Les pamphlets contre la reine

Plusieurs auteurs ont étudié la littérature pamphlétaire qui s'est acharnée pendant des années à transformer en harpie l'image de Marie Antoinette.

Citons :



L'historienne ne présente pas une biographie de Marie Antoinette, mais étudie, à partir des innombrables pamphlets, un mythe, celui de la "reine scélérate", de l'"architigresse d'Autriche", créé par les courants misogynes et xénophobes qui transformèrent une jeune princesse en une prostituée, une nymphomane et un monstre.




Jeune, belle, enjouée, l'archiduchesse Marie-Antoinette de Lorraine-Habsbourg fut accueillie à la cour de France comme un rayon de soleil. Mais l'idylle ne dura pas et la légende noire de Marie-Antoinette se construisit au fil d'une impressionnante propagande, violente et souvent obscène. En 1790, Marie-Antoinette confie à son frère l'empereur Léopold qu'elle a perdu la guerre d'opinion qui lui est faite. Royalistes puis révolutionnaires auront tour à tour joué la calomnie pour briser la dernière reine de France. Au plus fort de ce drame français dont elle est un des épicentres, le crime d'inceste au coeur de son procès n'étonnera guère : l'opinion publique est sûre de sa culpabilité.

Il est possible de trouver certains de ces pamphets sur la toile, sur Gallica notamment. Mais d'autres sites en donnent également le texte, ou, parfois, la photo. Voici un exemple de ces feuilles à succès :



Ce rare pamphlet est attribué, à François-Marie Mayeur, dit de Saint-Paul, acteur et auteur dramatique français. En 1789, il émigre vers les Etats-Unis d'Amérique pour fuir ses créanciers, et pour se soustraire aux ressentiments soulevés par la publication de libelles qu'on lui attribuait. Il rentre en France en 1795. Il meurt le 18 décembre 1818.

Les personnages de cet "Opéra proverbe" sont : Louis XVI, la Reine, le comte d'Artois, la Duchesse de Polignac et les gardes du corps. La scène se passe dans les petits appartements.

Ces différentes études pamphlétaires sont de véritables bijoux pour comprendre un peu mieux ce grand et puissant mécanisme de propagande et de diffamation contre la Reine avant, pendant et après la révolution.
Non seulement on a droit, avec les références que tu cites Pim, à une étude de fond et de forme de tous ces pamphlets, chansons, et caricatures, mais on a aussi droit à une étude sur leur évolution au cours des années, car il est bon de rappeler que les pamphlets contre Marie-Antoinette ont commencé dès son arrivée en France, à Versailles même, bien avant de voir venir les pamphlets, plus connus et à connotation un peu différente, de la révolution, qui ont eux attaqué en plus de l'Autrichienne, la mère et la femme :s:

Annie Duprat est spécialiste des pamphets et caricatures depuis longtemps.

A partir d'un commentaire minutieux des documents les plus importants, de leurs codes visuels, des liens qu'on observe entre eux, A. Duprat démonte les mécanismes de la calomnie et de la rumeur, passe en revue les multiples registres de la propagande anti-royale: accusations de sacrilège, de dépravation, de bestialité, etc... Elle nous explique comment la "crise de la représentation monarchique" a contribué à la désacralisation du pouvoir, à la formation d'une opinion publique autonome, et, plus directement , à la mise à mort de deux rois, Henri III et Louis XVI.  

Pour lire une excellente analyse de ce livre, cliquez ici.

Une femme belle et artistique, que le peuple accusait d'être dépensière et d'essayer d'influencer le Roi, qui avait plusieurs châteaux à sa disposition, qu'elle se délectait à décorer à son goût....et là je ne parle pas de Marie Antoinette. Tout ceci avec les pamphlets et les chansons injurieuses a commencé bien avant Marie Antoinette, avec un autre couple au sommet, Louis XV et Madame de Pompadour.

Je cite:

"Mais lors des fêtes données dans la capitale à cette occasion (naissance du duc de bourgogne) le public se montra très froid à l'égard du souverain. Cette hostilité affecta beaucoup Mme de Pompadour. Elle voulut se rendre dans la capitale mais on l'en dissuada: elle y était détestée. On la rendait responsable de la misère publique. Et lorsque le dauphin et la dauphine allèrent , à leur tour, à Notre Dame, pour la cérémonie des relevailles, le peuple, qui se pressait sur leur passage, réclamait du pain et lancait des reclamations contre la favorite: "Qu'on renvoie cette putain qui gouverne le royaume et qui le fait périr; si nous la tenions, il n'en resterait bientôt rien pour en faire des reliques!"

Comme un petit air de déjà vu....

En effet Baron, on ne peut pas dire que les auteurs des pamphlets contre Marie-Antoinette ont inventé quelque chose...on en revient toujours aux mêmes idées : au sexisme, à la xénophobie et aux moeurs....

