d'État .   Jeanne, du reste, aurait tout aussi bien pu le divulguer de Pont-aux-Dames, n'est-ce pas ?
Elle y recevait beaucoup de visites, parfois de gens encore en place .
Non, je pense plutôt que Louis XVI a formulé là un prétexte, disons, convenable .

Comme secret d'état, il y a celui du "masque de fer". Transmis par Louis XIV au Régent puis à Louis XV et enfin Louis XVI. J'avais lu cela récemment dans la biographie du Régent de Philippe Erlanger.

Palpitant !

En voilà un qui me titille l'imagination !!!!

si le sujet du masque de fer vous intéresse: http://www.dpstream.net/serie-1659-aj.html#js1659-,-2-,-04 [FR]

Merci, Mademoiselle !

Voici exposé à Marly la condamnation à mort de Madame du Barry. "Minutes du greffe du tribunal révolutionnaire du 7 décembre 1793 (17 frimaire an II)

Un document bien poignant...