Aux métaphores animales, aussi... vieux fond de commerce, quoi...

Oui exact...enfin en fait tout le grand classique du rabaissement humain, vieux comme les humains

Oui mais mon propos était plutôt que le terrain fertile de la contestation contre Marie Antoinette avait été préparé de longue date. Le peuple couvait déjà des idées de révolution contre le systême bien avant l'arrivée de celle-ci, et je suis de l'avis que n'importe quelle femme aurait subi plus ou moins le même sort. Louis XV y porte une grande responsabilité, même si au début de son règne il était très populaire. Son penchant pour les favorites et sa vie de débauche en fin de vie déstabilisait le royaume plus qu'on ne pense. Le peuple, qui souffrait par ailleurs, ne voyait plus dans son souverain le modèle de résolution et de fermeté qu'il lui fallait, et les disputes avec les parlements étaient déjà bien entamées à cette époque-là, un parlement qui n'hésitait déjà plus à défier son souverain.

Nos propos se rejoignent, cher baron : l'important est que ce grand réservoir à pamphlets était antérieur à Marie Antoinette, avec tout son arsenal de flèches empoisonnées et ses codes bien particuliers.

C'est là une chose dont je suis persuadée : Marie Antoinette n'est en rien responsable des attaques qui ont fusé contre elle. Il s'agissait là de toute un système très élaboré, qui savait parfaitement où tirer. Marie Antoinette n'est responsable que des modalités de ces accusations. Elle était belle et brillante, c'est donc dans l'ultra-féminité que les coups se sont concentrés.

Si Louis XVI avait été un chaud lapin, on aurait stigmatisé la débauche des rois et et de leurs favorites. Il ne l'était pas, on s'est donc rabattu sur sa femme qu'on a imaginée capable de toutes les licences. Son personnage a pris sur lui les slogans traditionnels de la favorite, animal de sexe, d'argent et de politique, hantise par excellence de la femme éminence grise et toute puissante parce que régnant par ses attributs irrésistibles.

Donc, les plumitifs n'ont eu qu'à puiser dans un réservoir existant et à l'adapter au cas de figure en présence, car leur vieux fond de commerce existait bel et bien. Marie Antoinette n'est qu'une victime, que la propagande républicaine s'est échinée, et s'acharne encore trop souvent, à transformer en coupable.

Oui je suis d'accord, le principal but de tous ces pamphlets était de rabaisser une Reine de France pour salir la monarchie...c'est tombé pendant la révolution (donc une période propice pour cela) sur Marie-Antoinette, mais ça aurait pu tomber sur une autre. Après le fond des pamphlets s'adapte à la personne visée avec le même principe que les caricatures.
Et puis il faut aussi ajouter que dans chaque régime politique il y a des opposants dont le but est de ternir la réputation du gouvernement en place...à partir de là les personnes concernées importent peu, seule leur fonction fait qu'ils sont attaqués :s:

Là il s'agissait d'une Reine, avant d'une favorite. L'essentiel c'est que c'est une femme. Une Reine n'a droit qu'à se taire et faire des bébés. On est dans le pays de la loi salique, politiquement misogyne, et, fait intéressant, même les femmes du peuple étaient contre une influence quelconque d'une Femme à la Cour. Seul le Roi comptait et il avait intérêt à ne pas décevoir. L'activisme, l'implication de Mme de Pompadour dans les âpres discussions avec l'Assemblée, dissoute à l'époque par Louis XV, était très mal perçu, mais elle avait la confiance du Roi, et a su gagner le respect de ses interlocuteurs. Et tout ceci, tel est mon propos, est à l'origine des pamphlets qui visent en priorité ce qui fragilise ou ridiculise une femme, à savoir sa sexualité, qu'on dénature, et sa fémininité, qu'on pervertit. Les pamphlets ne sont qu'une expression, qu'un outil d'un mouvement politique déjà bien entamé, semble t-il, en 1749. On peut dire que tout ceci couvait une bonne quarantaine d'années avant d'éclater finalement.

C'est qu'il est bien plus facile de tout mettre sur le dos d'une femme, d'une favorite, que sur le dos d'un Roi. Les attaques machos sont vieilles comme le monde, mais Louis XVI a subi beaucoup de critiques aussi, notamment sur sa soi-disant impuissance
Les femmes proches du gouvernement faisaient une bonne cible.

Mais, oui, Chou, c'est logique. La pseudo impuissance de Louis XVI était corollaire de la surpuissance, de la toute-puissance de sa femme. Les plumitifs et autres maîtres ès caricature ont joué abondamment de cette inversion des rôles.

Ils savaient très bien ce qu'ils faisaient, ils titillaient ce qu'il y a de plus moche dans un peuple : la misogynie et la xénophobie. Car quoi de plus ridicule qu'un homme mené par le bout du nez par sa femme ? L'opprobre à-travers Louis XVI retombait sur la France entière, réduite à rien par une étrangère, et de la pire espèce, encore, une Autrichienne !

Qu'un roi de France collectionne les maîtresses, c'est de bonne guerre, c'est dans la tradition. Sa bonne santé rejaillit sur le peuple entier. Mais qu'un roi s'écrase devant sa femme, ça... C'est le monde à l'envers. Une étrangère, une Autrichienne, qui tient les rènes du royaume de France, voilà une inversion que le pays ne pouvait supporter.

C'est sur ces ressorts fondamentaux que cette immonde propagande s'est bâtie. A ces archétypes diaboliques, elle a ajouté la réduction des personnes royales en animaux. Cette déshumanisation a encore aidé à la distanciation.

Mais, tous ces rouages savants, Marie Antoinette les a fait exploser à son procès. Lorsqu'on l'a accusée de se comporter comme une bête en pratiquant l'inceste, de le faire comme une diablesse, pour des raisons politiques, elle s'est redressée dans toute son humanité. Et les femmes présentes ont reconnu en elle la mère.

Pim a écrit:

Citation :

Mais qu'un roi s'écrase devant sa femme, ça... C'est le monde à l'envers

Ou bien devant sa maîtresse.... ce que pensait tout le monde dans le cas de Louis XV et Mme Poisson. Et il faut dire qu'elle s'approchait parfois du rôle de Premier Ministre, ce qui ne fut jamais le cas avec MA.

Pim a écrit:

elle s'est redressée dans toute son humanité. Et les femmes présentes ont reconnu en elle la mère.

Oui, mais pas pour longtemps.

Citation :

Et il faut dire qu'elle s'approchait parfois du rôle de Premier Ministre, ce qui ne fut jamais le cas avec MA.

Non, dans les faits, nous le savons, Marie Antoinette n'avait aucun pouvoir effectif. Mais le peuple croyait qu'elle en avait, et c'est cela l'important. On n'est pas vraiment ce qu'on fait, mais ce que les gens croient qu'on fait... Malheureusement...

Et puis, Marie Antoinette est devenue conseillère du roi peu avant la révolution, et l'est restée jusqu'au bout.

Je pense que les hommes (et les femmes aussi d'ailleurs, je crois ) ne pouvaient admettre qu'une femme se mêle de politique, ou qu'une femme soit au dessus d'eux dans la hiérarchie. Il y a encore des restes de ce machisme de nos jours, même à plus petite échelle.
Madame de Pompadour passait pour un premier ministre, Marie-Antoinette pour une femme qui dominait le Roi.
Si on rajoute le côté étranger et même Autrichien de Marie-Antoinette, ça n'arrange rien car on peut y rajouter, en plus du machisme, de la xénophobie.
Et que c'est facile de caricaturer ainsi n'importe qui, et surtout Louis XVI et Marie-Antoinette qui se sont beaucoup exposés dès les années 1770, notamment sur leur sexualité.
Mais ces pamphlets étaient classiques au début, la preuve Marie-Antoinette n'y prétait pas vraiment attention...

Chou d'amour a écrit:

Si on rajoute le côté étranger et même Autrichien de Marie-Antoinette, ça n'arrange rien car on peut y rajouter, en plus du machisme, de la xénophobie.

Oui , en effet, mais ceci est étrange car presque toutes les reines avaient été des étrangères depuis des générations! Même Anne de Bretagne fut considerée comme une étrangère!

Les mariages royaux sont un principe même d'alliance avec les forces étrangères, c'est donc presqu'un pléonasme de parler d'une Reine d'origine étrangère .
Marie-Antoinette personnalisait l'alliance franco-autrichienne ...

Bien à vous.

Certes, et la cour s'est d'ailleurs toujours plu à moquer leur particularismes, comme le rappelle Chantal Thomas. Mais, Autrichienne, c'est encore pire. C'est une femme qui vient de l'ennemi séculaire. C'est aussi la fille de ce monstre femelle qui grignote l'Europe par le biais de mariages.

D'après Amazon le livre suivant sortira le 28 janvier 2011 :

"Les pamphlets libertins contre Marie-Antoinette", de Fleischmann Hector

Il sera peut-être intéressant de le comparer avec l'ouvrage de Chantal Thomas

Le nom de cet auteur me dit quelque chose. Je crois que c'est un auteur ancien et que c'est une réédition.
Pimprenelle me dira si je me trompe...

Allez donc à l'Enfer de la B.N.F. ! Vous pourrez vous repaitre de pamphlets jusqu'à la nausée .

Gallica publie en pdf pas mal de pamphlets et oeuvres contre Marie Antoinette. On peut les télécharger, c'est pratique.